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Numérisation : 9 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08574

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Numérisation : 9 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08574

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 09 MARS 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08574 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC22F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 15/05488

APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Flore ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0563

INTIMÉE

S.A.R.L. DAVKA, société en liquidation amiable depuis le 1er juin 2020, [F] [S] désigné en qualité de liquidateur amiable

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle SAMAMA-SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [H] [P] a été engagée par la société Kontey et Compagnie en qualité de secrétaire standardiste dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 16 novembre 1993.

En dernier lieu et à compter du 1er octobre 2002, son contrat de travail était transféré à la société Davka et elle exerçait les fonctions de secrétaire de direction, statut cadre.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des bureaux d’études techniques, dite Syntec.

A compter du 3 mai 2013, Mme [P] a été placé en arrêt de travail.

Le 17 mai 2016, elle a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise.

Le 6 juillet 2016, la société Davka a convoqué Mme [P] à un entretien préalable.

Le 20 juillet 2016, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, Mme [P] a, par acte du 15 décembre 2015, saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny.

Le 1er juin 2020, la société Davka a fait l’objet d’une dissolution amiable et M.[F] [S] a été désigné en qualité de liquidateur amiable.

Par jugement du 27 novembre 2020, notifié aux parties par lettre du 4 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

-condamné la société Davka à verser à Mme [P] la somme de 2 955,73 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017,

-ordonné la compensation partielle avec la somme de 2 895,95 euros versée par la société Davka le 4 juin 2018,

-condamné la société Davka à payer à Mme [P] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d’un harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter de ladécision,

-débouté Mme [P] de ses demandes de complément de salaires à 100% pour les 90 premiers jours d’arrêt de travail et au titre du complément des indemnités journalières prévoyance,

-débouté Mme [P] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis,

-débouté Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour licenciement irrégulier,

-condamné la société Davka à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Davka de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Davka aux dépens,

-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 10 décembre 2020, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 16 janvier 2023, Mme [P] demande à la cour :

-de juger que l’effet dévolutif de l’appel opère,

-de juger que la cour est valablement saisie des chefs critiqués du jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 27 novembre 2020, tels que mentionnés dans le document annexé en pièce jointe à la déclaration d’appel du 10 décembre 2020,

-de confirmer le jugement en ce qu’il a :

-condamné la société Davka à lui verser la somme brute de 2 955,73 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

-ordonné la compensation partielle avec la somme de 2 895,95 euros versée à titre de congés payés par la société Davka le 4 juin 2018,

-condamné la société Davka à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

-condamné la société Davka à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Davka de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Davka aux entiers dépens,

-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a :

-débouté de ses demandes de complément de salaires à 100% pour les 90 premiers jours d’arrêt de travail et au titre du complément des indemnités journalières prévoyance,

-débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis,

-débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour licenciement irrégulier,

statuant à nouveau,

-de dire et juger qu’elle n’a pas perçu le complément de rémunération auquel elle pouvait prétendre pendant sa période de maladie,

en conséquence :

-de condamner la société Davka à lui verser la somme nette de 1 795,10 euros au titre du complément de salaire net à 100% pendant les 90 premiers jours d’arrêt,

-de dire que la société Davka devra lui remettre les bulletins de salaire rectificatifs pour les mois de mai à juillet 2013 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

-de condamner la société Davka à verser à Mme [P] la somme brute de :

-18 716,26 euros au titre du complément des indemnités journalières prévoyance,

-de dire et juger que cette somme de 18 716,26 euros devra supporter les charges salariales et patronales conformément à la législation en vigueur, Mme [P] ne devant en aucun cas assumer les charges patronales qui doivent être supportées par la société Davka seule,

-de dire que la somme nette de 8 103,71 euros qu’elle a perçue au titre des IJ prévoyance nettes devra être déduite des sommes qui lui sont dues de ce chef,

-de dire que la société Davka devra lui remettre les bulletins de salaire rectificatifs pour les mois d’août 2013 à mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

-de dire et juger que le licenciement fondé sur une inaptitude liée au harcèlement moral est nul,

