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Numérisation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02426

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Numérisation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02426

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 AVRIL 2023

N° RG 22/02426

N° Portalis : DBV3-V-B7G-VLGC

AFFAIRE :

[U] [M]

C/

S.A.S. TOTALENERGIES MARKETING SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Janvier 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 18/00489

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

Me Claire RICARD

Me Iris NADJAR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 06 Juillet 2022 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu le 20 janvier 2021 par la cour d’appel de Versailles (19e chambre sociale)

Monsieur [U] [M]

né le 18 Décembre 1955 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – Représentant : Me Hinde BOULEMIA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0004

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. TOTALENERGIES MARKETING SERVICES

N° SIRET : 542 034 921

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Iris NADJAR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 0132

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Par contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [U] [M] a été engagé par la société Shell Direct en qualité de comptable. A compter de 2002 suite au rachat de Shell, le contrat de Monsieur [M] a été poursuivi, il a occupé le poste d’assistant commercial.

Suite à une déclaration d’inaptitude du 6 février 2013, le salarié a accepté une proposition de reclassement au sein de la société Total Marketing Services (TMS) le 11 avril 2013, en qualité de gestionnaire de comptes clients.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 juin 2013, avec reprise d’ancienneté au 3 avril 1978 M. [M] a été engagé par la société TMS en qualité de chargé de mission au sein de la direction marketing et services direction combustibles et énergies.

M. [M] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2016.

Par requête du 16 mars 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre suite à un jugement d’incompétence du conseil de prud’hommes de Bordeaux, afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral et un rappel de primes d’ancienneté, ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination.

Par jugement du 29 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– Débouté Monsieur [U] [M] de l’intégralité de ses demandes.

– Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné Monsieur [U] [M] aux entiers dépens.

M. [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 19 février 2019.

Par arrêt du 20 janvier 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales et des parties et de la procédure antérieure, la cour d’appel de Versailles a :

– Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Total Marketing Services,

– Confirmé le jugement attaqué sauf en ce qu’il statue sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté M. [U] [M] de ses demandes,

– Débouté la société Total Marketing Services de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– Condamné M. [U] [M] à payer à la société Total Marketing Services une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

– Condamné M. [U] [M] aux dépens d’appel.

M. [U] [M] a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt du 6 juillet 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la chambre sociale de la cour de cassation a’:

– Cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute M. [M] de ses demandes de dommages-intérêts résultant d’une discrimination et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il le condamne à payer à la société Total Marketing Services la somme de 2’500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l’arrêt rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

– Remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

– Condamné la société Total Marketing Services aux dépens ;

– En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Total Marketing Services et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

– Dit que sur les diligences du procureur général prés la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Par déclaration du 28 juillet 2022, M. [M] a saisi la cour d’appel de Versailles comme cour de renvoi.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [M], appelant, demande à la cour de’:’

– Réformer le jugement’ du’ conseil’ de’ prud’hommes’ de’ Nanterre’ du’ 29′ janvier 2019 dans son intégralité.

Et statuant à nouveau :

– Recevoir Monsieur [M] bien fondé dans ses moyens et prétentions ;

Vu la discrimination’ dont’ Monsieur’ [M] a’ été’ victime’ au’ sein’ de TotalEnergies Marketing Services ;

En conséquence :

‘ 1/ Condamner’ TotalEnergies Marketing Services’ à’ verser’ à Monsieur [M] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral et de carrière ;

‘ 2/’ Juger’ que’ Monsieur’ [M] a’ été’ victime’ de’ harcèlement’ moral discriminatoire’ au’ sein’ de’ TotalEnergies Marketing Services’ et d’un manquement à l’obligation de sécurité ;

En’ conséquence,’ allouer’ à’ Monsieur’ [M] la’ somme’ de’ 50.000′ euros’ à’ titre’ de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral ;

Et’ Condamner’ TotalEnergies Marketing Services’ à’ verser’ à’ Monsieur [M] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de l’application de mauvaise foi du contrat de travail ;’

