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La ligne téléphonique correspondant à un numéro du téléphone portable mis à la disposition du salarié reste la propriété de l’employeur. Le salarié qui fait transférer cette ligne en son nom en fraude des droits de la société s’expose à une injonction de transfert prononcée en référé.
En la cause, le salarié ne conteste pas avoir conservé le numéro de téléphone et avoir sollicité de titulariser la ligne postérieurement à la rupture de son contrat de travail et à sa déclaration à la société de perte de son téléphone.
Or, le salarié n’établissait ni que cette ligne ait été initialement une ligne personnelle, les factures versées aux débats démontrant qu’elle était payée par la société, ni qu’il ait été dispensé de la restituer ou qu’un accord aurait été conclu pour qu’il la conserve, de sorte qu’il n’est pas sérieusement contestable qu’il en doit la restitution.
Nonobstant la procédure au fond introduite par le salarié aux fins de contester son licenciement, l’employeur est parfaitement recevable à agir en référé aux fins d’obtenir la restitution de cette ligne téléphonique, les différentes tentatives pour obtenir cette restitution ayant échoué.
La juridiction a conclu qu’il n’existe aucune contestation sérieuse sur l’origine de la propriété de la ligne litigieuse et qu’il y a bien urgence à faire cesser la privation de sa libre disposition par son légitime propriétaire dès lors que cette privation de jouissance est illégitime et qu’elle cause de fait à la société requérante un préjudice.
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022
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N° RG 22/02399 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOIK
ORDONNANCE DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 05 MAI 2022 (référence dossier N° RG 22/00011)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S.U. SYSTEO PROTECTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et concluant par Me Yohanna WEIZMANN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
Monsieur [F] [R]
né le 03 Février 1975 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
assisté et concluant par Me Christine HAMEL de la SELARL CHRISTINE HAMEL, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Marjorie BUVRY, avocat au barreau D’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 22 septembre 2022, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 10 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 10 novembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
FAITS ET PROCÉDURE
M. [R] [F] a été engagé le 20 février 2018 par la SASU Systeo protection (ci-après dénommée la société), pour une durée indéterminée, en qualité de commercial. Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable commercial, statut cadre.
La relation de travail est régie par la convention collective des commerces de détail non alimentaires.
Par lettre du 9 décembre 2021, M. [R] était convoqué pour le 21 décembre à un entretien préalable à son licenciement et était mis à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 27 décembre suivant pour faute grave, par lettre ainsi rédigée:
‘(…) Nous vous notifions par conséquent votre licenciement pour faute grave pour les motifs exposés ci-après.
Embauché à compter du 20 février 2018, vous occupez, depuis le 3 février 2020, le poste de Responsable commercial salarié au sein de la société Systeo Protection. En cette qualité, vous avez notamment pour fonction d’assurer le management et la supervision de l’équipe commerciale, de piloter les activités commerciales de la société, d’évaluer l’équipe commerciale et d’intervenir pour assurer l’accroissement du chiffre d’affaires de la société, de guider les vendeurs sur le terrain et de surveiller leur performance.
Or, nous avons constaté que vous adoptez un comportement agressif et violent à l’égard de vos collègues et responsables hiérarchiques, hautement préjudiciable aux intérêts de la Société et de ses collaborateurs, et particulièrement inapproprié dans le cadre des relations professionnelles.
— Violence physique et dégradation matérielle des locaux de la Société.
Le 30 novembre 2021, vous vous êtes emporté de manière extrêmement violente dans les locaux de la société Systeo et en présence de plusieurs de vos collègues. Vous avez endommagé les murs des bureaux de la société Systeo avec vos pieds et poings, ainsi que le réfrigérateur. En effet, nous avons pu constater des trous dans les murs à plusieurs endroits. Les personnes présentes sur place ont également rapporté que vous aviez jeté un carton contenant des papiers, ces derniers ayant été éparpillés sur le sol. Les dégâts sont considérables. La violence de ces actes est démesurée et représente un danger pour l’ensemble des collaborateurs de la Société. Lors de l’entretien préalable, vous avez reconnu la matérialité de vos actes que vous avez tenté de justifier par le fait que nous avions usé de notre droit de rétractation dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle qui était alors en cours. Cela ne permet en aucun cas de justifier l’agression que vous avez commise. Un tel excès nous permet au contraire de constater que vous n’avez aucune maîtrise de vos actes, ce qui constitue une menace pour la société et ses collaborateurs et ce qui nous empêche de pouvoir vous faire confiance pour l’avenir. Au regard des responsabilités qui sont les vôtres et des missions d’encadrement du personnel que vous assumez, la gravité de vos actes est sans précédent et ne nous permet pas de vous maintenir à votre poste.
