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Numérisation : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/01695

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Numérisation : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/01695

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 09/11/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01695 – N° Portalis DBVT-V-B7H-U262

Ordonnance (N° 22/01281) rendue le 28 février 2023 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

SAS Eighteen

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Valérie Guillem, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

SCI Wattinne-Motte prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Philippe Tack, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 12 septembre 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 septembre 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte notarié en dates des 4 et 8 janvier 2013, la SCI Wattinne-Motte a consenti à la SARL Eighteen un bail commercial sur des locaux situés à [Adresse 3], à compter du 8 janvier 2013, moyennant le paiement d’un loyer annuel de 37 500 euros payable par quart et d’avance, assorti d’une clause d’échelle mobile, outre les provisions pour charges et le versement d’un dépôt de garantie de 18 750 euros.

Les locaux étaient initialement loués par la société Interior’s, laquelle avait fait des travaux, ayant permis la réunion du 8 et du 10 de la place du lion d’or, avec l’accord du bailleur. Lors de l’entrée dans les lieux de la société Eighteen, cette dernière a entrepris d’importants travaux de rénovation des locaux et d’aménagement, notamment en vue de le faire correspondre au concept de la marque qu’elle diffuse.

L’acte de cession a été conclu avec l’agrément et la participation du bailleur à l’acte.

Par acte du 2 juillet 2021, la SCI Wattine-Motte a offert à la société Eighteen le renouvellement de son bail au 8 janvier 2022, sous la seule réserve d’une éventuelle fixation judiciaire du prix du bail renouvelé.

Le principe du renouvellement a été accepté par le locataire, qui s’est opposé au prix du loyer de renouvellement proposé par la bailleresse.

Un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au bail pour défaut de paiement des loyers et accessoires a été signifié le 26 octobre 2021.

Un nouveau commandement visant la clause résolutoire d’exécuter des travaux de remise en état a été délivré le 24 août 2022.

Un rendez-vous a été organisé, à la demande de la locataire, pour déterminer les griefs exacts et le moyen d’y remédier. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2022, la société Eighteen a fait part à la bailleresse de son intention de réaliser les travaux identifiés lors de la réunion qui s’est tenue le 22 septembre 2022.

Par acte du 4 novembre 2022, la SCI Wattinne-Motte a assigné la société Eighteen devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins notamment de constat de la résiliation du bail et condamnation au paiement de l’arriéré locatif s’élevant à la somme de 26 963,77 euros.

Par ordonnance contradictoire et en premier ressort en date du 28 février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a notamment :

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du chef du commandement du 26 octobre 2021, sur la demande de condamnation au paiement de l’arriéré de loyers, charges et taxes, sur la demande de condamnation au paiement des majorations contractuelles ;

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail depuis le 24 septembre 2022 et fixé à titre provisionnel, l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, à compter du 25 septembre 2022, avant de condamner à titre provisionnel la société Eighteen au paiement de cette indemnité et ce, jusqu’à libération effective des lieux et de suspendre rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société Eigtheen réalise l’ensemble des travaux prévus au contrat de bail avant le 31 mars 2023, en sus des loyers, charges et accessoires courants prévus au bail, prévoyant à défaut de la réalisation de l’ensemble des travaux prévus au bail au 31 mars 2023 et à défaut de règlement d’un seul acompte ou d’un seul des loyers, charges et accessoires courants à leurs échéances, une reprise des poursuite, un effet entier à la clause résolutoire et l’expulsion notamment de la locataire ;

– débouté la SCI Wattinne-Motte de sa demande d’expulsion sous astreinte de 100 euros par jours de retard.

Par déclaration en date du 7 avril 2023, la SAS Eighteen a interjeté appel, reprenant l’ensemble des chefs de la décision la concernant dans son acte d’appel, hormis les dispositions ayant dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du chef du commandement du 26 octobre 2021, sur la demande de condamnation au paiement de l’arriéré de loyers, charges et taxes, sur la demande de condamnation au paiement des majorations contractuelles.

L’affaire a fait l’objet d’une fixation à bref délai en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

Le calendrier portant avis de fixation a été adressé aux parties le 11 mai 2023.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2023, comme annoncé dans l’avis de fixation.

PRETENTIONS PROCEDURALES

Par conclusions procédurales du 7 septembre 2023, la société Eighteen sollicite que soient déclarées irrecevables les conclusions notifiées par la société Wattinne-Motte le 04 septembre 2023 à 17h57 et le 05 septembre 2023 à 13h29 et écartées des débats les pièces numérotées 2.3 et 20.4 communiquées par la société Wattinne-Motte le 5 septembre 2023 à 13h32, ainsi que la pièce n°23 communiquée le 4 septembre 2023 à 18 heures.

Par conclusions procédurales en réponse en date du 8 septembre 2023, la société Wattine- Motte réplique, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, des principes de la contradiction et de la loyauté des débats, qu’il n’y a lieu à écarter des débats les conclusions et pièces déposées et notifiées les 4 et 5 septembre 2023.

MOTIVATION

La société Eighteen fait valoir que les nouveaux éléments invoqués et communiqués tardivement n’ont pour seul objet que de répondre aux arguments développés dans ses premières conclusions, notifiées le 12 juin 2023, ce qui la prive, en attendant la plus extrême limite pour opérer ces communications, de la possibilité d’en prendre connaissance et d’y répliquer.

