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Numérisation : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/13047

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Numérisation : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/13047

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° 120 , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/13047 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBCS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 – Tribunal de Commerce de PARIS, 15ème chambre – RG n° 2020019337

APPELANTES

NUMEN EUROPE SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS du LUXEMBOURG sous le numéro B49686

[Adresse 2]

[Adresse 3]

NUMEN MADAGASCAR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS d’ANTANANARIVO (MADAGASCAR) sous le numéro 2003B00965

[Adresse 5]

101 MADAGASCAR

Représentée par Maître Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Assistée de Maître Jules DE PERTHUIS de la SCP DERRIENNIC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426, avocat plaidant

S.A.S. NUMEN SERVICES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de TOURS sous le numéro 781 621 644

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

INTIMEE

Société [S] LTD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au CRO en IRELAND sous le numéro 606333

[Adresse 7]

[Adresse 6] (IRLANDE)

Représentée par Maître Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Assistée de Maître Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de GRACE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4

Madame Sophie Depelley, conseillère

Monsieur Julien Richaud, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Laure Dallery dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 et par Monsieur Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Numen Services, la société Numen Madagascar, la société Numen Europe (ci-après dénommée “les sociétés Numen”) font partie du groupe Numen spécialisé dans l’externalisation des processus métiers et plus particulièrement dans la numérisation et la gestion de courriers, bons de commandes et moyens de paiement.

La société CPE, spécialisée dans la vente à distance (VAD) de denrées alimentaires, a signé le 27 juillet 2015 avec la société SATI (devenue la société Numen Services) un contrat de prestations de services pour la dématérialisation de ses courriers entrants dans les boites postales belges, ce pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction pour une durée d’un an, sauf préavis donné 6 mois à l’avance, avec une exclusivité de prestations au bénéfice de la société SATI.

La société CPE a cédé le 17 août 2017 son fonds de commerce de VAD ainsi que le contrat à la société [S] LTD, société de droit irlandais, spécialisée dans le secteur d’activité de la vente à distance sur catalogue spécialisé, ce, avec effet au 31 août 2017.

Le 15 janvier 2019, [S] LTD informait la société Numen Services de sa décision de mettre fin au contrat à la date du 26 juillet 2019.

Estimant que [S] avait résilié de manière anticipée et abusive le contrat et violé l’engagement d’exclusivité y affèrent, la société Numen Services assignait la société [S] devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 11 mars 2020.

A l’audience du 18 septembre 2020, les sociétés Numen Madagascar et Numen Europe sont intervenues volontairement à l’instance.

Par jugement du 17 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

– Condamne la société [S] Limited à verser de la société Numen Services la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat;

– Déboute les sociétés Numen Services, Numen Madagacar Et Numen Europe S.A de leurs autres demandes de dommages et intérêts ;

– Déboute la société [S] Limited de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat ;

– Condamne la société [S] Limited à verser à la société Numen Services la somme de 20 306,01 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamne la société [S] Limited aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 116,74 E dont 19,24 € de TVA.

– Rappelle l’exécution provisoire dans les conditions de l’article 514 du CPC.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 juillet 2021, les sociétés Numen ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 mars 2023, les sociétés Numen prient la Cour de :

Vu l’article 1134, 1147, 1165 Code civil dans leurs versions antérieures à l’Ordonnance et 1104, 1240, 1231-1 et 1193 dans leur version postérieure,

Vu les articles 11, 31, 32, 112, 128 à 142, 515, 700 et 2241 du code de procédure civile,

Vu le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 17 mai 2021

Vu la jurisprudence visée,

Vu les pièces communiquées,

– Juger les sociétés Numen Services, Numen Europe et Numen Madagascar recevables et biens fondées en leur appel, leurs conclusions et leurs demandes à l’encontre de la société [S] Limited

– Infirmer le Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2021 en ce qu’il a :