‘ 3/ Requalifier le départ à la retraite de Monsieur [M] en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur

En’ conséquence,’ requalifier’ la’ prise’ d’acte’ en’ licenciement’ nul’ et’ condamner TotalEnergies Marketing Services’ à verser à Monsieur [M] les sommes suivantes :

*’ 185.606,00 euros pour le préjudice financier et moral subi’

*’ 15.576,97 euros X 3 = 46730€ à titre de préavis et 4673,00€ de congés payés sur préavis

*’ 10X(15576,97/5) + 25 X (15576,97/3) = 160.962,02 euros à titre d’indemnité de licenciement

” 4/ Condamner’ TotalEnergies Marketing Services’ à’ verser’ à Monsieur [M] la somme de 2.000 euros au titre de la prime d’ancienneté non perçue en raison de la discrimination subie ;

” 5/ Condamner’ TotalEnergies Marketing Services’ à’ octroyer’ à Monsieur [M] le bénéfice rétroactif du régime supplémentaire de retraite La Mondiale’ dans’ des’ conditions’ identiques’ à’ celles’ prévues’ par’ la’ société Alvea ;

En conséquence, condamner TotalEnergies Marketing Services’ à verser à Monsieur [M] la somme de 3986,36 euros au titre de cet avantage

‘ 6/ Condamner’ TotalEnergies Marketing Services’ à’ verser’ à Monsieur [M] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ 7/ Assortir la condamnation d’une astreinte de 250 euros par jour de retard’ à compter de la saisine de la juridiction prud’homale et par chef de condamnation’ à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

– Débouter TotalEnergies Marketing Services’ de’ l’ensemble’ de’ ses demandes, fins et conclusions.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société TotalEnergies Marketing Services, intimée demande à la cour de’:

À titre principal :

Vu les articles 1032, 1033 du code de procédure civile,

Vu les articles 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel,

– Constater que la cour d’appel n’est pas régulièrement saisie et au besoin, déclarer irrecevable la déclaration de saisine

À titre subsidiaire :’

– Déclarer irrecevables, en application des articles 122 et 624 du code de procédure civile, les demandes suivantes :’

* Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros

* Dommages’ et’ intérêts’ en’ réparation’ du’ préjudice’ de’ l’application’ de mauvaise foi du contrat de travail : 60 000 euros

* Prime d’ancienneté : 2 000 euros

* Bénéfice’ rétroactif’ d’un’ régime’ supplémentaire’ de’ retraite’ La Mondiale’ dans’ les’ conditions’ identiques’ à’ celles’ de’ la’ société Alvea : 3 986,36 euros

* Requalification du départ en retraite en licenciement nul,

* 150 000 euros pour le préjudice subi,

* 46 730′ euros’ à’ titre’ de’ préavis’ et’ 4 673′ euros’ de’ congés’ payés’ sur préavis,

* 169 962,02 euros à titre d’indemnité de licenciement,

A titre très subsidiaire :

– Confirmer’ le’ jugement’ du’ conseil’ de’ prud’hommes’ ayant’ débouté Monsieur [M] des demandes suivantes :

* Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros

* Dommages’ et’ intérêts’ en’ réparation’ du’ préjudice’ de’ l’application’ de mauvaise foi du contrat de travail : 60 000 euros

* Prime d’ancienneté : 2 000 euros

* Bénéfice’ rétroactif’ d’un’ régime’ supplémentaire’ de’ retraite ‘La Mondiale dans’ les’ conditions’ identiques’ à’ celles’ de’ la’ société Alvea : 3 986,36 euros

– Débouter’ Monsieur’ [M]’ de’ ses’ nouvelles’ demandes’ formulées’ à hauteur d’appel :

Requalification du départ en retraite en licenciement nul,

* 150 000 euros pour le préjudice subi,

* 46 730′ euros’ à’ titre’ de’ préavis’ et’ 4 673′ euros’ de’ congés’ payés’ sur préavis,