-de prendre acte de ce qu’elle ne souhaite pas être réintégrée dans l’entreprise,

en conséquence :

-de condamner la société Davka à lui verser la somme de :

-13 769,94 euros à titre d’indemnité de préavis,

-1 376,99 euros à titre de congés payés sur préavis,

-de condamner la société Davka à lui verser la somme de 84 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-de dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière en raison du défaut d’adresse de l’inspection du travail,

en conséquence,

-de condamner la société Davka à lui verser à la somme de brute de 4 589,98 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

-de condamner la société Davka à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-de dire que les condamnations seront assorties des intérêts de droit à compter de l’introduction de la demande,

-de condamner la société Davka aux entiers dépens ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 24 janvier 2023, la société Davka demande à la cour :

-de débouter Mme [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

à titre reconventionnel,

-de condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 6 février 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour

MOTIFS

I-Sur l’effet dévolutif de l’appel

Selon l’article 901 alinéa 1er dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, ‘la déclaration d’appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe contenant (…), et à peine de nullité, (…) 4° les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité , sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’

Aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 « lorsqu’un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »

Il est admis que les textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l’empire de textes antérieurs, mais peuvent en revanche conférer validité à des actes antérieurs pour autant qu’ils n’ont pas à la suite d’une exception de nullité été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.

Il en résulte qu’antérieurement à l’arrêté du 25 février 2022 dont l’article 4 précise que ‘lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document’, la déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du dispositif du jugement critiqués constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile et à celles de l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 précité, peu important que la déclaration ne mentionne pas expressément l’existence d’une annexe, dès lors que la déclaration d’appel et l’annexe, qui fait corps avec elle, sont transmises en même temps au greffe de la cour.

En l’espèce, la déclaration d’appel formée le 10 décembre 2020 au nom de Mme [H] [P] portait dans la rubrique ‘objet/portée de l’appel’ la mention suivante: ‘appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués’ , un document intitulé ‘Déclaration d’Appel y était joint dans lequel figuraient les mentions suivantes: ‘le présent appel partiel tend à faire

confirmer le jugement en ce qu’il a :

-condamné la société Davka à verser à Mme [P] la somme brute de 2 955,73 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

-ordonné la compensation partielle avec la somme de 2 895,95 euros versée à titre de congés payés par la société Davka le 4 juin 2018,

-condamné la société Davka à payer à Mme [P] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

-condamné la société Davka à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Davka de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Davka aux entiers dépens,

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-débouté Mme [P] de ses demandes de complément de salaires à 100% pour les 90 premiers jours d’arrêt de travail et au titre du complément des indemnités journalières prévoyance,

-débouté Mme [P] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis,

-débouté Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour licenciement irrégulier,

(…),

Cette déclaration d’appel à laquelle était joint le document précité est donc conforme aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile et opère en conséquence l’effet dévolutif permettant à la cour de statuer, sans excès de pouvoir, sur les chefs de jugement ainsi critiqués.

II- Sur l’exécution du contrat de travail

A-Sur la demande de rappel de salaire au titre de la période d’arrêt de travail

1- Sur la demande au titre de l’indemnité complémentaire due pendant les 90 premiers jours d’arrêt de travail

Aux termes de l’article 43 de la convention collective des bureaux d’études techniques, dite Syntec. Il est stipulé , concernant les ingénieurs et cadres :

‘En cas de maladie ou d’accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s’il y a lieu, les IC recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu’à concurrence des appointements ou fractions d’appointements fixées ci-dessus, les sommes qu’ils percevront à titre d’indemnité, d’une part, en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des lois sur l’assurance maladie, d’autre part, en compensation de perte de salaire d’un tiers responsable d’un accident.

Les indemnités versées par un régime de prévoyance auquel aurait fait appel l’employeur viendront également en déduction.

(…)

Cette garantie est fixée à 3 mois entiers d’appointements.

Il est précisé que l’employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d’un tiers responsable (1) , jusqu’à concurrence de ce qu’aurait perçu, net de toute charge, l’IC malade ou accidenté s’il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications (2).

