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Un consultant (salarié, convention collective SYNTEC) ne peut être licencié pour insuffisance professionnelle en raison de l’absence de réalisation d’un chiffre d’affaires suffisant (taux de charge) si aucun objectif chiffré précis ne lui a été assigné. La fixation de tels objectifs en cours de contrat de travail constitue une modification unilatérale des conditions de travail, qui doit impérativement être soumise à l’accord du salarié. Dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, les évaluations établies unilatéralement par l’entreprise (et en l’occurrence contestées par le salarié dès qu’il en a eu connaissance) ne peuvent, à elles seules, établir une insuffisance professionnelle.
Un salarié a été engagé en qualité de consultant avec la qualification de manager, par la société Ernst et Young Advisory. Il était affecté au département PMI (post merger integration) dont la mission consiste à aider les entreprises ou fonds d’investissement à intégrer une acquisition ou à se séparer d’une activité cédée. En l’absence de réalisation d’un taux de charge suffisant, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle. Ce licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a obtenu plus de 100 000 euros de dommages et intérêts.
Aux termes du contrat de travail, le salarié a été engagé en qualité de consultant, qualification manager. Il était affecté au département Transaction Integration et il ressort du profil de poste que l’équipe Transaction Intégration Services organise les stratégies d’intégration ou de détourage d’activité pour optimiser la mise en oeuvre de transaction par la gestion opérationnelle de la période post-deal, l’expertise fonctionnelle, l’analyse et la maîtrise des synergies et des risques. Les principales responsabilités du poste consistent à identifier les leviers de création de valeur de la cible, préparer le client à la prise de contrôle opérationnel et l’assister dans l’exécution des opérations de transformation. Or, dans la liste des missions du ‘manager transaction integration, ne figurait aucune mission relative au développement commercial.
Par ailleurs, le contrat de travail s’il mentionnait que le salarié pouvait bénéficier ‘d’une prime individuelle octroyée en fonction de ses performances’, n’évoquait pas la fixation d’objectifs en termes de chiffre d’affaires et la société n’a d’ailleurs fixé aucun objectif au consultant les deux premières années.
Ainsi, contrairement à ce que soutenait la société, les fonctions du consultant ne consistaient pas à développer les ventes comme un commercial mais à accompagner le client dans un projet en qualité de conseil, la circonstance que le salarié ait pu échanger avec sa hiérarchie sur l’aspect commercial de l’activité ne modifiant pas les fonctions contractuellement prévues. Il en résulte que le poste du consultant a effectivement été modifié de façon significative, sans son accord, lors de son passage au service ‘Advisory’. Quant au taux de charge insuffisant reproché au salarié sur les deux premières années, aucun objectif sur ce point ne lui avait été assigné, le salarié faisant valoir en outre, à juste titre, qu’un consultant ne décide pas seul de ses affectations, lesquelles ont une incidence sur le taux de charge.
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L’article L.1235-1 du code du travail précise qu’en cas de litige et à défaut d’accord des parties, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il ajoute que si un doute subsiste, il profite au salarié. Si l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur doit toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L’insuffisance professionnelle se caractérise par l’incapacité du salarié à exercer ses fonctions de façon satisfaisante, par manque de compétences. Pour autant, l’employeur ne peut licencier un salarié qui a des difficultés à s’adapter à une nouvelle technique ou à un nouveau poste de travail que s’il lui a donné les moyens d’exercer sa mission et laissé le temps de devenir opérationnel. L’insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et il convient de rechercher si le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résulte soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute imputable au salarié.
La juridiction a également retenu le harcèlement moral. Si l’employeur contestait toute promotion donnée au salarié, rien ne justifiait le retrait du grade de senior manager. La société ne s’expliquait pas plus sur les conditions décrites du changement de service du salarié et notamment sur la raison pour laquelle il n’a pas été présenté à l’équipe Advisory contrairement aux autres salariés rejoignant ce service ou n’a pu bénéficier de son propre bureau durant plusieurs mois. Enfin, elle n’apportait pas d’élément contredisant les pressions exercées sur le salarié afin qu’il quitte l’entreprise, en particulier s’agissant des termes utilisés par son supérieur. Le harcèlement moral était ainsi caractérisé.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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