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Numérisation : 20 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/03043

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Numérisation : 20 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/03043

20/05/2022

ARRÊT N°2022/231

N° RG 20/03043 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NZTL

CB-AR

Décision déférée du 21 Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01854)

MISPOULET

S.A.R.L. ECCENTIVE TOULOUSE (ANCIENNEMENT ALLIANCE CONSEILS )

C/

[U] [C]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 20 05 22

à Me Philippe ISOUX

Me Camille LAYSSOL-AUGER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.R.L. ECCENTIVE TOULOUSE (anciennement dénommée CABINET ALLIANCE CONSEILS )

6, Rue Farman

31700 BLAGNAC

Représentée par Me Philippe ISOUX de la SELARL CABINET PH. ISOUX, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [U] [C]

275, Chemin de Boudet

31620 GARGAS

Représenté par Me Camille LAYSSOL-AUGER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [C] a été embauché selon contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 2 novembre 2009 par la SARL Cabinet Alliance Conseils en qualité d’assistant comptable principal, niveau 4, indice 280, de la convention collective nationale des experts comptables et commissaires aux comptes.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération brute mensuelle était fixée à 2 707,14 euros.

Selon lettre remise en main propre par huissier le 18 novembre 2015, M. [C] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 novembre 2015.

Par courrier daté du 7 décembre 2015, M. [C] a été licencié pour fautes lourdes.

M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 janvier 2016 en contestation de son licenciement.

Après radiation et réinscription au rôle, le conseil de prud’hommes de Toulouse, par jugement du 21 octobre 2020, a :

– dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– dit que le licenciement était intervenu dans des conditions vexatoires,

En conséquence,

– condamné le Cabinet Alliance Conseils, pris en la personne de son représentant légal,

ès qualités, à régler à M. [C], les sommes suivantes:

– 20 000,00 euros nets, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 728,00 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,

– 572,80 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

– 3 430,11 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,

– 1 778,65 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

– 15 000,00 euros nets au titre des dommages et intérêts du caractère vexatoire de la rupture,

– 1 499,71 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

– 149,97 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire de la mise à pied conservatoire,

– rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 5 728 euros, 572,80 euros, 1 778,65 euros, 1 499,71 euros et 149,97 euros) produisaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit, le 25 janvier 2016 et qu’elles étaient assorties de plein droit de l’exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 2.819,27€,

– rappelé que les créances indemnitaires (soit les sommes de 20 000,00 euros, 3 430,11euros et 15 000,00 euros) produisaient intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit.

– condamné le Cabinet Alliance Conseils, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités, à payer à M. [C] la somme de 1 500,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le Cabinet Alliance Conseils prise en la personne de son représentant légal ès qualités, aux dépens.

La SARL Eccentive Toulouse, anciennement Cabinet Alliance Conseils, a relevé appel de ce jugement le 9 novembre 2020, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant M. [C].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Eccentive Toulouse demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 octobre 2020 en ce qu’il a jugé le licenciement comme étant vexatoire et dépourvu de cause réelle et

sérieuse, et en ce qu’il a condamné la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) au paiement des sommes suivantes :

– 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 728 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 572,80 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– 3 430,11 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 778,65 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 1 499,71 euros bruts à titre de rappel de salaire relative à la mise à pied conservatoire,

– 149,97 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et dépens.

Statuant à nouveau :

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par M. [C],

– condamner M. [C] à payer à la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [C] aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient que c’est à tort que les premiers juges ont écarté certaines pièces des débats et considère que le licenciement repose bien sur une faute lourde, l’intention de nuire étant établie. Elle s’explique sur les griefs. Elle conteste toute circonstance vexatoire entourant le licenciement. À titre subsidiaire, elle discute le préjudice du salarié.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2021 auxquelles il est expressément fait référence, M. [C] demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 octobre 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [C] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné à ce titre la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) à lui verser les sommes de :

– 5 728 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 572,80 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3 430,11 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1778,65 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 1 499,71 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 149,97 euros au titre des congés payés y afférents,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité à 20 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. [C] au titre du caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement,

Et, statuant à nouveau,

– condamner la société Eccentive Toulouse (Anciennement Alliance Conseils) à verser à M. [C] la somme de 35 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la date du licenciement,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 octobre 2020 en ce qu’il a retenu l’existence de circonstances vexatoires entourant la rupture,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité à 15 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. [C] en réparation du préjudice en résultant,

Et, statuant à nouveau,

– condamner la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) à verser à M. [C] la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions des articles L.1222-1 du code du travail et 1240 du code civil,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 octobre 2020 en ce qu’il a alloué une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M. [C],

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité cette indemnisation à la somme de 1500 euros.

