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Numérisation : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12160

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Numérisation : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12160

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 18 MAI 2022

(n° 2022/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12160 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDF2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/03983

APPELANTE

Association CERAF SOLIDARITES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Rusen AYTAC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1525

INTIMEE

Madame [J] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [D] a été embauchée par l’association Ceraf-Solidarités dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 2 mai 2018, en qualité de directrice, statut cadre, pour une période de douze mois. Un avenant portant à 3 000 euros le salaire mensuel brut a été signé le 15 juin 2018.

L’association emploie moins de onze salariés.

Par courrier du 17 décembre 2018, Mme [D] a signalé à la présidente de l’association le harcèlement dont elle estimait faire l’objet.

Mme [D] a été convoquée à un conseil de discipline par courrier du 27 décembre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 24 janvier 2019, la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour fautes graves, a été notifiée à Mme [D].

Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 10 mai 2019, aux fins de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, des rappels de salaires et indemnités.

Par jugement du 26 septembre 2019 le conseil de prud’hommes a :

Condamné l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

– 2 663 euros à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire

– 266,30 euros au titre des congés payés afférents

– 3580 euros au titre de la prime de précarité

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement.

Rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

– 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

– 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté Mme [D] du surplus de ses demandes.

Débouté l’association Ceraf-Solidarités de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamnée au paiement des entiers dépens.

L’association Ceraf-Solidarités a formé appel le 10 décembre 2019. L’acte d’appel est ainsi rédigé : ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués.’ Une annexe y est jointe.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le19 novembre 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, l’association Ceraf-Solidarités demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée l’association Ceraf-Solidarités en son appel du jugement rendu le 26 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Paris,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu’il a :

– condamné l’association Ceraf-Solidarités à payer les sommes suivantes à Mme [D]:

. 2663 euros à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire

. 266,30 euros au titre des congés payés afférents

. 3580 euros au titre de la prime de précarité (avec intérêts aux taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de jugement)

. 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive (avec intérêts aux taux légal à compter du jour du prononcé du jugement)

. 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné l’association Ceraf-Solidarités aux entiers dépens

– Rejeté les demandes de l’association Ceraf-Solidarités,

Et statuant à nouveau,

– Débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, en ce compris celles présentées au titre de son appel incident, tant à titre principal que subsidiaire,

– Confirmer le jugement en ses demandes non contraires aux présentes et notamment

en ce qu’il a :

. jugé qu’il « s’agit d’une embauche en contrat à durée déterminée dans l’attente de la suppression d’un poste »

. qu’il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] en contrat de travail à durée indéterminée,

Y ajoutant,

– Condamner Mme [D] à la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 20 août 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme [D] demande à la cour de :

Se déclarer non saisie des prétentions formées par l’association Ceraf-Solidarités aux termes de ses conclusions en date du 8 mars 2020 ;

Recevoir Mme [D] en son appel incident :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé qu’il « s’agit d’une embauche en contrat à durée déterminée dans l’attente de la suppression d’un poste » et a débouté Mme [D] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée produisant les effets d’un licenciement nul ;

Et statuant à nouveau

Dire que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] a été conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1242-3 et L.1242-12 du code du travail,

Dire qu’il y a lieu à requalifier, en application de l’article L.1245-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] en contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence

Condamner l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] une indemnité en application de l’article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail d’un montant de 6 000 euros nets correspondant à deux mois de salaire ;

Dire que la rupture du contrat de travail de Mme [D] s’analyse en un licenciement,

Dire que la rupture du contrat de travail intervenue au motif d’une faute grave a été prononcée en mesure de rétorsion à l’égard de Mme [D] pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral est nulle.

Dire que le licenciement de Mme [D] est nul en application des articles L. 1152-1, 1152-2 et 1152-3 du code du travail,

Dire que le licenciement de Mme [D] est au surplus irrégulier au regard des dispositions de l’article L.1232-2 et suivants du code du travail,

En conséquence,

Condamner l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

– Indemnité légale de licenciement : 562,50 euros article L.1234-9 du code du travail

– Rappel de salaire période du 29 décembre 2018 au 24 janvier 2019 (mise à pied) : 2 663 euros

– Congés payés afférents (4,5 jours/mois article 4 du contrat de travail) : 532 euros

– Indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 3 000 euros

– Congés payés afférents (4,5 jours/mois article 4 du contrat de travail) : 540 euros article L.1234-1 du code du travail

– Indemnité pour licenciement nul (9 mois) : 27 000 euros

– Indemnité pour licenciement irrégulier (1 mois) : 3 000 euros nets article L. 1235-2 du code du travail

A titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé qu’il « s’agit d’une embauche en contrat à durée déterminée dans l’attente de la suppression d’un poste » et a débouté Mme [D] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

