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Numérisation : 18 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03539

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Numérisation : 18 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03539

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03539 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFGY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019025647

APPELANTE

Syndicat SNPI (SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS IMMOBIL IERS)

prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Ayant pour avocat plaidant Me Martine HERBIERE de l’AARPI HERBIERE FRACHON SCHIMMEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. DE PARTICULIER A PARTICULIER – EDITIONS NERESSIS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société

[Adresse 2]

[Localité 3]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 304 555 154

représentée par Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866

Ayant pour avocat plaidant Me Gersende CENAC de HUGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En l’absence d’opposition des parties, l’audience s’est tenue en juge rapporteur le 03 Novembre 2022, en audience publique,devant Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M.Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que le Syndicat National des Professionnels Immobiliers (SNPI) se présente comme le premier syndicat français de l’immobilier, créé en 1963 pour la défense des intérêts des agents immobiliers, administrateurs de biens, syndics de copropriété, experts immobiliers et négociateurs immobiliers.

La sas De Particulier à Particulier ‘ Editions Neressis (PAP) exerce l’activité d’éditeur, par la diffusion depuis 1975 d’un journal hebdomadaire qui proposait des offres de vente et de locations immobilières sans intermédiaire, à l’exclusion d’annonces émanant de professionnels, désormais remplacé par des annonces immobilières mises en ligne par des particuliers à destination d’autres particuliers.

Le SNPI reproche à PAP d’avoir créé un service proposant une somme de prestations qui toutes ensemble consistent en un accompagnement total du vendeur semblable à une prestation d’agence immobilière au prix fixe de 700euros, exerçant ainsi illicitement l’activité d’agent immobilier, et conséquemment pratiquant une concurrence déloyale consistant en une publicité comparative trompeuse et prohibée, à laquelle s’ajoute un acte de dénigrement lors d’une interview radiophonique en janvier 2019.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 janvier 2021, qui a :

– débouté le SNPI de ses demandes de cessation de commercialisation de l’offre « mieux qu’une agence » de la société PAP et de ses demandes de dommages et intérêts, de retrait de l’interview litigieuse et de publication de la décision,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné le SNPI à payer la somme de 5.000euros à la société PAP au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SNPI aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50euros dont 12,20euros de TVA.

Vu l’appel interjeté par le SNPI le 21 février 2021,

***

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 3 octobre 2022 pour le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI) par lesquelles il demande à la cour de :

‘ Vu les articles 1240, 1833, 1984 et suivants du code civil,

‘ Vu les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la consommation,

‘ Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, notamment les articles 1 er , 6 et 14, et son décret d’application n° 72-678 du 20 juillet 1972,

‘ Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en particulier les articles 54 et suivants,

‘ Vu les articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

‘ Vu l’article 700 du code de procédure civile,

‘ INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris

du 25 janvier 2021 ;

STATUANT A NOUVEAU :

‘ DECLARER le SNPI recevable et fondé en ses demandes ;

‘ DIRE que la société PAP exerce illicitement, dans le cadre de la commercialisation de son offre « Mieux qu’une agence », et / ou ” Coaching immo” une activité d’entremise immobilière en infraction avec les dispositions de l’article 1 er de la loi du 2 janvier 1970, en prêtant son concours de manière habituelle à titre principal, et en tout cas à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :

‘ 1° L’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière

ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;

‘ DIRE que, par la commercialisation de son offre « Mieux qu’une agence », au cours de l’interview donnée par Mme [D] [R], en sa qualité de présidente de la société PAP, sur France Info le 17 janvier 2019, la société PAP a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la profession d’agent immobilier en utilisant des pratiques commerciales trompeuses et illicites, en dispensant des consultations juridiques interdites et en jetant le discrédit sur la profession d’agent immobilier ;

‘ DIRE que, dans le cadre de l’interview donnée par Mme [D] [R], en sa qualité de présidente de la société PAP, sur France Info le 17 janvier 2019, celle-ci a proféré des

propos dénigrants à l’égard de la profession des agents immobiliers ;

