Obligation de loyauté du gérant de société de presse
Obligation de loyauté du gérant de société de presse

Un gérant de société de presse peut être condamné pour déloyauté lorsqu’il crée un titre de presse concurrent au sien tout en mettant en place une stratégie pour migrer ses lecteurs / abonnés vers le nouveau titre de presse.

Déloyauté du gérant

En soumettant à l’assemblée des associés la vente des principaux actifs de la société Euractiv  selon des modalités avantageuses pour la société Contexte qui ne permettaient pas un libre jeu des offres propice à une augmentation des prix, de surcroît sans révéler l’implication de certains associés et la sienne dans la société Contexte, le gérant a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité envers la société.

Incitation au départ rapide de salariés

Par ailleurs, en oeuvrant dans le sens d’un départ rapide de quatre salariés de la société, futurs fondateurs et/ou employés de la société Contexte, alors qu’il entendait faire porter son projet par cette société et que la résiliation du contrat de franchise n’avait pas encore pris effet, le gérant a aussi manqué à son obligation de loyauté et de fidélité.  

Démarchage fautif des lecteurs

Le gérant avait également envoyé un courriel aux abonnés des newsletters d’Euractiv.fr,  intitulé « votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à la société Contexte », leur proposant de poursuivre celui-ci et précisant qu’il deviendrait payant à compter du 15 novembre, que les contenus concerneraient les politiques publiques françaises et européennes et que la rédaction comprenait l’ancienne équipe d’Euractiv.fr.

En organisant une poursuite des contrats par la société Contexte sans respecter les dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce et alors qu’il se trouvait en situation de conflits d’intérêts comme étant, par l’intermédiaire de la société Mogaya, associé et directeur général de la société Contexte, le gérant a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la société.

L’action sociale ut singuli

Pour rappel, les associés lésés peuvent exercer l’action sociale ut singuli en réparation de préjudices qui auraient été subis par la société. L’article L. 223-22 du code de commerce dispose :

« Les gérants sont responsables […] envers la société […], soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. […]. […] les associés peuvent […] intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. […] ».

Sur le fondement des dispositions précitées, la responsabilité du gérant peut notamment être engagée pour manquement à l’obligation de loyauté et de fidélité à laquelle celui-ci est tenu envers la société gérée.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 4 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/20060 –��N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LW5

Décision déférée à la cour : Jugement du 21 Juin 2017 – Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2013071515

APPELANTE

La société EURACTIV.COM PLC, société de droit anglais, représentée par son représentant légal, Monsieur L A, domicilié ès qualités audit siège social,

Ayant son siège social […]

[…]

[…]

Représentée par Me N O, avocat au barreau de PARIS, toque : B0970,

INTIMÉS

Monsieur R-L X

[…]

93400 SAINT-OUEN-SUR-SEINE

SARL ACTEURS D’EUROPE, pris en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 494 883 762

Ayant son siège social […]

[…]

SARL MOGAYA, pris en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 522 388 453

Ayant son siège social 9 cour des Petites-Ecuries

[…]

Représentés et assistés de Me S T de la SELEURL 11.100.34.ter, avocat au barreau de PARIS, toque : C1349,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame K-AD F-AF, Présidente de chambre,

Madame AA-AB AC, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame AA-AB AC dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame […]

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par K-AD F-AF, Présidente de chambre et par […], greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 29 novembre 2006, la société de droit anglais Euractiv.com plc, qui édite et exploite un réseau de médias en ligne gratuits consacrés aux politiques européennes consultables à l’adresse www.euractiv.com, a conclu un contrat de franchise avec la SARL Acteurs d’Europe (D), alors en formation, par lequel elle autorisait cette dernière à exploiter le concept du site euractiv.com, la marque Euractiv et le nom de domaine euractiv.fr.

Le capital de la société D était réparti entre huit associés à l’époque des faits objets du litige : la société Euractiv.com plc (1 750 parts), M. X (1 358 parts), la SARLU Mogaya (1 267 parts), Mme U-V (175 parts), l’EURL Marinikko (146 parts), la société TC Partners (146 parts), Mme Y (108 parts) et Mme Z (50 parts).

Tous les associés, à l’exception de la société Mogaya, ont conclu un pacte, signé le 16 février 2007 et modifié les 3 décembre 2008, 14 septembre 2009 et 22 mars 2012, qui, en son dernier état, prévoit, entre autres, le « prix supposé » de la société D et un droit de préemption en faveur de la société Euractiv.com plc sur les parts mises en vente, notamment en cas de départ du dirigeant, alors réputé vendeur des parts lui conférant une participation au-delà de 33 % du capital.

A compter du 2 février 2009, M. X a exercé les fonctions de gérant de la société D.

En 2012, des divergences sont apparues entre M. X et M. A, dirigeant fondateur de la société Euractiv.com plc et propriétaire de la marque Euractiv.

Le 9 octobre 2012, lors d’un conseil d’administration de la société D, M. X a fait part de son projet de création, dans une autre structure, d’un média en ligne payant non spécialisé dans les politiques européennes et, en conséquence, de son intention de démissionner de son mandat de gérant à la condition d’avoir pu, au préalable, vendre ses parts.

La vente des parts détenues par M. X et la SARLU Mogaya, dont le premier est le gérant et l’associé unique, n’a pas abouti et, par lettre datée du 28 février 2013, la société Euractiv.com plc a résilié le contrat de franchise la liant à la société D avec un préavis de six mois expirant le 3 septembre 2013.

Le 12 avril 2013, M. X a résilié le pacte d’associés.

Le 29 mai 2013, la société Mogaya a déposé à l’INPI une demande d’enregistrement de la marque « contexte » et, le 6 juin 2013, elle a réservé le nom de domaine « contexte.com ».

Le 18 août 2013, Mmes Z et Y, auparavant employées par la société D en tant que directrice commerciale et rédactrice en chef, ont signé les statuts de la SAS Contexte, ayant pour objet la production, l’organisation et la diffusion d’informations au public, qui a ensuite embauché M. B et Mmes C et P, anciens salariés de la société D.

Le 27 août 2013, l’assemblée générale ordinaire des associés de la société D a approuvé la mise en vente d’actifs de cette dernière répartis en 5 lots constitués de matériels divers (lot 1), des applications mobiles (lot 2), des archives éditoriales (lot 3), de la base d’abonnés newsletters (lot 4) et de la base commerciale (lot 5).

Le lot 2 n’a pas trouvé acquéreur et les lots 1, 4 et 5 ont été vendus, les deux premiers à la société Contexte et le troisième à la société Euractiv.com plc. Cette dernière a également acquis le lot 3, au mois de novembre 2013, après avoir obtenu la suspension de sa mise en vente puis introduit une action au fond.

La société Mogaya, ayant pour gérant et associé unique M. X, est entrée au capital de la société Contexte le 10 septembre 2013 et en a été nommée directrice générale le 20 septembre 2013.