La société Wattine-Motte réplique que les dernières conclusions du 10 août 2023 comportaient 43 pages, assorties de 19 pièces complémentaires, tandis que les premières conclusions ne comportaient que 28 pages. Elle ajoute que les ajouts étaient destinés à répondre à l’argumentation notifiée le 10 août 2023, et ne nécessitaient pas forcément de réponse. Elle précise enfin avoir agi dans des délais très brefs, à savoir dans le mois des conclusions adverses alors que le cabinet de l’avocat plaidant était fermé.

Réponse de la cour

La cour note au préalable, qu’une simple erreur de plume affecte la référence faite par la société Eighteen aux pièces communiquées selon elle en dernière heure avec les écritures du 5 septembre 2023, s’agissant non des pièces 2.3 et 20-4 mais des pièces 20-3 et 20-4.

Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du code de procédure civile précise que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

La clôture de cette procédure a été rendue le 5 septembre 2023, les parties ayant été valablement informées de cette date par avis du greffe du 11 mai 2023.

Il n’est pas démontré que les nouvelles écritures ou les nouvelles pièces produites la veille et le jour de la clôture aient été induites par une argumentation nouvelle de la société Eigtheen nécessitant recherches ou productions de pièces délicates à rassembler.

Au contraire, les pièces 23-1 (extrait infogreffe) et 23-2 (extrait Pappers), communiquées au soutien des conclusions du 5 septembre 2023, ne visent qu’à contrecarrer l’argumentation développée par l’appelante dès ses premières conclusions du 12 juin 2023 concernant le commandement du 24 août 2022, puis reprise et étendue au commandement du 26 octobre 2021 dans les écritures du 10 août 2022 pour répondre à l’appel incident de la société Wattine-Motte concernant l’acquisition de la clause résolutoire du chef de ce dernier.

Par ailleurs, la SCI Wattine-Motte ne peut utilement se retrancher derrière le différentiel du nombre de pages entre les premières écritures de l’appelant en date du 12 juin 2023 et celle du 10 août 2023 pour justifier une communication de conclusions et de pièces si tardive.

En effet, les conclusions n°2 de l’appelant du 10 août 2023, certes en pleine période estivale, ne faisaient que répondre aux conclusions de la SCI Wattine-Motte portant appel incident, elle-même transmises le 10 juillet 2023, soit au début de la période estivale.

En communiquant à l’extrême limite des conclusions et des nouvelles pièces, sans circonstance précise et objective le justifiant, la société Wattine-Motte ne permettait pas au conseil de la société Eighteen de pouvoir, après consultation de son mandant, prendre une décision éclairée sur la nécessité ou pas de répondre, ce qui aurait exigé qu’il eût le temps de solliciter un report de l’ordonnance de clôture et l’obtienne.

Or, un report de l’ordonnance de clôture en l’espèce n’aurait pu s’accompagner que d’un report de la date d’audience, retardant d’autant l’issue du litige, alors même que le sort du bail se trouve en débat et qu’il est de l’intérêt des parties qu’une décision intervienne très rapidement en la matière.

Enfin, la SCI Wattine-Motte ne peut raisonnablement soutenir que ces ajouts étaient sans emport alors même qu’elle s’oppose fermement à ce que ses pièces et conclusions soient rejetées, démontrant par là même qu’elle leur reconnaît une certaine importance pour l’issue du litige.

En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société Wattinne-Motte le 4 septembre 2023 et le 5 septembre 2023 et d’écarter les pièces numérotées 20-3, 20-4,23-1 et 23-2.

PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 10 août 2023, la société Eighteen demande notamment :

– au principal

[..]

– d’infirmer l’ordonnance de référé rendue le 28 février 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lille en ce qu’elle a :

o Constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail des 4 et 8 janvier 2013 portant sur les locaux exploités par la société Eighteen au [Adresse 3] depuis le 24 septembre 2022 ;

o Fixé à titre provisionnel l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi à compter du 25 septembre 2022 ;

o Condamné à titre provisionnel la société Eighteen au paiement de cette indemnité et ce, jusqu’à libération effective des lieux ;

o Condamné la société Eighteen à payer à la SCI Wattinne-Motte la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de la clause résolutoire du chef du commandement du 26 octobre 2021 ;

– Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Wattinne-Motte de condamnation de la société Eighteen au paiement de l’arriéré de loyers, charges et taxes ;

– Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Wattinne-Motte de condamnation de la société Eighteen au paiement des majorations contractuelles ;

– Débouté la SCI Wattinne-Motte de sa demande d’expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

– Débouté la SCI Wattinne-Motte de sa demande de condamnation de la société Eighteen au paiement, compris dans les dépens du commandement de payer du 26 octobre 2021 et des frais de procès-verbaux de constat de commissaire de justice ;

– et statuant à nouveau, de :

– débouter la SCI Wattinne-Motte de toutes ses demandes plus amples ou contraires, fins et conclusions.

– subsidiairement,

– du chef du commandement de faire du 24 août 2022 :

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a suspendu rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle visée au commandement du 24 août 2022,

-enjoindre à la SCI Wattinnne-Motte de fournir la liste détaillée établie avec clarté et précision des travaux qu’elle considère devoir encore être réalisés en vertu du commandement de faire du 24 août 2022, en les corrélant avec les stipulations du bail afin de mettre la cour en mesure de statuer sur les éventuels manquements et à la société Eighteen de savoir sans ambiguïté ce qui lui appartient de faire.

– statuant à nouveau sur les délais accordés,

– lui accorder les plus larges délais pour parachever les travaux que la cour considérerait rester à entreprendre en vertu du commandement de faire.