‘ DIRE que les modèles de courrier proposés par la société PAP à ses clients pour résilier leurs mandats avec les agents immobiliers dont l’activité est parallèlement discréditée sont constitutifs d’un détournement de clientèle au détriment de la profession des agents immobiliers ;

‘ DIRE que ces actes de concurrence déloyale causent un préjudice commercial et un

préjudice moral à la profession d’agent immobilier ;

En conséquence,

‘ CONDAMNER la société PAP à cesser la commercialisation de l’offre « Mieux qu’une agence » et / ou “Coaching immo”, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé un délai de 3 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

‘ CONDAMNER la société PAP à payer au SNPI, en sa qualité de syndicat représentatif de la profession des agents immobiliers, la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice commercial collectif subi par la profession ;

‘ CONDAMNER la société PAP à payer au SNPI, en sa qualité de syndicat représentatif de la profession des agents immobiliers, la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral collectif subi par ses adhérents ;

‘ ORDONNER à la société PAP de demander à la société France Info le retrait de l’interview donnée par Mme [D] [R] le 17 janvier 2019, de sa plateforme de podcasts, ce dont elle devra justifier, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

‘ ORDONNER à la société PAP de retirer cette interview des sites internet sur lesquels elle figure, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

‘ ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir, aux frais de la société PAP :

– Sur la page d’accueil du site pap.fr,

– Sur la plateforme de podcasts de France Info, dans la limite d’une somme de

1.000 euros,

– Sur le site BFM Business

– Dans les journaux Le Figaro et Le Parisien, dans la limite de 1.000 euros par publication,

et ce, pour chacune de ces cinq publications, sous astreinte de 500 euros par jour de

retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

‘ CONDAMNER la société PAP aux entiers dépens ;

‘ CONDAMNER la société PAP au paiement de la somme de 20.000 euros au profit du SNPI en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats pour la sas De Particulier à Particulier-Editions Neressis le 7 septembre 2022 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu l’article 1240 [ex 1382] du code civil,

‘ CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce du 25 janvier 2021 en toutes ses

dispositions ;

Et ce faisant :

‘ JUGER que De Particuliers à Particuliers n’a commis aucune infraction aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ;

‘ JUGER que De Particuliers à Particuliers n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ;

‘ JUGER que De Particuliers à Particuliers n’a tenu aucun propos dénigrant ;

‘ JUGER que De Particuliers à Particuliers n’a commis aucun détournement de clientèle ;

‘ DEBOUTER en conséquence le SNPI de toutes ses demandes ;

Subsidiairement,

‘ JUGER que le SNPI ne peut prétendre à un préjudice moral supérieur à un euro ;

‘ DEBOUTER le SNPI de ses demandes au titre du préjudice économique et de ses demandes de publication de la décision ;

En toute hypothèse,

‘ CONDAMNER le SNPI à verser à De Particuliers à Particuliers la somme de 5.000 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ CONDAMNER le SNPI aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Arnaud

Métayer-Mathieu ;

Vu l’ordonnance de clôture du 13 octobre 2022,

SUR CE, LA COUR,

A titre préliminaire la cour relève que PAP ne conteste plus la recevabilité de l’action en appel du SNPI de telle sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.

1. Sur la concurrence déloyale invoquée au titre de l’activité exercée

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

PAP fait valoir que pour résister à la concurrence des sites comme « Le bon coin » et « e-bay », elle a conçu l’idée de centraliser les services accessoires à la publication d’annonces qu’elle proposait pour aider ses clients dans le processus de vente, prestation désormais dénommée « coaching immo ». Le SNPI indique que PAP réalise par là une activité illicite d’agent immobilier.

Si l’activité d’agent immobilier est en effet réglementée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet » et son décret d’application n° 72-678 du 20 juillet 1972, ces textes retiennent comme critère de cette activité, celui de l’intermédiation entre deux parties pour la réalisation d’une vente immobilière, juridiquement réalisée par la signature d’un mandat confiant une mission d’entremise et de négociation et visant la conclusion de la vente, autorisant ainsi l’agent à négocier pour le compte du propriétaire, et lui imposant le respect de plusieurs obligations dont notamment la délivrance à l’acheteur d’informations précontractuelles, ainsi qu’un devoir de conseil consistant à s’assurer de la régularité de la transaction et notamment que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention et à transmettre toutes les informations techniques nécessaires aux parties, sur les circonstances entourant l’opération qu’elles envisagent, ainsi que sur ses conséquences. Ces obligations emportent la responsabilité de l’agent immobilier relativement à ces missions.