Si l’ancienneté de 1 an est atteinte par l’IC au cours de sa maladie, il recevra à partir du moment où l’ancienneté sera atteinte, l’allocation fixée par le présent article pour chacun des mois de maladie restant à courir.

Le maintien du salaire s’entend dès le premier jour d’absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.

Les allocations fixées ci-dessus constituent le maximum auquel l’IC aura droit pour toute période de 12 mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident.

Pour les incapacités temporaires de travail supérieures à 90 jours consécutifs, le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l’accord “Prévoyance” annexé à la présente convention collective.’

En application des dispositions précitées, la salariée a droit au maintien de son salaire net.

Le salaire net de l’appelante, avant son arrêt de travail, était, conformément au décompte qu’elle a établi de 10 576,80 euros.

Or, sur les 90 premiers jours de son arrêt de travail, elle a perçu au titre des indemnités journalières de sécurité sociale un montant net 3680,97 euros.

Elle a en outre perçu un complément net de salaire de 5100,73 euros.

Soit au total 8781,70 euros

Il lui est donc dû une somme nette de 1795,10 euros.

Il y a donc lieu, par infirmation du jugement entrepris, de faire droit à sa demande à ce titre.

2-Sur la demande au titre du complément ‘prévoyance’pour la période d’arrêt de travail du du 1er août 2013 au 2 mai 2016 (1006 jours)

Le contrat de prévoyance produit au débat prévoit une indemnisation de 80 % du salaire de base compte tenu des prestations de sécurité sociale (pièce 20/2) et il ressort du décompte des sommes versées par l’organisme de prévoyance qu’il a été versé à la société Davka des indemnités journalières de 74,25 euros à ce titre pour la période d’arrêt de travail de l’appelante du 1er août 2013 au 28 septembre 2013 (pièce 20/10), la société intimée n’ayant pas communiqué les autres décomptes de la prévoyance ni déféré à la sommation de les communiquer qui lui a été faite.

Ainsi et sur la base de 74,25 euros par jour, la somme totale brute dont aurait dû bénéficier la salariée était de 74 695,50 euros.

Or, il ressort des pièces versées au débat que la salariée a perçu 55 979, 24 euros au titre des indemnités journalières de la prévoyance telles que mentionnées sur ses bulletins de paye (cf pièce 18 : bulletins de paye) outre 8103,71 euros qu’elle a perçu à titre complémentaire en net.

Aussi, à défaut pour l’employeur de justifier que le montant revenant à la salariée ne devrait pas être calculé sur cette base, il ya lieu de faire droit à la demande de l’appelante et de condamner la société Davka à lui verser une somme complémentaire à ce titre de 18 716, 26 euros, étant précisé que la somme nette de 8103,71 euros que reconnaît avoir perçue Mme [P] au titre de la prévoyance devra être déduite.

B- Sur la demande à titre de complément de congés payés

La société Davka justifie avoir versé à la salariée une somme de 2895,95 euros le 4 juin 2018 conformément à ses droits (pièce 24-2).

Mme [P] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

C- Sur le harcèlement moral

Le harcèlement moral s’entend aux termes de l’article L 1152-1 du Code du Travail, d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article 1154-1 du Code du Travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, l’employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, au soutien de sa demande, Mme [P] fait valoir avoir subi des agissements de harcèlement répétés de la société qui l’employait et plus partiuclièrement se son gérant, M.E K.

Elle produit notamment au débat :

-une lettre qu’elle a rédigé à l’attention de son employeur le 17 octobre 2013 et dans laquelle elle fait notamment état d’une surcharge de travail suite à la suppression de deux postes, laquelle ne lui permettait pas de prendre des jours de congés sans être dérangée, de reproches réitérés de son employeur sur un ton inapproprié et de brimades (notamment privation de son téléphone devant ses collègues, déplacement de son bureau) (pièce 23) ;

– ses bulletins de paye dont il ressort des soldes de congés payés (par exemple 91jours en juin 2011 et 77,5 jours en juin 2012 (pièce 24) ;