– du chef du commandement de payer du 26 octobre 2021 :

– suspendre rétroactivement les effets de la clause résolutoire visée au commandement de payer du 26 octobre 2021

– lui accorder les plus larges délais pour s’acquitter des causes inexécutées du commandement de payer ;

– en tout état de cause

– condamner la SCI Wattine-Motte à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 10 juillet 2023, la société SCI Wattinne-Motte demande à la cour notamment de :

[…]

– confirmer l’ordonnance entreprise sur le principe des demandes présentées par la SCI Wattinne-Motte tout en accueillant son appel incident en ce qu’elle a énoncé :

«

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date des 4 et 8 janvier 2013, [..] depuis le 24 septembre 2022 »

Mais statuant à nouveau sur la date à retenir,

– « Fixons à titre provisionnel, l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi à compter du 25 septembre 2022 »

Mais statuant à nouveau sur la date à retenir et le montant à retenir,

– « Condamnons à titre provisionnel la société Eighteen au paiement de cette indemnité et ce, jusqu’à la libération effective des lieux »

– « Condamnons la société Eighteen à payer à la SCI Wattinne-Motte la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC »

Mais statuant à nouveau sur le montant

« Condamnons la société Eighteen aux dépens, y incluant les frais de commandement de payer du 24 août 2022 »

– infirmer la décision en [ses dispositions sur l’acquisition de la clause résolutoire du chef du commandement du 26 octobre 2021 et ses conséquences, sur la suspension des effets de la clause résolutoire et la réalisation des travaux, ainsi que leurs conséquences financières, sa demande d’expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sa condamnation aux dépens]

– statuant à nouveau

– constater et au besoin prononcer la résiliation du bail notarié des 4 et 8 janvier 2013, aux torts de la société Eighteen, avec effet au 26 novembre 2021

– condamner la société Eighteen au paiement de l’arriéré au 01 avril 2023 s’élevant à 17.066,80 € (sauf à parfaire), outre la majoration contractuelle de 10 % (article 20 du bail).

– ordonner l’expulsion de la société Eighteen et tous occupants de son chef.

– condamner la société Eighteen au paiement d’une indemnité d’occupation à compter de la date de prise d’effet de résiliation du bail au 26.11.2021, sur base du dernier loyer majoré de 50 % (art. 13 dernier § du bail).

– la condamner au paiement d’une astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir (art. 13 dernier § du bail) jusqu’à la parfaite libération des locaux.

– débouter la société Eighteen de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– la condamner au paiement d’une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l’article de 700 du code de procédure civile, et les frais de commandements et des 4 PV de constat des 11.07.2013, 13.04.2022, 02.10.2022 et du 31.03.2023, que l’équité commande de mettre à sa charge, à titre de complément d’indemnité article 700,

– la condamner au paiement de l’ensemble des frais et dépens de 1ère instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l’exposé détaillé des prétentions et des moyens.

MOTIVATION 

Logiquement il sera procédé à l’examen du commandement délivré le 26 octobre 2021, objet de l’appel incident de la SCI Wattine-Motte, et des moyens opposés à ce dernier, avant d’examiner le commandement délivré le 24 août 2022 et les moyens y afférents.

En effet, la jurisprudence dont se prévaut la société Eighteen dans ses écritures, concernant l’offre de renouvellement du bail à la locataire comme marquant la manifestation d’une volonté de renoncer à poursuivre la résiliation du bail au titre de manquements connus et dénoncés antérieurement par le bailleur, n’est pas applicable en la matière, dès lors qu’aucune dénonciation expresse n’existait avant la délivrance du congé avec proposition de renouvellement, les deux commandements délivrés étant bien postérieurs audit congé.

D’ailleurs, il n’est ni démontré ni soutenu que ce congé ait été délivré en toute connaissance de l’étendue des manquements allégués, qui pour certains se sont poursuivis postérieurement audit congé.

I – Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire au titre du commandement de payer délivré le 26 octobre 2021

Sur l’appel incident du bailleur, concernant le commandement du 26 octobre 2021 et les conséquences de ce dernier, la société Eighteen reprend des contestations similaires à celles élevées pour le commandement du 24 août 2022, tenant aux modalités de délivrance du commandement et au caractère non écrit de la clause résolutoire.

Elle pointe ainsi que les modalités de signification de ce commandement, à l’adresse des locaux loués, remis à une simple employée dépourvue de pouvoir de représentation et d’administration, laquelle a après intimidation indiqué être habilitée à recevoir l’acte, sont contraires aux dispositions de l’article 648 du code de procédure civile, comme sa non-réalisation au siège de l’entreprise ou un établissement, et en contravention avec la clause d’élection de domicile contenu dans le contrat, ce qui a nécessairement créé un grief en amputant le délai offert pour exécuter les causes du commandement.

Elle souligne que la clause résolutoire heurte les dispositions d’ordre public de l’article L 145-41 du code de commerce et ne peut qu’être réputée non écrite, comme comportant une mention sur l’impossibilité pour le juge d’accorder au preneur des délais pour remédier à ses éventuels manquements. Ses contestations sur ce point sont des plus sérieuses et excèdent la compétence du juge des référés.

Elle précise que les causes de ce commandement ont été, dans le mois de ce dernier, exécutées pour partie et contestées pour le surplus, soulignant en outre que toutes les sommes réclamées dans le commandement n’avaient pas été antérieurement appelées par le bailleur.

Elle ajoute que le surplus non honoré est fondé sur la clause d’indexation dont la validité est contestée en vertu de l’article L 112-1 du code monétaire et financier.