L’offre conçue par PAP sous la dénomination « mieux qu’une agence » devenue « coaching immo » comprend :

– une estimation du prix de vente,

– des photographies et une numérisation du bien afin de réaliser une visite virtuelle de celui-ci ;

– l’aide à la rédaction de l’annonce ;

– la publication de l’annonce ;

– un filtrage des contacts,

– une assistance juridique.

L’estimation du prix de vente est réalisée sur la base des indications, photographies, plans et renseignements fournis par le client, sans aucune visite préalable des lieux (conditions générales de vente, pièce 2 PAP).

La visite virtuelle du bien consiste à fournir les services d’un photographe professionnel disposant du matériel permettant de réaliser une visite en 3 dimensions, ensuite publiée sur le site. À aucun moment cependant PAP n’organise la visite réelle du bien avec les potentiels acheteurs. Elle se contente, le cas échéant, de rappeler l’acheteur intéressé pour savoir s’il maintient son projet.

Le filtrage des réponses à l’annonce consiste, au regard des pièces produites, dans le tri des réponses afin essentiellement de contrer les démarchages des professionnels, et partant, comme l’a relevé le tribunal, de ne transmettre au particulier que des réponses de particulier, pour répondre à l’objet de la plateforme. PAP a d’ailleurs produit un récapitulatif du filtrage sur une annonce (pièce 29) ainsi que les messages adressés et reçus dans ce cadre, démontrant que toutes les demandes de particuliers en lien avec l’annonce sont transmises avec un message invitant le vendeur à prendre connaissance du message de l’acheteur potentiel et à le recontacter (pièces 29 et 19). A aucun moment PAP ne vérifie le financement de l’acheteur potentiel, ni ne prend en charge les visites. Le SNPI, qui allègue que PAP « vérifie la solvabilité des candidats acquéreurs (‘) ne transmettant que les profils des candidats considérés comme ultra qualifiés » ne produit aucun élément en ce sens, les pièces versées (pièce 5, 14, 18) indiquant simplement : « les acquéreurs intéressés nous contactent. Vos coordonnées ne sont pas dans l’annonce. Nous vérifions qu’il s’agit bien de particuliers, qu’ils ont fait la visite virtuelle, et nous vous transmettons les coordonnées de ceux qui souhaitent faire une visite réelle du logement ». Quant au lien hypertexte « Comment nous qualifions les acquéreurs » (pièce 5 page 3 SNPI), il n’est pas détaillé dans les pièces. S’il apparaît que PAP demande au potentiel acquéreur « quel est son plan de financement » et indique au vendeur « le niveau de financement » (pièce 31 SNPI), rien ne démontre qu’une analyse du profil est établie, ni que ce plan de financement subit une quelconque vérification au-delà des simples déclarations de l’acheteur potentiel, les éléments rapportés permettant de constater que cette information est simplement transmise au vendeur, avec les indications d’une visite souhaitée rapidement ou à une date précise, et les délais dans lesquels les potentiels acquéreurs ont indiqué vouloir réaliser l’opération (pièce 31 SNPI).

Les alertes par mail adressées aux potentiels acquéreurs en fonctions des critères indiqués de localisation, surface, budget, entrent simplement dans le cadre de la mise en relation entre l’offre et la demande par la plateforme, à ce titre expressément exclue de l’application de la loi Hoguet par le 7° de son article 1er qui prévoit « A l’exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l’achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis, ou à la vente de fonds de commerce ».

