Obligation de paiement et responsabilité contractuelle : Analyse des engagements et des défaillances dans le cadre d’un contrat de travaux

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Obligation de paiement et responsabilité contractuelle : Analyse des engagements et des défaillances dans le cadre d’un contrat de travaux

Monsieur [W] [N], artisan menuisier, a établi cinq devis pour des chantiers gérés par la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB) au début de 2020. Il a réalisé des travaux sur le chantier des époux [Y] et a été notifié le 23 mars 2020 de l’interruption des chantiers en raison du confinement lié à la Covid-19. En mai 2020, il a reçu des comptes rendus signalant des défaillances et son éviction du chantier [Y]. Les travaux pour les autres chantiers n’ont pas été réalisés. Après une mise en demeure restée sans réponse, il a saisi le tribunal pour obtenir des paiements pour les travaux et le manque à gagner.

Monsieur [N] demande des sommes spécifiques à la société AAB et aux différents maîtres d’ouvrage, arguant qu’il a été évincé sans préavis et que ses devis avaient été acceptés. La société AAB conteste l’existence d’un lien contractuel, affirmant que son nom sur les comptes rendus était une erreur et qu’aucun devis n’avait été signé. Les autres défendeurs soutiennent également qu’il n’existe aucun contrat entre eux et Monsieur [N], et qu’ils ont engagé d’autres entreprises pour les travaux. Les époux [S] et [D] ainsi que Madame [B] demandent le rejet des demandes de Monsieur [N] et des dommages-intérêts pour procédure abusive.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
21/07722
N° RG 21/07722 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4QX
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

56B

N° RG 21/07722 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4QX

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[W] [N]

C/

S.A.R.L. SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB),
[L] [Y],
[E] [Y],
[F] [B],
[H] [S],
[G] [S],
[U] [D]

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SAS AEQUO AVOCATS
la SCP D’AVOCATS INTER-BARREAUX MAUBARET
la SELARL FREDERIC DUMAS
la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD
la SCP MICHEL PUYBARAUD

N° RG 21/07722 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4QX

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Juin 2024
Délibéré au 19 septembre 2024
Sur rapport de conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDEUR :

Monsieur [W] [N]
né le 25 Mai 1960 à CHARTRES
de nationalité Française
74 Avenue de la Côte d’Argent
33470 LE TEICH

représenté par Maître Frédéric DUMAS de la SELARL FREDERIC DUMAS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DÉFENDEURS :

S.A.R.L. SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB)
4, Boulevard de la Plage
33120 ARCACHON

représentée par Maître Alexendra DECLERCQ de la SAS AEQUO AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG 21/07722 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4QX

Monsieur [L] [Y]
26 Allée Camille JULIAN
33120 ARCACHON

défaillant

Madame [E] [Y]
de nationalité Française
26 Allée Camille JULIAN
33120 ARCACHON

défaillant

Madame [F] [B]
de nationalité Française
80 Avenue de la Chapelle Forestière
33260 LA TESTE DE BUCH

représentée par Maître Clémence LEROY-MAUBARET de la SCP D’AVOCATS INTER-BARREAUX MAUBARET, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Monsieur [H] [S]
25 Avenue des Albatros
33260 LA TESTE-DE-BUCH

représenté par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [G] [S]
de nationalité Française
25 Avenue des Albatros
33260 LA TESTE DE BUCH

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Monsieur [U] [D]
de nationalité Française
117 Boulevard Exelmans
75016 PARIS

