Obligation de garantie de paiement et contestations en matière de travaux : enjeux et implications contractuelles

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Obligation de garantie de paiement et contestations en matière de travaux : enjeux et implications contractuelles

Contexte de l’affaire

La société SPC BAT a assigné la SCCV THALES devant le tribunal judiciaire d’Evry, en référé, pour obtenir diverses condamnations, notamment la production d’une garantie de paiement et le versement d’une provision.

Demandes initiales de SPC BAT

Dans ses demandes initiales, SPC BAT a sollicité la condamnation de SCCV THALES à produire une garantie de paiement sous astreinte, à verser une provision de 121.279,81 euros TTC, ainsi qu’à payer des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Modifications des demandes

Lors de l’audience du 20 septembre 2024, SPC BAT a modifié ses demandes, réclamant une garantie de paiement de 260.481,74 euros TTC et augmentant le montant des frais à 4.000 euros, tout en maintenant sa demande de provision.

Arguments de SPC BAT

SPC BAT a soutenu que la SCCV THALES n’avait pas respecté son obligation de fournir une garantie de paiement, malgré plusieurs mises en demeure. Elle a également précisé que des paiements pour des situations de travaux n’avaient pas été effectués, entraînant la suspension de ses prestations.

Réponse de SCCV THALES

SCCV THALES a contesté les demandes de SPC BAT, arguant que cette dernière avait abandonné le chantier et n’avait pas fourni les documents nécessaires pour le paiement. Elle a également mentionné des problèmes de malfaçons et de retards dans les travaux.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a décidé de ne pas faire droit à la demande de provision de SPC BAT, tout en condamnant SCCV THALES à fournir une garantie de paiement de 213.598,30 euros HT dans un délai de 15 jours, sous astreinte, et à payer des frais à SPC BAT.

Conclusion

La décision a été rendue le 25 octobre 2024, avec exécution provisoire de droit, et a condamné SCCV THALES aux entiers dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Tribunal judiciaire d’Évry
RG
24/00455
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 25 octobre 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00455 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QBDD

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 20 septembre 2024 et lors du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. SPC BAT
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Gwenaëlle PHILIPPE de l’AARPI PHIDEA AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1273

DEMANDERESSE

D’UNE PART

ET :

S.C.C.V. THALES
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau de l’ESSONNE

DÉFENDERESSE
D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice délivré le 11 avril 2024, la société SPC BAT a assigné la SCCV THALES devant le président du tribunal judiciaire d’Evry, statuant en référé, aux fins de voir :

dire et juger la société SPC BAT bien fondée en ses demandes ;condamner la SCCV THALES à produire la garantie de paiement sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des 8 jours de la signification de la décision à intervenir ;condamner la SCCV THALES à verser une provision de 121.279,81 euros TTC à la société SPC BAT ;condamner la SCCV THALES à verser 3000 euros à la société SPC BAT au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la SCCV THALES aux entiers dépens.
Initialement appelée à l’audience du 11 juin 2024, l’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises, en dernier lieu à l’audience du 20 septembre 2024.

A cette audience, la société SPC BAT, représentée par son conseil, s’est référée à ses conclusions en réponse n°2 aux termes desquelles, modifiant ses demandes initiales, elle sollicite du juge des référés de :

dire et juger la société SPC BAT bien fondée en ses demandes ;condamner la SCCV THALES à produire la garantie de paiement à hauteur de 260.481,74 euros TTC sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des 8 jours de la signification de la décision à intervenir ;condamner la SCCV THALES à verser une provision de 121.279,81 euros TTC à la société SPC BAT ;débouter la SCCV THALES de l’ensemble de ses prétentions ;condamner la SCCV THALES à verser 4000 euros à la société SPC BAT au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la SCCV THALES aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, elle soutient, au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, et des articles 1103,1104, 1231-1 et 1799-1 du code civil, que :

