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Numérisation : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00508

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Numérisation : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00508

RUL/CH

[U], [M], [J] [C]

C/

Association MÉDECINE DU TRAVAIL 71

SAS ETTI 71

HANDISERTION, venant aux droits de la Société ETTI. 71

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00508 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FSIW

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section ACTIVITÉS DIVERSES, décision attaquée en date du 17 Novembre 2020, enregistrée sous le

n° 20/00108

APPELANT :

[U], [M], [J] [C]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par M. [B] [H] (Délégué syndical ouvrier), muni d’un pouvoir

INTIMÉES :

Association MÉDECINE DU TRAVAIL 71

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

S.A.S ETTI 71

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Fabrice TURLET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Mathieu PERRACHON, avocat au barreau de CHALON-SUR SAONE

Association HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fabrice TURLET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Mathieu PERRACHON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

En 2018, l’association médecine du travail 71 (ci-après désignée M.T. 71) a déménagé dans de nouveaux locaux et mis en place un nouveau logiciel métier permettant de passer au tout numérique.

Pour ce faire, il a été dégagé des moyens supplémentaires afin de procéder à la numérisation en 2019 des 110 000 dossiers vivants dans le logiciel et à cet effet il a été prévu de confier cette tâche à une équipe de salariés intérimaires.

C’est dans ce cadre que la société ETTI 71, entreprise de travail temporaire à vocation d’insertion, a mis à disposition de la M.T.71, M. [U] [C] par un contrat d’intérim conclu le 3 janvier 2019 pour la période du 7 janvier au 18 janvier 2019.

Le contrat a été prolongé pour la période du 19 janvier au 31 mars 2019, le 18 janvier 2019.

Un avenant modifiant les horaires de travail a été signé le 22 janvier 2019 et un second le 29 mars suivant pour la période du 1er avril au 31 décembre 2019.

Le contrat a pris fin au terme initialement convenu.

Par requête du 18 juin 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône aux fins de requalification de son contrat de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 7 janvier 2019.

Par jugement du 17 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de requalification et condamné la société ETTI 71 à lui verser la somme de 237,79 euros à titre du rappel d’heures travaillées y compris prime de précarité et indemnité compensatrice de congés payés, outre la somme de 800 au titre de 1’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formée le 25 novembre 2020, le salarié a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 novembre 2021, l’appelant demande de :

– infirmer le jugement déféré,

– juger que les relations contractuelles de M. [C] avec la M.T. 71 est un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 7/01/2019.

En conséquence,

– condamner la M.T. 71 à lui payer les sommes suivantes :

* 1 840 euros à titre d’indemnité de requalification (un mois),

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité,

– condamner in solidum les sociétés M.T. 71 et HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71 à lui payer les sommes suivantes :

* 3 680 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail à durée indéterminée (2 mois), avec un minimum de 1 mois de salaire, soit 1 840 euros,

* 3 680 euros à titre d’indemnité de préavis (2 mois), outre 368 euros au titre des indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 517,50 euros à titre de d’indemnité légale de licenciement,

– condamner les sociétés M.T. 71 et HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71 aux entiers dépens,

– juger que les condamnations produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par les sociétés M.T. 71 et ETTI 71 de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône,

– condamner les sociétés M.T. 71 et HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71 à payer chacune à M. [C] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71 à un rappel sur des heures travaillées y compris prime de précarité et indemnités compensatrice de congés payés, mais l’infimer sur le quantum à hauteur de 903,45 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 mars 2021, la M.T. 71 demande de :

– confirmer le jugement déféré,

– condamner M. [C] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 octobre 2021, l’association HANDISERTION, venuant aux droits de la société ETTI 71, demande de :

à titre principal,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* dit que le contrat de mission de M. [C] n’a pas à être requalifié en contrat à durée indéterminée,

* débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

*condamné la société ETTI 71 à verser à M. [C] les sommes de 237,79 euros à titre du rappel d’heures travaillées y compris prime de précarité et indemnité compensatrice de congés payés et 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* a débouté la M.T. 71 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– juger que M. [C] a été intégralement rempli de ses droits au titre de ses heures de travail, primes de précarité et primes annuelles,