Elle fait valoir que le commandement était imprécis et que ce n’est que par un travail fastidieux que la locataire a pu comprendre les sommes réclamées, alors qu’elle avait toujours honoré les sommes appelées, à savoir une rétroactivité d’indexation opérée sur les 5 années antérieures. Elle a alors constaté que l’indice pris en compte crée une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre chaque révision, distorsion prohibée par les dispositions précitées à peine de nullité, ce qu’elle a dénoncé à son bailleur dès le 19 novembre 2021.

Elle ajoute que la SCI Wattinne-Motte ne peut réaménager unilatéralement la clause d’indexation en retenant l’indice du 2ème trimestre, pour rendre valide cette clause. Subsidiairement, la société Eighteen plaide que la clause prévoit une initiative du bailleur pour appliquer l’indexation dès la publication de l’indice, ce qui induit qu’il ne pouvait faire application de l’indexation rétroactive. Au lieu de faire trancher la difficulté par le juge du fond, la SCI Wattinne-Motte a délivré une assignation en référé un an plus tard pour constater l’acquisition de la clause résolutoire.

En réplique la SCI Wattinne-Motte argue d’un retard constant de paiement de loyers et de charges depuis 2015, d’une délivrance valable à l’adresse des lieux loués et concernés par le litige du commandement, sans que l’absence de mention du siège social fasse grief, et d’impayés constants et croissants depuis le commandement, sans que l’arriéré soit soldé.

Elle conteste toute imprécision du commandement, un décompte joint particulièrement explicite étant annexé.

Elle estime la contestation de la clause d’indexation infondée puisque celle-ci est claire, la société Eighteen ne pouvant tenter de s’emparer d’un changement dans le calendrier des publications des indices pour soutenir que l’indexation joue sur 5 trimestres et non plus 4. L’indice de référence est celui du 2ème trimestre de l’année écoulée et aucune clause du bail n’interdit de réclamer l’indexation, puisque si cette dernière est faite à l’initiative du bailleur dès la publication, les stipulations prévoient également que les parties conviennent d’indexer le loyer une fois par an, l’indexation jouant de plein droit sans notification préalable. L’omission d’indexation dans les factures, liée à l’âge avancée de l’ancienne gérante, n’entraîne pas déchéance de l’obligation au paiement des sommes dues au titre de l’indexation.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Contester la saisine du juge des référés en faisant valoir qu’il n’y a pas urgence ou que la mesure demandée se heurte à une contestation sérieuse, est un moyen de défense particulier en ce qu’il dénie au juge des référés le droit de prononcer les mesures qui lui sont demandées.

Par ailleurs, sa contestation portant sur la validité des commandements de payer ne constitue pas une exception de procédure, mais un moyen tiré de l’existence d’une contestation sérieuse de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.

1) sur la validité du commandement délivré

Selon les articles 654 et 655 du nouveau code de procédure civile, la signification d’un acte d’huissier de justice doit être faite à personne et l’acte ne doit être délivré à domicile que si la signification à personne s’avère impossible.

L’article 690 du même code dispose que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilité à la recevoir.

Conformément à l’article 648 du code de procédure civile, tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

1. Sa date ;

2. […]

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

[…]

4. Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

En vertu des dispositions de l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédures.

L’article 114 du code de procédure civile prévoit qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Nul ne conteste que les irrégularités dont se prévaut la société Eighteen, pour contester la validité du commandement en date du 26 octobre 2021, et tenant au lieu de délivrance choisi, s’agissant d’une délivrance à l’adresse du commerce de détail, et non au lieu de son siège social, à l’absence d’indication de son siège social sur le commandement, et à la remise en la personne de son employée, soient des irrégularités de forme. Il en est de même de la délivrance de l’acte à un lieu distinct de celui prévu à la clause d’élection de domicile.

Dès lors outre la nécessité d’apporter la preuve de l’irrégularité, il appartient à la partie qui conteste la validité de l’acte de justifier d’un grief, lequel ne peut consister en de vagues affirmations.

Or, la société Eighteen échoue à invoquer un grief précis, se contentant de généralités, non démontrées (absence de moyens de numérisation dans le local commercial, délai de transmission accrue) et d’énonciation de craintes (défaillance de son personnel dans la transmission), qui sont contredites par les faits mêmes de l’espèce.

Ainsi, il ressort des pièces du dossier, qu’à la suite du commandement de payer du 26 octobre 2021, la société Eighteen a été en mesure d’exécuter, rapidement, la part non contestée dudit commandement (virements du 5 novembre et du 19 novembre 2021), le surplus n’ayant pas été honoré non par manque de temps pour régler les causes du commandement mais à raison de la contestation des sommes réclamées, en lien avec l’indexation, ce qui était d’ailleurs précisé dans le courrier adressé par le preneur à la société SCI Wattine-Motte le 19 novembre 2021 et résulte des écritures de l’appelante.

Faute de démonstration d’un quelconque grief, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les irrégularités invoquées, la contestation ne peut être sérieuse.

2) sur le caractère réputé non écrit de la clause résolutoire

Aux termes des dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au contrat de bail souscrit, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1244-1 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L’article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit. Cette modification est applicable aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi.

Le commandement délivré rappelle bien le délai d’un mois pour remédier aux manquements reprochés, consistant en des impayés au titre des charges, de la TVA sur provisions sur charge, et de l’application rétroactive de la clause d’échelle mobile, obligations qui ressortent bien de la clause résolutoire prévue au bail, laquelle est expressément visée dans le commandement, outre l’article 145-41 du code de commerce.