* Limité la condamnation de la société [S] Limited à verser aux sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe la somme forfaitaire de 50.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation abusive du contrat ;

* Débouté les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe Sa de leurs autres demandes de dommages et intérêts;

* Débouté les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe de ses demandes autres, plus amples ou contraires tendant à :

– Juger que les dispositions de l’Avenant du Contrat sont pleinement opposables aux Parties qui ont donné leur consentement exprès et écrit et en ont exécuté les termes ;

– Juger que [S] Limited a abusivement résilié le Contrat, de manière anticipée, en violation des dispositions impératives de l’Avenant au Contrat ;

– Juger que [S] Limited a violé son obligation d’exclusivité à l’égard de Numen en confiant les prestations objet du Contrat, pendant la durée de celui-ci à Vivetic ;

– Confirmer le Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2021 en ce qu’il a :

* Jugé abusive la rupture du contrat par [S],

* Débouté la société [S] Limited de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat ;

* Condamné la société [S] Limited à verser à la société Numen Services la somme de 20.306 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

* Condamné la société [S] Limited aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 116,74 € dont 19,24 € de TVA.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– Juger que les dispositions de l’Avenant du Contrat sont pleinement opposables aux Parties qui ont donné leur consentement exprès et écrit et en ont exécuté les termes ;

– Juger que [S] Limited a abusivement résilié le Contrat, de manière anticipée, en violation des dispositions impératives de l’Avenant au Contrat ;

– Juger que [S] Limited a violé son obligation d’exclusivité à l’égard de Numen en confiant les prestations objet du Contrat, pendant la durée de celui-ci à Vivetic ;

En conséquence :

– Condamner la société [S] Limited à payer aux sociétés Numen Services, Numen Europe et Numen Madagascar, la somme de 1 254.466 euros HT de dommages et intérêts en réparation de préjudice subi par les sociétés Numen Services, Numen Europe Et Numen Madagascar du fait de leurs manquements contractuels, charge à elles de se répartir les sommes au sein du Groupe Numen :

En tout état de cause :

– Débouter [S] Limited de toutes ses demandes et prétentions et particulièrement de sa demande de réparation qui est infondée en fait et en droit ; y compris ses demandes incidentes et reconventionnelles.

– Condamner la société [S] à payer sociétés Numen Services, Numen Europe Et Numen Madagascar la somme de 60 133.69euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ; charge à elles de se répartir les sommes au sein du Groupe Numen – Condamner la société [S] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 13 mars 2023, la société [S] LTD demande à la Cour de :

Faisant corps avec le présent dispositif,

SUR L’APPEL PRINCIPAL,

Vu l’article 1134 du code civil ancien,

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,

Vu l’article 1273 ancien du code civil,

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,

– Juger que les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA ne rapportent pas la preuve d’un accord de volontés des parties pour fixer la durée du contrat du 27 juillet 2015 à 7 ans à compter du 27 juillet 2015 et à 9 mois la durée du préavis pour ne pas le renouveler.

– Juger que la lettre du 7 avril 2016 conditionnait la modification du contrat du 27 juillet 2015 à la signature d’un avenant qui n’a jamais été signée et qu’elle n’est pas opposable à la société [S] Limited s’agissant de la durée de la relation contractuelle et du préavis contractuel.

– Juger que les stipulations contractuelles, pour qu’il soit mis un terme à la relation contractuelle, sont celles du contrat du 27 juillet 2015, d’une durée initiale de 3 ans, renouvelé tacitement pour 1 an et devant être dénoncé 6 mois avant sa date anniversaire.

– Juger que la société [S] Limited a valablement dénoncé le contrat pour sa date anniversaire moyennant un préavis de 6 mois.

– Juger que les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA ne rapportent pas la preuve que la société [S] Limited aurait violé la clause d’exclusivité visée à l’article 21 du contrat du 27 juillet 2015.

– Débouter les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leur demande de voir juger que [S] Limited a violé l’article 21 du contrat.