Le 27 septembre 2013, M. X et Mmes Y et Z ont, au nom de la société Contexte, envoyé un courriel aux abonnés des newsletters d’Euractiv.fr, site exploité par la société D, intitulé « votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à la société Contexte », leur proposant de poursuivre celui-ci et précisant qu’il deviendrait payant à compter du 15 novembre, que les contenus concerneraient les politiques publiques françaises et européennes et que la rédaction comprenait l’ancienne équipe d’Euractiv.fr.

Le 24 octobre 2013, l’assemblée générale extraordinaire des associés d’D a refusé la dissolution anticipée de la société et sa liquidation amiable, la société Euractiv.com plc s’y étant opposée.

C’est dans ce contexte que, le 14 novembre 2013, la société Euractiv.com plc a assigné la société D et M. X devant le tribunal de commerce de Paris à l’effet de voir condamner ce dernier, en application de l’article L. 223-22 du code de commerce, à payer à la société D la somme de 250 000 euros de dommages et intérêts pour violation de son obligation de fidélité et de loyauté. Par la suite, elle a également demandé l’annulation de la convention de prestations de services liant la société D et la société Mogaya ainsi que la restitution, par cette dernière, de la somme de 86 000 euros perçue en exécution de ce contrat en 2013 et 2014.

A titre reconventionnel, les défendeurs et Mmes Z, Y et U-V ainsi que les sociétés Mogaya, Marinikko et TC Partners, intervenues volontairement à l’instance en qualité d’associés de la société D, ont sollicité la condamnation de la société Euractiv.com plc au paiement :

— au profit de M. X et de la société Mogaya, de dommages et intérêts de, respectivement, 107 282 euros et 100 093 euros en réparation du préjudice subi à raison de manoeuvres destinées à racheter à vil prix les parts de la société D détenues par ces derniers ;

— au profit des associés d’D défendeurs et intervenants volontaires (à l’exception de la société TC Partners), de diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de la rupture du contrat de franchise à des fins déloyales ;

— au profit de la société D, la somme de 44 058,91 euros majorée des intérêts de retard contractuels à compter du 26 mars 2014, correspondant au solde du prix de cession des lots 3 et 5, ainsi que celle de 20 000 euros de dommages et intérêts.

Par jugement du 21 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

— déclaré recevables les interventions volontaires de Mmes Z, Y, U-V ainsi que des sociétés Marinikko et Mogaya,

— débouté la société TC Partners de son intervention volontaire,

— débouté la société Euractiv.com plc de l’ensemble de ses demandes au titre de l’action ut singuli et de la convention de services liant les sociétés Mogaya et D ;

— condamné la société Euractiv.com plc à verser à la société D la somme de 44 058,91 euros avec intérêts au taux appliqué par la BCE majoré de 10 points à compter du 26 mars 2014,

— débouté M. X, la société D et l’ensemble des intervenants volontaires de leurs autres demandes reconventionnelles,

— condamné la société Euractiv.com plc à verser à la société D la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Euractiv.com plc aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, en substance :

— sur l’action ut singuli, que si M. X avait, dans une large mesure, privilégié ses intérêts d’associé d’D et de dirigeant et associé de Contexte, la société Euractiv.com plc avait elle-même confondu son rôle de franchiseur et ses intérêts d’associé au détriment d’D et que le préjudice subi par D résultant des fautes invoquées n’était pas établi ;

— sur les demandes de dommages et intérêts formées à titre reconventionnel, qu’il n’était pas démontré que la société Euractiv.com plc avait empêché la cession des parts de M. X et de la société Mogaya à des tiers, que la résiliation du contrat de franchise n’avait pas été contestée et qu’à la supposer fautive, seule la société D, qui ne formait pas de demande à ce titre, pouvait obtenir une réparation ;

— sur les demandes d’annulation de la convention conclue entre les sociétés Mogaya et D et de remboursement subséquent, que l’action de la société Euractiv.com plc était irrecevable pour défaut de qualité à agir et comme étant prescrite et qu’elle était en outre mal fondée ;

— sur les créances réciproques entre les sociétés D et Euractiv.com plc, que la première justifiait d’une créance de 44 058,91 euros à l’égard de la seconde ;

— sur la demande de dommages et intérêts de la société D, que cette dernière n’établissait pas son préjudice.

La société Euractiv.com plc a relevé appel du jugement selon déclaration du 31 octobre 2017 en intimant M. X et les sociétés D et Mogaya.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 4 novembre 2019, la société Euractiv.com plc demande à la cour :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre de l’action ut singuli et de la convention de services conclue entre les sociétés Mogaya et D, condamnée à payer à la société D la somme de 44 058,01 euros avec intérêts ainsi que celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, et l’a déboutée de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau sur ces points :

— de débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes ;

— de déclarer recevable son action ut singuli ;

— de prononcer la nullité de la convention de prestation de services liant les sociétés D et Mogaya, faute de contrepartie, et de condamner la seconde à restituer à la première la somme de 86 000 euros au titre du contrat annulé ;

— de condamner M. X à payer à la société D la somme de 250 000 euros pour manquement à l’obligation de fidélité et de loyauté pesant sur le dirigeant ;

— de condamner la société D à lui payer la somme de 47 167,33 euros après compensation entre les factures réciproques ;

— de condamner M. X à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître N O, dans les conditions de l’article 699 du même code.

Suivant conclusions n° 3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 novembre 2019, M. X et les sociétés D et Mogaya demandent à la cour :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Euractiv.com plc de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société D la somme de 44 058,91 euros avec intérêts ainsi que celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

— de condamner la société Euractiv.com plc à payer la somme de 107 282 euros à M. X et celle de 100 093 euros à la société Mogaya à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de manoeuvres destinées à acheter à vil prix les parts de la société D détenues par

ces derniers ;

— de prononcer sur les sommes dues, au principal et avec les intérêts de retard, l’anatocisme par application de l’article 1343-2 du code civil ;

— de condamner la société Euractiv.com plc à payer à la société D la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— de condamner la société Euractiv.com plc à payer à chacun des intimés la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître S T.

SUR CE,

A titre liminaire, il convient de relever que les dispositions du jugement qui déclarent recevables les interventions volontaires de Mmes Z, Y, U-V et des sociétés Marinikko et Mogaya, déboutent la SAS TC Partners de son intervention volontaire et rejettent les demandes de dommages et intérêts formées par M. X et les intervenants volontaires à raison de la rupture du contrat de franchise à des fins déloyales ne sont pas déférées à la cour.

Les demandes de la société Euractiv.com plc formées au profit de la société D

1) Sur la violation, par M. X, de son obligation de fidélité et de loyauté en tant que gérant d’D

Exerçant l’action sociale ut singuli en réparation de préjudices qui auraient été subis par la société D, la société Euractiv.com plc, porteur de parts de cette dernière, demande la condamnation au paiement de dommages-intérêts de son gérant, M. X, en application de l’article L. 223-22 du code de commerce.

L’article L. 223-22 du code de commerce dispose :

« Les gérants sont responsables […] envers la société […], soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. […]. […] les associés peuvent […] intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. […] ».

Sur le fondement des dispositions précitées, la responsabilité du gérant peut notamment être engagée pour manquement à l’obligation de loyauté et de fidélité à laquelle celui-ci est tenu envers la société gérée.