– le débouter :

* de sa demande de rappel de salaire,

* de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* de sa demande de condamnation aux dépens,

– le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Subsidiairement,

– juger que la la société ETTI 71 n’a manqué à aucune obligation lui incombant en qualité d’entreprise de travail temporaire,

– juger que M. [C] ne démontre aucune entente ou action de concert entre la société ETTI 71 et la M.T. 71 pour pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de la MT 71,

– le débouter de ses demandes de condamnation solidaires dirigées à l’encontre de l’association HANDISERTION (venue aux droits de la Société ETTI 71), au titre de

la requalification de son contrat de travail,

très subsidiairement,

– fixer le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à 1 mois de salaire, soit 1 521,10 euros bruts,

– fixer le montant de l’indemnité de licenciement à ¿ de mois de salaire, soit 460 euros,

– le débouter de sa demande dommages-intérêts pour licenciement ou subsidiairement limiter le montant de l’éventuelle condamnation à 1 mois de salaire, soit 1 521,10 euros bruts,

– en cas de condamnation solidaire de l’association HANDISERTION (venue aux droits de la société ETTI 71) et la M.T. 71, juger que l’association M.T. 71 devra garantir l’association HANDISERTION (venue aux droits de la Société ETTI 71) de l’intégralité des conséquences financières relevant des manquements lui étant imputables du fait de ses obligations d’entreprise utilisatrice,

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le rappel de salaire du 7/01/2019 au 31/12/2019 :

M. [C] soutient avoir signé un contrat de mission avec un avenant et deux renouvellements en qualité d’employé administratif (non cadre) à raison de 35 heures hebdomadaires pour un salaire de référence de 10,67 euros et une prime annuelle de 1/12ème par mois soit 0,89 euro.

Or selon lui, ses bulletins de salaire (pièce n° 14) font apparaître qu’il n’était pas rémunéré sur la base de 151,67 heures de travail mensuel et produit un tableau récapitulatif mentionnant les heures réellement payées, les heures manquantes, le nombre de congés pris par mois. (pièce n° 16).

Il sollicite en conséquence la somme de 903,45 euros à titre de rappel sur les heures manquantes, la prime de précarité et la prime annuelle.

La M.T.71 oppose :

– d’une part qu’elle n’est pas son employeur et qu’à ce titre, elle ne saurait être débiteur de rappel de salaire au bénéfice du salarié,

– d’autre part que le salarié a été régulièrement réglé de l’ensemble des heures travaillées pour son compte (pièces n° 8 à 19),

et que la demande s’analyse en réalité comme étant une mensualisation alors qu’aux termes des dispositions de l’article L3242-1 du code du travail, la mensualisation ne s’applique pas au salarié temporaire, lequel est payé aux heures réelles.

L’association HANDISERTION, venant aux droits de la société ETTI 71, rappelle qu’elle a strictement respecté son obligation de fournir du travail à hauteur de 35 heures hebdomadaires et de payer le salaire dû au titre de l’heure travaillée.

Elle justifie à ce titre :

– des bulletins de salaire de janvier à décembre 2019 indiquant le calendrier des jours travaillés et le nombre d’heures travaillées par jour (pièce n° 7),

– les relevés d’heures signés par M. [C] (pièce n° 8).

Néanmoins, étant rappelé que le contrat de travail prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35 heures et que le salarié intérimaire a droit, dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise utilisatrice, au paiement des jours fériés compris dans une mission, il convient en premier lieu de relever que M. [C] ne saurait se prévaloir, au titre de son contrat de mission de 35 heures hebdomadaires d’un temps complet de 151,67 heures dans la mesure où l’article L3242-1 du code du travail exclut le salarié intérimaire de la mensualisation.