— Comportement agressif adopté envers les dirigeants de la société et l’ensemble des collaborateurs:
propos menaçants, injurieux, calomnieux et dénigrants prononcés à l’encontre des dirigeants de la société et de l’ensemble des collaborateurs. Nous avons en outre, pu constater que vous adoptiez une attitude violente et menaçante en présence de vos collègues, critiquant ouvertement la société et sa gestion par les dirigeants. Vous avez également proféré plusieurs menaces lors de ces échanges :
— menaces de créer un site internet ou une page sur les réseaux sociaux dont le but serait de nuire à l’image du groupe ;
— menaces de venir dans les locaux de [Localité 7] dès le lendemain et d’y rester jusqu’à la fin de l’année ;
Par ailleurs, dans trois courriels (le premier en date du jeudi 25 novembre 2021, le second en date du mercredi 1er décembre 2021 et le dernier en date du jeudi 2 décembre 2021), vous avez ouvertement tenu des propos dénigrants envers la Société et le Groupe, leurs dirigeants ainsi que du personnel, usant de termes excessifs et déplacés, d’un ton familier et profondément condescendant qui n’ont pas leur place dans les relations d’ordre strictement professionnel.
Si Monsieur [S] est directement et majoritairement la cible de vos accusations, nous avons pu constater que d’autres salariés étaient visés, et notamment Madame [W] [A] et Madame [I] [N].
En tout état de cause, les accusations que vous proférez à l’encontre de la Société, quand elles ne sont pas adressées directement aux protagonistes, sont adressées aux membres du personnel de la Société, Ainsi, plusieurs salariés nous ont indiqué avoir été témoin de votre comportement violent, des propos constamment dénigrants que vous tenez à l’encontre de la Société.
La virulence des critiques proférées excède le cadre du simple exercice de la liberté d’expression dont vous bénéficiez. Elle caractérise un excès de langage qui n’est pas admissible au regard de vos fonctions et de vos responsabilités.
Bien plus, vous avez systématiquement mis en copie de vos échanges de nombreux collaborateurs de la société, des membres du bord et des actionnaires du groupe ce qui est parfaitement injustifié et relève d’une pratique humiliante et dégradante pour les personnes visées.
Enfin, et surtout, la teneur de vos propos est parfaitement diffamatoire dans la mesure où vos accusations sont fallacieuses et en tout point démenties par les précisions factuelles que nous avons pu réunir.
Entre le 30 novembre 2021, la date n’apparaît pas sur les premières captures d’écran des SMS et le 1er décembre 2021, Monsieur [S] a reçu une dizaine de SMS de la part de Monsieur [R], l’assaillant de menaces et de propos violents :
« tu veux jouer et tu vas perdre ”
« la nuit porte conseil et tu as jusqu’à demain pour faire marche arrière ”
« Ressaisis-toi, avale ta fierté mal placée ”
« tu te crois professionnel dans tes méthodes ou celles de [I] ‘ ”
« tu n’es pas en mesure de dicter tes conditions nauséabondes ”
« ne gâche pas ta carrière ”
« tu vas faire l’erreur de ta vie ”
Un tel comportement n’a pas sa place dans le cadre des relations professionnelles et il est parfaitement inadmissible d’adopter un tel langage envers son employeur, de façon insistante et répétée.
Lors de l’entretien préalable, vous n’avez pas contesté les faits. Vous ne semblez toutefois pas prendre la mesure de la gravité des faits qui vous sont reprochés. Ces événements s’ajoutent au comportement véhément que vous adoptez d’une manière générale.
Ainsi, par SMS le 19 novembre 2021, lorsque Madame [N] vous demandait de lui communiquer deux devis, vous lui répondiez : « Vous vous fichez de moi […] si je n’ai pas ce virement en express dans 1’heure, vous ne viendrez pas pleurer ”.
Le 20 octobre 2021, Madame [M] [K] nous signalait également que vous l’aviez contactée pour vous plaindre de la société.
Vous avez traité l’ensemble des collaborateurs de « branquignoles ”, les accusant de vous empêcher de travailler. Vous avez également affirmé que les membres du Codir étaient des «bras cassés ” et que nous avions « de la merde dans les yeux ”.