– le témoignage de M.N. (coordinateur magasin) qui déclare avoir constaté qu’au cours de l’année 2012, Mme [P] avait été privée de téléphone, s’était vu retirer des dossiers importants, avait reçu des ordres donnés sèchement, qu’elle était en pleurs au cours des réunions et rétrogradée au poste de standardiste (pièce 29) ;

-les comptes- rendus des réunions des délégués du personnel du 6 septembre 2012 dans laquelle M.K.. confirme la suppression de la ligne téléphonique de l’appelante, le délégué du personnel demandant en outre à l’employeur de faire attention à son comportement (ton, réflexion, gestuelle..) souvent limite les derniers temps (pièce 30/8) et du 12 février 2013 dans laquelle il est noté que de nombreux salariés se plaignent de harcèlement moral, des menaces et insultes quotidiennes employées par le patron et lui demandent de ne plus les perturber pendant qu’ils travaillent ni les stresser (pièce 50) ;

-un courriel qu’elle a adressé le 19 septembre 2012 au conseil de l’entreprise dans lequel elle fait état des difficultés qu’elle rencontre dans l’exécution de son travail (notamment suppression de son téléphone, déplacement de son bureau) (pièce 33-2) ;

– un deuxième courriel adressé à ce même conseil le 1er février 2013 faisant état de relations difficiles avec son employeur qui lui crie dessus et avec lequel elle ne peut plus échanger sereinement (pièce 40) ;

-une demande d’effectuer un travail adressée par la société intimée en LRAR alors qu’elle était en congés (pièce 47) ;

– une demande de respecter les horaires et de prendre sa pause déjeuner entre 13 h et 14 h adressée par LRAR le 4 avril 2013 (pièce 46) ;

– plusieurs échanges de courriels par lesquels la salariée indique ne plus avoir de téléphone et s’organise avec ses interlocuteurs pour s’adapter en conséquence (pièce 30/1, 30/2, 30/3, 30/4,30/9)

-un courrier de son employeur du 12 octobre 2012 lui demandant de prendre son heure de table entre 13 h et 14h (pièce 35) ;

– un courrier de son employeur du 3 octobre 2012 lui demandant de prendre ses 54,50 jours congés payés faute de quoi ils seraient annulés et de l’informer très rapidement des dates de ses congés (pièce 34) ;

-un courriel dans lequel elle indique que sa demande de congés n’a pas été signée (pièce 39/1) ;

– une attestation de M.R., ancien collègue, précisant qu’elle avait été privée de téléphone, que son bureau avait été déplacé, que M.K. s’énervait contre elle, qu’elle était souvent en larme et qu’il avait entendu son patron lui dire qu’il allait lui faire vivre l’enfer et qu’il n’avait pas besoin de secrétaire de direction (pièce 60) ;

-une note manuscrite sur laquelle il est noté : vous devez raccrocher le téléphone et expliquer à [O] comment on fait les traites, 3ème demande de [R] (pièce 43) ;

– une note datée du 11 mars 2013 et envoyé le 12 mars 2013 à 14h14 demandant à ce qu’il ne soit plus diffusé de musique dans le magasin et une note envoyé le 12 mars 2013 à 16h22 indiquant le contraire et précisant ‘nous avons changé d’avis ) (pièce 44) ;

-une lettre recommandée de son employeur du 3 avril 2013 faisant valoir qu’elle avait communiqué des informations erronées relativement au montant de loyers et lui demandant de faire les efforts nécessaires (pièce 45) ;

– deux témoignage de Mme [V], secrétaire, indiquant travailler dans le même bureau qu’elle et faisant état du changement de comportement de M.K. à l’égard de l’appelante, de l’acharnement et du harcèlement infondé exercé par M.K. sur sa personne et ainsi des reproches injustifiés sur son travail, des directives contradictoires, de la confiscation de son téléphone, du retrait de certaines de ses tâches, du déplacement de son bureau et du mal être en résultant pour sa collègue (pièce 52 et 58) ;

– un témoignage de Mme L faisant état de conditions de travail anormales et notamment de pressions exercées, de tâches retirées à certains salariés , de déplacements de bureaux (pièces 53)