Cependant, la clause résolutoire du bail ( article 19-3°) stipule « qu’en cas de manquement par le preneur à l’exécution des autres charges et conditions du présent bail, qui sont toutes de rigueur, les présentes seront, si bon semble au bailleur, résiliées de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après sommation par le bailleur d’avoir à exécuter, contenant déclaration par celui-ci de son intention d’user du bénéfice de la présente clause, et demeurée sans effet pendant ce délai (ou s’agissant de travaux à effectuer si le preneur n’a pas entrepris avec la diligence convenable tout ce qu’il est possible de faire dans ce délai d’un mois, sans qu’il soit possible également pour le juge éventuellement saisi, d’accorder au preneur des délais pour régulariser la ou les infractions constatées, ou pour réaliser les travaux sollicités ».

Indéniablement, cette stipulation, qui prive expressément le juge du pouvoir d’accorder des délais pour régulariser l’infraction commise au bail, heurte l’alinéa 2 de la disposition légale précitée, laquelle est d’ordre public.

Contrairement à ce qu’affirme la société Eighteen, il entre bien dans les pouvoirs du juge des référés, sans qu’il puisse lui être reproché de trancher une contestation sérieuse, de vérifier si une disposition ne contrevient pas à des dispositions d’ordre public, seule la part irrégulière de la stipulation contractuelle devant alors être réputée non écrite.

Dès lors la stipulation contractuelle en prohibant la possibilité pour le juge d’octroyer des délais est irrégulière et doit être réputée non écrite.

Cependant, au vu du caractère seulement partiel de cette sanction qui n’affecte pas la totalité de la clause résolutoire, mais uniquement la partie de la stipulation contractuelle interdisant au juge d’octroyer les délais, la contestation élevée par la société Eigtheen n’est donc pas sérieuse, d’autant qu’au vu de cette rédaction, certes irrégulière, le preneur ne pouvait que prendre conscience de la nécessité de respecter à la lettre le contrat, sous peine de perdre son bail, et n’a dès lors pu, ce qu’il ne plaide pas, se méprendre sur l’étendue de ses droits et obligations.

Ce moyen ne peut qu’être rejeté, un commandement visant ladite clause pouvant parfaitement intervenir, sous réserve d’invoquer un manquement à une obligation prévue au bail.

3) sur le caractère réputé non écrit de la clause d’indexation et ses conséquences sur le commandement délivré

Sous l’intitulé « clause d’échelle mobile », à l’article 15-2 « Révision du loyer, du contrat, il est stipulé que « les parties conviennent d’indexer le loyer sur l’indice national du coût de la construction, publié par l’institut national de la statistique et des études économiques, et de lui faire subir une fois par an les mêmes variations d’augmentation ou de diminution.

À cet effet, le réajustement du loyer s’effectuera chaque année à la date anniversaire es présentes. Le nouveau montant applicable aux termes de l’année civile à courir sera calculé au moyen d’une règle proportionnelle ayant pour données :

1° le montant du loyer initial,

2° l’indice ayant servi à établir ce montant,

3° et le dernier indice connu au mois anniversaire précédant immédiatement l’indexation.

Il est précisé à cet égard, que le montant initial du loyer ci-dessus fixé a été déterminé en prenant pour base la moyenne de l’indice du 2ème trimestre de l’année 2021 qui s’est élevé à 1636,25. ce montant restera en vigueur pendant toute l’année en cours.

L’application de cette clause d’indexation se fera à l’initiative du « bailleur » dès la publication de l’indice.

L’indexation conventionnelle jouera de plein droit sans qu’il soit besoin d’une notification préalable.

[‘] Au cas où pour quelque raison que ce soit, l’indice ci-dessus choisi pour l’indexation du loyer cesserait d’être publié, cette indexation sera faite en prenant pour base soit l’indice de remplacement, soit un nouvel indice conventionnellement choisi. À défaut de se mettre d’accord sur le choix u nouvel indice à adopter, les parties s’en remettent d’ores et déjà à la désignation d’un expert judiciaire par M. le président du tribunal de grande instance du lieu de situation du bien objet des présentes, statuant en matière de référé à la requête de la partie la plus diligente.

La modification ou la disparition de l’indice de référence autoriseront pas le preneur à retarder le paiement des loyers, qui devront continuer à être réglés à échéance sur la base du dernier indice connu, sauf redressement et règlement de la différence à l’échéance du premier terme suivant la fixation du nouveau loyer ».

Au commandement de payer délivré le 26 octobre 2021 était annexé un décompte qui permettait, contrairement à ce que prétend le preneur, de clairement identifier la nature des sommes dont il était demandé le règlement et les causes.

Ainsi était-il expressément répertorié les montants de loyers dus, outre la TVA et les sommes nées des régularisations de charges, pour chaque année, avec le montant des règlements perçus en miroir, rendant sans objet les critiques du preneur quant à la difficulté de déterminer l’origine des sommes réclamées.

Par ailleurs, la renonciation à un droit ne se présumant pas, elle ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

Le seul fait de ne pas avoir indexé le loyer pendant plusieurs années et de ne pas avoir appelé les sommes dues en conséquence ne peut être la manifestation d’une volonté non équivoque et définitive du bailleur de renoncer à l’indexation et, dans la limite de la prescription, aux sommes antérieurement nées et non réclamées de ce chef.