Et, statuant à nouveau,

– condamner la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) à verser à M. [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

– condamner la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) à verser à M. [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure au titre de la procédure d’appel,

– condamner la société Eccentive Toulouse (anciennement Alliance Conseils) aux entiers frais et dépens.

Il soutient que l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la faute lourde et précise que son attitude tendant dans un premier temps à proposer une rupture conventionnelle était incohérente. Il s’explique sur les griefs qu’il considère comme imaginaires ou insignifiants. Il invoque enfin un licenciement prononcé dans des conditions vexatoires.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 29 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise. Comme en matière de faute grave, la charge de la preuve repose sur le seul employeur.

En l’espèce, M. [C] a été licencié pour fautes lourdes dans les termes suivants :

Depuis votre engagement, il a dû être relevé, des attitudes agressives et méprisantes à l’égard de certains de vos collègues.

Nous avons également dû constater une certaine difficulté à respecter les procédures internes en vigueur et à vous conformer à nos modes opératoires (.. .) Cette tendance s’est accrue, très récemment en ce qui concerne, notamment la numérisation des dossiers ainsi que l’actualisation des comptes de nos clients pour le télépaiement des impôts et, notamment, de la TVA.

Mais nous avons surtout été alertés, durant la première quinzaine du mois de novembre, par plusieurs collaboratrices qui nous ont rapporté qu’à l’occasion d’un déjeuner tenu le 23 octobre 2015, vous vous étiez autorisé à faire état d’un différend que nous avons avec un ancien client, le BAO et son dirigeant, Monsieur [D].

A cette occasion, vous avez non seulement fait état, dans un lieu public, et auprès de collaboratrices qui n’étaient pas en charge de ce dossier, d’un certain nombre de faits, erronés d’ailleurs, couverts par le secret professionnel.

Pire, vous avez été jusqu’à prétendre que l’un des associés aurait eu à l’égard du client une attitude répréhensible (avis de présentation de traites échelonnées en paiement des honoraires soi-disant sans l’accord du client) et qu’il aurait également établi de fausses factures.

Vous avez tenu des propos insultants à l’égard de cet associé et à l’égard du cabinet.

Vos collègues présentes ont été extrêmement choquées par vos propos et par votre attitude en nous confiant que ce type de comportement avait déjà été observé par elles à plusieurs reprises, ce que nous ignorions, jusque-là.

Vous avez affirmé, à plusieurs reprises à l’une de vos collègues, que le cabinet, selon vous, était un “cabinet de merde”.

Nous avons voulu, aussitôt alertés, tenter de régler amiablement cette situation intolérable.

Vous n’avez pas accepté de vous inscrire dans cette démarche.

Tout au contraire, vous avez poursuivi dans vos agissements, de façon croissante, en allant jusqu’à indiquer à une salariée d’une entreprise partenaire (AGl) que l’un des associés aurait falsifié des documents, qu’il risquait de se voir interdire d’exercer la profession comptable et que la Police pourrait même venir au cabinet rechercher des documents pour établir sa culpabilité et que le cabinet risquait également une fermeture administrative.

Vous avez, à cette occasion et de façon insistante, colporté des ragots et diffusé des intrigues totalement indignes de la confiance qui avait été accordée en allant jusqu’à affirmer en outre que plusieurs personnes allaient être licenciées on ne sait pour quelles raisons d’ailleurs.

Cette attitude, ici encore, est totalement inacceptable et frontalement contraire à vos obligations les plus élémentaires, notamment de loyauté(…).

Eu égard à votre attitude des jours ayant précédé l’engagement de la procédure, et, en particulier, de la grande théâtralisation avec laquelle vous avez tenté de prendre une posture de victime, ainsi que la multiplication de vos mails polémiques et mensongers, nous avons décidé de faire intervenir un huissier de justice pour éviter tout débordement.

Contrairement à vos affirmations, votre mise à pied à titre conservatoire vous a été signifiée de façon tout à fait discrète.

A l’occasion de la signification de cette mise à pied, il a été constaté que vous emportiez avec vous un avis d’imposition 2014 concernant un certain [J] [W].

Interpellé à ce sujet, vous avez déclaré à l’huissier qu’il ne s’agissait pas d’un client du cabinet ni de l’un de vos clients à titre personnel.