Les manquements imputés par la société Euractiv.com plc à M. X

La société Euractiv.com plc soutient que M. X a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité envers D et ses associés pour avoir :

— délaissé et conduit à sa perte la société D et, dans le même temps, fondé et développé la société concurrente Contexte, présentée comme le successeur de la société D et de la marque Euractiv au niveau français, en usant et abusant des moyens et ressources de la société D, en particulier de ses salariés, de son matériel avant même son acquisition, de sa base de données de contacts newsletters et, sans autorisation, de la marque Euractiv ;

— fait un « usage pour le moins particulier des fonds de la société qu’il dirige » en accordant à Mmes Y et Z des conditions de départ de la société D extrêmement favorables, notamment sur le plan financier ;

— détourné du chiffre d’affaires de la société D au profit de la société Contexte par le biais de facturations d’un montant total de 107 812 euros en s’abstenant de surcroît de respecter les dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce relatives aux conventions réglementées.

M. X conteste avoir commis les fautes invoquées.

Il argue que, confronté à la perte du contrat de franchise et au refus de ses propositions de poursuite d’activité par la société Euractiv.com plc, il a choisi la « moins pire des solutions » consistant à faire progressivement cesser l’activité en optimisant la vente des actifs et en gérant le départ des salariés conformément aux intérêts d’D et ce, dans un contexte marqué par le comportement déloyal de la société Euractiv.com plc.

Il fait également valoir que son projet de média en ligne, payant et portant également sur les politiques françaises, ne concurrençait pas l’activité d’D, qu’il a été lancé en toute transparence et que ce n’est qu’après la cessation de l’activité d’D et l’expiration du contrat de franchise qu’il a décidé, après discussions avec Mmes Y et Z, de le faire porter par la société Contexte.

Enfin, il prétend que, loin de constituer un détournement du chiffre d’affaires, les prestations facturées par la société Contexte ont permis à la société D de dégager une marge substantielle alors qu’elle avait cessé son activité.

Les manquements allégués seront examinés ci-après, étant observé que si le comportement de la société Euractiv.com plc envers la société D, qualifié par les intimés de déloyal, peut être pris en considération pour déterminer le contexte dans lequel M. X a géré la société, il ne saurait, pour autant, exonérer ce dernier de ses propres fautes, à les supposer caractérisées.

Le dépérissement de la société D

Par lettre datée du 28 février 2013, la société Euractiv.com a résilié le contrat de franchise avec prise d’effet au 3 septembre 2013.

Ce contrat avait été conclu avant même que la société D ne soit immatriculée, avec l’un des associés fondateurs de celle-ci (Euractiv.com plc) et répondait à l’objet social d’D tel que défini par l’article 2 des statuts (« média d’information sur les politiques européeennes en France, la société a pour objet : – la rédaction, mise en page et diffusion au public d’informations relatives aux politiques européennes ; / – Gestion, organisation d’un site web d’information sur les politiques européennes ; […]).

Il n’est pas discuté que, conformément à son objet social et en exécution du contrat de franchise, la société D a centré son activité sur l’exploitation d’un média en ligne gratuit en français consacré aux politiques européennes suivant le modèle de celui de la société Euractiv.com plc et accessible à l’adresse www.euractiv.fr.

Ainsi, tant le démarrage que le développement de l’activité de la société D ont été organisés en considération du contrat de franchise.

Cette étroite dépendance de la société D à l’égard de la franchise a été décrite de manière concrète par M. X dans son rapport de gestion relatif à l’exercice clos le 31 décembre 2012 présenté à l’assemblée générale ordinaire du 24 avril 2013 (postérieure à la résiliation) : « L’activité d’Acteurs d’Europe est organisée depuis sa création en 2007 autour du contrat de franchise avec EurActiv

PLC. L’intégralité de l’activité de la société est liée à la marque EurActiv, en 2012 comme en 2013 à date. Son activité commerciale comme éditoriale, ses outils internes, son équipe, sont structurés pour exploiter un journal intégré au réseau EurActiv. Les investissements techniques (site, applications mobiles) sont ainsi conçus et adaptés spécifiquement à cette activité ».

L’ampleur des répercussions d’une résiliation du contrat sur l’activité d’D ressort au demeurant des propos tenus par M. A lui-même à Mme Z tels qu’ils ont été rapportés par cette dernière dans un courriel du 22 février 2013 (antérieur à la résiliation) adressé à M. X: « Que penses-tu d’une autonomie d’Acteurs d’Europe ‘ / Réalises-tu le danger en terme commercial de la perte de la marque Euractiv ‘… et les conséquences que cela aurait sur ton travail directement. Tu devrais conseiller à R-L [X] d’y réfléchir. Comment évalues-tu la perte de contrats ‘ / A ton avis, qu’est ce qui serait le plus fort, une nouvelle marque pour Acteurs d’Europe ou Euractiv.fr ‘ Avec une nouvelle marque, s’installer serait extrêmement long, il faut que tu en aies conscience ».

Dans ces conditions, il apparaît que le diagnostic posé dans le rapport de gestion précité selon lequel « l’interruption du contrat de licence de la marque Euractiv crée un risque majeur sur la pérennité de la société » était fondé, sans que cette situation puisse être imputée à faute à M. X, peu important qu’il ait lui-même évoqué le 19 décembre 2012 une résiliation du contrat à l’initiative d’D, dès lors qu’il n’a pas mis sa menace à exécution.

Dans un courrier daté du 6 juin 2013 adressé au nom de la société D à la société Euractiv.com plc, prise en la personne de M. A, M. X expose avoir cherché à maintenir ou développer l’activité malgré la perte du contrat de franchise en proposant soit de poursuivre l’activité de vente des prestations « Euractiv » avec le système de commissionnement existant en vue de conserver un ou plusieurs emplois commerciaux, soit de céder les applications mobiles « Euractiv » développées par la société ou de concéder une licence mais s’être heurté au refus d’Euractiv.com plc et rappelle que la solution suggérée par lui dès 2012 consistant à élargir le contenu éditorial et rendre les abonnements payants, subordonnée à la modification de l’objet social d’D, n’avait pu être mise en oeuvre en raison de la volonté d’Euractiv.com plc de maintenir le modèle « Euractiv ».

La société Euractiv.com plc, à laquelle il incombe de prouver les fautes invoquées, ne démontre pas avoir accepté les propositions de M. X ou suggéré une autre piste et s’est même empressée de trouver une solution de substitution pour poursuivre l’exploitation de la marque Euractiv en France avant même l’expiration du contrat de franchise le 3 septembre 2013, comme attesté par les mentions « www.euractiv.fr / Alexis Poulin / Directeur Euractiv France / […] / [email protected] » figurant sur la carte de visite d’un participant à une conférence du 11 juin 2013, constatées par un huissier de justice le 17 juin 2013.

La société D a donc été confrontée à une situation de blocage dès avant le mois de juin 2013, la laissant sans perspective de poursuite de son activité, sans qu’il soit démontré que cette circonstance soit imputable à M. X.