L’activité de « coaching » tout comme le service juridique, ne consistent ni en l’organisation des visites, ni dans la négociation du prix, ni dans la recherche de compromis, mais simplement en une « assistance de renseignement téléphonique » à disposition des vendeurs, clients de PAP : il s’agit selon les pièces produites de guider le vendeur en répondant à ses questions sur la stratégie de vente, la gestion des visites, la négociation, ses dé marches, PAP précisant que le vendeur reste seul pour rencontrer les acheteurs, et négocier avec eux (pièce 16 PAP). Quoiqu’il l’allègue, le SNPI ne rapporte pas l’exercice par PAP d’une activité de consultation juridique, les renseignements rapportés se limitant à une activité d’information, et les avis de clients publiés sur le site Trustpilot (pièce 22) n’étant pas de nature à établir l’exercice d’une telle activité.

Ainsi, à aucun moment PAP ne vérifie la disponibilité des fonds nécessaires la réalisation de l’opération, ni ne demande à l’acheteur potentiel les pièces justifiant de ses ressources, ni ne s’assure que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de l’acte de vente ne vérifiant ni le titre de propriété du vendeur ni l’existence de servitudes ou de contraintes administratives ni la consistance matérielle du bien, ni ne s’assure que les parties ont la capacité juridique de contracter. Pas plus PAP n’intervient-elle dans les discussions et négociations entre le vendeur et l’acquéreur potentiel, ni dans la réception des fonds, l’accomplissement de formalités administratives, la rédaction d’actes ou la prise de rendez-vous.

En définitive, l’offre proposée par PAP a pour objet, au moyen d’une plateforme électronique, de mettre en relation, contre rémunération, des acheteurs potentiels avec des vendeurs non professionnels proposant la vente de leur bien immobilier, afin de permettre la rencontre d’une offre et d’une demande, se situant ainsi bien dans l’activité de publication d’annonces par voie de presse, expressément exclue des dispositions impératives de la loi Hoguet, en son article 1, 7° en ces termes : « A l’exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l’achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis, ou à la vente de fonds de commerce », tout en offrant des prestations annexes au seul vendeur, sans intervenir dans la réalisation de la vente. La qualification d’ « agence immobilière » retrouvée dans les mots clés de quelques sites d’avis de clients sur internet est sans conséquence sur la qualification juridique des prestations fournies par PAP.

Ainsi ces prestations, prises ensemble ou séparément, ne consistent en aucun cas en une mission pouvant s’apparenter à une mission d’entremise et de négociation visant la conclusion de la vente comme définie par la loi Hoguet.

La demande de cessation de commercialisation de cette offre sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

2. Sur la concurrence déloyale invoquée au titre de la publicité comparative trompeuse et prohibée

L’article L122-1 du code de commerce édicte que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :

1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

L’article L122-2 tel que dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 applicable au présent litige, poursuit que la publicité comparative ne peut :

1° Tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service, à un nom commercial, à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou à l’appellation d’origine ainsi qu’à l’indication géographique protégée d’un produit concurrent ;
2° Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent ;
3° Engendrer de confusion entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent ;

4° Présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service bénéficiant d’une marque ou d’un nom commercial protégé.

D’une part, dans l’ensemble des documents comme dans l’interview critiquée, PAP se démarque de l’activité d’agence immobilière en soulignant le rôle principal tenu par le particulier vendeur quand il recourt aux services de PAP.

D’autre part, si comme l’a relevé le tribunal, le marché global reste celui de l’achat/vente de biens immobiliers, deux marchés différents sont ici en cause : celui exercé par les professions réglementées qui apportent un service à valeur ajoutée et des garanties, par l’intermédiaire du mandat et de compétences spécifiques reconnues par une carte professionnelle ou la détention d’un statut, et celui des plateformes électroniques mettant en relation, contre une rémunération moins importante, des acheteurs potentiels avec des vendeurs non professionnels proposant la vente de leur bien immobilier, afin de permettre la rencontre d’une offre et d’une demande, sans les garanties que représente l’intervention des professions réglementées.