N’est dès lors pas sérieux le moyen du preneur selon lequel, au vu de la rédaction de la clause précitée, l’absence de réclamation des sommes, en lien avec l’indexation ou les charges, à bonne date et dès leur naissance, priverait le bailleur de la possibilité d’en solliciter l’arriéré.

Le bailleur ne peut pas plus utilement opposer les paiements effectués par le preneur, qui comprenaient l’indexation, pour estimer que ce dernier aurait renoncé à contester l’application et l’interprétation de la clause d’échelle mobile effectuée par la SCI, d’autant que ce dernier avait fait part rapidement de son opposition aux sommes nouvellement appelées.

Par contre, les parties ont une compréhension distincte de la clause d’échelle mobile, et notamment de l’expression « le dernier indice connu au mois anniversaire précédant immédiatement l’indexation », qui induirait de prendre en compte le « mois anniversaire précédant l’indexation », soit le mois de décembre, et désignerait selon le preneur, « le dernier indice » connu en fonction des indices publiés, lequel est celui du 3ème trimestre, tandis que le bailleur envisage l’expression en son ensemble, comme désignant, l’indice connu à la date anniversaire du mois précédant l’indexation, soit début décembre, renvoyant ainsi à l’indice du 2ème trimestre.

Or, il n’appartient au juge des référés, juge de l’évidence, de se livrer à une interprétation de la clause, et notamment de l’expression utilisée pour désigner l’indice de l’année n+1, dont le caractère imprécis et sujet à discussion est indéniable au vu de son caractère ambigu.

En outre, l’interprétation retenue par le preneur crée dans la mise en ‘uvre de la clause une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre chaque révision, ce qui devrait conduire, selon lui, à réputer non-écrite ladite clause.

Or, les clauses d’indexation, ou clauses d’échelle mobile sont réglementées par les articles L 112-1 et L 112-2 du code monétaire et financier, textes d’ordre public de direction, le premier de ces articles édictant qu’ « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et location de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision ».

En application de ce texte, est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, tel que le bail commercial, prévoyant la prise en compte, dans l’entier déroulement du contrat, d’une période de variation indiciaire supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. Par contre, seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite lorsque par exemple la clause prévoyait un ajustement, illicite mais ponctuel, tandis que les périodes de référence suivantes avaient la même durée

Il ne peut entrer dans les pouvoirs du juge des référés d’interpréter la clause, de déterminer la distorsion éventuellement créée par la stipulation précitée et ensuite de d’apprécier la portée de la sanction résultant de l’irrégularité de la clause sur l’équilibre monétaire de la convention.

La contestation élevée étant sérieuse, à juste titre, le premier juge a dit n’y avoir lieu à référé sur l’acquisition de la clause résolutoire au visa du commandement délivré le 26 octobre 2021.

II – Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire au titre du commandement d’avoir à respecter les clauses du bail du 24 août 2022

La société Eighteen développe des contestations identiques à celles élevées pour s’opposer au commandement de payer, notamment concernant les modalités de significations de ce commandement et le caractère non écrit de la clause résolutoire.

Plus spécifiquement elle conteste le défaut de caractérisation des manquements allégués au titre des travaux, le commandement se contentant de se référer aux annexes 1 et 2 du bail et n’ayant pas inventorié les travaux d’aménagement ou d’entretien qui auraient dû être effectués et ne l’auraient pas été.

Elle souligne que la bailleresse a décliné l’invitation de sa locataire à venir effectuer une pré-visite de fin de travaux préférant attendre le terme du délai imparti par le juge pour s’assurer de l’opportunité de se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire.

Elle observe que la bailleresse n’avait jamais conditionné son agrément à la cession à la réalisation des travaux de l’annexe 1 en obligeant le cédant, ou son cessionnaire par délégation, à parachever les travaux en prenant soin d’inventorier ceux qui restaient à entreprendre. Elle ajoute que pour les travaux de l’annexe 2, le seul renvoi à une note de l’architecte sans renvoi à une stipulation de l’acte, ne saurait créer d’obligations du locataire à l’égard du bailleur, l’obligation ayant été souscrite par le cessionnaire envers le cédant.

Elle pointe la mauvaise foi du bailleur dans la mise en ‘uvre de ses prérogatives pour se débarrasser d’un locataire résistant (acceptation du principe du renouvellement mais discussion du prix du bail, contestation de la validité de l’application de la clause d’échelle mobile, absence de réclamation des travaux clairement), en l’évinçant sans bourse déliée tout en tirant profit des travaux qu’il n’allait pas manquer d’entreprendre par crainte de la sanction encourue et en mettant en ‘uvre brutalement et de mauvaise foi la clause du chef de travaux censés avoir été réalisés en 2013, alors même qu’elle lui offrait 9 ans plus tard le renouvellement sans émettre la moindre réserve tenant à l’exécution du bail.

La société Eighteen conclut à titre subsidiaire sur l’octroi de délais, soulignant sa bonne foi et sa volonté non équivoque et expresse de répondre aux exigences de sa bailleresse.

Elle précise que les motifs tenant aux contraintes du commerce et à la disponibilité de l’entreprise chargée d’entreprendre les travaux sont pertinents et opposables à la bailleresse, laquelle a attendu près de 19 ans pour en exiger la mise en ‘uvre, 10 ans du chef de la société Interior’s et 9 ans du chef du cessionnaire, qu’était la société Eighteen.

