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Confirmation de la décision par laquelle un préfet a infligé la sanction disciplinaire du blâme à un fonctionnaire qui a tenu des propos sexistes sur un réseau social à l’égard d’une collègue de travail.
Une enquête administrative menée par l’inspection générale de la police nationale a été ouverte concernant des propos échangés sur un groupe de discussion hébergé sur un réseau social, au cours de laquelle le fonctionnaire a été entendu.
Le fonctionnaire a fait valoir en vain qu’il s’agit de faits de nature privée sans incidence sur la bonne marche du service et qu’il était, pour sa part, étranger à toute forme de propos discriminatoire ou sexiste envers la fonctionnaire visée par ces échanges, il ne conteste ni l’existence de ce groupe de discussion, ni qu’il était membre de ce groupe, ni les propos injurieux envers une supérieure hiérarchique qui étaient échangés entre les autres membres.
Les faits reprochés au fonctionnaire, liés à un groupe de discussion regroupant une partie des agents placés sous son autorité, constituent un manquement à son obligation professionnelle de loyauté, laquelle implique de rendre compte de l’existence de tels écrits susceptibles d’être diffusés en dehors du cercle des membres du groupe de discussion en cause ou à tout du moins de mettre fin à ces échanges.
Par suite, l’administration était fondée à reprocher au requérant la façon dont il avait géré la situation en tant que supérieur hiérarchique des agents membres de ce groupe de discussion.
__________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal administratif de Bastia, Magistrat statuant seul, 22 juillet 2022, n° 2100011
Vu la procédure suivante :
I. Sous le n° 2001449, par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 décembre 2020 et le 7 janvier 2021, M. A B demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 405,20 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le requérant soutient que :
— les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis, de sorte que la sanction qui lui a été infligée est entachée d’une erreur d’appréciation ;
— le ministre de l’intérieur a manqué à son obligation de loyauté à son égard, en prononçant une sanction disciplinaire à son encontre en se fondant sur des éléments obtenus en méconnaissance de cette obligation, et alors qu’aucun intérêt public majeur ne le justifiait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l’intérieur demande sa mise hors de cause, dès lors qu’il appartient au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de défendre dans cette instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2021, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud demande sa mise hors de cause, dès lors qu’il appartient au préfet de la Corse-du-Sud de défendre dans cette instance.
La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud qui n’a pas produit de mémoire.
II. Sous le n° 2100011, par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021, M. A B, représenté par Me Brocheton, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le requérant soutient que :
— la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
— la nature disciplinaire des faits qui lui sont reprochés n’est pas établie, de sorte que la décision attaquée est entachée d’une erreur de qualification juridique des faits ;
— le principe de loyauté des poursuites disciplinaires a été méconnu ;
— la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne relèvent pas des articles R. 434-4 et R. 434-5 du code de la sécurité intérieure ;
— le motif tiré des prétendus refus d’obéissance et d’assumer le commandement manque en fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2021, le ministre de l’intérieur demande sa mise hors de cause, dès lors qu’il appartient au préfet de la Corse-du-Sud de défendre dans cette instance.
La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud qui n’a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
— le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Castany, première conseillère, pour statuer sur les litiges mentionnés à l’article R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme Castany, magistrate désignée,
— les conclusions de M. Gallaud, rapporteur public,
— les observations de M. B.
Une note en délibéré présentée par M. B a été enregistrée le 21 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. B, major de police affecté à la direction départementale de la sécurité publique de la Corse-du-Sud où il occupait le poste de chef de la section d’intervention, a fait l’objet d’une sanction disciplinaire du blâme par une décision du 7 octobre 2020 du préfet de la Corse-du-Sud, dont il demande l’annulation par ses requêtes n° 2001449 et n° 2100011.
2. Les requêtes n° 2001449 et n° 2100011 présentées par M. B concernent la situation d’un même agent public, sont dirigées contre la même décision et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’il en soit statué par un même jugement.