Par ailleurs, le 29 octobre 2021, Madame [W] [A] a dénoncé votre attitude déplacée et les propos violents que vous aviez tenus en sa présence : « Vous êtes des bras cassés au codir, vous avez de la merde dans les yeux, vous avez une pépite avec Systeo mais vous foutez tout en l’air et ne savez rien gérer, vous êtes bons à rien ”
Vous êtes allé jusqu’à prononcer des insultes et des injures à l’encontre de vos collègues.
Vous avez également sous-entendu être capable d’adopter un comportement physique violent à l’encontre de Monsieur [V] [S].
Les menaces permanentes que vous émettez ainsi que la virulence de vos actes et de vos paroles sont parfaitement inadmissibles dans le cadre des relations professionnelles. Elles suscitent la crainte, à juste titre, chez vos collègues ce qui ne peut pas être toléré. Il nous est impossible d’admettre-un comportement aussi irrespectueux et agressif au sein de notre société.
Lors de l’entretien préalable, vous n’avez aucunement contesté la matérialité des faits. Vous vous êtes contenté de justifier les propos et les menaces qui vous étaient attribués en invoquant que nous ne payons pas les fournisseurs.Cela ne suffit malheureusement pas à modifier notre appréciation des faits et ne vient pas atténuer la gravité des fautes que nous vous reprochons. Bien au contraire, la nature diffamatoire de vos accusations, que nous contestons de toutes pièces, renforce la gravité de votre comportement.
Compte tenu de l’ensemble des griefs ci-avant exposés, de la déloyauté évidente que vous manifestez envers la Société, de votre comportement menaçant et violent, nous n’avons pas d’autres choix que de vous notifier, parla présente, votre licenciement pour faute grave.(…)
Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre départ est immédiat, sans préavis ni indemnité. (…) Vous devez restituer l’ensemble des documents et matériels appartenant la Société et dont vous seriez encore détenteur, sans omettre:
— Les clefs du bureau
— L’ordinateur portable ainsi que son chargeur
— Le véhicule de fonction
— Le téléphone portable
— Toutes les documentations SYSTEO
Pour cela, vous voudrez bien prendre contact avec Mr [X] au plus tôt pour la restitution des documents et du matériel en votre possession et récupérer l’ensemble de vos affaires personnelles et notamment vider le contenu de l’ordinateur mis à votre disposition de l’ensemble de vos fichiers et messages personnels.’
Le 17 mars 2022, la société Systeo protection a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens aux fins de solliciter la restitution par le salarié de deux lignes téléphoniques.
Par ordonnance du 5 mai 2022, la juridiction prud’homale a :
déclaré être incompétente en application des dispositions des articles R.1455-5 et suivants et a renvoyé la SASU Systeo protection à mieux se pourvoir ;
condamné l’employeur à verser à M. [R] la somme de 500 euros à titre de provision sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
laissé les dépens de la procédure à la charge de la SASU Systeo protection.
Le 13 mai 2022, société Systeo protection a interjeté appel de cette décision en l’ensemble de ses dispositions.
Par ordonnance en date du 24 mai 2022, l’affaire a été fixée selon les dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 23 juin 2022, la société Systeo protection demande à la cour l’infirmation du jugement et de :
dire qu’il y a lieu à référé ;
ordonner à titre conservatoire au visa de l’article 145 du code de procédure civile à M. [R] d’avoir à restituer la ligne téléphonique professionnelle [XXXXXXXX01] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard suivant le 8ème jour de la notification de l’ordonnance aux parties, le conseil se réservant la faculté de liquider l’astreinte ;
condamner M. [R] d’avoir à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
rappeler en tant que besoin que la décision à intervenir bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
dire que les sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 7 du code civil ;
condamner M. [R] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2022, M. [R] demande la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, de débouter la société Systeo protection de ses demandes et de condamner l’employeur à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
A l’audience du 8 septembre 2022, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à la demande des parties à l’audience du 22 septembre 2022, le dossier n’étant pas en état à la suite de nouvelles conclusions de la société notifiées par la voie électronique le 7 septembre veille de l’audience reprenant ses demandes et développant son argumentation.
Suivant dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 septembre 2022, la société reprend ses demandes et l’argumentation développée dans ses conclusions notifiées le 7 septembre 2022 mais modifie l’intitulé d’une pièce.