Elle indique avoir tout mis en ‘uvre pour réaliser les travaux et notamment remédier à la difficulté de la reconstitution du muret en briquettes, conformes aux exigences du bailleur, dont l’architecte avait pourtant initialement suggéré une séparation en maçonnerie afin de permettre la délivrance des lieux loués en 2013. Une difficulté s’est faite ensuite jour sur la modalité de mise en ‘uvre de la reconstitution, le bailleur exigeant non des briquettes de parement mais des briques pleines de l’épaisseur du mur d’origine.

Sur l’inexécution des travaux contractuels et d’entretien, la bailleresse souligne que lesdits travaux sont décrits en annexe 1 et 2 de l’acte notarié, lesquelles sont claires et connues du preneur, qui avait à de multiples reprises été relancé pour exécution. Les travaux d’entretien courants sont totalement négligés au mépris du bail.

Elle argue de la mauvaise foi persistante du preneur dans l’inexécution des obligations de ce chef. La clause résolutoire doit jouer à ce titre, et à tout le moins, à défaut il convient de prononcer la résiliation du bail pour ce second motif, venant s’ajouter aux impayés et aux retards systématiques dans les paiements.

La clause résolutoire ne comporte aucun caractère non écrit et le grief de mauvaise foi du bailleur est malvenu au regard de la résistance et l’inaction du preneur face aux multiples relances amiables.

Réponse de la cour

1) sur la validité du commandement délivré

Les moyens invoqués par le preneur, identiques à ceux développés de ce chef au titre du commandement de payer et exposés au paragraphe I, 1) sont des irrégularités de forme, lesquelles supposent la démonstration et la preuve d’un grief, qui n’est en l’espèce pas rapporté.

Au contraire les faits établissent qu’au commandement d’avoir à respecter les clauses du bail et d’exécuter les travaux repris en annexe du bail, délivré le 24 août 2022, la société Eighteen a été en mesure, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 septembre 2022, de répondre, en exposant un certain nombre de contestations et en proposant des dates pour qu’il puisse être effectué au contradictoire des parties un relevé des travaux susceptibles d’être imputables au preneur.

La contestation n’est donc pas sérieuse.

2) sur le caractère réputé non-écrit de la clause résolutoire

La clause résolutoire, prévue à l’article article 19-3 du bail et précédemment citée, qui prévoit la résiliation en cas de sommation « demeurée sans effet » s’agissant de travaux à effectuer si le preneur n’a pas entrepris avec la diligence convenable tout ce qu’il est possible de faire dans ce délai d’un mois », sans possibilité pour le juge d’accorder des délais pour réaliser les travaux sollicités.

Comme précédemment exposé (I,2), cette clause, qui prohibe la possibilité pour le juge d’octroyer des délais, heurte l’alinéa 2 de l’article L 145-41 du code de commerce, disposition d’ordre public, et doit être réputée non écrite.

Au vu du caractère réputé non écrite de cette partie de la stipulation et du caractère divisible de cette stipulation, la contestation élevée par le preneur n’est pas sérieuse.

3) sur les manquements à l’obligation de faire

Par le biais du commandement délivré le 24 août 2022, la société Wattine-Motte a demandé dans le délai d’un mois à la société Eighteen d’avoir à « respecter les clauses du bail et d’exécuter :

1° les travaux repris en annexe du bail dûment paraphé par la Sarl Eighteen,

2° les travaux de remise en état après détérioration des lieux, à savoir :

séparation du 8 et du 10

dépose des bardages bois,

dépose de la verrière non étanche,

accès cave obstruée et cave non ventilée,

percement de l’ancien burguet

bouche de l’ancien chauffage non bouchée,

carreau cassé à l’étage

accès au 2ème étage condamné

divers défaut d’entretien

Tels que décrits au PV de constat du 11 juillet 2013 et au PV de constat du 13 avril 2022 ».

Or, le bail stipule bien, dans l’article 9 ‘ charges et conditions – état des lieux, que « le preneur accepte d’assurer les travaux figurant en une liste demeurée ci-annexée (travaux que son prédécesseur, la société Interior’s s’était engagé à réaliser) aux termes du bail ayant fait l’objet d’une cession au profit du preneur) dont il déclare avoir parfaite connaissance » et renvoie à une « annexe 1- liste des travaux ».

Dans l’article 7 prestations particulières- travaux autorisés, et plus particulièrement au 7-2 ‘ Autorisation de travaux, il est énoncé que « le bailleur donne dès à présent son consentement exprès à la réalisation sans délai, et sous la responsabilité du preneur, aux frais de ce dernier et des travaux qui affecteront les locaux loués en vertu des présentes, tels que ces travaux sont décrits dans le descriptif et sur les plans dont copies sont demeurées jointes et annexées aux présentes après mention » et renvoie à une « Annexe 2- note descriptive des travaux », « étant précisé que l’ensemble de ces travaux a été préalablement agrée par l’architecte du bailleur. Étant expressément convenue entre les parties que le bailleur ne pourra en fin de jouissance exiger la restitution des lieux dans leur état d’origine avant les travaux autorisés ci-dessus énoncés ».

Le bail comporte en outre une clause classique concernant l’entretien des lieux loués, qui devront être tenus en bon état pendant le cours du bail et être rendus à la sortie en bon état de réparation de toute nature, seules les grosses réparations de l’article 606 du code civil étant à la charge du bailleur.

Ainsi il pesait indéniablement sur le preneur une obligation de bon entretien des lieux loués et une obligation d’exécution d’un certain nombre de travaux.

Cependant, les deux séries distinctes d’obligations visées par le commandement s’avèrent particulièrement imprécises voire contradictoires entre elles.