L’utilisation de la société D au profit de la société Contexte

L’implication de M. X dans la société Contexte

Il ressort des pièces versées aux débats que M. X souhaitait développer un media payant consacré aux politiques européennes et françaises, projet qu’il avait tenté, sans succès, de faire porter par la société D.

Les allégations de M. X selon lesquelles son projet n’a été mis en oeuvre qu’après le 3 septembre 2013, date de résiliation du contrat de franchise, en le faisant porter par la société Contexte créée par Mmes Z et Y le 18 août 2013, sont contredites par la demande d’enregistrement de la marque « contexte » déposée à l’INPI le 29 mai 2013 par la société Mogaya, dont M. X est le gérant et l’associé unique, et la réservation, par la même, le 6 juin 2013, du nom de domaine «  contexte.com ».

Surabondamment, il convient de relever :

— que le média en ligne payant consacré aux politiques françaises et européennes exploité par la société Contexte correspond au modèle défendu par M. X et qu’il n’est pas vraisemblable que son élaboration ait débuté seulement 7 jours avant son lancement, le 10 septembre 2013 ;

— que, dans leur courriel adressé le 27 septembre 2013 aux abonnés de la newsletter d’D et sur leurs profils linkedin édités au début du mois de novembre 2013, M. X et Mmes Z et Y se présentent comme ayant exercé et/ou exerçant au sein de la société Contexte les fonctions de, respectivement, président (alors que la société Mogaya n’était que directrice générale, depuis le 20 septembre 2013), directrice générale (au lieu de présidente) et rédactrice en chef de la société Contexte (et non directrice générale), donnant ainsi à penser que M. X en était le principal dirigeant depuis l’origine.

Enfin, il doit être rappelé que M. X, bien que souhaitant démissionner pour se consacrer au lancement de son projet dans une autre structure, a néanmoins choisi de rester gérant de la société D en raison de l’échec des tentatives de vente de ses parts et, partant, pour des motifs liés à la protection de ses intérêts d’associé.

La situation de concurrence entre les activités des sociétés D et Contexte

Les sociétés D et Contexte exploitent toutes deux un média en ligne traitant de sujets en partie communs, relatifs aux politiques européennes.

La superposition au moins partielle des marchés visés ressort en outre de la tentative d’acquisition par la société Contexte des archives éditoriales de la société D, de l’achat de sa base de données d’abonnés newsletters et du courriel écrit à ces abonnés par la société Contexte le 27 septembre 2013 dans lequelle cette dernière se présente comme le successeur d’Euractiv.fr par le titre du message « Votre abonnement à Euractiv.fr est transféré à Contexte » et l’indication de la présence, au sein de la rédaction, de l’ancienne équipe d’Euractiv.fr.

Il convient également de relever que, dans le rapport adressé en juillet 2014 au Parlement européen au nom d’D, le choix de sous-traiter à la société Contexte les actions menées par D après la cessation de son activité le 3 septembre 2013 est justifié par l’identité des journalistes (M. B et Mme Y), de la responsable de communication (Mme Z) et du chef de projet (M. X) ainsi que la cohérence de la cible et du positionnement.

Dès lors, les intimés sont mal fondés à prétendre que les activités des sociétés D et Contexte ne sont pas concurrentes.

L’utilisation, par la société Contexte, des moyens et ressources de la société D

Il est établi par les pièces versées aux débats, et au demeurant non contesté, que la société Contexte a été créée par deux anciennes salariées d’D (Mmes Z et Y), en a embauché trois autres (Mme C, M. B, Mme P), a acquis des actifs de la société D et facturé des prestations à la société D, entre le 31 octobre 2013 et le 22 avril 2015, pour un montant total de 107 812 euros.

En revanche, la seule circonstance qu’un huissier chargé de signifier un acte à la société D ait constaté, le 5 septembre 2013, soit postérieurement à la résiliation du contrat de franchise, que cette

dernière n’avait plus d’établissement à son siège social, n’établit pas que la société Contexte a utilisé les actifs acquis avant d’en être propriétaire ou confié des tâches aux salariés de la société D avant leur départ, ni qu’elle s’est servie, sans droit, d’autres moyens ou ressources de cette dernière.

Il est par ailleurs indifférent dans le cadre du présent litige, dès lors que la société D avait perdu l’usage de la marque Euractiv depuis le 3 septembre 2013, que la société Contexte ait été condamnée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 octobre 2019 à payer des dommages et intérêts à la société Euractiv.com plc pour contrefaçon à raison de l’usage de la marque Euractiv dans le courriel adressé le 27 septembre 2013 aux abonnés aux newsletters de la société D.

Seront donc uniquement examinées ci-après, les manquements invoqués liés à la cession des principaux actifs de la société D, dont certains ont été acquis par la société Contexte, au départ des cinq salariés ensuite embauchés par la société Contexte et à la facturation de prestations par la société Contexte à la société D.

La cession des principaux actifs de la société D

Le 9 août 2013, M. X a convoqué une assemblée générale ordinaire des associés pour le 27 août suivant avec, à l’ordre du jour, la cession des principaux actifs de la société D regroupés en 5 lots comprenant des matériels divers (lot 1), les applications mobiles (lot 2), les archives éditoriales (lot 3), la base d’abonnés newsletters (lot 4) et la base commerciale (lot 5).

L’assemblée du 27 août 2013, à l’unanimité des associés présents ou représentés, à savoir l’ensemble d’entre eux à l’exception des sociétés Marinikko et Euractiv.com plc, a approuvé la mise en vente des lots et les modalités proposées, prévoyant des prix de réserve (lot 1 : 5 000 euros, lot 2 : 8 000 euros, lot 3 à 5 : 25 000 euros), un dépôt des offres entre les mains d’un huissier de justice entre le 27 août et le 5 septembre 2013 et une interdiction d’acquisition du lot 3 par une société non française.

Il résulte du procès-verbal de constat établi par l’huissier de justice que ce dernier a reçu deux offres datées du 3 septembre 2013 :

— l’une de la société Contexte portant sur les lots 1, 3 et 4 proposant une acquisition pour des prix de, respectivement, 14 000 euros, 52 000 euros et 54 000 euros ;

— l’autre de la société Euractiv.com plc invitant à suspendre la vente du lot 3 dans l’attente de la résolution du litige relative à l’interdiction d’acquisition par des sociétés non françaises et proposant d’acquérir les lots 1, 3 et 5 moyennant les prix de, respectivement, 8 000 euros, 31 000 euros et 26 500 euros et, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le prix proposé pour le lot 5 ne serait pas le mieux disant, le lot 4 pour un prix de 26 500 euros.

Le lot 2 n’a pas trouvé preneur, les lots 1 et 4 ont été attribués à la société Contexte et le lot 5 à la société Euractiv.com plc.

Le lot 3, dont la cession a d’abord été suspendue par ordonnance du 4 septembre 2013, rendue sur requête de la société Euractiv.com plc, a été remis en vente et acquis par cette dernière en novembre 2013 pour un prix de 32 000 euros après la tenue, le 24 octobre 2013, d’une l’assemblée extraordinaire des associés d’D qui a annulé la cession décidée le 27 août 2013 et approuvé un nouveau dépôt des offres entre les mains d’un huissier de justice en ouvrant les candidatures aux sociétés immatriculées au sein de l’Union européenne.