Troublés par cette situation, nous avons effectué des recherches sur internet et avons découvert, le 30 novembre 2015 au matin, que non seulement Monsieur [J] [W] avait une société “SJC” mais qu’en outre vous en assuriez la comptabilité depuis 2009 à notre insu, sans lettre de mission, et en utilisant l’identité du cabinet et les logiciels du cabinet, engagement ainsi notre responsabilité.

Vous avez donc menti lorsque vous avez été interrogé devant l’huissier puisque vous aviez alors indiqué que cette personne n’était pas un client du cabinet, ni un de vos clients à titre personnel.

Dans le même ordre d’idée, nous avons trouvé dans la messagerie de votre ordinateur un mail que vous aviez adressé un novembre 2013 à l’un de nos anciens clients, la société ALPHA ISOL, dont vous ne pouviez ignorer que nous avions décidé de rompre la mission en 2012, un tableau de bord établi pour le compte de l’un de nos clients intervenant, de surcroît, dans un domaine sensible.

Cette communication, dont nous avons découvert l’existence le 19 novembre 2015, constitue à la fois une violation flagrante du secret professionnel puisque vous n’avez même pas pris le soin de masquer l’identité de la société pour laquelle ce tableau de bord avait été établi, mais également une transgression évidente de l’interdiction absolue de divulguer nos procédés de travail au profit, de surcroît, d’un ancien client avec lequel nous avons rompu toute relation.

Nous avons également constaté, le 23 novembre, que vous aviez adressé, le 28 juillet 2015, à l’une de vos connaissances, un modèle de statuts de SAS en proposant, en outre, un accompagnement personnel de votre part dans la création de sa société pour une somme de 300 euros.

Cette démarche est intervenue de façon totalement occulte, à l’insu de vos responsables, et de façon parfaitement déloyale à l’égard du cabinet.

Enfin, postérieurement à votre mise à pied, vous avez été autorisé à adresser à notre prestataire informatique un SMS sollicitant des informations sur les prétendues consignes qui auraient été données concernant votre mot de passe de messagerie et en projetant encore des accusations, totalement aberrantes, invraisemblables et déloyales à l’égard du cabinet.

Vous avez placé cette personne dans le plus grand embarras en contribuant, à nouveau, à augmenter le trouble que toute l’équipe subit depuis que votre comportement a été révélé.

Nous ajoutons à cela une attitude extrêmement ambiguë, voire une collusion, avec le dirigeant de la société BAO alors que vous savez pourtant pertinemment que nous sommes en conflit avec celui-ci et qu’il se livre à notre égard à des man’uvres des plus condamnables.

Au cours de votre entretien préalable, vous ne nous avez fourni aucun élément nous permettant de tempérer notre appréciation de la situation, bien au contraire.

Vous avez tout d’abord prétendu que la procédure serait irrégulière dans la mesure où vous auriez été sommé, lors de la mise à pied, de récupérer immédiatement l’ensemble de vos effets personnels. ll n’en est rien.

Nous avons simplement souhaité, du fait de la mise à pied, que vous puissiez, avant de partir, emporter ce que vous y aviez laissé en arrivant au travail, ce qui nous semble tout à fait naturel et logique en pareilles circonstances.

Sur le fond, vous vous êtes contenté, dans la plus grande confusion, de nier la situation en bloc ou de minimiser certains griefs, sans aucune explication cohérente.

Le fait d’exercer des activités concurrentes à notre insu, en utilisant en outre l’identité et la responsabilité du cabinet, constitue des fautes d’une particulière gravité.

Il en va de même de la divulgation, auprès de tiers, d’informations ou de procédés appartenant au cabinet ou à ses clients (la convention collective évoquant même pour ce type de faute la qualification de faute lourde).

Le fait, en revanche, de procéder à un dénigrement systématique d’un associé et, plus généralement, du cabinet, et de répandre des informations alarmistes et angoissantes, tant auprès de collègues qu’auprès de tiers, constitue une faute lourde du fait de votre volonté, réitérée, de nuire à votre responsable ainsi qu’à la structure toute entière.

Nous observons en outre que vous avez tenté, durant votre période de mise à pied à titre conservatoire, d’établir des contacts avec des personnes en lien avec le cabinet en poursuivant votre entreprise de dénigrement et de déstabilisation.

Pour l’ensemble des motifs ci-dessus, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour fautes lourdes (…).