Par ailleurs, l’examen des bulletins de paye produits démontre qu’il a été payé sur une base de :

– 133 heures en janvier, tenant compte du fait que la mission a débuté le 7 janvier,

– 140 heures en février,

– 144 heures en mars,

– 140 heures en avril,

– 133 heures en mai, auxquelles s’ajoutent 21 heures pour jour férié non travaillé, – 126 heures en juin, auxquelles s’ajoutent 7 heures pour jour férié non travaillé,

– 70 heures en juillet (congés les 1er, 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 29, 30 et 31 juillet),

– 126 heures en août, auxquelles s’ajoutent 7 heures pour jour férié non travaillé (congés les 1er, 2 et 16 août),

– 147 heures en septembre,

– 126 heures en octobre,

– 133 heures en novembre,

– 98 heures en décembre, auxquelles s’ajoutent 7 heures pour jour férié non travaillé (absence justifiée le 13 décembre et congés les 23, 24, 26, 27, 30, et 31 décembre).

Dès lors, nonobstant l’argument de la M.T.71 selon lequel elle n’est pas l’employeur et ne saurait donc être débitrice d’un rappel de salaire au bénéfice du salarié, la demande de rappel de salaires étant dirigée contre la société ETTI 71 de façon explicite dans le corps de ses écritures et de façon implicite en ce qu’il demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71 audit rappel, il ressort des pièces produites par l’employeur que M. [C] a bien travaillé 35 heures par semaine et que les heures manquantes sont celles qu’il n’a pas été effectué pour convenance personnelle ou congés (semaine n° 11, 17, 22, 24, 26, 33 et 50).

Il ressort également qu’il a été rémunéré pour les jours fériés qu’il n’a pas travaillé en mai, juin, août et décembre.

Dans ces conditions, la demande de rappel de salaire sur les heures manquantes, sur la prime de précarité et sur la prime annuelle sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II – Sur la requalification des contrats d’interim en contrat à durée indéterminée :

L’article L 1251-5 du code du travail dispose que “le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice”.

L’article L 1251-6 du même code n’autorise le recours à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée “mission” et notamment dans le cas d’un accroissement temporaire de l’activité.

L’article L 1251-35 du même code dispose que “le contrat de mission est renouvelable deux fois pour une durée déterminée qui, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale prévue à l’article L.1251-12. Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu”.

L’article L 1251-36 du même code dispose quant à lui que “à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs. Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1251-5, la convention ou l’accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence”.

En l’espèce, M. [C] s’estime bien fondé à faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission irrégulière, soit le 7/01/2019, aux motifs que :

– la M.T. 71 ne pouvait pas invoquer un surcroît temporaire d’activité pour l’embauche de quatre salariés intérimaires effectuant des taches dites “occasionnelles”, l’activité ainsi pourvue relevant de l’activité courante et quotidienne normale de l’entreprise,

– il a été employé pendant toute la durée de sa mission pour effectuer une tache occasionnelle sans lui dire laquelle,

– à la fin de son contrat de mission, la M.T. 71 devait respecter un délai de carence du tiers du temps de présence de son contrat avant de reprendre quelqu’un, soit 120 jours ou embaucher un salarié en contrat de travail à durée indéterminée or la M.T. 71 a recruté un salarié sur le poste par l’intermédiaire d’un nouveau contrat précaire intitulé “bénéficiaire de l’obligation d’emploi de l’article L 5212-13 du code du travail” du 06/01/2020 au 31/03/2020 (pièce n° 7).

Pour sa part, la M.T.71, entreprise utilisatrice, oppose que :

– elle a pour objet d’éviter toute altération de la santé au travail et diligente à ce titre des actions de prévention tout au long du parcours professionnel des salariés, conseille les entreprises et les salariés, notamment pour l’amélioration des conditions de travail, la prévention de la pénibilité, la contribution au maintien dans l’emploi et assure la surveillance de l’état de santé des salariés en fonction des risques de la pénibilité au travail, de l’âge,

– le recours à des travailleurs temporaires s’est inscrit dans le cadre de la mise en place, au cours de l’année 2018, d’un nouveau logiciel permettant la dématérialisation des services de la médecine du travail, ce qui a impliqué la numérisation en 2019 des 110 000 dossiers en cours regroupant l’ensemble des informations de l’ensemble des salariés suivis, tâche ne faisant pas partie de l’activité habituelle de l’entreprise et caractérisant un surcroît d’activité pour lequel il a été fait le choix de recourir à des travailleurs temporaires (pièces n° 1 à 3),

– les contrats de mission temporaires régularisés les 3, 18 et 22 janvier puis le 29 mars 2019 font expressément référence à ce surcroît d’activité dans le sens où, au titre du motif figure “accroissement temporaire lié à une tâche occasionnelle” avec la mention en caractéristique du poste de la “numérisation de données confidentielles”.