la SCCV THALES, société civile de construction immobilière appartenant à la société TAS GROUPE, a entrepris de faire édifier un ensemble immobilier comprenant un immeuble de 53 logements collectifs à [Localité 4] et, dans ce cadre, lui a confié le lot plomberie pour un montant forfaitaire et global de 500.000 euros HT, suivant marché de travaux du 20 septembre 2022 ;alors qu’elle a exécuté ses prestations et émis ses situations de travaux, conformément au contrat, la SCCV THALES ne lui a pas remis de garantie de paiement, qui est pourtant d’ordre public, malgré une mise en demeure par courriers du 27 juillet 2023 et du 7 février 2024 ; depuis la SCCV THALES n’a pas réglé la situation n°12 du 30 novembre 2023 d’un montant de 17.585,82 euros TTC, ni la situation n°13 du 31 décembre 2023 d’un montant de 72.473,23 euros ce qui l’a conduite à relancer la société SCCV, par courriel du 5 février 2024, puis à la mettre en demeure de régler la situation n°12 ;c’est dans ces conditions qu’elle a informé la SCCV THALES suspendre ses travaux, d’autant plus que l’accès au chantier lui avait été refusé le 7 février 2024 ;elle a de nouveau relancé la SCCV THALES concernant le paiement de ses situations par courriel du 4 mars 2024, sans réponse, puis l’a de nouveau mise en demeure de régler les situations n°12 et 13, par courrier recommandé du 7 mars 2024 ;la situation n°14 du 22 janvier 2024 d’un montant de 48.686,58 euros TTC n’a pas davantage été réglée par la société SCCV THALES portant la créance à la somme totale de 121.159,81 euros TTC ;la SCCV THALES, alors qu’elle n’a émis aucun contestation, ni proposé la moindre correction concernant ses situations n°12, 13 et 14, n’a pas procédé à leur règlement, en dépit de relances et mises en demeure, de sorte que la somme de 121.159,81 euros TTC, correspondant aux prestations réalisées avant la suspension du chantier est exigible, outre l’indemnité de recouvrement de 40 euros par facture non réglée ;la garantie de paiement n’a pas été fournie par la SCCV THALES, alors que cette obligation est d’ordre public et ne s’éteint qu’avec le complet paiement.
En réponse aux contestations soulevées par la SCCV THALES concernant la demande de provision, elle rétorque que :

l’argument tenant à la prétendue absence de production des documents concernant le travail dissimulé est présentée pour la première fois pour les besoins de la cause, et de mauvaise foi, aucune relance ou mise en demeure à ce sujet n’ayant été adressée, tous les documents administratifs ayant été fournis et étant accessibles sur la plateforme ATTESTATION LEGALE, et l’attestation PRO BTP ayant été transmise le 7 novembre 2023 ;elle n’a jamais abandonné le chantier mais était dans l’attente de précisions techniques, et a poursuivi ses prestations jusqu’en février 2024, avant de les suspendre, faute de production de la garantie de paiement ;elle n’a jamais été rendue destinataire du courrier du 1er février 2024 de la SCCV THALES la mettant en demeure de reprendre les travaux, aucun bordereau d’envoi ou de réception n’étant produit, et à compter du 7 février 2024 l’accès au chantier lui a été interdit ;la substitution d’entreprise est intervenue de façon fautive, les conditions légales n’étant pas réunies, ce pourquoi elle l’a contestée ;elle n’a pas refusé de réceptionner l’ouvrage et n’a d’ailleurs jamais été convoquée à ce titre par le maître d’œuvre ou le maître d’ouvrage ;la SCCV THALES est également mal fondée à lui reprocher le défaut d’établissement du décompte général définitif, ne l’ayant pas informée des opérations de livraison et réception, n’ayant pas été convoquée au rendez-vous du 20 mars 2024, ni reçu le courrier lui reprochant son absence audit rendez-vous ;elle n’a pas davantage reçu le courrier recommandé du 10 septembre 2024 par lequel la SCCV THALES lui aurait signifier la résolution du contrat alors que l’ouvrage est manifestement livré ;la SCCV THALES ne peut lui reprocher un refus d’établir un état contradictoire de l’avancement des travaux, alors qu’elle l’avait convoquée, par lettre recommandée du 7 mars 2024, à un état des lieux contradictoire, le 12 mars 2024, mais celle-ci a refusé l’accès à un commissaire de justice qu’elle avait missionné ;en tout état de cause, il n’y aucun écrit du maître d’œuvre contestant l’avancement du chantier par rapport aux situations adressées ;le dégât des eaux dont fait état la SCCV THALES est sans lien avec le litige, et, en outre, la survenance de désordres postérieurement à la réception relève des garanties de l’entreprise, si une imputabilité est démontrée, et n’exonère pas le maître d’ouvrage du paiement des prestations réalisées.
En réplique aux contestations concernant la demande de fourniture d’une garantie de paiement, elle fait valoir qu’elle n’a jamais accepté de renoncer à ladite garantie de paiement, ce qui n’est au demeurant pas possible, et, au contraire, n’a cessé de la réclamer.