* 169 962,02 euros à titre d’indemnité de licenciement,

En toute hypothèse :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre ayant débouté Monsieur’ [M]’ de’ sa’ demande’ de’ dommages’ et’ intérêts’ pour préjudice moral et de carrière résultant d’une discrimination,

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre ayant débouté Monsieur’ [M]’

– Confirmer sa’ demande’ d’indemnité’ formulée’ sur’ le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

-‘ Condamner’ Monsieur’ [M]’ à’ verser’ à’ la’ société’ Total Energies Marketing Services la’ somme’ de’ 2′ 500′ euros’ sur’ le’ fondement’ des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

-‘ Débouter’ Monsieur’ [M]’ de’ sa’ demande’ d’indemnité’ formulée’ sur’ le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.’

La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 janvier 2023.

SUR CE,

Sur la déclaration de saisine

La société TotalEnergies Marketing Services fait valoir que la, déclaration de saisine de la cour d’appel de Versailles au nom de Monsieur [M] n’a pas été établie par acte d’avocat sous la forme d’un fichier PDF mais résulte exclusivement d’un fichier de données XML adressé au greffe ; elle demande à titre principal, au visa des articles 1032, 1033 du code de procédure civile, 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, de constater que la cour d’appel n’est pas régulièrement saisie et au besoin, déclarer irrecevable la déclaration de saisine’;

M. [M] soulève tout d’abord l’irrecevabilité du moyen soulevé par la société TotalEnergies Marketing Services en se référant aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, faisant valoir que l’exception soulevée par la société TMS contestant la déclaration de saisine n’a été soulevé qu’après que celle-ci ait conclu au fond’;

Les articles 73 et 74 alinéa premier du code de procédure civile’prévoient respectivement que «’constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours’» et que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.’»’;’

Le défaut de saisie régulière de la juridiction ne constitue pas une exception de nullité mais une fin de non-recevoir’; en application de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause’;

En l’espèce, la demande de constater que la cour d’appel n’est pas régulièrement saisie et au besoin de déclarer irrecevable la déclaration de saisine’, ne s’analyse pas en une exception de procédure ;

Le moyen soulevé par la société TotalEnergies Marketing Services n’est donc pas irrecevable’;

L’article 1032 du code de procédure civile dispose que : «’la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction.’»’;

L’article 1033 du même code prévoit que : «’la déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction, une copie de l’arrêt de cassation y est annexée.’»’;

L’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel dispose que « le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire »’; son article 4 prévoit que « lorsqu’un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données » et que « ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique »’;

En l’espèce, le message RPVA adressé le 28 juillet 2022 à 14 h 54 par le conseil de M. [M], ayant pour objet sa «’demande de saisine’» contient 5 pièces jointes, soit les décisions de première instance, d’appel et de cassation, un document de «’saisine’» sous la forme d’un fichier.xml’» et un document de «’saisine’» sous la forme d’un fichier PDF’;

En tout état de cause, en adressant à la cour d’appel de Versailles sa déclaration de saisine sous la forme de données au format XML, qui a fait l’objet d’un traitement automatisé par les services du greffe, le conseil de M. [M] s’est conformé aux obligations du code de procédure civile’;

Les demandes de constater que la cour d’appel n’est pas régulièrement saisie et de déclarer irrecevable la déclaration de saisine’seront en conséquence rejetées ;

Sur la recevabilité des demandes

La société TMS demande de déclarer irrecevables, en application des articles 122 et 624 du code de procédure civile, les demandes suivantes :’

– Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros

– Dommages’ et’ intérêts’ en’ réparation’ du’ préjudice’ de’ l’application’ de mauvaise foi du contrat de travail : 60 000 euros

– Prime d’ancienneté : 2 000 euros

– Bénéfice’ rétroactif’ d’un’ régime’ supplémentaire’ de’ retraite’ La Mondiale’ dans’ les’ conditions’ identiques’ à’ celles’ de’ la’ société Alvea : 3 986,36 euros

– Requalification du départ en retraite en licenciement nul,

– 150 000 euros pour le préjudice subi,

– 46 730′ euros’ à’ titre’ de’ préavis’ et’ 4 673′ euros’ de’ congés’ payés’ sur préavis,