– Débouter les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leurs demandes financières à ce titre.

– Juger que les demandes financières des sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA sont irrecevables au regard des article 31, 32 et 122 du code de procédure civile en ce qu’elles formulent une demande de condamnation de [S] Limited à payer à la société Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA des dommages et intérêts alors que :

– nul ne plaide par procureur ;

– les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA ont conclu dans les écritures notifiées lors de la première audience de première instance qu’il “appert qu’une partie significative du préjudice de la société Numen Services soit en réalité subi par ses filiales, la société Numen Madagascar (‘) et la société Numen Europe S.A. (‘)”,

– les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA ont sollicité dans leurs conclusions n° 1 et n° 2, de première instance, la condamnation de [S] Limited au seul profit de la société Numen Services ;

– les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA demandent dans leurs conclusions d’appel de bénéficier toutes du montant des condamnations sollicitées ;

– nul ne peut se contredire au détriment d’autrui et qu’un estopel est une fin de non-recevoir.

Infiniment subsidiairement,

– Juger que le rapport KPMG, qui n’est pas contradictoire, se base sur des projections alors qu’un rapport contradictoire permettrait de vérifier la réalité, et est insuffisant à rapporter la preuve du préjudice revendiqué par les société Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA.

– Juger que les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA ne rapportent pas la preuve des préjudices qu’elles allèguent à hauteur de 1.254.466 €.

– Débouter les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA de toutes leurs demandes.

En conséquence :

– Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 17 mai 2021 en ce que le Tribunal a :

– débouté les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leurs “autres demandes de dommages et intérêts”,

– débouté les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leurs “demandes autres, plus amples ou contraires”.

SUR L’APPEL INCIDENT

FAISANT DROIT A L’APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE [S] LTD,

Infirmer ou Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 17 mai 2021 en ce qu’il a :

– condamné la société [S] Limited à verser à la société Numen Services la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat ;

– débouté la société [S] Limited de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat,

– condamné la société [S] Limited à verser à la société Numen Services la somme de 20.306,01 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

– débouté la société [S] Limited de ses demandes autres, plus amples ou contraire,

– condamné la société [S] Limited aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 116,74 € dont 19,24 € de TVA.

STATUANT A NOUVEAU :

Vu l’article 1134 du code civil ancien,

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,

Vu l’article 1273 ancien du code civil,

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites aux débats,

– Juger que les sociétés Numen Services, Numen Madagascar Et Numen Europe SA ne rapportent pas la preuve d’un accord de volontés des parties pour fixer la durée du contrat du 27 juillet 2015 à 7 ans à compter du 27 juillet 2015 et à 9 mois la durée du préavis pour ne pas le renouveler.

– Juger que la lettre du 7 avril 2016 conditionnait la modification du contrat du 27 juillet 2015 à la signature d’un avenant qui n’a jamais été signé et qu’elle n’est pas opposable la société [S] Limited s’agissant de la durée de la relation contractuelle et du préavis contractuel.

– Juger que les stipulations contractuelles, pour qu’il soit mis un terme à la relation contractuelle, sont celles du contrat du 27 juillet 2015, d’une durée initiale de 3 ans, renouvelé tacitement pour 1 an et devant être dénoncé 6 mois avant sa date anniversaire.

– Juger que la société [S] Limited a valablement dénoncé le contrat pour sa date anniversaire moyennant un préavis de 6 mois.

– Juger que le Tribunal a statué ultra petita.

– Débouter les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leur demande tendant à voir juger que [S] Limited a résilié le contrat de façon abusive et à ses torts exclusifs.

– Débouter les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA de leurs demandes financières à ce titre.

En tout état de cause,

Vu l’article 1147 du code civil,

– Juger que la société Numen Services a manqué à ses obligations contractuelles quant au traitement des éléments qui lui étaient confiés et que ses filiales et sous-traitantes ont participé à ces manquements.