– l’action en requalification à l’encontre de l’entreprise utilisatrice trouve son origine dans les dispositions de l’article L1251-40 du code du travail qui énumère expressément les cas d’ouverture de l’action en requalification à l’encontre de l’entreprise utilisatrice et n’est pas visée au terme de ses dispositions, l’éventuelle méconnaissance des dispositions des articles L1251-36 et L1251-36-1 relatifs à la succession de contrats de travail temporaire, de sorte que de jurisprudence constante, il n’est pas reconnu la possibilité pour le travailleur temporaire de solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée auprès de l’entreprise utilisatrice dans l’hypothèse d’une méconnaissance des règles de succession du contrat de travail temporaire.

L’association HANDISERTION, venant aux droits de ETTI 71, oppose quant à elle que :

– la numérisation d’archives ne correspond pas à une activité normale et permanente de l’Association MT 71, mais à une tâche occasionnelle précisément définie et ponctuelle qui ne relève pas d’un emploi lié durablement à son activité normale et permanente (pièces n° 1, 4, 5, 31),

– en tout état de cause lorsqu’un salarié estime qu’une entreprise utilisatrice a recours au travail temporaire en méconnaissance des dispositions relatives aux cas de recours au travail temporaire et à la durée des missions (articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10, L 1251-11, L 1251-12-1, L 1251-30 et L 1251-35-1 du code du travail), il ne peut intenter une action en requalification des contrats en CDI qu’à l’encontre de l’entreprise utilisatrice, à l’exclusion de tout recours contre l’entreprise de travail temporaire, sauf condamnation solidaire en cas d’action de concert pour contourner la loi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,

– le contrat de mission (contrat initial et avenants de prolongation) mentionne au titre du motif de recours “accroissement temporaire lié à une tâche occasionnelle” et précise en outre le type de mission confiée à savoir “numérisation de données confidentielles” (pièces n° 1, 2 et 4),

– M. [C] n’a signé avec la société ETTI 71 qu’un seul contrat de mission dont la durée globale n’a pas excédé 18 mois et ne peut donc se prévaloir d’un manquement relatif à la succession des contrats de mission, ce d’autant que la méconnaissance des règles relatives au délai de carence ne constitue pas en soi un motif de requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, l’article L.1251-40 du code du travail ne visant pas l’article L.1251-36 du code du travail au titre des cas limitatifs dans lesquels le salarié peut se prévaloir de la requalification (pièces n° 2, 11, 13 et 14).

A – S’agissant des demandes à l’égard de l’entreprise utilisatrice :

Il résulte des dispositions des articles L.1251-5 et 1251-40 du code du travail que si le travailleur temporaire peut invoquer à l’encontre de l’entreprise utilisatrice le fait que le ou les contrats de mission successifs ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, il ne peut lui reprocher le non respect du délai de carence entre deux contrats de mission, le respect du délai de carence étant une obligation incombant à l’entreprise de travail temporaire.

Le contrat de mission ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés à l’article L 1251-6 du même code et notamment pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise utilisatrice.

Il s’agit dans cette hypothèse, pour l’entreprise utilisatrice de faire face à une augmentation temporaire de son activité habituelle qui ne peut être absorbée par son effectif permanent.

Il appartient à l’entreprise utilisatrice de prouver à la fois la réalité de l’accroissement d’activité et son caractère temporaire.

En l’espèce, il ressort de l’examen du contrat de mission et de ses avenants de prolongation que le motif du recours à un travailleur temporaire est défini comme étant l’accroissement temporaire lié à une tâche occasionnelle et que la mission (caractéristiques du poste) est la numérisation de données confidentielles (pièces n° 4 à 7).