représenté par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [W] [N] exerce la profession d’artisan menuisier. Il a est intervenu sur des chantiers coordonnés par la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (ci-après la société AAB).
Au début de l’année 2020, il a établi 5 devis relatifs à 5 chantiers confiés par des particuliers à la société AAB. Ces devis ont été établis en vue de deux chantiers sis à Arcachon (époux [Y] et [I]) et de trois chantiers sis à LA TESTE DE BUSH (monsieur [D], madame [B] et les époux [S]).
Monsieur [N] a réalisé les travaux correspondant au lot qui lui était attribué dans le chantier [I].
Le 23 mars 2020, il a été rendu destinataire d’une lettre du maitre d’œuvre/architecte lui notifiant l’interruption de l’exécution de l’ensemble des chantiers en cours pour la durée du confinement résultant de la crise sanitaire liée au Covid-19, sans pouvoir donner de date de reprise des chantiers en cours.
Dans le cours du mois de mai 2020, il a été destinataire de comptes rendus du chantier pointant ses défaillances et concluant à son éviction du chantier [Y]. Les travaux exécutés, bien que non réceptionnés, ont donné lieu à facturation sur demande de la société AAB.
Les travaux correspondant aux devis établis pour les trois autres chantiers ([D], [B], [S]) n’ont pas été réalisés par monsieur [N]. Si son nom est apparu sur les comptes-rendus de chantier des 12 et 13 mai, il n’a plus été rendu destinataire de tels comptes rendus à compter du 20 mai 2020.
Par lettre d’avocat du 29 juillet 2020, demeurée sans réponse, il a mis en demeure la société AAB d’avoir à prendre position sur la poursuite ou la résiliation des cinq marchés, et à se positionner sur l’exigibilité des diverses sommes visées et sur les moyens à mettre en œuvre pour obtenir le règlement au profit de l’entreprise.
Par actes extrajudiciaires des 6, 14 et 17 septembre 2021, monsieur [N] a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir condamner, sur le fondement des article 1103, 1104, 1779 et 1794 du code civil la société ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB), monsieur [L] [Y], madame [E] [Y], monsieur [U] [D], monsieur [H] [S], madame [G] [S], madame [F] [B], monsieur [M] [I] et madame [A] [I] à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution de ses marchés et du manque à gagner subi.
Par ordonnance du 20 mai 2022, le juge de la mise en état a constaté le désistement partiel du demandeur à l’égard de [A] [I] et de [M] [I]. 
Les époux [Y] n’ont pas constitué avocat et ne sont donc pas représentés dans la procédure. 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique aux parties représentées, le 27 juin 2023, monsieur [N] demande au tribunal de :
-condamner in solidum la Société AAB et les époux [Y] à lui payer une somme de 4998,97 euros à titre de solde de marché, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 8 septembre 2020,
-condamner in solidum la société AAB et monsieur [D] à lui verser une somme de 19 328,40 euros TTC au titre du manque à gagner sur marché de travaux outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 8 septembre 2020,
-condamner in solidum la société AAB et les époux [S] à lui verser une somme de 18 090,60 euros TTC au titre du manque à gagner sur marché de travaux outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 8 septembre 2020,
-condamner in solidum la société AAB et madame [F] [B] à lui verser une somme de 15 444,48 euros TTC au titre du manque à gagner sur marché de travaux outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 8 septembre 2020,
– condamner la société AAB à lui verser une somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi par son attitude fautive,
– condamner in solidum les défendeurs à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il doit être relevé que ces dernières conclusions récapitulatives n’ont pas été signifiées aux époux [Y] de sorte qu’à leur égard, le tribunal demeure saisi des demandes telles qu’elles figurent dans l’assignation à savoir leur condamnation in solidum avec la société AAB verser à monsieur [N] la somme de 4998,97 euros au titre du solde de la facture avec intérêts à compter du 8 septembre 2020, la somme de 6 000 euros au titre de la résistance abusive, in solidum avec les autres défendeurs, de même que la somme de 10 000 euros in solidum avec les autres défendeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Au soutien de ses prétentions, monsieur [N] expose, s’agissant de la société AAB, que l’acceptation de ses devis par le maître d’œuvre / architecte n’est pas discutable, dès lors que son intervention est reconnue sur les chantiers [Y] et [I] et qu’il est visé dans les dizaines de comptes-rendus de réunion de chacun des chantiers [D], [S] et [B] jusqu’au 12 mai inclus. Il reconnaît ne pas se souvenir avoir signé des plannings de travaux sur ce chantier ou un autre. Il explique avoir été évincé des chantiers [D], [S] et [B] entre le 12 et le 20 mai 2020, sans aucun préavis ni mise en demeure, contrairement à ce que prévoit la norme NFP 03-001 et son article 22.1.2 relative aux conditions de mise en œuvre de la résiliation aux torts de l’entrepreneur et les articles 1224 et 1225 du code civil. Il ajoute qu’en application de l’article 1794 du code civil, le maître d’ouvrage qui a entendu résilier le marché peut le faire, mais à la condition de dédommager l’entrepreneur. Il souligne que la responsabilité de l’architecte lui paraît pouvoir être engagée es qualité de mandataire des maîtres d’ouvrages du fait de sa faute dans l’absence de notification d’une rupture de relation contractuelle pour motif valable. Il fait également valoir que si la société AAB ne produit aucun devis signé, pas même ceux relatifs aux chantiers [Y] et [I] pour lesquels son intervention n’est pas remise en cause, il n’en demeure pas moins que cette société l’a laissé travailler sur divers chantiers sans signer ou faire signer ses clients les devis émis pour pouvoir l’évincer du jour au lendemain sans rendre de comptes.