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
3. Par un arrêté du 18 août 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour, et librement accessible et consultable, notamment sur le site Internet de la préfecture, le préfet de la Corse-du-Sud a donné à Mme Buisson-Prieu, commissaire divisionnaire, directrice départementale de la sécurité publique de la Corse-du-Sud et signataire de la sanction infligée, délégation de signature pour signer les actes relatifs à la gestion des personnels de la police nationale affectés dans sa direction et notamment les sanctions du premier groupe à l’encontre des fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
4. Aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 applicable à la date de la décision attaquée : « » Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire () « . Aux termes de l’article 66 de la loi du 11 janvier 1984 applicable à la date de la décision attaquée : » Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l’avertissement ; le blâme () “.
5. En premier lieu, si la fiche de sanction produite au dossier fait apparaître que la proposition de sanction qui a été faite par l’administration à l’autorité compétente reposait sur les articles R. 434-4 et R. 434-5 du code de la sécurité intérieure, la décision de sanction en litige est fondée non sur ces dispositions mais sur des manquements à l’obligation de loyauté, à l’obligation de rendre compte et au devoir d’obéissance. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort de la décision en litige qu’il est tout d’abord reproché à M. B d’avoir donné le sentiment qu’il admettait et donc validait par son silence que les agents de son groupe d’intervention puissent tenir des propos insultants, grossiers et sexistes à l’encontre d’une supérieure hiérarchique, sans les sommer à aucun moment d’y mettre un terme, au prétexte qu’ils ne l’auraient pas écouté.
7. Il ressort des pièces du dossier qu’une enquête administrative menée par l’inspection générale de la police nationale a été ouverte concernant des propos échangés sur un groupe de discussion hébergé sur un réseau social, au cours de laquelle le requérant a été entendu le 30 janvier 2020. Si M. B soutient qu’il s’agit de faits de nature privée sans incidence sur la bonne marche du service et qu’il était, pour sa part, étranger à toute forme de propos discriminatoire ou sexiste envers la fonctionnaire visée par ces échanges, il ne conteste ni l’existence de ce groupe de discussion, ni qu’il était membre de ce groupe, ni les propos injurieux envers une supérieure hiérarchique qui étaient échangés entre les autres membres. Les faits reprochés au requérant, liés à un groupe de discussion regroupant une partie des agents placés sous son autorité, constituent un manquement à son obligation professionnelle de loyauté, laquelle implique de rendre compte de l’existence de tels écrits susceptibles d’être diffusés en dehors du cercle des membres du groupe de discussion en cause ou à tout du moins de mettre fin à ces échanges. Par suite, l’administration était fondée à reprocher au requérant la façon dont il avait géré la situation en tant que supérieur hiérarchique des agents membres de ce groupe de discussion.
8. La décision litigieuse reproche également à M. B d’avoir préféré entretenir avec les agents placés sous sa responsabilité des liens de copinage plutôt que d’encadrement, qui supposaient de prendre des décisions et non de laisser les officiers trancher à sa place, par exemple en matière de congés, et d’avoir ainsi manqué au devoir d’obéissance par refus d’assumer son commandement. Ce grief, contesté par le requérant, n’est établi par aucune pièce du dossier.
9. Il résulte toutefois de l’instruction que le préfet de la Corse-du-Sud aurait pris la même décision s’il s’était fondé uniquement sur le motif cité au point 7 qui constitue une faute disciplinaire de nature à fonder légalement la décision attaquée.
10. En troisième et dernier lieu, si le requérant soutient que l’administration a manqué à l’obligation de loyauté à laquelle elle est tenue dans l’administration de la preuve des faits qui lui sont reprochés, il ressort des pièces du dossier que l’existence du groupe de discussion et la teneur des propos qui y étaient tenus ont été portées à la connaissance de l’administration par l’intermédiaire d’un agent, membre de ce groupe, et que ces faits ont été confirmés dans le cadre de l’enquête administrative qui a été diligentée. Par suite, M. B n’est pas fondé à soutenir que l’administration aurait manqué à son obligation de loyauté à son égard.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 7 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d’annulation, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n°s 2001449 et 2100011 de M. B sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Copie pour information en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2022.
La magistrate désignée,
signé
C. CASTANYLa greffière,
signé
H. MANNONI
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
H. MANNONI
N°s 2001449 et 2100011