– 169 962,02 euros à titre d’indemnité de licenciement’;

L’article 623 du code de procédure civile dispose que : « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres.’»’;

En application de cet article, les chefs de demande non atteints par la cassation acquièrent force de chose jugée ;

L’article 624 du code de procédure civile dispose que : « la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. » ;

L’article 625 alinéa premier du même code prévoit que : « Sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. »’;

En l’espèce, l’arrêt du 6 juillet 2022 de la Cour de cassation a’«’cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes de dommages-intérêts résultant d’une discrimination et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il le condamne à payer à la société Total Marketing Services la somme de 2’500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’» et aux dépens, l’arrêt rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; il a remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Il est rappelé que M. [M] avait formé devant la cour d’appel des demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou subsidiairement un manquement à l’obligation de sécurité, dommages et intérêts en réparation du préjudice de l’application de mauvaise foi du contrat de travail, dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière résultant d’une discrimination, de bénéficier rétroactivement d’un régime supplémentaire de retraite dans les conditions identiques à celles de la société ALVEA, de requalifier son départ en retraite en licenciement nul avec des dommages et intérêts pour le préjudice subi, de préavis et congés payés sur préavis, d’indemnité de licenciement et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevables les demandes déjà tranchées relatives aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts en réparation du préjudice de l’application de mauvaise foi du contrat de travail, rappel de prime d’ancienneté, bénéfice rétroactif d’un régime supplémentaire de retraite La Mondiale dans les conditions identiques à celles de la société Alvea, de requalification du départ en retraite en licenciement nul, de dommages et intérêts au titre du préjudice subi, de préavis’et’congés payés’sur préavis et d’indemnité de licenciement ;

Sur la discrimination

En application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n°’2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap’;

Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

– la discrimination inclut’tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant’;

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article’1er de la loi n°’2008-496 du 27’mai’2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’;

En l’espèce, Monsieur [M] invoque une discrimination liée à l’activité syndicale, l’âge et l’état de santé’et invoque les faits suivants dans ce cadre’:

Il rappelle tout d’abord qu’il exerçait une activité syndicale depuis 1988′; il produit en ce sens un courrier syndical daté du 29 avril 2014 mentionnant qu’il a été désigné comme représentant syndical de section syndicale CFTC pour Total Marketing Services, une copie de son carnet syndical de l’année 1988 et de sa carte syndicale 2015 et des justifications de son activité syndicale entre 2004 et 2014 ;

Il invoque une stagnation de sa classification inchangée depuis 2001, soit pendant 14 ans et ce en violation de l’article 5 de la convention collective du pétrole applicable à TMS qui impose un examen par l’entreprise de la situation des salariés de catégorie A dès lors que sa classification n’a pas évolué pendant 5 ans concernant les salariés’; il se réfère à cet égard au contrat de travail établi par TMS qui mentionne une ancienneté au 3 avril 1978′;

Il produit son contrat de travail à duré indéterminée daté du 19 juin 2013 aux termes duquel il a été engagé par la société TMS en qualité de chargé de mission initialement affecté au sein de la direction France du marketing et services direction combustibles et énergies, avec reprise d’ancienneté au 3 avril 1978 ;

Toutefois, ainsi qu’il ressort des bulletins de paie produit aux débats, M. [M] est passé, à l’occasion de son changement d’employeur de la société ALVEA à la société TMS, de la classification d’assistant commercial, agent de maîtrise, coefficient 250 de la convention collective’négoce distribution combustibles, à celle de technicien administratif, 2ème degré, échelon A, coefficient 250 de la convention collective du pétrole de l’industrie du pétrole, qui s’est accompagnée d’une augmentation de 13,88% de sa rémunération ;

Ces éléments révèlent d’une part une évolution de sa classification ;

D’autre part, si le contrat de travail de M. [M] au sein de TMS prévoyait bien une reprise d’ancienneté, il demeure que celle-ci n’avait pas pour effet de rendre applicable, de manière rétroactive, les dispositions conventionnelles dont ne relevait pas le précédent employeur’;