Il convient de reprendre chacun de ces 7 griefs ainsi que les discute M. [C] étant cependant constaté que c’est à tort que les premiers juges ont écarté les attestations de Mmes [B], [T] et [M] au motif qu’elles n’étaient pas conformes et sans préciser en quoi elles ne l’étaient pas. La cour retient que toutes les attestations sont manuscrites, signées de leur auteur et accompagnées d’un justificatif d’identité de sorte qu’elles présentent des garanties suffisantes pour constituer un élément de preuve dont la portée doit être appréciée. Pour le surplus, il convient tout d’abord de déterminer si les faits sont matériellement établis avant, s’il y a lieu, de les qualifier. La proposition de la rupture conventionnelle ne peut que constituer un élément de contexte sans conduire à écarter en soi la notion de faute.

1) Les attitudes agressives et méprisantes à l’égard de certains collègues ne sont pas plus amplement explicitées dans la lettre de licenciement. L’attestation produite en pièce 24 qui fait état d’un énervement de M. [C] ne saurait établir de tels faits, la notion étant trop vague. Il ne s’agit donc pas d’éléments suffisamment précis et surtout matériellement vérifiables qui pourraient constituer un motif de rupture.

2) La question du respect des procédures internes, outre qu’elle ne pourrait en elle-même caractériser une faute lourde, n’est pas matériellement établie sur un plan disciplinaire. En effet, le seul fait que M. [C] ait été destinataire d’un courrier de relance pour que ses dossiers soient scannés, auquel il a répondu en indiquant qu’il avait priorisé d’autres tâches mais que désormais il procédait à la numérisation, ne permet pas d’établir un fait fautif.

3) Les propos tenus le 23 octobre 2015 à l’occasion d’un déjeuner et les propos consécutifs auprès d’une salariée d’une entreprise partenaire,

Les termes de la lettre de licenciement ont été reproduits ci-dessus. Il résulte des attestations concordantes de Mmes [E], [A], [T], [M] et [S] que lors de ce déjeuner M. [C] a cité le nom d’un client, avec lequel le cabinet était en conflit, et eu des propos particulièrement critiques vis à vis de son employeur indiquant qu’il avait établi des fausses factures, qu’il n’était pas tout blanc. Une des témoins précise par ailleurs que M. [C] faisait état de manière récurrente que le cabinet était un cabinet de merde.

Le fait que les témoins soient salariés de la société appelante n’est pas suffisant pour ôter tout crédit à leur témoignage et ce d’autant plus que Mme [M] a réitéré son témoignage alors qu’elle n’était plus dans un lien de subordination avec la société Eccentive, peu important qu’une erreur matérielle sur la date du déjeuner figure à son attestation réitérative, et que Mme [S] a établi une nouvelle attestation après la rupture du contrat de travail, attestation portant sur les conditions de travail mais ne revenant pas sur la teneur de la première attestation.

Si M. [C] conteste avoir proféré ces paroles, il ne produit à ce titre qu’une attestation d’une autre collègue laquelle se contente d’indiquer qu’elle n’a pas entendu les propos. Indépendamment du point de savoir quelle était la place exacte de Mme [O] lors du déjeuner, étant observé qu’il est certain qu’elle n’était pas immédiatement à côté ou en face de M. [C], le seul fait qu’elle n’ait pas entendu les propos ne saurait démontrer qu’ils n’ont pas été tenus.

Au regard des attestations concordantes produites par l’employeur, la cour retient que les propos ont bien été tenus par le salarié.

Il est exact ainsi que le fait valoir M. [C] que la notion de secret professionnel n’est pas en tant que telle applicable au salarié qui n’était pas expert-comptable. Il n’en demeure pas moins qu’il était contractuellement tenu à une obligation de discrétion. Or, s’il est établi qu’il existait un conflit avec le client, cela n’autorisait pas M. [C] à en faire état dans un lieu public, étant observé que la cour n’a pas à statuer sur la pertinence de ce conflit. La question de savoir si les propos ont pu être entendus par des tiers est à ce stade inopérante, la cour constatant uniquement qu’ils étaient tenus dans un lieu qui demeurait ouvert à des tiers et pas seulement aux collaborateurs du cabinet, de sorte qu’ils n’étaient pas conformes à l’obligation de discrétion. Ils excédaient également la liberté d’expression. En effet, M. [C], outre les qualificatifs désobligeants sur le cabinet tenait des assertions quant à des fausses factures, de sorte que cela pouvait correspondre à une qualification pénale. S’il est certain que le cabinet comptable et ce client étaient en litige, M. [C] ne pouvait imputer des faits de fausses factures à son employeur sans disposer d’éléments concrets en ce sens alors que le seul élément qu’il produit correspond à la réclamation par l’avocat de ce client, qui a donné lieu à une réponse, réclamation postérieure au déjeuner et même à l’engagement de la procédure disciplinaire. Or, en toute hypothèse, une simple réclamation dont on ignore les suites autres que celle de la réponse, n’établit pas des faits.