– Juger que les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe SA ont engagé leur responsabilité à l’égard de la société [S] Limited à laquelle elles ont causé un préjudice.

– Condamner solidairement la société Numen Services, la Société Numen Madagacar, La Société Numen Europe S.A à payer à la société [S] Limited la somme de (99 436 + 138 365 + 4 933 + 42 664,91) 285 398,91 € à titre de dommages et intérêts.

Vu les articles 700 et 699 du code de procédure civile,

– Condamner la société Numen Services à payer à la société [S] Limited la somme de 47.485,72 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

SUR LE TOUT :

– Débouter la société Numen Services, la Société Numen Madagacar, la Société Numen Europe S.A de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 28 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le caractère abusif de la résiliation du contrat par la société [S] LTD

Les sociétés Numen soutiennent sur le fondement de l’article 1109 du code civil que :

– les parties se sont rapprochées pour formaliser leur accord sur la troisième montée en version de la prestation de service (la Solution) dont le périmètre technique et tarifaire avait déjà été convenu entre elles,

– l’évolution de la Solution devait nécessairement s’accompagner d’une prolongation de la durée du contrat, comme cela avait été le cas pour la seconde montée en version encadrée par la Lettre-Accord,

– l’Avenant du 13 juillet 2017 qui porte sur la livraison de la V3 de la GED et contient des stipulations relatives à (i) la prolongation du Contrat jusqu’au 26 juillet 2022, (ii) l’allongement de la durée de préavis à 9 mois ainsi que (iii) l’actualisation des niveaux de services, est bien entré vigueur et est opposable aux parties, celles-ci s’étant accordées sur la chose et le prix.

Elles en déduisent qu’en application des articles 1134 alinéa 1, 1147et 1231-1 du Code civil, la société [S] doit être tenue responsable de la rupture abusive de leur contrat, ayant donné un préavis de 6 mois au lieu des 9 mois prévus par l’avenant et réparer le préjudice subi du fait de ce manquement contractuel.

La société [S] rétorque :

– que l’avenant n’est rien d’autre que le projet d’avenant de juin 2017 composé du document intitulé “Avenant” et de trois nouvelles annexes ;

– qu’en juillet 2017, sous l’ère CPE, deux des annexes au projet d’avenant n’étaient pas encore existantes ;

-qu’il ressort de tous les développements que les parties n’ont pas cessé de discuter et qu’aucun accord n’a été trouvé, de sorte que l’avenant de 2017 n’a jamais été finalisé, ni signé,

-que le contrat applicable est celui signé le 27 juillet 2015 et que seules les stipulations qu’il comporte doivent être appliquées s’agissant de la durée du contrat et du préavis pour ne pas le renouveler,

-qu’elle a mis un terme au contrat d’une durée initiale de 3 ans objet d’une tacite reconduction d’un an avec un préavis de 6 mois, conformément à ces stipulations.

Réponse de la cour

L’article 1er de l’avenant litigieux modifie l’article 9 du contrat conclu le 27 juin 2015 entre la société SATI (désormais dénommée Numen Services) et la société CPE aux droits de laquelle se trouve la société [S] Limited, en ce qu’il prolonge la durée du contrat de 3 à 7 ans et le délai de préavis de non-renouvellement à 9 mois au lieu de 6. La date de son entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2017 (pièce 8 des appelantes).

Cet “Avenant n°1 au contrat de prestation de service du 27 juillet 2015” n’est ni daté ni signé par Mme [J], présidente pour CPE, ni par M [W], président pour Numen Services.

En outre, il résulte des échanges que le 13 juillet 2017, Mme [J], présidente, pour CPE était d’accord avec les deux documents “cleanés” et attendait de Numen la confirmation de la mise en signature, que le17 juillet suivant M [C], directeur des systèmes d’informations et des opérations NBS pour Numen répondant à Mme [J] : “J’ai lu les deux docs. On est en phase. (‘), il manque juste le CDC V3 et l’annexe 7 à valider pour mettre le document en signature” (pièce 7 des appelantes).