Les dispositions de l’article 5 de l’accord du 5 mars 1993 relatif à la classification des emplois de la convention collective de l’industrie du pétrole, prévoyant que : « tout salarié dont la classification n’a pas évolué depuis 5 ans verra sa situation examinée par l’entreprise. Cet examen pourra être demandé au bout de trois ans lorsque le salarié est classé dans un échelon A » ne sont ainsi devenues applicables à M. [M] qu’à compter du 1er juillet 2013, date de son embauche par la société TMS ;

M. [M] a quitté l’entreprise le 31 décembre 2015, date à laquelle les délais de trois et cinq ans prévus à l’article 5 précité n’étaient pas expirés ;

Il s’ensuit que M. [M] ne peut donc valablement invoquer une absence d’examen de sa situation sur le fondement de ces dispositions conventionnelles ;

M. [M] fait aussi valoir que son activité syndicale lui a clairement été reprochée au sein d’ALVEA puis, par la gestionnaire de carrière de TOTAL suite à un entretien du 6 février 2014, puis par la directrice des ressources humaines le 1er octobre 2015′;

Il produit une décision de l’inspection du travail du 6 février 2013 retenant, au visa de l’avis du médecin inspecteur régional du travail, que M. [M] « est inapte à son poste d’assistant commercial dans le service comptabilité matières et à tout poste dans l’établissement ALVEA à [Localité 5]. M. [M] est apte à un poste identique dans un autre établissement du groupe.» ; cet écrit n’évoque pas de reproches fait au salarié relativement à son activité syndicale ; au surplus, il se rapporte à la période d’emploi au sein de la société ALVEA, alors que la société TMS ne peut être responsable d’éventuels manquements de l’ancien employeur de M. [M] ;

M. [M] produit aussi son courrier daté du 7 octobre 2015 adressé à la société TMS dans lequel il indique que « [s]on manda t» lui a été reproché par la gestionnaire de carrière lors d’un entretien de carrière le 6 février 2014 puis par le directeur des ressources humaines le 1er octobre 2015 ; force est de constater toutefois que cette affirmation, contestée par l’intimée, ne ressort que des propres dires du salarié, sans être corroborée par d’autres éléments ; au demeurant, elle est formulée en termes seulement généraux, demeurant dénué de toute précision quant à la nature et au contenu de tels reproches ;

M. [M] ajoute que sa discrimination avait déjà fait l’objet de dénonciations de ses collègues de travail et de l’intervention de l’inspection du travail au sein d’ALVEA, ayant été l’objet d’un isolement de ses collègues en 2012 travaillant seul dans un local syndical sans chauffage collectif, ni climatisation et avec des fenêtres condamnées ;

Il produit à ce titre un courrier du contrôleur du travail daté du 27 novembre 2012 l’informant avoir demandé à la société ALVEA [Localité 5] d’ « aménager ce bureau comme un lieu de travail, faire ôter les affiches syndicales, relier le bureau au chauffage collectif et prévoir un moyen de climatisation (…) » et avoir informé cet employeur du « sentiment d’isolement » dont lui a avait fait part M. [M] ;

A nouveau, ces faits se rapportent à la période d’emploi au sein de la société ALVEA, alors que la société TMS ne peut être responsable d’un manquement de l’ancien employeur de M. [M] ;

Il est rappelé à cet égard que le changement d’emploi s’est inscrit dans le cadre d’un reclassement et non dans le cadre d’un transfert du contrat de travail en application de l’article 1224-1 du code du travail ;

M. [M] fait aussi valoir la discrimination subie s’est manifestée par des actes de de harcèlement moral, un manquement à l’obligation de sécurité, une application de mauvaise foi du contrat de travail et une mise à la retraite forcée, l’absence de versement par le groupe TOTAL de la prime d’ancienneté prévue pour les salariés cumulant 35 années d’ancienneté au sein du groupe, la perte du bénéfice du régime supplémentaire de retraite mis en place au sein de la société ALVEA ;