S’agissant du chantier [Y], il se prévaut d’un devis signé par monsieur [Y] daté du 12 février.
Il expose que le 23 avril 2020, le maître d’œuvre/architecte lui a écrit pour lui demander le solde du chantier [Y], sans précision ni formulation de reproche. Cette facture de 4998,97 TTC a été émise. Il souligne qu’alors qu’aucun reproche ne lui avait été adressé, le compte-rendu de visite de chantier du 15 mai 2020 fait état de défaillances et retards expliquant la demande d’une facture pour solde de tout compte et que les travaux de reprise seront défalqués des travaux facturés. Après cette date, il n’a plus eu accès au chantier. La lettre adressée aux époux [Y] sollicitant le règlement de la facture est revenue avec la mention « défaut d’adressage » de sorte qu’il n’a pu obtenir le paiement. A défaut de démonstration de faute qui lui serait imputable, il sollicite leur condamnation au paiement du solde de la facture.
Si la société AAB ne conteste pas l’exigibilité de cette somme puisqu’elle a établi un bon pour paiement le 28 avril 2020, elle soutient à tort qu’elle a été réglée. Il souligne en outre que si celle -ci prétend que les travaux ont nécessité des reprises et produit les factures, celles-ci sont datées de 10 et 15 mois après les travaux, et ne formule aucune demande de condamnation pour ces travaux supposés mal réalisés. Il ajoute qu’aucun constat d’huissier n’est venu constater d’éventuelles malfaçons. Il justifie la demande de condamnation in solidum de la société AAB au regard des fautes commises, de l’absence de suivi dans le paiement des factures, de sa malveillance à son égard.
Concernant les époux [I], il souligne que si la société AAB n’a communiqué aucune pièce susceptible de confirmer l’engagement contractuel il disposait d’échanges de SMS concernant des travaux supplémentaires et les conditions d’accès au chantier, ce qui a conduit les parties à transiger par voie de protocole.
Concernant le chantier [D], il expose avoir émis un devis global de 30 564,85 euros TTC le 10 novembre 2019. L’architecte qui a validé le devis a conservé l’original, monsieur [D] signant de son côté l’attestation simplifiée pour bénéficier d’une TVA à taux réduit. Certes, la société AAB ne communique aucun document susceptible de confirmer l’engagement contractuel, mais il ressort des comptes-rendus de chantier de visite, dont le n°15 du 12 Mai 2020 qu’il figurait bien parmi les intervenants du chantier [D]. S’il ne s’est pas vu convoquer pour réaliser les travaux, il ne s’est pas non plus vu notifier de rupture de son marché de travaux et il n’a plus reçu de comptes rendus de chantier à partir du 20 mai 2020. Il ajoute qu’en dépit d’une mise en demeure adressée le 29 juillet 2020, l’architecte n’a pas pris position sur la poursuite ou la résiliation du chantier. Il soutient que sa mention sur les comptes-rendus de chantier comme entreprise intervenante ne saurait résulter d’une erreur informatique, que ces documents ont une valeur contractuelle pour les différents intervenants qui en sont destinataires et que lui-même en a reçu 15 en 4 mois. Il souligne que c’est à compter du 20 mai 2020, soit à compter du compte-rendu critique du chantier [Y], qu’il n’est plus apparu sur les comptes rendus du chantier. Il demande la communication de l’ensemble des comptes rendus de chantiers. Il expose que s’il est loisible au maître d’ouvrage et son mandataire de ne pas donner suite à un devis, celui-ci ne doit pas induire en erreur l’entreprise en lui adressant une attestation de TVA au taux réduit signée par le mandataire ou le rendre destinataire de nombreux comptes rendus de chantiers, le laissant entendre qu’il est titulaire de ce chantier. Il sollicite en conséquence des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1794 du code civil en raison du manque à gagner ou de perte de marge, notion ne se limitant pas en l’analyse d’une simple perte de chance et devant inclure tous les éléments relatifs à la perte de marges, y compris les frais d’amortissement du matériel ou encore le trouble dû à la brusque désorganisation de l’entrepreneur.
En ce qui concerne le chantier [S],  il souligne avoir a émis un devis à la demande de la société AAB de 29 349,97 euros TTC mais ne pas détenir l’original du devis signé. Il expose qu’il ressort toutefois des 17 comptes-rendus de chantier dont le 17 du 13 mai 2020 qu’il figurait parmi les entreprises intervenantes sur le chantier. Il indique néanmoins n’avoir jamais reçu de convocation pour intervenir sur le chantier, ni de notification de résiliation de marché. Il souligne que si les défendeurs prétendent que le marché a finalement été réalisé par une autre entreprise, ils ne produisent aucun document contractuel prouvant leur relation, seul un procès-verbal de réception, montrant ainsi la pratique de la société AAB avec les entrepreneurs. Il soutient, au regard de la pièce 3 des époux [S], qu’il est démontré qu’il était bien titulaire du lot 6. Il fait également valoir que le 16 septembre 2019, la société AAB avait écrit aux époux [S] mentionnant son propre devis et être en attente de deux autres devis des entreprises LACOSTE et RAVAT. Au final, l’architecte n’a jamais apporté ces devis et les époux [S] ont contracté avec une entreprise tierce, sans l’en informer. Il conteste les arguments opposés selon lesquels la mention de son nom sur les comptes rendus de chantier résulte d’une erreur informatique, alors qu’il a été validé par la société AAB comme seul titulaire du lot n°6 pendant de nombreux mois, jusqu’au 20 mai 2020, et qu’il a été évincé à compter du 27 mai. Il en déduit qu’il a pu croire légitimement que son devis avait été validé.