Ainsi l’accord des parties n’était pas finalisé.

Par ailleurs, si Numen a facturé des prestations techniques fournies en appliquant l’avenant litigieux qui ont été réglées par la société [S] (pièces 6, 9 et 15 des appelantes), il ne peut être retenu que les pénalités contractuelles appliquées par [S] l’ont été en vertu de l’avenant (pièce 19), la mention erronée “Contrat du 27 juillet 2018” n’étant pas probante et n’étant pas établi que l’application d’un taux maximum de 15% ne serait pas conforme au contrat du 27 juillet 2015.

En tout état de cause, il ne saurait en résulter l’application de l’avenant en ses dispositions contractuelles relatives à la durée du contrat.

En effet, l’article 1er de l’avenant litigieux intitulé “Prolongation de la durée du contrat” dispose en son second alinéa :

“En conséquence, l’article 1 de l’Avenant annule et remplace l’article 9 du Contrat par ce qui suit :

“Le contrat entrera en vigueur à la date de sa signature par la dernière des Parties pour une durée initiale de 7 ans, renouvelable par tacite reconduction sur une durée de un an.

Les parties se notifieront par courrier recommandé avec accusé de réception leur volonté de mettre un terme au Contrat neuf (9) mois minimum avant sa date anniversaire” “.

L’avenant n’ayant pas été signé par les parties, sa date d’entrée en vigueur quant à la durée du contrat n’est pas déterminée de sorte que les dispositions relatives à la prolongation de la durée du contrat ne sont pas applicables.

S’agissant de la lettre du 7 avril 2016 de la société CPE à M [U] [W], président de “Numen Sati”, force est de constater que Numen ne sollicite pas l’application d’un accord qui serait intervenu entre les parties à ce titre.

Cette lettre signée de Mme [J] pour CPE sur laquelle figure la mention “Bon pour accord” signé de M [W], porte sur :

1-versement complémentaire exceptionnel,

II-pénalités sur la finalisation du périmètre V2 en cours,

III- accord sur des développements spécifiques exceptionnels pour la finalisation du projet,

IV- accord sur de nouvelles conditions pour la réalisation des prestations, notamment un complément sur la facturation mensuelle de production de 7 K€ HT sous l’intitulé ” Forfait mensuel pilotage projet, gestion des moyens de règlement et maintenance”,

V- accord sur une nouvelle durée de contrat qui mentionne :

“1. Le contrat du 27 juillet 2015 s’inscrit désormais dans une durée ferme de cinq (5) ans, et ce pour les deux parties, en lieu et place de la durée initiale de trois (3) ans.

2. Il est convenu que les nouvelles dispositions contractuelles seront formalisées dans un “avenant au contrat du 27 juillet 2015″, dont le projet vous sera prochainement adressé. Toutes les autres dispositions contractuelles non modifiées par les présentes restent inchangées”.

VI- Dispositions diverses :

“Indépendamment de demande future de CPE, tant sur des prestations que sur des développements, il a été expressément convenu entre les parties que les dispositions contractuelles ne sauraient en aucun cas faire l’objet d’une renégociation de quelque forme que ce soit et ce, jusqu’au terme final du contrat. Il en va de même des conditions financières exposées supra.

Ces nouvelles dispositions contractuelles et financières sont applicables à compter du 31 mars 2016.

(‘)”

Outre qu’aucun avenant n’a été finalisé comme convenu pour la modification de la durée du contrat, il convient d’observer que les parties ont poursuivi leur renégociation des dispositions contractuelles ainsi qu’il résulte de l’avenant litigieux prévoyant notamment de faire passer la durée du contrat non plus de 3 à 5 ans mais de 3 à 7 ans, sans jamais formaliser leur accord.