Le SNPI n’établit par aucun élément que les consommateurs ne font pas la distinction entre ces différentes approches de ces marchés. Au contraire, comme l’a relevé le tribunal, les consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, ont parfaitement compris la distinction entre une prestation plus chère mais entièrement prise en charge à leur place avec des garanties et responsabilités, et une prestation d’accompagnement les laissant en première ligne avec les risques qu’elle comporte : ainsi l’avis de Mme [P] [L] (pièce 16 SNPI) qui indique que « après 3 mois d’exclusivité dans une agence, nous avons décidé (après beaucoup d’hésitations) de changer de stratégie et de sortir de la zone de confort qui consiste à déléguer ». La différence de prix mise en exergue ne fait que confirmer au consommateur la différence dans les prestations offertes.

Dans ces conditions, aucune confusion n’étant possible, le caractère trompeur de la publicité n’est pas rapporté, chacun des intervenants sur ces marchés valorisant ses propres avantages et les inconvénients des autres formules, cette manière de faire relevant de la communication et non de la publicité comparative, s’agissant de services différents. C’est à juste titre que le tribunal a ainsi relevé que si PAP avait qualifié son service « mieux qu’une agence », la publicité des agents immobiliers faites par le biais de la FNAIM indiquait pour sa part : « quand vous louez, achetez ou vendez à un particulier, vous avez une vraie garantie : celle de prendre des risques » avec pour sous-titre « A la FNAIM, 7.000 professionnels de l’immobilier vous fournissent les meilleures garanties. Vous nous direz merci après » (pièce 8 PAP)

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté le SNPI de ses demandes de ce chef.

3. Sur la concurrence déloyale invoquée au titre du dénigrement

En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Ainsi tout procédé déloyal employé dans la lutte concurrentielle constitue une faute qui engage la responsabilité de son auteur, ce dernier étant tenu de réparer les conséquences dommageables de son acte.

Caractérise un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de jeter le discrédit sur une entreprise concurrente en rependant des informations malveillantes sur les produits ou la personne d’un concurrent.

Ainsi qu’il a été vu précédemment, s’il n’est pas rapporté de situation de concurrence directe, il y a lieu néanmoins de rechercher si à l’occasion de la commercialisation de l’offre « mieux qu’une agence » devenue « coaching immo », les propos de Mme [D] [R], Présidente de PAP, interrogée par France Info le jeudi 17 janvier 2019 (interview de 7 minutes retranscrite par huissier ; pièce 4 SNPI), ont pu constituer un acte de dénigrement.

Le ton de l’interview est clairement celui d’une relance de la concurrence, indirecte, entre PAP et les agences immobilières, introduite par ces mots : « ça faisait de nombreuses années que les parts de marché entre les agences et nous étaient stables. En gros il y a un particulier sur deux qui va voir une agence. Donc nous aujourd’hui on va s’attaquer à cette part-là ».

Quant à l’évocation des prix des commissions en agence, l’intéressée explique bien la question qui s’est posée à PAP : « pourquoi ces gens qui trouvent ça trop cher vont quand même voir une agence immobilière ‘ ». Il s’est donc agi pour PAP qui l’explique alors en interview, de trouver les motifs qui attiraient la clientèle chez le concurrent.

Le rappel par l’interviewée du mandat de négociation donné à l’agence et de la rémunération des agents immobiliers à la commission une fois la vente conclue ne fait que reprendre les dispositions de la loi. L’évocation d’un possible intérêt de l’agent immobilier à la conclusion de la vente en raison même de l’existence de la commission à la vente, est immédiatement nuancée par ces mots : « il y a des très bons agents ».

L’interviewée évoque bien par ailleurs la différence entre PAP et les agences immobilières lorsqu’elle rappelle que PAP n’est pas un intermédiaire dans la vente et n’intervient pas pour finaliser celle-ci en précisant : « on va laisser les particuliers gérer la négociation entre eux parce que nous on pense que c’est plus efficace sur la fin qu’ils soient tous les deux ensemble ». Il s’agit ainsi de la présentation, dans un cadre concurrentiel indirect, de deux offres différentes : l’offre d’une agence immobilière ne présente que les biens pour lesquels elle a reçu un mandat et comprend l’ensemble des prestations correspondant à ce mandat, la plateforme publiant pour sa part un maximum d’annonce en provenance de multiples particuliers, sans toutefois fournir de prestations d’entremise et de négociation.