Suivant dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 septembre 2022, le salarié reprend ses demandes et développe son argumentation.
La clôture de la procédure est intervenue le 22 septembre 2022, date de l’audience, avant l’ouverture des débats.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, si la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Amiens s’est déclarée ‘incompétente’ et a renvoyé la société Systeo protection à mieux se pourvoir, il se déduit de sa motivation qu’elle a entendu dire que les conditions du référé n’étaient pas remplies en sorte qu’il ne s’agit donc pas d’une décision statuant sur la compétence mais d’une décision constatant un défaut de pouvoir juridictionnel.
Sur le fond
A hauteur de cour, au soutien de ses demandes, l’employeur expose en substance que le conseil de prud’hommes est compétent en sa formation des référés pour ordonner à un salarié de restituer à son employeur le matériel professionnel dont il avait l’usage dans le cadre de ses fonctions et qu’il a conservé postérieurement à la rupture du contrat de travail; que les faits qu’elle expose et ses demandes ne sont pas sérieusement contestables; qu’aux termes d’un contrat d’acquisition d’actions en date du 13 septembre 2019, la société Les Rives de l’Omignon a cédé à la société Clearway Finances l’intégralité du capital et des droits de vote de la société Systeo protection ; que peu de temps après le départ, à quelques mois d’intervalle, de Messieurs [H] [L] et [R], elle a été, au mois de janvier 2022, victime de graves problèmes techniques touchant ses systèmes informatiques et téléphoniques de manière extrêmement préjudiciable et est devenue subitement injoignable au travers de l’intégralité de ses moyens de communication officiels, et après investigation en interne il est apparu que les problèmes identifiés étaient liés au fait que notamment M. [R] avait conservé l’usage de la ligne téléphonique professionnelle qui avait été mise à sa disposition à des fins strictement professionnelles par l’employeur dans le cadre de ses fonctions de commercial, et dont elle soupçonne qu’il a fait usage aux fins de la dénigrer auprès de ses clients et prospects ; que M. [R] affirme sans preuve que la propriété de la ligne lui avait été promise dans le cadre de la rupture conventionnelle envisagée entre les parties au mois d’octobre 2021, qui en tout état de cause n’a pas abouti, et reconnaît ainsi par là-même que la ligne était bien la propriété de la société qui payait les factures lui étant d’ailleurs exclusivement adressées ; que le fait que M. [R] ait déclaré le 30 décembre 2021 avoir perdu le téléphone avec la carte SIM à l’intérieur démontre qu’il n’avait pas restitué le matériel professionnel en sa possession, étant souligné qu’il a pourtant postérieurement continué de répondre aux appels sur cette ligne en dénigrant la société, la ligne lui permettant de rester en contact avec les clients de son ancien employeur ; que la ligne téléphonique qui était utilisée par les clients de la société et lui appartenant est toujours utilisée à des fins personnelles par M. [R] qui l’a détournée pour qu’elle lui appartienne ; que son préjudice est évident et il est urgent qu’elle récupère la ligne pour la poursuite de son activité commerciale; que subsidiairement, il y a lieu de faire cesser le trouble manifestement illicite dont elle est victime de la part de M. [R] dès lors que son activité économique et son organisation ont été très perturbées par la violation par le salarié de son obligation de restitution, puisque notamment elle manque un nombre important d’appels téléphoniques de la part de ses clients et M. [R] la dénigre auprès des clients par le biais de la ligne téléphonique litigieuse ; que la déloyauté dont fait preuve M. [R] est criante et constitue un trouble manifestement illicite.