Dès lors, il ne saurait être reproché à la société [S] d’avoir mis fin au contrat la liant à Numen en se fondant sur les seules dispositions contractuelles applicables, à savoir le contrat du 27 juillet 2015.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en qu’il a retenu que la nouvelle durée du contrat de 5 ans s’imposait à la société [S] Limited et que celle-ci avait résilié fautivement le contrat, engageant sa responsabilité.

La cour retient que la société [S] venant aux droits de la société CPE n’a commis aucune faute en résiliant le contrat à la date du 26 juillet 2019 comme elle l’a fait par sa lettre du 15 janvier 2019 à la société Numen Services et rejettera les demandes d’indemnisation de ce chef.

Sur la violation alléguée de l’obligation d’exclusivité

Les sociétés Numen soutiennent que dès 2017, [S] a vidé le contrat de sa substance en confiant progressivement toutes les prestations objet du contrat, à un concurrent direct, la société Vivetic, présidée par madame [J], présidente de la société CPE au moment de sa cession à [S], en violation de l’article 21 du contrat qui fait peser sur [S] une obligation d’exclusivité à l’égard de Numen.

Selon elles, la référence aux “boîtes postales Belges” dans la clause d’exclusivité a uniquement vocation à identifier les prestations objet du contrat et non le territoire sur lequel elles sont ultérieurement réalisées, ajoutant que tous les plis physiques sont initialement envoyés aux centres de tri de Numen situés à Arlon et Vitron en Belgique et transitent donc par les ” boites aux lettres belges, de sorte que la réception des plis dans ces “boites postales belges” constitue la première étape de toutes les Prestations objet de Contrat, ces plis étant ensuite numérisés et traitées via la GED, notamment par les filiales de Numen au Luxembourg ou à Madagascar.

La société [S] rétorque que depuis 2016 Vivetic recevait de CPE, et reçoit aujourd’hui d’elle-même, les réclamations des consommateurs, ou alors celles-ci lui sont transmises par les prestataires en charge de ces flux.

Selon elle, le périmètre des prestations confiées à Vivetic était donc bien distinct de celles confiées à Numen Services et ce tout au long de la relation contractuelle qui a existé entre [S] Limited et Numen Services.

Elle ajoute avoir repris le contrat de prestation de services, conclu entre la société Vivetic et la société CPE, dans le cadre de l’acquisition du fonds de commerce le 31 août 2017 et que les prestations que Vivetic effectuait pour son compte étaient, jusqu’à la fin du contrat, différentes de celles confiées à Numen Services.

Réponse de la Cour

L’article 21 “EXCLUSIVITE” du contrat du 27 juillet 2015 dispose :

“Le Client s’engage, pour la durée du présent Contrat, à confier à la société SATI l’exclusivité de la réalisation des Prestations objet des présentes, pour les flux de courriers qui transitent par les boîtes postales belges”.

Ainsi, Numen ne peut se prévaloir d’une exclusivité que pour les flux de courriers transitant par les boîtes postales belges.

Or, selon l’article 4.4 du contrat du 27 juillet 2015, les prestations confiées à Sati (Numen Services) par CPE consistent principalement en :

-la mise en ‘uvre des chaines de production et du paramétrage de la GED (gestion électronique de documents), sur les sites de traitement du Luxembourg et de Madagascar du prestataire ;

– la réalisation d’une prestation quotidienne de transport pour aller chercher les flux de courriers aux boites postales de CPE, le matin à l’ouverture des bureaux postaux ;

-un traitement d’ouverture, préparation, tri, numérisation, contrôle, mises en GED et archivage numérique de l’ensemble des flux, en relation avec le service de Relation Client du prestataire,

– la saisie des bons de commandes, moyens de paiement et leur remise à l’encaissement dans des engagements de qualité.