La proposition de mise en vente des principaux actifs de la société D n’apparaît pas, en soi, fautive, dans un contexte où, en l’absence de perspective d’activité, ceux-ci étaient menacés d’une dévalorisation rapide.

Toutefois, force est de constater que les modalités de la vente initiée par M. X :

— coïncidaient, en termes de calendrier, avec le démarrage de l’activité de la société Contexte,

— réservaient de fait l’acquisition des lots aux associés de la société D, seuls à être informés de cette opération, ou à des entités dans lesquelles ils avaient des intérêts,

— conféraient un avantage à la société Contexte en raison d’une asymétrie d’information, M. X ayant été informé avant la résiliation du contrat de franchise de l’intérêt de la société Euractiv.com plc pour certains actifs mis en vente tandis que cette dernière ignorait la possibilité d’une offre par la société Contexte,

— prévoyaient une condition de nationalité française pour l’acquisition du lot 3 ayant pour effet d’exclure la candidature de la société Euractiv.com plc et ce, au prétexte que les journalistes avaient menacé d’invoquer une violation de leur droit moral sur les oeuvres en cas de cession à une société non française, motif qui n’a pas empêché l’assemblée du 24 octobre 2013 de lever cette condition à la suite des actions en justice introduites par la société Euractiv.com plc.

En soumettant à l’assemblée des associés la vente des principaux actifs de la société D selon des modalités avantageuses pour la société Contexte qui ne permettaient pas un libre jeu des offres propice à une augmentation des prix, de surcroît sans révéler l’implication de certains associés et la sienne dans la société Contexte, M. X a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité envers la société D.

Le départ de cinq salariés de la société D ensuite embauchés par la société Contexte

Mme P a, par courrier du 3 juin 2013, démissionné de ses fonctions de chargée de projets communication avec prise d’effet, compte tenu du préavis de 3 mois, au 3 septembre 2003, et demandé la levée de la clause de non-concurrence. Son profil linkedin mentionne qu’elle a rejoint la société Contexte au mois de septembre 2013.

Mme Z, directrice commerciale, a, par courrier du 7 juin 2013, sollicité le bénéfice d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail et la libération de toute obligation de non-concurrence après avoir indiqué : « Je constate, à regret que, en l’état, je ne peux plus aujourd’hui exercer mes fonctions correctement et en conformité avec les dispositions de mon contrat de travail. En effet, la perte de l’usage de la marque EurActiv.fr par Acteurs d’Europe m’empêche de maintenir une activité commerciale notable. / Dans ces conditions, je n’ai pas d’autre choix pour préserver ma carrière, de quitter l’entreprise pour me consacrer à d’autres projets professionnels ».

Son dernier bulletin de paie mentionne une sortie des effectifs le 20 juillet 2013 et la perception d’une indemnité de rupture conventionnelle de 6 997,83 euros. Le 18 août 2013, elle a fondé la société Contexte avec Mme Y.

Mme Y, rédactrice en chef, a, par courrier daté du 28 juin 2013, notifié sa décision d’appliquer l’alinéa 3 de l’article L. 7112-5 du code du travail, qui permet à un journaliste, en cas de « changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou du périodique », de rompre son contrat de travail (sans préavis) tout en percevant une indemnité de licenciement, et demandé une prise d’effet au 12 juillet 2013 au soir en expliquant ainsi sa décision :

« […] la rupture du contrat de franchise entre Acteurs d’Europe et EurActiv PLC actée le 28 février 2013, va entraîner la cessation de l’édition du titre « Euractiv.fr » par Acteurs d’Europe le 3 septembre 2013. Vous m’avez expliqué en détail, que cette décision était juridiquement actée, sans réserve, et donc irréversible, sans qu’une possibilité d’alternative soit envisageable.

Depuis plusieurs semaines, cette rupture programmée a des conséquences substantielles sur l’exercice de mes fonctions : une équipe de remplacement communique déjà sur leur activité pour « EurActiv France ». Ces évolutions n’ont fait l’objet d’aucune concertation, malgré le poste à responsabilité que j’occupe – preuve parmi d’autres que l’indépendance que j’incarnais à vos côtés fait déjà partie du passé. Tant pour des raisons de forme que de fond, il m’est impossible de rattacher ma réputation à de telles évolutions. Je considère ne plus être en mesure d’exercer mon activité de rédactrice en chef dans des conditions compatibles avec mes intérêts moraux.»

Son dernier bulletin de paie mentionne une sortie des effectifs le 12 juillet 2013 et la perception d’une indemnité de licenciement de 24 556 euros. Le 18 août 2013, elle a fondé la société Contexte avec Mme Z.

Mme C et M. B, journalistes, ont, par courriers du 15 juillet 2013 rédigés en termes quasi-identiques, notifié leur décision d’appliquer l’alinéa 2 de l’article L. 7112-5 du code du travail, qui prévoit un dispositif identique à l’alinéa 3 en cas de cessation de la publication du journal ou périodique, et demandé une prise d’effet le 16 août 2013 au soir ainsi que la levée de toute obligation de non-concurrence en expliquant comme suit leur décision : « […] la rupture du contrat de franchise entre Acteurs d’Europe et EurActiv PLC, actée le 28 février 2013, va entraîner la cessation de la publication du titre « Euractiv.fr » par Acteurs d’Europe le 3 septembre 2013. Vous m’avez expliqué en détail, que cette décision était juridiquement actée, sans réserve, et donc irréversible, sans qu’une possibilité d’alternative soit envisageable. ».

Leur profil linkedin mentionne qu’ils sont employés par la société Contexte depuis le mois d’août 2013 en tant que journalistes.

M. X ne discute pas avoir accepté les conditions de départ sollicitées par les salariés, y compris la libération des obligations de concurrence.

Compte tenu de la résiliation du contrat de franchise le 3 septembre 2013 et de l’absence de perspective de poursuite d’activité de la société D, il était acquis dès le mois de juin 2013 que la rupture des contrats de travail par l’employeur était inéluctable, sauf aux salariés à en prendre l’initiative.

La société D étant appelée à cesser son activité, le maintien des clauses de non-concurrence aurait engendré des coûts inutiles, de sorte que leur levée ne revêt pas un caractère fautif, nonobstant le fait que la société Contexte en ait bénéficié.

Il convient, pour le surplus, d’opérer une distinction selon les salariés concernés.

Mme P a quitté la société à la suite d’une démission, donc sans percevoir d’indemnité de la part de la société D, et à l’issue du préavis, de sorte que M. X ne disposait d’aucune marge de manoeuvre quant aux conditions de son départ.

S’agissant de Mme Z, l’acceptation, par M. X, d’une rupture conventionnelle n’est pas, en soi, critiquable, compte tenu du caractère inéluctable de cette rupture, et n’a donné lieu qu’à perception d’une indemnité légale. Il convient au demeurant d’observer qu’au moins une autre salariée d’D n’ayant pas ensuite rejoint la société Contexte (Mme E) a bénéficié du même mode de rupture.