La SCCV THALES, représentée par son avocat, s’est référée à ses conclusions déposées à l’audience, aux termes desquelles elle sollicite du juge des référé de débouter la société SPC BAT de l’ensemble de ses demandes, la renvoyer à mieux se pourvoir au fond et la condamner au paiement d’une somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de sa défense, elle fait valoir, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, et de l’article 1799-1 du code civil, que :

la société SPC BAT a toujours refusé d’établir un état contradictoire d’avancement en vue de surfacturer et d’émettre des situations de travaux qui ne correspondent pas aux travaux effectivement réalisés sur le site, a abandonné le chantier et a été substituée par une entreprise tierce, ce dont elle a été informée et ce à quoi elle ne s’est pas opposée ;l’appréciation des travaux effectivement réalisée relève du juge du fond ; la société SPC BAT n’a pas fourni les documents relatifs à la prévention du travail dissimulé de sorte qu’aucun paiement ne pouvait intervenir ;le 4 septembre 2024, elle a été destinataire d’une réclamation émanant d’un acquéreur concernant un dégât des eaux dont la société SPC BAT est seule responsable, ce désordre s’ajoutant aux nombreux autres découlant de l’abandon du chantier et de malfaçons, elle s’est plainte de l’inachèvement des travaux confiés à la société SPC BAT, de la violation du contrat de marché, en ce qu’elle a retardé la venue de GRDF, et du refus par la société SPC BAT de procéder à la réception des travaux ;la société SPC BAT a outre refusé de transmettre un décompte général définitif pour solde de tout compte, formalité contradictoire et obligatoire avant tout paiement global ;c’est dans ce contexte, qu’elle a procédé à la résolution du contrat, ce qui fait obstacle à tout règlement ;la garantie de paiement est sans objet, le contrat étant résolu et aucune créance n’existant et, en tout état de cause, la société SPC BAT a accepté le risque de travailler sans garantie de paiement, alors qu’elle était informée qu’une telle garantie n’avait pas été obtenue.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance, aux écritures déposées et à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 25 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes formées par la société SPC BAT

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le juge des référés est le juge de l’évidence, auquel fait obstacle l’existence d’une contestation sérieuse, dans le cadre de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision que pourrait éventuellement prendre les juges du fond s’ils étaient saisis de la demande.

Le montant d’une provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

a) Sur la demande de fourniture d’une garantie de paiement

L’article 1799-1 du code civil dispose que « Le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat.
Lorsque le maître de l’ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l’établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l’article 1779 tant que celles-ci n’ont pas reçu le paiement de l’intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l’ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l’ouvrage entre les mains de la personne ou d’un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l’ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu’il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d’une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque le maître de l’ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ou par une société d’économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l’Etat et réalisés par cet organisme ou cette société ».

Les sommes dues s’entendent du prix convenu au titre du marché initial ou d’un nouveau montant qui doit résulter d’un accord des parties. (Civ. 3e, 4 janv. 2006, no 04-17.226).