Il ressort par ailleurs du procès-verbal de la réunion du CSE du 29 octobre 2018 que pour mener à bien cette tâche, la procédure sera définie par un prestataire extérieur (groupe GEPS, fournisseur du logiciel) et que les scanners utilisés seront loués et non achetés (pièce n° 1).

Il s’en déduit que cette tâche d’ampleur (110 000 dossiers à numériser) présente un caractère ponctuel et exceptionnel (passage au numérique) ne relevant pas de l’activité habituelle de la M.T. 71 dont l’objet est la prévention des risques sur la santé liés au travail.

La cour en conclut que le recours à un emploi intérimaire n’a pas eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice et l’exécution de cette tâche précise et temporaire répond bien à un accroissement temporaire de l’activité.

Par ailleurs, le salarié ne saurait sérieusement soutenir qu’il a été employé pendant toute la durée de sa mission pour effectuer une tache occasionnelle “sans lui dire laquelle”, cette tâche figurant expressément dans son contrat de travail (numérisation de données confidentielles).

B – S’agissant des demandes à l’égard de la société de travail temporaire :

Les dispositions de l’article L1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L 1251-30 et L 1251-35 du même code, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite n’ont pas été respectées, ce qui est le cas lorsque l’entreprise intérimaire a fait se succéder des contrats de mission fondés sur un surcroît temporaire d’activité, sans respecter le délai de carence qui est légalement obligatoire pour ce cas de recours.

Un tel délai de carence est impératif lorsque les contrats de mission successifs sont fondés sur un accroissement temporaire d’activité.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la relation contractuelle s’est déroulée dans les conditions suivantes :

– l’unique contrat de mission signé par M. [C] du 7 janvier au 18 janvier 2019, prolongé du 19 janvier au 31 mars 2019 puis du 1er avril au 31 décembre 2019, avait comme entreprise utilisatrice la M.T.71,

– le poste concerné est celui de “numérisation de données confidentielles”,

– le motif de recours est, tant pour le contrat initial que pour ses prolongations successives, un accroissement temporaire d’activité,

Or s’il ressort des pièces produites que la durée légale maximale de 18 mois des contrats de mission de M. [C] n’a effectivement pas été dépassée, en revanche un nouveau contrat de mission a été signé sur le même poste au sein de la même entreprise utilisatrice, dès le 3 janvier 2020, avec un autre salarié.

En effet, si le nom de ce salarié a été délibérément masqué, la signature figurant en bas du contrat n’est pas celle de M. [C].

Il s’en déduit que dès lors que le délai légal de carence entre deux contrats à durée déterminée successifs pour pourvoir un même poste s’applique que le nouveau contrat de travail soit conclu avec le même salarié ou un autre, le contrat à durée déterminée conclu sans respecter le délai de carence est réputé à durée indéterminée.

Néanmoins, seul le salarié avec lequel le contrat de mission signé en violation du délai de carence a été régularisé peut s’en prévaloir. M. [C], dont l’unique contrat prolongé est arrivé à son terme le 31 décembre 2019, n’étant pas ce salarié, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification et les demandes afférentes à la rupture de la relation de travail.

III – Sur les dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité :

Au visa de l’article R 4624-18 du code du travail, M. [C] soutient qu’en sa qualité de travailleur handicapé, il avait alerté le directeur de la M.T. 71 ainsi que l’inspection du travail en décembre 2019 sur le fait que pendant trois mois, de mai à août 2019, il a du porter des cartons du rez-de-chaussé au 2ème étage en raison de la non mise en service des ascenseurs ((pièces n° 11 et 12).

Il soutient également, sans toutefois en tirer de conséquence juridique, que Mme [P] était à la fois responsable de service de Cap Emploi et responsable de l’agence d’intérim ETTI 71 (pièce n° 2 – pièces n° 9 et 10) et que celle-ci lui aurait signifié “qu’il était en production avec un rendement demandé comme il l’explique à Monsieur [Y] [U], Directeur de la MT 71, ainsi qu’à l’inspection du travail…” (pièces n° 11 et 12) et que le CSE l’a fait remarquer le 18 décembre 2019 (pièce n° 17).