Il est en outre produit une attestation de Mme [B], salariée d’une société liée avec l’employeur. Il en résulte que le 18 novembre 2015, M. [C] lui a fait état de falsifications de documents, d’un risque de fermeture du cabinet ou d’une intervention de la police. Il s’agissait ainsi de la réitération de propos du même ordre que ceux tenus lors du déjeuner.

La matérialité de ce grief est ainsi établie et au regard de l’analyse ci-dessus relève de la sphère disciplinaire.

4) La tenue de la comptabilité d’un tiers avec les outils professionnels et à l’insu de l’employeur,

Il apparaît de ce chef que la position de M. [C] a singulièrement évolué. Lors de la notification de la mise à pied conservatoire, M. [C], interpellé sur le fait qu’il emportait avec lui un avis d’imposition de M. [W], a indiqué qu’il ne s’agissait ni d’un client du cabinet, ni d’un client personnel.

Lors de l’entretien préalable, M. [C] a indiqué qu’il ne faisait que rendre gracieusement un service à un ami précisant qu’il avait apporté le dossier du fils de cet ami au cabinet et qu’il aurait pu faire de même s’il s’était agi de réaliser sa comptabilité.

Dans le cadre du présent débat, il produit une attestation de M. [W] d’où il résulte que M. [C] non seulement l’aidait à établir sa déclaration de revenus mais présentait également les bilans de la société SJC et les liasses fiscales.

L’employeur justifie que le bilan a bien été retrouvé sur les outils professionnels de M. [C]. De ce chef, il n’y a pas lieu d’écarter le procès-verbal de constat produit en pièce 23 et ses annexes. Il est certes postérieur au licenciement mais constitue néanmoins un élément de preuve. Il est exact que M. [W] fait valoir qu’il n’a pas rémunéré M. [C] pour ce faire. Toutefois, il n’en demeure pas moins que ceci constituait bien une activité réalisée aux temps et lieu de travail méconnaissant l’obligation de loyauté. Aucun élément ne permet de retenir que l’employeur était informé de cette situation, l’attestation de M. [W] était particulièrement peu circonstanciée sur la question. Le fait est ainsi matériellement établi et relève bien d’une qualification disciplinaire.

5) Divulgation à un ancien client d’éléments concernant un autre client,

M. [C] invoque tout d’abord la prescription de ce grief faisant valoir qu’il lui est opposé un courrier électronique de novembre 2013. Cependant, la teneur de ce courrier entre M. [C] et un ancien client, teneur tout à fait amicale, ne permet pas de retenir que l’employeur en avait connaissance au moment où ce courrier a été émis. C’est donc bien au moment de la mise à pied conservatoire, lorsque l’employeur a repris possession de l’ordinateur professionnel mis à disposition du salarié, qu’il a découvert ce document de sorte que le point de départ de la prescription est reporté au jour même de l’engagement de la procédure disciplinaire.

L’employeur justifie que la lettre de mission du destinataire du courrier électronique avait fait l’objet d’une résiliation en mars 2012. M. [C] fait valoir qu’il s’agissait pour lui de convaincre l’ancien client de revenir vers le cabinet. Ceci ne résulte guère des termes du courrier. Mais en toute hypothèse, même à supposer comme l’indique M. [C] que l’employeur ait été informé de la démarche en elle-même, ce qui n’est que très faiblement établi par l’attestation peu précise de M. [L], il n’en demeure pas moins que M. [C] a transmis un tableau de bord réalisé pour un autre client sans occulter les données d’identification de ce client, ce qu’il admet dans ses écritures. Il fait valoir qu’il s’agissait là d’une simple maladresse et que cet oubli n’a pas eu de conséquence alors que la notion de secret professionnel ne lui est pas opposable. Il n’en demeure pas moins que l’obligation de discrétion s’imposait à lui. La cour ne dispose pas d’éléments lui permettant de considérer que l’absence d’occultation serait volontaire. Mais la transmission d’éléments d’un client à un autre constituait bien un manquement à ses obligations professionnelles et ce même s’il n’est pas justifié de conséquences fâcheuses. Le fait est ainsi matériellement établi sur un terrain disciplinaire.