L’article 1er du décret n°99-658 du 30 juillet 1999 pris pour l’application de l’article 1799-1 du code civil et fixant un seuil de garantie de paiement aux entrepreneurs de travaux, dispose que « Le seuil prévu au premier alinéa de l’article 1799-1 du code civil est fixé, hors taxes, à 79 000 F et, à compter du 1er janvier 2002, à 12 000 euros. Les sommes dues s’entendent du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci »

Les dispositions de l’article 1799-1 du Code civil sont d’ordre public de sorte que les parties ne peuvent y déroger par des conventions particulières (Cass. 3e civ., 1er déc. 2004, n° 03-13.949) et l’entrepreneur peut en revendiquer le bénéfice, à tout moment de l’exécution des travaux. (Civ. 3e, 9 nov. 2005, no 04-20.047)

Ainsi, l’entrepreneur ne peut renoncer aux dispositions légales et réglementaires d’ordre public de l’article 1799-1 du Code civil et du décret du 30 juillet 1999 .

La garantie de paiement est due « même après la réalisation des travaux » ( Cass. 3e civ., 15 sept. 2016, n° 15-19.648 ), ou « à tout moment, y compris en fin de chantier , même après la résiliation du marché »( Cass. 3e civ., 13 oct. 2016, n° 15-14.445 ; Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n° 16-16.795 ).

En l’espèce, il n’est pas discuté que la SCCV THALES était tenue de fournir à la société SPC BAT une garantie de paiement, dès la conclusion du marché conclu le 20 septembre 2022, conformément à l’article 1799-1 du code civil, lequel porte sur un montant supérieur à 12.000 euros hors taxe.

Les dispositions de l’article 1799-1 du code civil étant d’ordre public et les parties ne pouvant y déroger, la SCCV THALES ne peut utilement soutenir, pour se soustraire à son obligation, que la société SPC BAT aurait renoncé à cette garantie de paiement et pris le risque de réaliser ses prestations sans cette garantie.

De plus, la résiliation unilatérale du marché que la SCCV THALES a entendu notifier à la société SPC BAT, par lettre recommandée du 10 septembre 2024, ne la dispense nullement de son obligation de fournir la garantie de paiement, et ce, d’autant que la société SPC BAT avait réclamé la fourniture de ladite garantie, notamment par lettre recommandée du 27 juillet 2022, et a suspendu ses prestations, faute de l’obtenir, ce dont elle informait la SCCV THALES, par lettre recommandée du 7 février 2024.

Par ailleurs, le désaccord opposant les parties sur les sommes restant dues au titre des prestations réalisées est sans incidence sur l’obligation pour la SCCV THALES de fournir une garantie de paiement, obligation qui perdure en dépit de la résiliation unilatérale du marché et les sommes dues visées à l’article 1799-1 du code civil s’entendant du prix convenu au titre du marché initial ou d’un nouveau montant résultant d’un accord des parties.

Concernant le montant de cette garantie, il sera fixé, conformément aux dispositions précitées, au montant du marché, déduction faite du montant HT des situations réglées par la société THALES, soit la somme de 213 598,30 euros HT, au vu des situations produites aux débats (500 000 HT correspondant au montant du marché – 286 401,70 euros correspondant au montant HT des situations n°1 à 11)

En considération de ces éléments, l’obligation de la SCCV THALES de fournir une garantie de paiement à la société SPC BAT à hauteur de 213.598,30 euros HT ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Par conséquent, la SCCV THALES sera condamnée à fournir à la société SPC BAT une garantie de paiement à hauteur de 213 598,30 euros HT.

En outre, compte tenu des mises en demeure demeurées infructueuses, cette condamnation sera assortie d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, à l’expiration d’un délai de 15 jours après la signification de la présente ordonnance, et ce pendant une durée de trois mois.

b) Sur la demande de provision

L’article 1103 du code civil dispose que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Aux termes de l’article 1353 du même code « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Il ressort des pièces versées aux débats que la SCCV THALES, qui a entrepris la construction de 53 logements au [Adresse 3] à [Localité 4], a, en qualité de maître d’ouvrage, confié à la société SPC BAT, suivant contrat de marché de travaux du 20 septembre 2022, le lot plomberie pour un montant forfaitaire et global de 500.000 euros HT.