-un courriel qu’elle a adressé à l’inspection du travail le 29 janvier 2013 dans lequel elle fait état de la dégradations de ses conditions de travail et des pressions qu’elle subit (pièce 62) ;

– un témoignage de M. [U], comptable, indiquant qu’elle avait été mise en cause de manière injustifiée relativement à une dépense de 25 000 euros alors qu’il s’agissait d’une erreur comptable (pièce 67) ;

– plusieurs pièces médicales et notamment un avis d’inaptitude à tous poste (danger immédiat) établi par la médecine du travail le 17 mai 2016, un certificat médical de son médecin traitant indiquant la suivre depuis 2013 dans les suites d’un syndrome anxio dépressif réactionnel déclenché par un climat conflictuel au travail et précisant qu’elle présentait à l’époque des crises d’angoisse avec stress, perte d’appétit, crises de larme et troubles du sommeil, des prescriptions d’anxiolytiques, des attestations de suivi psychologique depuis le 18 novembre 2014, un certificat de son dentiste faisant état de grincements de dents dues à un stress et le classement en invalidité de la salariée (pièces 4, 68 à 72).

Ces éléments établissent des faits et notamment qu’entre septembre 2012 et son arrêt de travail, la salariée a subi des brimades (privation de téléphone, déplacement de bureau), reçu des instructions contradictoires, essuyé des reproches répétés de son employeur et ce, notamment par lettre recommandée et que son état de santé s’est dégradé.

Pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.

La société Davka produit au débat:

– des témoignages faisant état de bonnes relations entre Mme [P] et de M.K., deux témoins indiquant qu’ils considéraient qu’elle faisait partie de la famille de la famille de M.K. (pièces 1, 3 4 et 5 et 9) ;

-des photographies montrant la participation de Mme [P] à des événements familiaux de M.K. (pièce 23) ;

– le contrat de travail à durée déterminée de M.B. et une attestation précisant qu’il a été affecté au sein de l’entreprise Davka du 4 juin 2013 au 31 juillet 2016 (pièces 6 et 8) ;

-des bordereaux de virements (pièce 7) ;

-un courrier adressé par M.K. à Mme [P] le 30 novembre 2015 pour prendre de ses nouvelles et regrettant ce qui a pu se passer pendant son AVC (pièce 10) ;

-un certificat médical faisant état des problèmes de santé de M.K. (pièce 12) ;

-une attestation de Mme F faisant état d’un retard dans la prise des congés payés de Mme [P] et précisant que c’est en accord avec le conseil de l’entreprise qu’il lui avait été demandé de prendre deux semaines de congés par mois ainsi que les borderaux relative aux prises de congés de Mme [P] et également d’autres salariés (pièce13 et 22)

-les certificats de de travail de Mme [V] et de M.[W]. (pièce 15 et 18) ;

-un courriel de Mme B. indiquant avoir été contacté par Mme [P] et précisant qu’il agissait de manière professionnelle et respectueuse et qu’elle n’avait rien à lui reprocher (pièce 20) ;

-des fiches de pointages montrant que Mme [P] arrivait après 9h (pièce 21) ;

-une attestation du commissaire aux comptes précisant qu’il avait demandé à la société Davka de faire des recherches sur le solde débiteur du compte fournisseur (pièce 24).

S’il ressort de ces éléments que Mme [P] n’a pas subi un traitement différent des autres salariés relativement à sa prise de congés, qu’il ne lui a pas été imputé personnellement le solde débiteur de 25 000 euros présenté par le compte fournisseur , qu’elle arrivait après l’horaire collectif fixé par l’employeur sur son lieu de travail et qu’elle a été proche de son employeur, il n’est pas pour autant justifié qu’après 20 ans de collaboration, l’employeur lui adresse plusieurs lettres recommandées pour lui imputer différents griefs, la contacte pendant ses congés pour lui faire exécuter une prestation de travail, lui donne des directives contradictoires, fasse pression sur elle dans l’accomplissement de son travail, lui retire son téléphone ou déplace son bureau.

Aussi, les pièces produites au débat par l’employeur n’établissent pas que les décisions qu’il a prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu le harcèlement moral.