Il est toutefois rappelé que les manquements ainsi qualifiés ont déjà été rejetés et que les chefs de demande non atteints par la cassation ont acquis force de chose jugée, de sorte qu’ont été déclarées irrecevables les demandes déjà tranchées relatives aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts en réparation du préjudice de l’application de mauvaise foi du contrat de travail, rappel de prime d’ancienneté, bénéfice rétroactif d’un régime supplémentaire de retraite La Mondiale dans les conditions identiques à celles de la société Alvea, de requalification du départ en retraite en licenciement nul, de dommages et intérêts au titre du préjudice subi, de préavis et congés payés sur préavis et d’indemnité de licenciement ;

M. [M] ne peut, en alléguant que le harcèlement serait discriminatoire, tenter de contourner ces règles et d’étendre le périmètre de la cassation – déterminant l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi – , laquelle est limitée à la seule demande de dommages et intérêts pour discrimination, celle relative au harcèlement moral comme les autres demandes susvisées (manquement à l’obligation de sécurité, application de mauvaise foi du contrat de travail, etc.) étant définitivement tranchées’et n’étant plus en litige devant la présente cour de renvoi ;

L’appelant fait également valoir que ses responsables hiérarchiques confirment dans les évaluations le « statut particulier de navetteur » c’est-à-dire sans réelle fonction (ce qui ne peut manquer d’étonner compte tenu de la taille de la société et du groupe auquel elle appartient) démontrant par la même la discrimination ;

Il produit le compte-rendu de son entretien individuel de performance au titre de l’année 2014 dans lequel son manager N+2 mentionne que « le statut particulier de navetteur de [U] ne l’a pas empêché d’accomplir avec bonne volonté l’ensemble des missions qui lui ont été confiées.(…) » ;

S’il est constant que M. [M] avait le statut de « navetteur », ce statut ne signifie pas que le salarié était sans réelle fonction mais désigne les salariés ayant un domicile éloigné de leur lieu de travail ; plus exactement, l’accord du 8 avril 2002 « relatif aux mutations géographiques en France métropolitaine » prévoit en son article 3.2 le cas de mutations sans réunion de la famille au nouveau lieu d’affectation ainsi défini : « Le cas considéré est celui du salarié qui, tout en justifiant d’une résidence à proximité de son lieu de travail, a choisi d’effectuer régulièrement la « navette » entre celle-ci et son domicile principal, où sa famille reste localisée » et prévoit le remboursement des frais liés à la mutation, tels que frais de transport, de déménagement s’il y a lieu, d’hôtel etc., sans se rapporter à la nature ni à l’étendue des missions ; des notes de frais étaient ainsi régulièrement transmises par M. [M]’; au demeurant, ses entretiens d’évaluation et les échanges produits font ressortir des missions et travaux confiées et la définition d’objectifs précis ;

Compte tenu de ces éléments, en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n’est pas démontrée ;

La demande relative à la discrimination sera par conséquent rejetée ;

Le jugement est confirmé de ce chef ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de M. [M]’et sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée ;

Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société les frais irrépétibles par elle exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 6 juillet 2022,

Déclare recevable mais mal fondé le moyen soulevé par la société TotalEnergies Marketing Services tendant à constater que la cour d’appel n’est pas régulièrement saisie et à déclarer irrecevable la déclaration de saisine,

Déclare irrecevables les demandes déjà tranchées relatives aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts en réparation du préjudice de l’application de mauvaise foi du contrat de travail, de rappel de prime d’ancienneté, de bénéfice rétroactif d’un régime supplémentaire de retraite La Mondiale dans les conditions identiques à celles de la société Alvea, de requalification du départ en retraite en licenciement nul, de dommages et intérêts au titre du préjudice subi, de préavis’et’congés payés’sur préavis et d’indemnité de licenciement,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 29 janvier 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour discrimination formée par M. [U] [M],

Laisse à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles par elles exposés,

Condamne Monsieur [U] [M] aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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