Au soutien de sa demande de provision, la société SPC BAT verse notamment aux débats ses états de situation n°12 d’un montant de 17.585,82 euros TTC, n°13 d’un montant de 54.887,41 euros TTC, et n°14 d’un montant de 48.686,58 euros TTC, chiffrant le pourcentage d’exécution de chaque tranche de marché et chiffrant le montant correspondant, les courriels d’envoi desdits états de situation à la SCCV THALES, des courriels de relance en date notamment des 2; 5 février 2024 et 4 mars 2024, des mises en demeure notamment par lettres recommandée en date des 27 juillet 2023 et 7 mars 2024 et une lettre recommandée du 7 février 2024 par laquelle elle notifie à la SCCV THALES la suspension du contrat faute de transmission de la garantie de paiement et de règlement de l’état de situation n°12.

La SCCV THALES ne conteste pas le non règlement des états de situation n°12, 13 et 14 de la société SPC BAT, mais objecte que les sommes réclamées ne sont pas dues, invoquant, pour justifier de contestations sérieuses, un abandon du chantier, une mauvaise exécution des prestations, l’absence d’état contradictoire de l’avancement des travaux, le refus de réceptionner le chantier et de transmettre un décompte général définitif, l’absence de production des documents concernant le travail dissimulé, et la “résolution” du contrat.

Concernant l’absence de production des documents relatifs au travail dissimulé, le marché de travaux prévoit en son article 7.5 que conformément à l’obligation de vigilance pesant sur les donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrage, aucun paiement n’interviendra tant que l’entrepreneur n’aura pas transmis au maître d’ouvrage les documents énumérés à l’article 3.1 du présent contrat, lequel stipule que « lors de la conclusion du présent contrat, l’entrepreneur doit fournir les documents et attestations nécessaires afin de se conformer aux obligations légales et réglementaires, notamment fiscales et sociales :
(…)
2/ une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L 243-15 du code la sécurité sociale émanant de l’URSSAF, datant de moins de 3 mois. Cette attestation devra mentionner, outre l’identification de l’entreprise, le nombre de salariés employés et le total des rémunérations déclarées sur le dernier bordereau récapitulatif des cotisations (BRC) adressé à l’organisme de recouvrement par l’entrepreneur. (…) ».

Or, outre que la SCCV THALES ne justifie de la moindre relance concernant la communication de ces documents, la SPC BAT démontre être inscrite sur la plateforme « attestation légale », sur laquelle les documents légaux sont déposés et à laquelle la SCCV THALES avait accès, faisant partie du groupe TAS, mentionné comme client, ce dont elle ne disconvient pas, de sorte que la contestation à ce titre est dénuée de sérieux.

Concernant le prétendu refus de la société SPC BAT de participer aux opérations de réception de l’ouvrage, si la SCCV THALES a entendu notifier à la société SPC, par lettre recommandée du 10 septembre 2024, la résiliation du marché, alléguant de divers manquements dont un refus de réception et une absence de procès-verbal de réception, elle ne justifie en aucune manière avoir convoqué la société SPC BAT aux opérations de réception, de sorte que cette contestation n’est pas sérieuse.

S’agissant du prétendu refus de la société SPC BAT de transmettre un décompte général définitif, il ressort des pièces versées aux débats, d’une part, que la société SPC BAT, par lettre recommandée du 7 mars 2024, a convoqué la SCCV THALES à un constat d’état des lieux et d’avancement des travaux, le 12 mars 2024, et que le commissaire de justice qu’elle a mandaté pour procéder contradictoirement à cet état des lieux, à cette date, s’est vu refuser l’accès au chantier, tel que cela ressort du procès-verbal qu’il a établi, et d’autre part, que si la SCCV THALES a, par lettre recommandée du 21 mars 2024, reproché à la société SPC BAT son absence à un rendez-vous fixé le 20 mars 2024 en vu de l’établissement du décompte général définitif, elle ne justifie pas avoir convoqué la société SPC BAT à ce rendez-vous, de sorte que la contestation à ce titre est dépourvu de sérieux.