Il apparaît toutefois que la procédure de rupture conventionnelle a été conduite de manière exceptionnellement rapide par l’employeur, Mme Z ayant demandé un entretien par lettre datée du vendredi 7 juin 2013 et M. X l’ayant informée par lettre du samedi 8 juin 2013 remise en mains propres que l’entretien et, en cas d’accord, la signature du formulaire de rupture auraient lieu dès le mercredi suivant.

M. X a donc facilité un départ très rapide de Mme Z, permettant ainsi à cette dernière de se consacrer à la création et au lancement de l’activité de la société Contexte.

La rupture des contrats de travail de Mme F, M. B et Mme Y était également inéluctable, pour les raisons déjà exposées, et la publication d’Euractiv.fr par D devant prendre fin à compter du 3 septembre 2013, les trois intéressés étaient en droit d’invoquer l’article L. 7112-5, alinéa 2, du code du travail. M. X ne pouvant les contraindre à démissionner selon le régime de droit commun, l’indemnité de licenciement aurait donc été due en tout état de cause, qu’elle le soit par l’effet d’une rupture intervenue à l’initiative de l’employeur ou en application de l’article L. 7112-5 du code du travail.

Toutefois, comme le relève à juste titre la société Euractiv.com plc, la publication du titre n’avait pas encore cessé aux dates auxquelles Mme F et M. B ont notifié l’application de l’alinéa 2 de l’article L. 7112-5 du code du travail (15 juillet 2013) et quitté la société D (16 août 2013) et les évolutions mentionnées par Mme Y pour revendiquer le bénéfice de l’alinéa 3 du même article n’apparaissent pas caractériser un « changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou du périodique ».

Il apparaît donc que, cette fois encore, M. X a facilité le départ rapide de Mmes Y et Mme F ainsi que de M. B, en leur permettant ainsi de se consacrer à la création et/ou au lancement de l’activité de la société Contexte, alors que la résiliation du contrat de franchise de la société D n’avait pas encore pris effet.

En oeuvrant dans le sens d’un départ rapide de quatre salariés de la société D, futurs fondateurs et/ou employés de la société Contexte, alors qu’il entendait faire porter son projet par cette société et que la résiliation du contrat de franchise n’avait pas encore pris effet, M. X a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité envers D.

La facturation de prestations par la société Contexte à la société D

Il résulte des pièces versées aux débats par les intimés que la société D :

— a été attributaire d’un marché notifié en 2011 en exécution duquel la Caisse des Dépôts et Consignations lui a passé commande de prestations les 14 février 2013, 5 février 2014 et 19 novembre 2015 pour un montant total de 84 714,80 euros TTC ;

— a été sélectionnée pour mener, entre le 1er avril 2013 et le 30 juin 2014, des actions de communication concernant le Parlement Européen qui ont été cofinancées par ce dernier à hauteur de 83 464 euros, sous forme de subvention ;

— a facturé à la Région Ile-de-France, les 5 et 7 novembre 2013, des prestations de préparation et d’exécution d’un atelier débat organisé le 7 novembre 2013 pour un montant total de 10 823,80 euros TTC ainsi que, le 18 juin 2014, des actions de communication sur Euractiv.fr du 3 juin au 3 septembre 2013 puis sur contexte.com du 4 septembre 2013 au 4 juillet 2014 pour un montant de 6 000 euros TTC.

Le rapprochement entre les factures émises, d’une part, par D à l’ordre des clients (ou le rapport adressé par elle au Parlement européen) et, d’autre part, par Contexte à l’ordre d’D (au nombre de 12, pour un montant total de 107 812 euros) corrobore les allégations des intimés selon lesquelles le prétendu détournement de chiffre d’affaires invoqué par la société Euractiv.com plc recouvre en réalité une sous-traitance par la société D à la société Contexte, après le 3 septembre 2013, de l’exécution de prestations confiées par les trois organismes mentionnés ci-avant.

Le rapport destiné au Parlement européen établi au mois de juillet 2014 par la société D fait

d’ailleurs état de cette sous-traitance en la justifiant, ainsi que le choix de la confier à la société Contexte, par l’arrêt de l’édition du site Euractiv.fr à compter du 3 septembre 2013 et les points communs existant entre les deux sociétés.

Compte tenu de la cessation du contrat de franchise le 3 septembre 2013, il n’est pas établi que la société D aurait pu poursuivre l’exécution des prestations qui lui avaient été confiées et les intimés font par ailleurs valoir, à juste titre, que la société D a dégagé une marge sur les prestations en cause.

Toutefois, cette sous-traitance a également été très avantageuse pour la société Contexte, qui a ainsi pu se faire connaître de trois acteurs institutionnels et percevoir une somme totale de 107 812 euros, le rapport adressé au Parlement européen précisant d’ailleurs que la subvention accordée a permis d’ouvrir un bureau de Contexte à Bruxelles en y installant un journaliste à plein temps (M. B).

Surtout, Mmes Y et Z et la société Mogaya étant, à la fois, associées d’D et mandataires sociaux (président ou directeur général) de la société Contexte, les contrats de sous-traitance entraient dans les prévisions du dernier alinéa de l’article L. 223-19 du code de commerce et, partant, les intimés n’invoquant pas l’exemption prévue à l’article L. 223-20 du même code, auraient dû être mentionnés par M. X dans un rapport spécial présenté à l’assemblée des associés d’D, ce qu’il n’a pas fait.

En organisant une poursuite des contrats de la société D par la société Contexte sans respecter les dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce et alors qu’il se trouvait en situation de conflits d’intérêts comme étant, par l’intermédiaire de la société Mogaya, associé et directeur général de la société Contexte, M. X a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la société D.

Le lien de causalité et le préjudice

La société Euractiv.com plc évalue à 250 000 euros le préjudice subi par la société D, recouvrant le coût du licenciement des salariés, la perte du chiffre d’affaires et « le détournement de fonds » ainsi que l’utilisation des ressources de la société D dans l’intérêt exclusif de la société Contexte.

M. X réplique que la société D n’a subi aucun préjudice résultant des fautes alléguées. Il argue notamment que le départ des salariés n’a entraîné aucun surcoût, que la poursuite des contrats d’D a permis à cette dernière de percevoir une marge, que le non-respect des dispositions de l’article L. 222-19 du code de commerce n’engage la responsabilité du gérant qu’en cas de conséquences préjudiciables et que les ressources de la société D n’ont pas été utilisées dans l’intérêt exclusif de la société Contexte.

Il a été retenu que le dépérissement de la société D n’était pas imputable à M. X, que les départs des cinq anciens salariés d’D mentionnés ci-avant, seuls évoqués par la société Euractiv.com plc, étaient inéluctables et n’avaient pas entraîné de surcoût pour la société D et qu’il n’était pas établi que la société Contexte avait utilisé sans droit des moyens matériels et ressources humaines d’D. Aucune indemnisation ne peut, dès lors, être accordée de ces chefs.