L’activité de vente par correspondance de [S] se décompose en :

– Commandes postales dont Numen Services avait la charge pour les flux de courriers transitant par les boîtes postales belges, la société France Informatique en ayant la charge pour la partie France,

– Commandes par téléphone et/ou internet dont Vivetic avait la charge depuis 2016,

– Service Client et Services Après-Vente dont Vivetic avait la charge depuis 2016.

Par conséquent, les prestations confiées initialement par CPE puis par [S] à Vivetic diffèrent de celles confiées à Numen Services.

A cet égard, l’interview du 28 août 2019 de Mme [J] en sa qualité de présidente de Vivetic (pièce 3 des appelantes) indiquant avoir débuté avec [S] il y a un an la prise en charge des services aux consommateurs back et front office (service clients, service après-vente, vente par téléphone, gestion des impayés, gestion des courriers), puis y avoir intégré une partie de ses commandes et règlements clients, qui n’établit pas qu’il s’agissait de prestations confiées à Numen Services, est inopérant.

En outre, selon l’extrait de la proposition commerciale faite à CPE le 21 janvier 2016 (pièce 34 de l’intimée), Vivetic proposait l’externalisation du service client et la gestion des appels sortants.

Il apparaît ainsi que depuis 2016, c’est la GED développée par Numen qui alimente (transmission des courriers dématérialisés) le service clients confié à Vivetic.

Enfin, ainsi que le fait valoir [S], les factures établies par Numen ne mentionnent pas de prestations concernant le service clients.

En conséquence, les sociétés Numen échouent à établir la violation par [S] de son obligation d’exclusivité, et ne peuvent se prévaloir du refus de [S] de satisfaire à leur sommation de communiquer des contrats, étant observé que la production d’impression de pages du site internet de Numen et de Vivetic Group du 30 décembre 2020, soit plus d’un an après la fin des relations est inopérante, outre que Vivetic Group, n’est pas la société Vivetic.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce que le tribunal a rejeté les demandes de Numen au titre de la violation par [S] de son obligation d’exclusivité à compter du mois de janvier 2018.

Dès lors, les demandes en paiement formées contre [S] sont rejetées, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par [S] à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile des demandes formées à son encontre par les sociétés Numen Madagascar et Numen Europe.

Sur les demandes incidentes de la société [S]

– Sur les manquements de Numen Services à ses obligations contractuelles

La société [S] soutient sur le fondement de l’article 1147 du code civil :

– avoir subi des lenteurs et difficultés de synchronisation des systèmes informatiques à cause des manquements de la société Numen ;

– un certain nombre de chèques sont restés bloqués en GED lors du transfert de flux ;

– des commandes de cartes bleues ont été enregistrées deux fois, soit un coût pour elle de 4 933€.

Elle fait valoir :

– Que, entre novembre 2017 et jusqu’à la fin du contrat, elle n’a pas pu bénéficier d’une GED performante, comme cela lui avait été annoncé,

– Qu’elle a dû maintenir une organisation nécessitant une personne supplémentaire pour effectuer les traitements en raison des lenteurs récurrentes, des traitements, objets d’anomalies, et des plis qui revenaient dans ses dossiers faute d’avoir été correctement traités,

– Que les commandes en sa faveur représentent 60% des courriers reçus, soit 781 commandes, soit 31 951 € (781 x 40,90),

– Que 2050 chèques n’avaient pas de statut et sur ce nombre, 1650 étaient des chèques non encaissés ou des commandes non saisies, soit 67 485 € (1650 x 40,90).

– Que sa perte de chiffre d’affaires s’élève ainsi à un total de 99 436 €,

– Que s’y ajoutent les anomalies constatées d’octobre à décembre 2018 :

Soit 3313 chèques dont les commandes n’ont pas été saisies ou qui sont restées en attente, soit 135 502 € de chiffre d’affaires (3313 x 40,90) et 70 commandes traitées (frais d’achat de marchandises, saisies de commandes, de logistique, d’expédition, etc.) sans que le chiffre d’affaires ne soit encaissé, soit 2 863 € (70 x 40,90) de chiffre d’affaires manquant et une perte estimée à 2 609 €, outre 20 commandes nécessitaient des traitements de clients très insatisfaits.