Concernant le prétendu abandon du chantier, la société SCCV verse notamment aux débats une lettre recommandée du 23 juillet 2023 aux termes de laquelle elle déplore un abandon du chantier et met en demeure la société SPC BAT de reprendre les travaux, une lettre recommandée du 31 octobre 2023 aux termes de laquelle elle reproche à la société SPC BAT l’absence de réalisation de certaines installations, notamment le moteur VMC et la « CI et colonne gaz », la menace de résoudre le contrat et de lui substituer une entreprise tierce, à défaut de satisfaire à ses obligations, et une lettre recommandée du 1er février 2024 par laquelle elle met en demeure la société SPC BAT de procéder à la reprise des travaux de plomberie.

Or, outre que la lettre recommandée du 23 juillet 2023, n’est corroborée par aucun autre élément, d’une part, il n’est pas justifié de son envoi, la société SCCV THALES ne produisant pas la preuve de dépôt mais le bordereau de distribution complété par ses soins concernant l’expéditeur et le destinataire mais sans la moindre mention émanant de la poste concernant la distribution dudit courrier, d’autre part, cette lettre recommandée intervient quelques jours après la mise en demeure par lettre recommandée du 23 juillet 2023 de la société SPC BAT de fournir une garantie de paiement, de sorte que le grief tenant à un abandon du chantier en juillet 2023 n’est pas suffisamment étayée et la contestation à ce titre n’est pas sérieuse.

Par ailleurs, concernant le grief tenant à l’absence de réalisation de certaines installations, notamment le moteur VMC et la CI et colonne gaz, adressé par lettre recommandée du 31 juillet 2023, force est de constater que la société SPC BAT y a répondu de façon circonstanciée, par lettre recommandée du 6 novembre 2023, expliquant être dans l’attente de précisions techniques de sa part, explications dont elle était remerciée par la SCCV THALES, par lettre recommandée du 17 novembre 2023.

Et, alors que par lettre recommandée du 24 novembre 2023, la société SPC BAT faisait à la SCCV THALES un état des lieux d’avancement des travaux, cette dernière, par lettre recommandée du 27 novembre 2023, indiquait ne pouvoir attendre le délai annoncé concernant la CI + COLONNE GAZ et avoir décidé, dans ces conditions, de lui substituer une autre entreprise pour terminer les travaux du lot gaz, décision de substitution dont la société SPC BAT contestait le bien-fondé par lettre recommandée du 27 novembre 2023.

Enfin, il apparait que la société SCP BAT n’a pas abandonné le chantier à compter de février 2024, mais a suspendu ses prestations, sur le fondement de l’article 1799-1 du code civil, en raison du non-paiement de son état de situation n°12 et du défaut de fourniture d’une garantie de paiement, qui n’est pas contesté, ce dont elle informait la SCCV THALES, par lettre recommandée du 7 février 2024, relevant que ses équipes s’étaient vues refuser l’accès au chantier à cette date et n’avaient de fait pu récupérer leurs effets personnels.

Il s’ensuit que la contestation tenant à un abandon du chantier par la société SPC BAT ne revêt pas un caractère sérieux.

S’agissant du dégât des eaux dont un acquéreur s’est plaint et qui est manifestement intervenu après la livraison de l’ouvrage, d’une part, la SCCV THALES ne produit le moindre élément permettant d’établir que ce désordre serait imputable à la société SPC BAT, et ce d’autant, qu’elle reconnait avoir substitué à celle-ci des entreprises tierces pour terminer des travaux relevant du lot plomberie, d’autre part, il ne justifierait pas, en tout état de cause, le non-paiement des état de situations de la société SPC BAT.