6) La transmission d’un modèle de statuts pour la création d’une société pour un honoraire de 300 euros,

Les termes du courrier de transmission démontrent qu’il s’agissait d’une action que M. [C] entreprenait pour son compte et non comme il le soutient à présent pour apporter un client au cabinet. Il indiquait d’ailleurs attendre une réponse à compter de son retour au travail. Peu importe que le destinataire n’ait pas donné suite, une telle attitude manquait effectivement de loyauté comme réalisée aux temps et lieux de travail. Le fait est ainsi matériellement établi sur un terrain disciplinaire.

7) Le SMS adressé au prestataire informatique,

La lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, est très peu explicite sur ce point. M. [C] s’est expliqué lors de l’entretien préalable au licenciement. Si le texte du message était peut être maladroit, il n’en résulte cependant pas une faute alors que M. [C] se trouvait, immédiatement avant l’introduction de la procédure de licenciement, face à une restriction d’accès à ses outils qu’il essayait de comprendre. Le fait n’est donc pas matériellement établi sur un terrain disciplinaire.

La question des relations ambiguës que M. [C] aurait entretenues avec le client en litige est imprécise et ne peut caractériser une faute.

Au total, la cour retient qu’un certain nombre de griefs sont établis dans les conditions ci-dessus. Leur cumul alors que pour certains ils tenaient à l’obligation de loyauté, permettait à l’employeur de se placer sur le terrain de la rupture du contrat de travail. Cependant, l’employeur échoue à établir une véritable intention de nuire laquelle ne peut procéder comme il a entendu le faire de la réunion de ces fautes dont aucune ne caractérise une faute lourde, qui ne sont pas liées entre elles et sans qu’il soit établi une véritable volonté du salarié de porter préjudice à son employeur. La caractérisation d’un véritable dénigrement relevant de cette intention de nuire n’est pas justifiée alors que si les propos analysés au grief 3 étaient clairement fautifs, on ne peut faire abstraction d’une crainte qui a pu être authentiquement celle de M. [C].

En revanche, les fautes telles que caractérisées ci-dessus et en particulier en ce qu’elles touchaient à l’obligation de loyauté sont bien caractéristiques d’une faute grave.

Il n’est pas établi que le licenciement ait été prononcé dans des conditions vexatoires qui ne peuvent résulter de la notification d’une mise à pied conservatoire, dont le sort dépend de la qualification de la rupture mais qui n’est pas en elle-même vexatoire. Si la mesure a été notifiée par huissier, elle ne l’a pas été dans des conditions vexatoires. En particulier, contrairement aux énonciations de M. [C], elle ne l’a pas été au vu et au su de l’ensemble du personnel. L’attestation produite par le salarié démontre même le contraire, le témoin indiquant avoir été informé qu’un huissier s’était présenté, puis avoir constaté l’absence de M. [C], puis que l’employeur avait informé le personnel. L’attestation est d’autant moins probante qu’elle fait état d’un homme qu’elle identifie comme l’huissier alors qu’il résulte du procès-verbal que l’huissier qui a notifié la mesure était une femme. Il n’y a donc pas lieu à dommages et intérêts à ce titre.

Au total, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à M. [C], l’indemnité de congés payés (dont il ne pouvait au demeurant être privé même en cas de faute lourde).

Il sera en revanche réformé en ce qu’il a alloué à M. [C] le salaire pendant la mise à pied outre les congés payés y afférents, l’indemnité de préavis outre les congés payés y afférents et l’indemnité de licenciement et en ce qu’il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et prononcé dans des circonstances vexatoires allouant ainsi des dommages et intérêts à M. [C] qui sera débouté de ses prétentions autres que celles relatives aux congés payés.

L’action de M. [C] était partiellement bien fondée de sorte que le jugement sera confirmé sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens en première instance.

L’appel étant partiellement bien fondé M. [C] supportera les dépens d’appel, sans qu’il y ait lieu devant la cour à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au regard de la décision prononcée et de la situation respective des parties.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 octobre 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, dit que le licenciement était intervenu dans des circonstances vexatoires et alloué à M. [C] des dommages et intérêts ainsi que les salaires pendant la mise à pied conservatoire, congés payés y afférents et les indemnités de ruptures,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

Dit que le licenciement n’a pas été prononcé dans des conditions vexatoires,

Déboute M. [C] de ses demandes autres qu’au titre de l’indemnité de congés payés,

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions non contraires,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour,

Condamne M. [C] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANECatherine BRISSET.

 


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