S’agissant de la vente des lots 1 et 3 à 5, la société Euractiv.com plc ne produit aucun élément relatif à la valeur de marché des actifs cédés et force est de constater qu’elle a elle-même estimé leur prix à des niveaux légèrement supérieurs aux prix de réserve et a offert, pour ceux acquis par la société Contexte, des prix inférieurs à ceux payés par cette dernière. Il n’est donc pas établi que les actifs concernés ont été cédés à un prix inférieur à leur valeur de marché.

Quant au « détournement de fonds » et à la perte du chiffre d’affaires allégués, dont la cour comprend qu’ils recouvrent la sous-traitance à la société Contexte, il a été dit qu’il n’était pas démontré que la

société D était capable d’accomplir elle-même les prestations en cause. Il a également été retenu que la société D avait dégagé une marge et la société Euractiv.com plc, qui se borne à invoquer une absence de mise en concurrence, n’établit ni que cette marge était faible, ni que la société D aurait pu réaliser un profit supérieur en faisant appel à un autre sous-traitant.

Ainsi, la société Euractiv.com plc échoue à démontrer que la société D a subi un préjudice causé par les fautes imputées à M. X.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’action sociale ut singuli exercée par la société Euractiv.com plc.

2) Sur la nullité de la convention conclue entre les sociétés Mogaya et D

Pour demander, sur le fondement de l’article 1131 (ancien) du code civil, l’annulation de la convention conclue le 15 juin 2010 entre les sociétés Mogaya et D ainsi que le remboursement à la société D de la somme de 86 000 euros versée par elle en exécution de ce contrat en 2013 et 2014, la société Euractiv.com plc argue que les prestations accomplies par la société Mogaya font double emploi avec le mandat de gérant exercé par M. X au sein d’D et que les obligations de cette dernière sont dès lors dépourvues de contrepartie.

Les intimés estiment que la demande est doublement irrecevable, à raison de l’absence d’intérêt et de qualité de la société Euractiv.com plc pour la former et comme étant atteinte par la prescription. Ils contestent en outre l’absence de contrepartie réelle en faisant valoir que les prestations accomplies par la société Mogaya ne se superposent pas avec le mandat social du gérant d’D.

Dans ses conclusions, la société Euractiv.com plc n’inclut pas les demandes examinées dans les développements, déjà évoqués, consacrés à l’action ut singuli.

Pourtant, elle sollicite la nullité d’un contrat auquel elle n’est pas partie, conclu par D, ainsi qu’un remboursement au profit de cette dernière et argue, pour conclure à la recevabilité de ses demandes, que son action s’inscrit dans la défense des intérêts d’D, que le contrat litigieux a représenté un coût important pour cette dernière et que les dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce ont été méconnues, étant rappelé qu’une telle violation donne lieu, le cas échéant, en application du même texte, à réparation du préjudice subi par la société gérée.

Il en résulte que la société Euractiv.com plc exerce bien, sans la qualifier comme telle, une action sociale.

Or, l’article L. 223-22 du code de commerce, seul texte qui autorise les associés à exercer l’action sociale, limite cette habilitation à la recherche de la responsabilité du gérant.

Les demandes de la société Euractiv.com plc sont donc irrecevables pour défaut de qualité à agir.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Euractiv.com plc et, statuant à nouveau, de les déclarer irrecevables.

Les demandes de dommages et intérêts formées par M. X et la société Mogaya

M. X et la société Mogaya soutiennent que la société Euractiv.com a, par ses manoeuvres déloyales, entraîné la rupture des pourparlers avec les acquéreurs potentiels de leurs parts dans D et qu’elle a ensuite tenté de mettre en oeuvre de manière infondée le pacte d’associés pour les acquérir à vil prix. Ils prétendent que ces agissements les ont empêchés de céder leurs parts au prix du marché, à savoir, sur la base d’une valorisation d’D à 400 000 euros qui était celle retenue par l’un des candidats à l’acquisition, pour, respectivement, 108 640 et 101 360 euros, et qu’ils se

trouvent aujourd’hui, du fait de la rupture du contrat de franchise, titulaires de parts ne valant plus que 1 358 euros et 1 267 euros (1 euro par part). Ils évaluent leurs préjudices respectifs à la différence entre le prix de cession qu’ils pouvaient espérer de la part des acquéreurs potentiels et la valeur actuelle de leurs parts, à savoir 107 282 euros (108 640 – 1 358) et 100 093 euros (101 360 – 1 267).

La société Euractiv.com plc conteste être à l’origine de l’échec de la cession des parts,

argue qu’aucune proposition sérieuse d’achat n’est intervenue et fait valoir que la valorisation de la société D à la somme de 400 000 euros n’est pas justifiée par les intimés.

Lors du conseil d’administration d’D du 9 octobre 2012, M. X a fait part de son intention de démissionner sous réserve d’avoir, au préalable, vendu ses parts. Trois candidats potentiels ont alors été identifiés : M. G, administrateur du GIE Toute l’Europe éditeur du site www.touteleurope.eu, M. Q, fondateur avec M. H du site www.myeurop.info et du Nouvel Européen, et M. I, délégué général de cafebabel.com, qui ont été rencontrés rapidement par MM. X et A.

Il n’est produit aucun élément établissant que les discussions se sont poursuivies avec M. I.

M. H, par courriel du 29 novembre 2012, a transmis une proposition de rapprochement entre le Nouvel européen (NE) et la société D qui se terminait par le mention des questions restant à approfondir (« Evaluer les éventuels besoins pour que les deux entités puissent fonctionner. / Prévoir l’acquisition des parts des minoritaires du NE et de AE [Acteurs d’Europe] par « Newco » […] et en déterminer le prix. / Evaluation précise du NE. / Se faire une idée précise de la facon dont serait structuré le contrat de franchise. »), la confirmation du vif intérêt suscité par le projet commun et l’affirmation d’une recherche active d’un financement.

S’il est acquis que le projet de rapprochement n’a pas abouti, il n’est produit aucune pièce relative à la suite des négociations, ni aucun document émanant de M. H ou d’autres associés fondateurs expliquant les raisons de son abandon.

Les allégations des intimés selon lesquelles la rupture des pourparlers sont imputables aux manoeuvres de la société Euractiv.com plc, représentée par M. A, ne sont donc pas établies.

M. G, par courriel du 6 décembre 2012, a écrit à M. A pour suggérer de reporter leur rencontre au début de l’année 2013 afin qu’il puisse « avanc[er] sur la valorisation d’Euractiv.fr », sujet qu’il devait aborder avec M. X courant décembre, tout en confimant son « grand intérêt dans ce projet d’entreprise ».

Le 10 décembre 2012, M. A a répondu : « La valorisation est l’un de éléments à prendre en compte, et j’ai mon mot à dire sur cela aussi, car il y a un pacte d’actionnaire entre JC X et EurActiv.com plc (l’avez-vous vu ‘), pacte qui restera nécessaire dans le futur. Si j’ai bien compris, la proposition de JC X est un peu supérieure à ce que la formule de valorisation de ce pacte laisserait penser, il est important que nous ayons tous les éléments en tête. [‘] ».