En ce qui concerne le chantier [B], il explique avoir établi un devis de 26 421,73 euros TTC le 1er mai 2019 mais ne pas détenir de devis signé. Il souligne toutefois que son intervention a été confirmée (lot 7) comme en attestent les comptes-rendus de chantier du 25 février 2020 et du 13 mai 2020. Or, il n’a jamais eu de convocation ni ordre d’intervention, ni été destinataire d’une notification de résiliation du marché d’entreprise. Là encore, il n’a pas eu de réponse à la suite de sa mise en demeure du 29 juillet 2020. Figurant sur 19 comptes-rendus de chantiers successifs, il estime qu’il a pu légitimement penser être en charge de ce lot. Il souligne que si la société PARQUET DE BORDEAUX est finalement intervenue, son devis, non signé, date du 15 juillet 2020 et la facture du 17 juillet de sorte qu’il est acquis que la société AAB a fait intervenir cette nouvelle société courant mai/juin 2020 sans aucun formalisme et lui a fait exécuter un devis non signé de régularisation alors que les travaux étaient sans doute déjà exécutés.
Il déduit de l’ensemble de ces éléments qu’il a été évincé de tous les chantiers en cours en partenariat avec la société AAB sans aucun formalisme, désorganisant fortement son activité, tandis que la société a agi avec une incroyable légèreté en ne faisant pas signer les devis, en éditant des dizaines de comptes-rendus lui laissant croire qu’il était engagé, en ne veillant pas au règlement du solde des chantiers, etc. Cela l’a empêché d’être sécurisé par la signature d’un devis et de pouvoir rechercher de nouveaux marchés.
En réplique, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, la société ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN demande au tribunal de rejeter les demandes formées par monsieur [N], de le condamner à lui verser 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de le condamner aux dépens, dont distraction au profit de la SARL AEQUO, à titre subsidiaire, condamner tous les autres défendeurs à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Ces conclusions ont été signifiées aux époux [Y], défaillants, par acte extrajudiciaire du 28 avril 2023.
Elle expose qu’en l’absence de lien contractuel avec monsieur [N], sa demande fondée sur les articles 1103 et 1104 du code civil ne saurait prospérer. Il en est de mêmes concernant le fondement des articles 1779 et 1794, en l’absence de contrat de louage. En conséquence, les recours subrogatoires doivent subir le même sort.
Elle souligne n’avoir signé aucun devis avec monsieur [N]. Il en va de même des différents maîtres d’ouvrage. Elle ajoute qu’il ne justifie pas qu’elle lui aurait passé commande au nom de ses clients. Si son nom apparaissait effectivement sur les comptes rendus de chantier, elle explique qu’il s’agit là d’une erreur informatique, liée au fait que monsieur [N] travaillait depuis deux ans sur les chantiers dont la société avait la maîtrise d’œuvre et que son nom était resté dans la matrice informatique de l’agence. Elle indique que dès lors qu’il était intervenu auparavant, il avait été logiquement sollicité par l’agence mais au final, ses devis n’ont pas été retenus par les clients. II n’est finalement intervenu que sur le chantier des époux [Y], pour le lot parquet. Pour ce lot, le devis portait sur une surface de 209 m² mais seuls 172 m² ont été posés et facturés. La facturation a fait l’objet de bons à payer établis par l’architecte et intégralement payés. Il n’est donc créancier d’aucune somme. Elle ajoute qu’il a également été mandaté pour réaliser des travaux complémentaires touchant l’escalier en bois et les coffres des volets roulants. Ces travaux ont été réalisés et payés mais les malfaçons ont nécessité des travaux de reprise par une autre société ; elle en déduit une inexécution fautive rendant mal fondées ses prétentions à leur égard.
Elle conteste l’existence de contrats oraux dès lors qu’il ne produit aucun justificatif d’une acceptation des devis.
S’agissant des comptes rendus de chantier, elle souligne que ces pièces ont uniquement pour objet d’informer le maitre d’ouvrage du déroulement du chantier. Ils ne peuvent être regardés comme des pièces contractuelles, et reprécise que son entreprise était mentionnée par erreur. Elle ajoute qu’il convient lui-même qu’aucune demande ne lui était adressée. S’agissant des attestations de TVA réduites, elle fait valoir que le fait qu’elles soient remplies par le maître d’ouvrage indique tout au plus son accord sur l’application d’un taux de TAV de 10% non sa volonté de contracter avec monsieur [N].