Le salarié réplique en substance que la demande de la société souffre d’une contestation sérieuse, et aucun élément probant ne confirme l’existence d’un trouble manifestement illicite auquel il devrait être mis un terme; que la procédure, infondée, a pour seul but de ternir son image et de colorer la procédure prud’homale en cours à la suite de son licenciement abusif; que la société a d’ailleurs abandonné sa demande relative à la restitution de la seconde ligne tant elle manquait de sérieux ; que s’agissant de la demande portant sur l’autre ligne téléphonique, lors de l’embauche, il était convenu entre les parties qu’il bénéficie d’une ligne téléphonique destinée à un usage tant professionnel que personnel qu’il pourrait conserver en cas de départ de l’entreprise ; que l’ancien dirigeant de la société, M. [L], a quitté la société en septembre 2021 en raison de dysfonctionnements, et courant octobre 2021 les relations avec l’employeur se sont crispées en raison notamment de retards dans le paiement de ses commissions mais aussi des nouvelles pratiques de la société qui ont conduit les parties à convenir de la mise en place d’une rupture conventionnelle qui n’a pas abouti, et il a finalement été licencié pour faute grave de façon abusive, en raison de ses revendications pourtant légitimes; que la société ne prouve pas que le matériel revendiqué est incontestablement sa propriété alors que la ligne téléphonique revendiquée a toujours été détenue par M. [L] qui, en sa qualité de titulaire, la lui a transmise dans des conditions régulières comme cela avait été promis; que de son propre aveu, la société reconnaît n’avoir jamais sollicité la titularité de la ligne auprès de M. [L], même à son départ, ce qui la prive nécessairement du droit de la revendiquer désormais alors que le titulaire de la ligne téléphonique est le contractant de l’opérateur téléphonique, et la ligne litigieuse a pu être enregistrée sous son nom parce que dans le cadre de la rupture conventionnelle en cours l’accord avait été rappelé et il n’a aucunement acquis la ligne téléphonique de façon frauduleuse; qu’aucune demande de restitution du téléphone portable n’est formée dans le dispositif des conclusions de l’appelante ; que contrairement aux allégations non prouvées de l’employeur, la ligne téléphonique revendiquée avait été mise à sa disposition pour être utilisée tant à des fins professionnelles que personnelles ; que la société cherche de façon illégitime à le rendre responsable des dysfonctionnements qu’elle rencontre, provoqués par sa seule mauvaise gestion de l’entreprise ; que la société prétend sans la moindre preuve que son activité économique et l’organisation de la société auraient été perturbées en raison de la non restitution de la ligne téléphonique litigieuse.
Or, l’article R1455-7 du code du travail dispose que dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Selon l’article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, est en cause la conservation par M. [R] de la ligne téléphonique qu’il utilisait lorsqu’il était salarié de la société Systeo protection, soit le numéro [XXXXXXXX01].
Il est établi par le procès verbal de constat d’huissier de justice du 18 janvier 2022 produit par la société Systeo protection que M. [R] dispose désormais de la propriété de la ligne. Il soutient que l’ancien dirigeant de la société lui avait promis qu’à son départ de la société il bénéficierait de la cession de cette ligne qu’il utilisait ainsi précédemment en sa qualité de salarié.
Cependant, il ne résulte ni du contrat de travail de M. [R] ni d’aucun document contractuel que cette ligne téléphonique pouvait être utilisée par le salarié tant à titre professionnel qu’à titre personnel, aucun usage ni aucune tolérance à ce titre n’étant par ailleurs démontrés, et il ne ressort pas non plus d’un document quelconque du dossier que la mise à disposition de cette ligne téléphonique constituait un avantage pour M. [R] en qualité de salarié cadre.
S’agissant de l’abonnement téléphonique auprès de Bouygues télécom pour le numéro litigieux, la société Systeo protection produit en particulier des factures liées à cette ligne payées par elle depuis janvier 2018 (et donc dès avant l’embauche de M. [R]) et mentionnant certes le nom de l’ancien gérant de la société M. [L] mais également le nom et l’adresse de la société jusqu’en 2021 puis le nom de M. [L] mais toujours l’adresse de la société. Elle produit aussi un courriel de Bouygues télécom du 26 mars 2021 faisant état des paiements par la société de l’ensemble des factures liées aux lignes de l’entreprise, et un courriel du 24 janvier 2022 adressé par M. [L] au nouveau dirigeant de la société lui demandant notamment de vérifier que toutes les lignes téléphoniques, notamment les lignes Bouygues, ‘souscrites à l’époque à mon nom perso soit bien transférées au nom de Systéo ou un de ses responsables’ sans faire aucune exception ni aucune référence à un accord intervenu à un moment quelconque avec M. [R] pour qu’il conserve à titre personnel l’une de ces lignes lors de son départ de la société.