Il soutient enfin qu’il n’a eu sa visite médicale initiale que le 6 février 2019, soit près

d’un mois après le début de la relation de travail (pièce n° 13), qu’il n’y a pas eu d’étude de poste alors que “les sièges étaient mal adaptés, problème de cervicales”, “Matériel pour dégrafer les dossiers de mauvaise qualité”.

Il sollicite en conséquence la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité.

La M.T.71 oppose que :

– M. [C] n’a jamais informé M. [Y] du fait qu’il aurait été contraint d’effectuer un port de cartons du rez-de-chaussée au 2 ème étage, le courriel dont se prévaut le salarié, daté du 23 décembre 2019 soit à 7 jours de la fin de sa mission, n’y faisant pas référence,

– le courrier adressé à l’inspection du travail le 23 janvier 2020 est resté sans suite de la part de cette dernière,

Elle ajoute que si effectivement les archives sont stockées dans un espace sécurisé au rez-de-chaussée du bâtiment qu’elle occupe, il n’est pas aménagé pour du travail de bureau de sorte que son choix de procéder à la numérisation au second étage où se trouve le personnel administratif s’est imposé à elle et en tout état de cause conteste que le salarié ait pu être contraint à porter des cartons du rez-de-chaussée au 2ème étage entre mai et août 2019 en raison de la non mise en service des ascenseurs, deux personnes des services généraux étant chargées de la gestion des stocks,

– en matière d’obligations relatives à la médecine du travail, celles-ci sont à la charge, s’agissant d’un travailleur temporaire, de l’entreprise de travail temporaire en vertu de l’article L1251-22 alinéa 1 du code du travail et en tout état de cause, l’article R4624-10 dispose que la visite d’information et de prévention doit être réalisée dans un délai qui n’excède pas 3 mois à compter de la prise effective du poste de travail.

En l’espèce, il résulte des articles L4121-1 et suivants du code du travail que l’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs en mettant en place des actions de prévention, d’information et de formation.

Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail.

En l’espèce, M. [C] formule deux griefs à ce titre :

– d’une part qu’il a du monter des cartons sur deux étages pendant quatre mois,

– d’autre part que sa visite médicale est intervenue le 6 février 2019 pour une embauche le 7 janvier précédent.

Sur le premier point, les seuls éléments qu’il produit sont un courrier électronique adressé au directeur de la M.T.71 le 23 décembre 2019 dans lequel il n’aborde pas ce grief, se plaignant avant tout du non renouvellement de son contrat et faisant part de son amertume à cet égard, et un courrier à l’inspection du travail non daté mais posté le 23 janvier 2020 dans lequel il se plaint de ce port de cartons pendant trois mois (pièces n° 11 et 12).

Or ce dernier élément, émanant du salarié lui-même, à une date postérieure à la rupture de la relation de travail dont il garde, de son propre aveu, une certaine amertume n’est pas probant, ce d’autant qu’en plus d’être contesté par l’entreprise utilisatrice, il n’est corroboré par aucun élément objectif ou contemporain des faits reprochés.

Le grief n’est donc pas fondé.

Par ailleurs, s’agissant du caractère prétendument tardif de la visite médicale, celle-ci étant intervenu dans le délai de trois mois de la prise de poste prévu par l’article R4624-10 précité, le grief n’est pas non plus fondé.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts à ce titre.

IV – Sur les demandes accessoires :

– Sur les intérêts légaux :

Les demandes pécuniaires de M. [C] étant rejetées, cette demande est sans objet et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ce points.

M. [C] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.

M. [C] sera condamné à payer à la M.T.71 et à l’association HANDISERTION venant aux droits de la société ETTI 71, la somme de 500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La demande de M. [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu’il a :

– alloué à M. [U] [C] les sommes de 237,79 euros à titre de rappel d’heures travaillées y compris prime de précarité et indemnité compensatrice de congés payés et 800 euros au titre de 1’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE les demandes de M. [U] [C] à titre de rappel d’heures travaillées, de prime de précarité et d’indemnité compensatrice de congés payés et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [C] à payer à l’association de médecine du travail 71 la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [C] à payer à l’association HANDISERTION, venant aux droits de la société ETTI 71, la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [C] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION

 


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