Le même jour, M. G a écrit à M. A : « Nous n’avons pas encore déterminé la formule à prendre pour la valorisation d’Euractiv.fr. Je n’ai pas eu encore connaissance du pacte d’actionnaire qui lie R L [X] et Euractiv.com plc. Le 12 décembre je déjeune avec R L où nous aborderons la valorisation d’Euractiv.fr».

Le 17 décembre 2012, M. A a écrit « J’entends que vous hésitez beaucoup, ce qui est normal » et a proposé un rendez-vous téléphonique pour le lendemain qui a été accepté par M. G.

Le 3 janvier 2013, M. G a écrit à MM. X et A « […] j’ai profité de ces quelques jours pour réfléchir au projet Euractiv.fr et mes conclusions sont que je ne donne pas suite à une possible implication dans le projet. Je ne doute pas que vous trouverez un partenaire dynamique pour Euractiv.fr […] ».

Le même jour, M. X lui a répondu « […] Si des éléments venaient à faire évoluer ton opinion, n’hésites pas à nous recontacter. J’ai apprécié échanger avec toi, et crois au projet auquel tu pensais pour développer Acteurs d’Europe. Amitiés. »

Les messages ci-dessus reproduits, dont il ressort seulement que M. A a évoqué le pacte d’associés auprès de M. G et échangé avec lui par téléphone après sa rencontre avec M. X, ne suffisent pas à démontrer le bien fondé des allégations des intimés, contestées par la société Euractiv.com plc, selon lesquelles cette dernière et/ou M. A ont manoeuvré pour dissuader M. G d’acquérir les parts de M. X et de la société Mogaya.

Il n’est donc pas établi que la rupture des pourparlers engagés avec les potentiels acquéreurs des actions de M. X et de la société Mogaya est imputable à la société Euractiv.com plc et, a fortiori, à des manoeuvres déloyales de cette dernière.

Enfin, la tentative de la société Euractiv.com plc de mettre en oeuvre de manière infondée le pacte d’associés à son profit dans le but (non atteint) d’acquérir les parts de M. X à vil prix, à la supposer caractérisée, n’est pas à l’origine de l’absence de vente de ces parts à l’époque où la société D valait prétendument 400 000 euros et, partant, est sans lien avec le préjudice invoqué.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par M. X et la société Mogaya.

Les demandes formées par ou contre la société D

1) Sur les comptes entre les sociétés Euractiv.com plc et D

La société D demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Euractiv.com plc à lui payer la somme de 44 058,91 euros majorée d’intérêts de retard. Elle argue que ce montant recouvre le prix de cession du lot 3 (32 000 euros HT) et le solde de 12 058,91 euros HT restant dû par la société Euractiv.com plc au 30 octobre 2013 après compensation des créances et dettes réciproques, incluant le prix de cession du lot 5 (26 500 euros HT).

La société Euractiv.com plc soutient que, dans le cadre de l’accord de franchise et des relations commerciales qui la liaient à la société D, elle a émis 13 factures non contestées ni payées pour un total de 91 225,34 euros, de sorte que la société D n’est pas créancière d’une somme de 44 058,01 euros [lire 44 058,91 euros] mais débitrice de la différence entre 91 225,34 euros et cette somme, à savoir 47 167,33 euros [lire 47 166,43 euros].

Le 30 octobre 2013, M. J, directeur financier de la société Euractiv.com plc, a envoyé un courriel à M. X, en mettant M. A et le directeur général d’Euractiv.com plc en copie, dans lequel il indique que, sous réserve de l’échange de deux notes de crédit, la balance des comptes entre les sociétés Euractiv.com plc et D s’élève à 12 058,91 euros en faveur de cette dernière, selon le tableau mis à jour adressé en pièce attachée.

Il résulte du tableau envoyé par M. J, qui récapitule les dettes et créances réciproques des sociétés D et Euractiv.com plc au 30 octobre 2013, que le solde de 12 058,91 euros prend en compte, notamment, les 13 factures invoquées par la société Euractiv.com plc ainsi que le prix de cession du lot 5 et il n’est pas soutenu que l’échange des notes de crédit n’a pas eu lieu.

Le prix de cession du lot 3 n’est, quant à lui, logiquement, pas mentionné dans le tableau, puisque la vente n’est intervenue qu’au mois de novembre 2013, et la société Euractiv.com plc ne justifie pas, ni même n’allègue, s’en être acquittée.

La société Euractiv.com plc est dès lors mal fondée à prétendre que le solde de 44 058,01 euros réclamé par la société D doit se compenser avec sa créance de 91 225,34 euros, dont il vient d’être dit qu’elle était déjà comptabilisée dans ce solde.

Le jugement sera donc confirmé et la cour, y ajoutant, en application de l’article 1343-2 du code civil, dira que les intérêts dus au moins pour une année entière sur la somme de 44 058,91 euros seront capitalisés à compter du 28 mai 2018, date des conclusions formant une demande de ce chef.

2) Sur la demande de dommages et intérêts formée par D contre la société Euractiv.com plc

Pour conclure à la condamnation de la société Euractiv.com plc au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts, la société D fait valoir que le refus, sans raison valable, de payer le solde des prix de cession des lots est « particulièrement fautif » compte tenu de sa situation financière fragile et procède d’une intention d’exercer une pression financière illégitime sur elle et M. X.

La société D ne démontrant pas l’existence d’un préjudice autre que celui indemnisé par les intérêts moratoires, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Les dépens et frais irrépétibles

La société Euractiv.com plc, dont les demandes ont été rejetées, sera condamnée aux dépens tant de première instance, le jugement étant confirmé à cet égard, que d’appel et ne peut prétendre à l’octroi d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande au contraire de la condamner à payer sur ce fondement à la société D, seule partie dont les demandes ont été partiellement accueillies, en sus de la somme de 5 000 euros fixée par les premiers juges, celle de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel.

Les demandes d’indemnité des autres intimés seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Euractiv.com plc de ses demandes de prononcé de la nullité de la convention conclue le 15 juin 2010 entre les sociétés Acteurs d’Europe et Mogaya et de remboursement de la somme de 86 000 euros perçue par cette dernière en 2013 et 2014 en exécution de la convention,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déclare la société Euractiv.com plc irrecevable en ses demandes de prononcé de la nullité de la convention conclue le 15 juin 2010 entre les sociétés Acteurs d’Europe et Mogaya et de remboursement de la somme de 86 000 euros perçue par cette dernière en 2013 et 2014 en exécution de la convention,

Ordonne, en application de l’article 1343-2 du code civil et à compter du 28 mai 2018, la

capitalisation des intérêts dus pour une année entière sur la somme de 44 058, 91 euros dont la société Euractiv.com plc est débitrice à l’égard de la société Acteurs d’Europe,

Condamne la société Euractiv.com plc à payer à la société Acteurs d’Europe, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d’appel,

Rejette les autres demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Euractiv.com plc aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître S T conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

[…]

La Présidente,


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