En tout état de cause, elle estime que le montant des indemnités demandées est excessif au regard de l’inflation intervenue dans cette période, qui aurait conduit monsieur [N] à supporter des coûts de fournitures plus importants par rapport à ceux évalués dans ses devis, qu’il n’aurait pu reporter sur les clients. Le préjudice allégué sur les 3 chantiers non exécutés ne peut dépasser 4052 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023, madame [F] [B] demande au tribunal de débouter monsieur [N] de ses demandes, débouter la société AAB de sa demande de condamnation à la garantir et la relever indemne, condamner monsieur [N] à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, le condamner à lui verser 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle expose ne pas avoir signé le devis établi par monsieur [N] et souligne avoir contracté avec une autre entreprise, à savoir SAS PARQUET BORDEAUX, qui a facturé 30% moins cher. Elle soutient qu’il n’existe aucun lien contractuel entre elle et monsieur [N], aucun marché n’ayant été conclu, le simple établissement du devis, non signé et non accepté, n’ayant pas pour effet de l’engager, le silence ne valant pas acceptation. Elle fait également valoir qu’elle n’a versé aucune somme à réception du devis. Elle ajoute que le fait qu’il ait figuré sur la liste des intervenants dans un compte-rendu de chantier comme entreprise titulaire du lot menuiseries intérieures ne lui est en rien opposable, d’autant qu’il s’agit d’une erreur matérielle selon la société AAB.
A titre infiniment subsidiaire, elle expose que la demande de dommages et intérêts sollicitée est excessive dans la mesure où aucune prestation n’a été réalisée. Elle s’oppose à la demande en garantie de la société AAB, laquelle a fait intervenir monsieur [N] pour qu’il établisse un devis pour le lot parquet de son chantier, dans le cadre de sa mission d’assistance de maîtrise d’ouvrage.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 09 janvier 2023, monsieur [U] [D] demande au tribunal, à titre principal, de rejeter les demandes de monsieur [N], de le condamner à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de le condamner aux dépens dont distraction au profit de son conseil. A titre subsidiaire, il demande la condamnation de la société AAB à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, outre sa condamnation à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 précité et à supporter les dépens, dont distraction au profit de son conseil.
Au soutien de sa défense, il expose que si monsieur [N] se prévaut d’un devis du 20 novembre 2019, il ne le connaît pas et ne l’a jamais rencontré et précise qu’il n’a jamais accepté le devis. Il souligne, au visa de l’article 9 du code de procédure civil, qu’il échoue à rapporter la preuve d’un contrat. Il expose que l’attestation simplifiée dont se prévaut monsieur [N] est un document pré-signé qu’il a remis à la société AAB destinée à l’information des entrepreneurs consultés par cette société et la rédaction par leurs soins de devis porteurs du taux de TVA approprié. Ce document n’ayant qu’une visée fiscale, il ne saurait avoir une portée contractuelle. En conséquence, il conteste toute résistance abusive. Subsidiairement, il sollicite, sur le fondement de l’article 1992 alinéa 1 du code civil relatif au mandat, la garantie de la société AAB qui aurait engagé puis répudié monsieur [N] à son insu, ce qui serait constitutif d’une faute à son égard.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2022, monsieur et madame [S] demandent au tribunal, à titre principal, de rejeter les demandes de monsieur [N] et de le condamner à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, ils demandent la condamnation de la société AAB à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre, outre sa condamnation à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 précité et à supporter les dépens.
Au soutien de leur défense, ils exposent qu’il n’existe aucun lien contractuel entre eux et le demandeur.
Ils font valoir qu’ils ont signé un contrat d’architecte le 1er mars 2019 avec la société AAB, comprenant une mission d’assistance et que c’est dans ce contexte que monsieur [N] a été amené à établir un devis le 28 juin 2019, pour un montant de 26 327,49 euros TT. Ce devis figurait dans le tableau récapitulatif des devis communiqué par la société AAB au titre du « Lot n°6 Menuiseries intérieures Parquet_Escalier ». Ils expliquent qu’à ce stade du chantier, le poste prioritaire étant le gros œuvre maçonnerie, seul le retour signé pour le devis du maçon, nécessaire au lancement des travaux, leur a été demandé. Le 5 septembre 2019, monsieur [N] a établi un nouveau devis à hauteur de 29 349,97 euros, qui a été inclus par l’architecte dans le tableau récapitulatif des devis. Ils indiquent que par courriel du 12 septembre, la société AAB leur a indiqué devoir également consulter un autre entrepreneur. Ils en déduisent que le devis du 5 septembre 2019 a été établi dans le cadre d’une consultation d’entreprises et qu’il n’est pas créateur d’obligations. Ils ajoutent que le 13 septembre, monsieur [S] a informé la société AAB qu’il avait obtenu un devis moins onéreux auprès de la société La Parqueterie du Lac, société qui est finalement effectivement intervenue sur le chantier. En réponse aux allégations selon lesquelles monsieur [N] figurait sur les comptes-rendus de visite de chantier parmi les entreprises intervenantes, mais qu’il n’avait pas été convoqués aux réunions, ils indiquent que cela correspond à une erreur de saisie de la part de la société AAB que monsieur [N] a figuré sur les comptes rendus de chantiers successifs jusqu’au CR n°18 daté du 13 mai 2020 ; ils en déduisent que la seule mention de son nom sur quelques comptes-rendus de chanter ne justifie pas l’existence d’un marché de travaux, lequel ne peut en tout état de cause pas leur être opposé.