S’agissant de la résiliation unilatérale du marché qu’elle a notifiée à la société SPC BAT, par lettre recommandée du 10 septembre 2024, sur le fondement de l’article 1226 du code civil, elle ne constitue pas davantage une contestation sérieuse, dans la mesure où, d’une part, les manquements sur lesquels elle se fonde, exposés supra, ne sont pas établis en l’état des éléments produits, et, d’autre part, ladite résiliation, qui vaut pour l’avenir, ne serait pas de nature à affranchir la SCCV THALES de l’obligation de payer des prestations réalisées antérieurement.

S’agissant de l’absence d’état contradictoire de l’avancement des travaux, il sera noté que l’article 7 relatif aux paiements du contrat de marché stipule que :
« 7.1 : Les factures seront établies après un état contradictoire mensuel d’avancement des travaux, sur lesquels les parties engagent leur accord. Les règlements seront effectués après réception des factures libellés en trois originaux, par virement ou chèque bancaire.
7.2 : l’Entrepreneur s’engage à fournir au maitre de l’ouvrage, dans les meilleurs délais, toutes les pièces justificatives permettant le règlement des travaux qu’il a exécuté, ainsi que sa demande de paiement libellée au nom du maître de l’ouvrage.
7.3 : Le maître de l’ouvrage dispose d’un délai de quarante-cinq (45) jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives (factures) servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier à l’entrepreneur son refus motivé par lettre recommandée avec accusé de réception. Copie de la demande de paiement corrigée sera alors adressée à l’entrepreneur ».

Bien que la SCCV THALES n’ait pas contesté les états de situation n°12, 13 et 14 de la société SPC BAT, dans le 45 jours de leur réception, il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la société SPC BAT de rapporter la preuve de la réalisation des prestations correspondant auxdits états de situation.

Or, il n’est produit aux débats aucun état contradictoire mensuel d’avancement des travaux, préalable à l’établissement des factures, ni compte rendu de chantier, ce qui est d’autant plus problématique que la société SPC BAT a suspendu son intervention sur le chantier, à compter de février 2024 et s’est vu substituer des entreprises tierces pour l’achèvement de certains travaux, notamment afférents au lot gaz, à partir de la fin du mois de novembre 2023.

Pas davantage, il n’est versé aux débats d’état contradictoire d’avancement des travaux, à la date à laquelle la société SPC BAT a indiqué suspendre son intervention sur le chantier, soit au 7 février 2024, ou de décompte général définitif, nonobstant l’imputabilité de cette carence.

Si un procès-verbal de constat a été établi, le 19 février 2024, par un commissaire de justice, à la requête de la SCCV THALES, outre qu’il ne l’a pas été contradictoirement, il ne permet pas de déterminer précisément les prestations réalisées par la société SPC BAT, à laquelle des entreprises tierces avaient été substituées, avant cette date, pour la finalisation de certains travaux.

Dans ces conditions, il existe une contestation sérieuse concernant l’état d’avancement du chantier, et plus précisément, sur le point de savoir si les prestations facturées par la société SPC BAT, dans ses situations n°12, 13 et 14, correspondent à des prestations réalisées.

Par conséquent, la demande de provision formée par la société SPC BAT se heurte à une contestation sérieuse de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé.

II. Sur les dépens et frais irrépétibles

L’article 696 du code de procédure civile dispose que « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; (…) Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations ».

La SCCV THALES qui succombe partiellement à la présente instance sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance.

En outre, la SCCV THALES sera condamnée à payer à la société SPC BAT la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société SPC BAT ;

CONDAMNE la SCCV THALES à fournir à la société SPC BAT une garantie de paiement d’un montant de 213.598,30 euros HT, due en application du contrat de marché du 20 septembre 2022, dans un délai de 15 jours, à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant trois mois ;

CONDAMNE la SCCV THALES aux entiers dépens de la présente instance ;

CONDAMNE la SCCV THALES à payer à la société SPC BAT une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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