Compte tenu du retentissement en ayant résulté pour la salariée et justifié par par ses arrêts de travail continus après qu’elle ait dénoncé les faits qu’elle subissait et les pièces médicales qu’elle produit au débat, il lui sera alloué à ce titre une somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts.

II- Sur le licenciement

En application de l’article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.

En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.

Le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Aux termes de la lettre du licenciement qui fixe les limites du litige, Mme [P] a été licenciée pour inaptitude à la suite d’un seul examen de reprise motivé par un danger immédiat et impossibilité de reclassement.

Or, de ce qui précède il résulte que Mme [P] a été victime d’un harcèlement moral dont les premiers faits établis remontent au mois de septembre 2012.

Les motifs de l’avis d’inaptitude (inapte à tous poste avec danger immédiat), le certificat médical du médecin traitant de la salariée indiquant la suivre depuis 2013 dans les suites d’un syndrome anxio dépressif réationnel déclenché par un climat conflictuel au travail et les arrêts de travail délivrés au constat d’une dépression réactionnelle établissent que l’inaptitude et le licenciement qui s’en est suivi résultent du harcèlement dont Mme [P] a été victime, la rupture devant être en conséquence déclarée nulle.

A ce titre Mme [P] peut prétendre en premier lieu à l’indemnité de préavis en application de l’article L. 1234-5 du code du travail, l’inaptitude à raison de laquelle elle n’a pu l’exécuter ayant pour origine le harcèlement moral dont elle a été reconnue victime.

Cette indemnité est égale au salaire brut qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant cette période.

Aussi, sur la base du salaire brut moyen qu’elle percevait avant son arrêt de travail tel que calculé par la salariée et non strictement contesté (4589,98 euros) et de la durée du préavis qui lui était applicable conformément à l’article 15 de la convention collective des bureaux d’études techniques, il doit lui être alloué de ce chef la somme de 13 769, 94 euros outre 1379,81 euros au titre des congés payés afférents,

S’agissant des dommages-intérêts pour licenciement nul, il convient de relever que Mme [P] était âgée de 44 ans au moment de son licenciement, qu’elle bénéficiait d’une ancienneté de près de 23 ans et qu’elle a été classée en invalidité 2ème catégorie à compter du 3 mai 2016.

L’ensemble de ces éléments justifie l’octroi d’une indemnité de 80 000 euros.

Enfin, conformément aux dispositions de l’article L.1232-4 du code du travail, en l’absence de représentants du personnel, la lette de convocation à entretien préalable doit mentionner la possibilité pour celui-ci de se faire assister par un conseiller du salarié et mentionner la liste des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

En l’espèce, si la société intimée a mentionné à cette fin que la liste de ces conseillers pouvait être consultée auprès de l’inspection du travail, la salariée fait valoir que l’adresse mentionnée est erronée.

Toutefois, l’employeur justifie de l’existence d’une antenne de l’inspection du travail à l’adresse qu’il a mentionnée et a de surcroît indiqué à la salariée l’adresse de la mairie où la liste des conseillers du salarié peut également être consultée.

La salariée, qui a de surcroît indiqué à l’employeur ne pas souhaiter se rendre à l’entretien préalable à son licenciement, ne justifie pas de l’étendue de son préjudice, elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

III- Sur les autres demandes

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaires à compter du présent arrêt.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme [P] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

-condamné la société Davka à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Davka de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Davka aux dépens,

INFIRME le jugement pour le surplus et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés ,

CONDAMNE la société Davka à verser à Mme [P] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

PRONONCE la nullité du licenciement pour inaptitude,

CONDAMNE en conséquence la société Davka à verser à Mme [P] les sommes de:

– 1795,10 euros nette à titre de complément de salaire afférent à ses 90 premiers jours d’arrêt de travail

-18 716, 26 euros à titre de complément d’indemnité de prévoyance après déduction de la somme nette de 8103,71 euros perçue par Mme [P] à titre complémentaire,

– 13 769, 94 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 1379,81 euros au titre des congés payés afférents,

– 80 0000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DÉBOUTE Mme [P] de sa demande de rappel de congés payés,

DéBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Davka aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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