MOTIVATION

Sur la demande en paiement formée à l’encontre des époux [Y] et de la société AAB A titre liminaire, il sera constaté, contrairement à ce qui est indiqué dans les dernières conclusions, que les dernières conclusion du 27 juin 2023 n’ont pas été signifiées aux époux [Y], défaillants, de sorte que les demandes formées à leur encontre demeurent en l’état de l’assignation introductive d’instance, rappelée plus haut.
En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution ou du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, le demandeur produit un devis signé par monsieur [Y] en date du 6 mars 2020. Sur demande de la société AAB, il a adressé aux époux [Y] la facture de solde des travaux exécutés. La facture du 27 avril 2020 est de 4544,52 euros HT et 4998,97 euros TTC.
Cette facture a fait l’objet d’un bon pour paiement établi par la société AAB le 28 avril 2020, destiné aux époux [Y]. Ceux -ci étant défaillants dans la procédure, ils ne démontrent pas s’être exécutés.
Si la société AAB soutient que la facture a été acquittée, force est de constater qu’aucune preuve de cette allégation n’est versée aux débats. Or, il ressort du cahier des clauses générales du contrat d’architecte pour travaux existants, produit par les autres défendeurs de la procédure, (point G 3.2.6 DET_direction de l’exécution des contrats de travaux) que le maître d’ouvrage s’oblige à régler l’entrepreneur dans le respect des conditions du marché et à informer l’architecte de tout versement qu’il effectue. Ainsi, si ce règlement avait été effectué, la société AAB aurait dû être en capacité de produire le justificatif du paiement.
Si elle soutient que ces travaux ont nécessité d’autres travaux de reprises à hauteur de 2 160,60 euros TTC, ce qui rendrait malfondée la demande de monsieur [J] et justifiant ainsi une exception d’inexécution de la part des époux [Y], force est de constater que cet argument est contradictoire avoir l’émission d’un bon pour paiement et de l’allégation du paiement de la facture.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de monsieur [N] tendant à la condamnation de monsieur et madame [Y] à lui verser la somme de 4998,97 euros TTC au titre de la facture impayée, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, soit le 14 septembre 2021, la mise en demeure initiale n’ayant pas touché les destinataires.
En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre de la « résistance abusive collective délibérée » des époux [Y], dès lors qu’il n’est démontré que l’envoi d’une mise en demeure restée infructueuse en raison d’un « défaut d’adressage » avant l’assignation en justice a bien été portée à sa connaissance et qu’il n’est pas montré de préjudice distinct de celui réparé par l’octroi d’intérêts de retard. En outre, il doit être souligné, même si cela n’a pas été porté à la connaissance des époux [N], que cette demande a été abandonnée dans les dernières écritures récapitulatives du demandeur.
Monsieur [N] demande par ailleurs la condamnation in solidum de la société AAB au regard des fautes commises par elle en raison de l’absence de suivi du paiement par les maîtres de l’ouvrage, de sa malveillance à l’égard de la qualité de son travail dans le cadre de comptes rendus de chantiers ayant vocation à être diffusés auprès de l’ensemble des intervenants sans aucun fondement sérieux.
L’application de la notion de condamnation in solidum répond à une double condition : la première condition tient à la faute commune commise par les responsables du dommage quelle que soit la nature contractuelle ou délictuelle de la faute ; la seconde condition tient au fait que cette faute commune doit avoir contribué à la réalisation de l’entier dommage.
En l’espèce, la faute alléguée selon laquelle les commentaires du maître d’œuvre dans le compte rendu de chantier ont nui à sa réputation est sans lien avec le dommage, à savoir une facture impayée. La seconde faute alléguée selon laquelle la société AAB a été défaillante dans le suivi du paiement est également sans lien avec le dommage dès lors qu’il lui est reproché de ne pas avoir vérifié, a posteriori, le paiement effectif de la facture. Cette faute, à la supposer même établie, ne saurait être considérée comme ayant concouru à l’entier dommage.
En conséquence la demande de condamnation in solidum sera rejetée.
Sur les demandes formées à l’encontre de monsieur [D], des époux [S], de madame [B] et de la société AABMonsieur [N] se fonde sur les dispositions de l’article 1794 du code civil pour former sa demande de dommages et intérêts.
En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l’article 1794 du code civil : « Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise. »
En l’espèce, pour justifier ses relations contractuelles avec les maîtres d’ouvrage, monsieur [N] produit :
-une attestation fiscale simplifiée établie par monsieur [D] portant sur les travaux à réaliser, qui ne mentionne toutefois pas que monsieur [N] a été retenu pour réaliser tel ou tel lot,
-un compte rendu relatif au chantier [D] le mentionnant sans toutefois indiquer qu’il est convoqué,
-une demande de la société AAB tendant modifier le devis établi pour les époux [S], qui ne caractérise toutefois pas l’acceptation du devis,
-un devis du 5 septembre 2019 établi au nom de Mme [S], valable un mois, non signé,
-un compte rendu relatif au chantier [S] le mentionnant sans toutefois indiquer qu’il est convoqué,
-un devis du 1er mai 2019 établi au nom de M. et Mme [B], valable un mois, non signé,
-un compte rendu de chantier mentionnant : « intervenants associés : [W] [N] » avec un « rappel pour devis »,
-un compte rendu relatif au chantier [B] le mentionnant sans toutefois indiquer qu’il est convoqué.
Aucune de ces pièces n’est de nature à démontrer que monsieur [N] a passé un marché de travaux avec les défendeurs, aucun devis n’ayant été signé ou n’ayant donné lieu à établissement d’un contrat signé. Il n’est pas davantage démontré l’existence de relations contractuelles pour ces chantiers par la production d’écrits ou d’échanges avec les maîtres d’ouvrage.