Elle estime a minima, le chiffre d’affaires perdu à la somme de 138 365 €, soutient que le préjudice subi représente 18,5 mois au salaire chargé de 10,85%, soit un total de 42 664,91 €.

Elle demande de juger que la société Numen Services et ses sous- traitantes ont commis des manquements contractuels qui lui ont causé un préjudice et de condamner les appelantes à lui payer la somme de 285.398,91 € à titre de dommages et intérêts.

Elle ajoute que Numen services a reconnu ses manquements et que l’article 7 du contrat lui permet d’en demander réparation en dépit des pénalités.

Les sociétés Numen rétorque sur le fondement de l’article 1353 (1315 ancien) du code civil, que [S] invoque la responsabilité contractuelle de Numen Services sans caractériser le moindre manquement contractuel de sa part ni démontrer avoir subi un préjudice en lien avec un éventuel manquement.

Elle ajoute que si un préjudice était retenu du fait de manquements allégués, ce préjudice ne serait pas réparable comme ayant le même fait générateur que les pénalités déjà facturées par [S] dans le cadre de l’exécution du contrat pour un montant total de 47.428,09 €, les parties ayant entendu mettre en place un mécanisme de pénalités libératoires tant les SLA (clauses) sont développées et couvrent toutes les hypothèses de dysfonctionnements.

A cet égard, elle relève que l’annexe SLA de l’Avenant précise qu’au-delà d’un délai de quatre mois à compter du dernier jour du trimestre concerné, les pénalités ne pourront plus être réclamées. Elle en déduit qu’en tout état de cause, toute réparation est exclue dans la mesure où la demande est formulée en dehors des délais contractuellement prévus.

Réponse de la Cour

Il appartient, conformément à l’article 1315 ancien du code civil à [S] de démontrer les inexécutions contractuelles qu’elle impute à Numen Services.

Elle produit à cet égard les pièces 5 à 8.

Or, les pièces 5 et 6 sont des courriels de [S] ([I] [H]) des 28, 29 et 30 août 2018 faisant état d’un problème de synchronisation de la GED, sans qu’aucune réponse de Numen ne soit produite.

La pièce 7 est une attestation de France Informatique du 24 janvier 2019 certifiant que 84 commandes ont fait l’objet d’un remboursement, qui ne permet pas de mettre en cause Numen.

Enfin la pièce 8 est un courrier de Numen S.A à [S] du 7 décembre 2018 reconnaissant sa responsabilité lors d’un incident en novembre 2018 dû à une erreur de numérisation et à un deuxième passage en numérisation de documents.

Cependant, il n’est justifié d’aucun préjudice à cet égard. Ainsi, à supposer qu’il s’agisse des 154 cartes bleues dont il est allégué qu’elles auraient été enregistrées deux fois, aucune pièce ne vient confirmer cette allégation.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages-intérêts de la société [S].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Numen Services qui succombe en ses demandes est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle est de même condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme globale de 10 000€ à [S] Limited, la condamnation prononcée à l’encontre de cette dernière par le tribunal étant infirmée et la demande des Sociétés Numen au titre des frais irrépétibles étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– Condamné la société [S] Limited à verser de la société Numen Services la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat;

– Condamné la société [S] Limited à verser à la société Numen Services la somme de 20 306,01 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société [S] Limited aux dépens ;

Le confirme pour le surplus en ses dispositions qui lui sont soumises ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute les sociétés Numen Services, Numen Madagascar et Numen Europe S.A de leurs demandes au titre de la résiliation abusive du contrat et de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Numen Services aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société [S] Limited la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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