L’engagement par l’employeur intervenu avant la cession de la société, dont se prévaut le salarié, n’est confirmé par aucun écrit, n’est corroboré par aucun élément objectif, et est même ainsi contredit par le courriel de M. [L] susvisé du 24 janvier 2022 dont il ressort qu’il a reconnu que les lignes téléphoniques souscrites à son nom, sans exception, appartiennent à la société Systeo protection. Il ne fait alors aucune référence à un accord intervenu avec M. [R], étant souligné que même à considérer réel un tel accord passé avec l’ancien gérant il aurait en tout état de cause été inopposable à la société cessionnaire en l’absence de toute preuve d’un engagement quelconque de celle-ci, étant souligné que l’ancien salarié a opéré le transfert de la ligne postérieurement à la cession. L’attestation en sens contraire de M. [L] produite par M. [R] ne présente aucune garantie d’impartialité, ayant été rédigée a posteriori en juillet 2022, à l’évidence pour les besoins de la cause, dès lors qu’elle intervient après le courriel contraire du 24 janvier 2022, mais également après une mise en demeure adressée par la société à M. [L] le 25 janvier 2022 d’avoir notamment à remettre en état l’ensemble des accès téléphoniques de la société et peu après le dépôt par la société Systeo protection d’une plainte à son encontre et à l’encontre de M. [R] le 9 juin 2022 pour des manoeuvres frauduleuses et faisant notamment référence à la ligne téléphonique litigieuse.
Il sera en outre observé que si les factures concernant la ligne litigieuse ne mentionnent plus que le nom de M. [L] en 2021, il demeure que cette mention est de façon non équivoque portée sur les factures en sa seule qualité de représentant légal de la société dès lors qu’elle reste associée à l’adresse de la société et que les paiements ont toujours été réalisés par la société et non par l’intéressé en son nom personnel. M. [R] ne saurait donc sérieusement prétendre que le contrat portant sur la ligne téléphonique litigieuse a été souscrit par M. [L] en son nom personnel et que la ligne lui appartenait.
Il est ainsi établi, contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, que la ligne téléphonique correspondant à ce numéro du téléphone portable mis à sa disposition pendant l’exécution du contrat de travail et détenu encore par lui après la rupture de ce contrat mais qu’il a pris le soin de déclarer perdu courant décembre 2021, est la propriété de la société Systeo protection, l’intéressé ayant fait transférer cette ligne en son nom en fraude des droits de la société.
En conséquence, M. [R] ne conteste pas avoir conservé le numéro de téléphone et avoir sollicité de titulariser la ligne postériueurement à la rupture du contrat de travail et à sa déclaration à la société de perte de son téléphone, mais n’établit ni que cette ligne ait été initialement une ligne personnelle, les factures versées aux débats démontrant qu’elle était payée par la société, ni qu’il ait été dispensé de la restituer ou qu’un accord aurait été conclu pour qu’il la conserve, de sorte qu’il n’est pas sérieusement contestable qu’il en doit la restitution.
Nonobstant la procédure au fond introduite par le salarié aux fins de contester son licenciement, la société Systeo protection était parfaitement recevable à agir en référé aux fins d’obtenir la restitution de cette ligne téléphonique, les différentes tentatives pour obtenir cette restitution ayant échoué.
Il s’ensuit qu’il n’existe aucune contestation sérieuse sur l’origine de la propriété de la ligne litigieuse et qu’il y a bien urgence à faire cesser la privation de sa libre disposition par son légitime propriétaire dès lors que cette privation de jouissance est illégitime et qu’elle cause de fait à la société requérante un préjudice.
Enfin, s’il est justifié que M. [R] a, courant décembre 2021, déclaré à la société la perte du téléphone portable mis à sa disposition et de la carte sim qui s’y trouvait, il ne peut qu’être constaté qu’il est établi que l’intéressé a néanmoins continué à utiliser la ligne téléphonique afférente au numéro litigieux postérieurement, ce qui démontre suffisamment qu’il est toujours en possession d’une carte SIM correspondant au numéro revendiqué.
En conséquence, l’ordonnance sera infirmée et il sera ordonné la restitution de la ligne téléphonique dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision. La demande d’astreinte, non justifiée à ce jour, sera rejetée, de même que la demande subséquente sur les intérêts légaux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La présente décision conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
M. [R], qui succombe, est condamné au paiement des dépens de première instance et d’appel et à régler à la société Systeo protection une somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ses demandes à ce titre étant rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare recevable la déclaration d’appel de M. [R] ;
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [R] à restituer à la société Systeo protection la ligne téléphonique (et donc la carte SIM) portant le numéro [XXXXXXXX01] dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision ;
Rejette l’astreinte ;
Condamne M. [R] à régler à la société Systeo protection une somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [R] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.