Ainsi, monsieur [N] ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 1794 du code civil pour formuler une demande de dommages intérêts en raison de la rupture unilatérale du marché de travaux.
Ses demandes seront en conséquence rejetées.
Par ailleurs, Monsieur [N] estime que la société AAB engage sa responsabilité es qualité de mandataire des maîtres d’ouvrage du fait de sa faute dans l’absence de notification d’une rupture de relations contractuelles pour motif valable et demande sa condamnation in solidum sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
En application de l’article 1779 du code civil, le contrat conclu entre le maître de l’ouvrage et l’architecte est un contrat de louage d’ouvrage, lequel ne comporte pas, en principe de mission de représentation du maître d’ouvrage, sauf mention expresse contraire.
Toutefois, la jurisprudence admet qu’un entrepreneur puisse croire légitimement que l’architecte a agi, en lui confiant la réalisation d’un lot, en vertu d’un mandat conféré par le maître de l’ouvrage. Dans ce cas, la limite de l’article 1998 du code civil selon lequel le mandant n’est pas obligé envers les tiers pour ce que le mandataire a fait au-delà du pouvoir qui lui a été donné n’est pas applicable.
Avant de déterminer s’il y a rupture abusive des relations contractuelles, il y a lieu de rechercher si monsieur [N] a pu légitimement se croire engagé en raison des agissements de la société AAB qui aurait agi en qualité de mandataire.
En l’espèce, il ressort des pièces produites qu’effectivement, le nom de monsieur [N] est apparu sur des comptes-rendus de chantiers relatifs aux chantiers [D], [B] et [S] (12 mai 2020 et 13 mai 2020). Toutefois, seul son nom apparaît : il n’est pas précisé que celui-ci était convoqué. Il reconnaît par ailleurs ne jamais avoir été rendu destinataire de planning de travaux et qu’il n’a pas reçu de convocations. Si monsieur [N] soutient que la société AAB aurait conservé par devers elle les devis signés, force est de constater qu’il ne prouve pas ses allégations.
Il ne saurait être déduit de ces seules mentions sur trois comptes rendus de chantier que la société AAB a été mandatée par les maîtres d’ouvrage pour demander à monsieur [N] d’intervenir sur les chantiers.
Dans ces conditions, il ne peut y avoir de rupture abusive de contrat es qualité de mandataire des maîtres d’ouvrage.
La demande de monsieur [N] doit être rejetée.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées à l’encontre de la société AABMonsieur [N] formule une demande de dommages et intérêts de 6000 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil à l’encontre de la société AAB en raison des fautes commises à son égard, au motif qu’il a été régulièrement évincé des chantiers en cours qu’il pouvait détenir avec cette société, sans aucun respect du formalisme nécessaire à la résiliation des marchés. Son activité a ainsi été fortement désorganisée, indépendamment des contraintes COVID, au regard du silence gardé par l’ensemble des protagonistes.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier au monsieur [N] a établi des devis, sur demande de la société AAB, effectuées dans le cadre de sa mission d’assistance en tant qu’architecte.
C’est dans le cadre de sa mission d’assistance qu’elle a indiqué, sur le compte rendu du chantier [Y] destiné au maître d’ouvrage des défaillances sur le chantier et demandé un solde de tout compte. A partir de là, monsieur [N] soutient avoir été évincé des autres chantiers sans explication.
A supposer même qu’une faute puisse être retenue à l’encontre de la société AAB, force est de constater que monsieur [N] ne démontre aucun préjudice. En effet, s’il allègue que son activité a été fortement désorganisée indépendamment des contraintes COVID compte tenu de la légèreté avec laquelle la société AAB a agi et du silence qui lui a été opposé sur le démarrage des chantiers, force est de constater qu’il ne démontre pas avoir été contraint de renoncer à des chantiers en raison de cette situation ou que la baisse de son chiffre d’affaires, réelle en 2020 par rapport à 2019, de près de 50% est liée à une autre cause que celle de la crise sanitaire liée au COVID qui a touché l’activité économique du pays dès le mois de mars 2020.
Ainsi, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
Sur la demande au titre de la procédure abusive formulée par Mme [P]ux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, visé par madame [B], celui qui agit en justice peut être condamné à une amende civile.
Il en résulte qu’une indemnisation au titre d’une procédure abusive ne peut être allouée que lorsqu’est caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’exercer l’action en justice. Il est en effet rappelé que l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne peut dégénérer en abus qu’en cas de faute que le juge est tenu de caractériser au regard de circonstances particulières révélant la mauvaise foi, l’intention de nuire, des manœuvres malicieuses ou dilatoires, ou encore une légèreté blâmable équipollente au dol. Par ailleurs, l’amende civile peut être ordonnée par le juge mais n’a pas à être demandée par une partie, qui n’en profite en tout état de cause pas.
En l’espèce, madame [B] soutient que l’action intentée à son encontre sur la base d’un devis non signé était manifestement vouée à l’échec et que cette procédure, purement vexatoire, lui a occasionné du stress.
Toutefois, l’exercice d’une action en justice, qui s’avérerait in fine mal fondé ne saurait à lui seul caractériser un abus de droit. Par ailleurs, si madame [B] allègue un préjudice d’anxiété, elle n’apporte aucune pièce à l’appui. Sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
– Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, monsieur [N] succombant à titre principal, il sera condamné aux dépens,

– Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[…]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Au vu des circonstances particulières du litige, il apparaît équitable de condamner monsieur [N] à verser à monsieur [D], une somme de 1800 euros, à monsieur et madame [S] une somme de 1800 euros et à madame [B] une somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec droit de recouvrement direct selon les demandes formées par les défendeurs, tells que précisées au dispositif.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN.

La demande de monsieur [N] formée à ce titre sera rejetée.

-Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Condamne monsieur et madame [Y] à verser à monsieur [N] la somme de 4 998,97 euros TTC au titre d’une facture impayée, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021,
Rejette la demande de monsieur [N] tendant à les condamner pour résistance abusive,
Rejette la demande de condamnation in solidum de la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB) formée par monsieur [N],
Rejette les demandes condamnation in solidum à des dommages et intérêts au titre de la rupture unilatérale des marchés de travaux formées contre la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN (AAB), monsieur [D], madame [B] et monsieur et madame [S],
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par monsieur [N] à l’encontre de la SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN,
Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Madame [B] à l’encontre de monsieur [N],
Condamne Monsieur [W] [N] aux dépens,
Condamne Monsieur [W] [N] à verser au titre de l’article 700 du code civil, les sommes suivantes :
1 800 euros à Monsieur [D], avec droit de recouvrement direct au profit de maître Benoît DERIEUX,
1 800 euros à Monsieur et Madame [S],
1 800 euros à Madame [B],
Rejette les demandes de monsieur [W] [N] et de La SARL ATELIER D’ARCHITECTURE DU BASSIN formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente procédure est exécutoire par provision.

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Pascale BUSATO, Greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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