Quant à la réponse « oui » à la question du journaliste « vous voulez la mort des agences ‘ », la cour relève qu’elle est formulée sans agressivité ni virulence, dans le cadre d’un échange et non d’un discours écrit, et immédiatement tempérée par la précision apportée : « au prix auquel elles sont aujourd’hui, oui, c’est trop cher, 5,4 % du prix de vente », qui situe bien le discours dans un contexte de concurrence, par ailleurs circonscrit dès lors que les prestations proposées sont différentes, et constituant une simple critique de la méthode commerciale des concurrents.

Il n’est ainsi rapporté la preuve par le SNPI ni d’une critique malveillante sur les prix pratiqués par les agences les chiffres avancés n’étant d’ailleurs pas contestés par l’appelante, ni aucun discrédit porté sur la profession d’agent immobilier, chaque propos contesté par le SNPI étant immédiatement nuancé dans le temps même de l’interview. Aucun dénigrement ne peut donc être retenu à l’endroit de cette interview.

Au surplus, aucune reprise des termes contestés par le SNPI n’est rapportée dans d’autres média, à des dates postérieures ou par d’autres moyens, aucun acte de dénigrement n’étant reproché par le SNPI à PAP dans sa politique de communication. Aucun lien entre PAP et l’article intitulé « vendre son bien sans agence » produit en pièce 10 par le SNPI, ne peut au demeurant être fait dès lors que la date de parution et l’éditeur ne sont pas apparents, et qu’aucune référence à PAP n’y est visée, l’article procédant ainsi de la liberté d’expression de son auteur.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté le SNPI de ses demandes de ce chef.

4, Sur le détournement de clientèle invoqué

Le détournement de clientèle consiste en pour une entreprise à capter la clientèle d’une autre par un procédé déloyal.

A ce titre il y a lieu de relever que les modèles de lettres que PAP met à disposition en dehors même de l’offre « coaching immobilier » sous la dénomination « lettre de résiliation du mandat de vente » se trouvent au milieu de plus de 16 autres modèles de courrier mis à disposition par le site, sous les titres : « offre d’achat au prix de l’annonce », « offre d’achat à un prix inférieur à l’annonce », « lettre pour renoncer à l’achat du bien en raison du refus du prêt », etc’ (Pièce 14 SNPI). Ces documents s’apparentent ainsi aux modèles de lettres administratives mis en ligne sur de nombreux sites, sans que PAP ne conseille chaque particulier pour la rédaction particulière d’une telle lettre ou n’incite particulièrement à une telle résiliation. Il n’est ainsi pas rapporté que la mise en ligne de ces modèles constitue un procédé déloyal. Par ailleurs aucune baisse du chiffre d’affaires ou perte de clientèle n’est rapportée par le SNPI de ce chef.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté le SNPI de ses demandes de ce chef.

En définitive, les fautes invoquées, pas plus que les préjudices allégués par le SNPI puisque aucune pièce ni aucune explication n’est produit pour justifier la demande à hauteur de 40.000 euros si ce n’est 4 courriers d’agents immobiliers se disant choqués des propos tenus par Mme [R] (pièces 6 à 9 SNPI), ne sont établis.

Le SNPI doit donc être débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, de publication et de retrait de l’interview ; le jugement sera confirmé dans l’ensemble de ses dispositions. Il n’y a pas lieu en conséquence de statuer sur les demandes formées à titre subsidiaire par PAP.

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement étant confirmé, il convient de le confirmer également en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d’appel, l’appelante succombant il y a lieu, en application de l’article 696 du code de procédure civile de la condamner aux dépens de l’appel et partant, en application de l’article 700 du même code, de la condamner à payer à PAP la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant en cause d’appel :

Condamne le Syndicat National des Professionnels Immobiliers (SNPI) aux dépens,

Condamne le Syndicat National des Professionnels Immobiliers (SNPI) à payer à la sas De Particulier à Particulier ‘ Editions Neressis la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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