S’agissant de la première série d’obligations, le commandement use d’un singulier pour désigner les « travaux repris en annexe (souligné par la cour) du bail dûment paraphé par la Sarl Eighteen », alors que deux annexes, distinctes, sont annexées au bail et comportent les paraphes des parties.

Par ailleurs, l’annexe 1 correspond aux travaux imposés au prédécesseur de la société Eighteen, qui n’auraient pas tous été effectués par ce dernier et que la société Eihgteen se serait donc engagée à exécuter, sans qu’il soit possible, à la seule lecture du bail, de déterminer les travaux subsistant lors de l’entrée dans les lieux du preneur.

En outre, cette annexe vise expressément « le percement réalisé suivant descriptif de l’ingénieur béton pour jonction entre ancien et nouveau magasin (surface RDC et Sous-sol) », qui, au vu de l’article 9, serait à la charge du preneur, alors même que « le bouchement de ces passages qui ont été créés précédemment », objet de l’annexe 2, est envisagé à la charge de la société Eighteen par l’article 7-2.

Contrairement aux termes mêmes de cette stipulation, aucun plan n’est joint et annexé au bail, et aucun « descriptif » précis des travaux n’est effectué dans le cadre de l’annexe 2, laquelle consiste en « une note sur le projet présenté par le cabinet Archipel », et comporte des suggestions et questionnements de l’architecte du bailleur.

La liste de travaux figure dans l’annexe 1, à laquelle il n’est pas expressément renvoyé à l’issue de l’article 7-2. Il est par ailleurs fait état dans l’annexe 2 d’un accord sur un certain nombre de propositions effectuées par l’architecte du preneur, sans que la note de cette architecte ne soit produite aux débats et jointe au commandement.

Quant à la seconde série d’obligations, certaines recouvrent des obligations envisagées au titre de la première série, comme par exemple les travaux de « séparation du 8 et du 10 » ou encore « dépose de la verrière non étanche », ou de nouveaux travaux, qui ne sont pas détaillés de façon précise, comme le suggère l’expression « divers travaux d’entretien », ou le renvoi aux procès-verbaux.

Si le juge des référés peut constater l’acquisition de la clause résolutoire à raison d’un commandement de faire demeuré infructueux dans le délai d’un mois, ce n’est qu’à la condition que les obligations dont il est sollicité l’exécution soient clairement précisées et identifiables et permettent, avec l’évidence nécessaire au juge des référés, de mettre en lumière le manquement du preneur à ses obligations, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Certes le preneur a reconnu devoir des travaux mais a aussi très rapidement souligné au bailleur que l’imprécision même du bail et des termes du commandement ne lui permettait pas de déterminer avec précision les obligations qui lui incombaient.

Les différents constats ne permettent pas de déterminer avec l’évidence s’imposant au juge des référés si les obligations qui étaient visées pouvaient être exécutées dans le délai d’un mois et, si des obligations imposées par la convention subsistaient de ce chef à la charge du preneur et d’apprécier l’importance des manquements éventuels au vu des obligations contenues dans la convention.

Le bailleur sollicite, d’ailleurs, une condamnation sous astreinte qui, à supposer qu’elle puisse être rattachée aux travaux exigés, ne liste d’ailleurs toujours pas précisément les travaux auxquels le preneur n’aurait pas déféré.

La contestation étant sérieuse en la matière, il convient de dire n’y avoir lieu à référé de ce chef, et de réformer la décision querellée en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au titre de ce commandement et suspendu ses effets en octroyant des délais au preneur.

III – Sur la demande de prononcé de la résiliation du bail avec effet au 26 novembre 2021 et de condamnation au paiement de l’arriéré

La SCI Wattine-Motte estime qu’à défaut de faire droit à sa demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, il convient de prononcer la résiliation du bail pour non-exécution des travaux, ce motif venant s’ajouter aux impayés et aux retards systématiques dans les paiements.

La société Eighteen ne développe aucun moyen de ce chef.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Selon une jurisprudence constante, si le juge des référés peut constater l’acquisition d’une clause résolutoire insérée dans un bail commercial, il excède en revanche ses pouvoirs en prononçant la résiliation judiciaire d’un bail commercial.

Dès lors, la demande de la SCI Wattine-Motte en prononcé de la résiliation ne peut qu’être rejetée, puisqu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation judiciaire d’un bail quel que soit le fondement de sa saisine.

Une demande de provision se heurterait de toute évidence à la contestation élevée par la société Eighteen concernant les sommes en lien avec l’application de la clause d’échelle mobile, dont il a été précédemment exposé qu’elle était sérieuse.

Cette demande ne peut qu’être rejetée.

IV – Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Wattine-Motte succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Les chefs de la décision querellée relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.

Le sens de la présente décision commande de condamner la société Wattine-Motte à payer à la société Eighteen la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande d’indemnité procédurale et de mise à la charge de la société Eighteen des 4 procès-verbaux réalisés ne peut qu’être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME l’ordonnance juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en date du 28 février 2023 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du chef du commandement du 26 octobre 2021 et sur la demande de la SCI Wattine Motte de condamnation de la société Eighteen au paiement de l’arriéré de loyers, charges et taxes ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire au titre du commandement de faire délivré le 24 septembre 2022 ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Wattine-Motte de prononcé de la résiliation du bail liant les parties ;

CONDAMNE la SCI Wattine-Motte aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la SCI Wattine-Motte à payer à la société Eighteen la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SCI Wattine-Motte de sa demande d’indemnité procédurale.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

 


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