– Si par extraordinaire, la cour d’appel devait considérer que la rupture du contrat de travail intervenue au motif d’une faute grave n’est pas une mesure de rétorsion à l’égard de Mme [D] pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et est nulle, elle infirmerait le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dont la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau

Dire que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] a été conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1242-3 et L.1242-12 du code du travail,

Dire qu’il y a lieu de requalifier, en application de l’article L.1245-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] en contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence

Condamner, en conséquence, l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] une indemnité en application de l’article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail d’un montant de 6000 euros nets correspondant à deux mois de salaire,

Dire que la rupture du contrat de travail de Mme [D] s’analyse en un licenciement,

Dire que le licenciement de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence

Condamner, en conséquence, l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

– Indemnité légale de licenciement : 562,50 euros article L.1234-9 du code du travail

– Rappel de salaire période du 29 décembre 2018 au 24 janvier 2019 (mise à pied) : 2 663 euros

– Congés payés afférents (4,5 jours/mois article 4 du contrat de travail) : 532 euros

– Indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 3 000 euros

– Congés payés afférents (4,5 jours/mois article 4 du contrat de travail) :540 euros article L.1234-1 du code du travail

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois) : 27 000 euros

A titre infiniment subsidiaire,

Si, par extraordinaire, la cour d’appel de Paris devait considérer qu’il n’y a pas lieu à requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée;

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a condamné l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

– 2 663 euros à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied à titre conservatoire

– 266,30 euros au titre des congés payés afférents,

– 3 580 euros au titre de la prime de précarité

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement,

Fixer le montant de la condamnation de l’association Ceraf-Solidarités à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive à 27 000 euros au profit de Mme [D] avec intérêts légaux à compter du jour du prononcé du jugement

En tout état de cause,

– Condamner l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] la somme de 1 920 euros à titre de paiement des congés payés dus acquis (16 jours),

– Condamner l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] la somme de 9 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct et conditions vexatoires de la rupture,

Ordonner la remise de l’attestation Pôle Emploi et du bulletin de paie afférents aux condamnations visées ci-dessus ; Assortir cette condamnation d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

Dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir,

Condamner l’association Ceraf-Solidarités à verser à Mme [D] , la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022.

MOTIFS

Sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel

Mme [D] fait valoir que la déclaration d’appel est privée d’effet dévolutif, pour ne mentionner aucun chef de jugement critiqué.

L’association Ceraf-Solidarités explique que la déclaration d’appel comprend une annexe qui précise les chefs de jugement critiqués.

En application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, en sa dernière version issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022 applicable aux instances en cours au lendemain de sa publication, ‘la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle’.

Cette déclaration d’appel doit être faite selon les formes prescrites par les dispositions des articles 930-1 et 748-1 du code de procédure civile.

L’arrêté du 30 mai 2011 relatif à la communication électronique en matière civile devant les cours d’appel disposait en son article 5 ‘ Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.’

L’article 6 de cet arrêté disposait : ‘Lorsqu’un document doit être joint à un acte, le document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données. Le fichier contenant le document joint accompagnant l’acte est un fichier au format PDF. Le fichier au format PDF est produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique’.

Cet arrêté a été abrogé par l’arrêté du 20 mai 2020, dont les articles 3 et 4 reprennent respectivement les dispositions des articles 5 et 6 précités, et dont l’article 2 précise que ‘Lorsqu’ils sont effectués par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d’une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté’.

Un arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel a été publié le 26 février 2022 précisant en son article 3 entrer en vigueur le lendemain de sa publication et ‘être applicable aux instances en cours’.

Cet arrêté a été pris en application du décret N° 2022-245 du 25 février 2022 précité.

L’article 2 de ce texte dispose que l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 est remplacé par les dispositions suivantes : ‘Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.

Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique’.

La déclaration d’appel de l’association Ceraf-Solidarités en mentionnant ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués’ ne précise pas les chefs de jugement critiqués. La déclaration d’appel établie au format XML ne renvoie pas expressément à l’annexe, alors que la régularité du recours à une annexe est subordonnée à ce que l’acte d’appel renvoie expressément à ce document.

L’absence de toute mention dans la déclaration d’appel de cette annexe exclut que cette dernière ait pu faire corps avec elle.

Dès lors, la déclaration d’appel de l’association Ceraf-Solidarités est privée d’effet dévolutif.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes formées par l’association Ceraf-Solidarités dans ses conclusions, dès lors que seul l’acte d’appel opère dévolution des chefs critiqués du jugement.

La déclaration d’appel n’étant ni caduque ni nulle, la cour d’appel reste saisie des demandes formées par Mme [D] dans le cadre d’un appel incident.

Sur la requalification du contrat de travail

Mme [D] demande la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

L’article L.1242-1 du code du travail dispose que ‘Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.’

L’article L.1242-2 du code du travail dispose quant à lui que ‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur ;

4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;

5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise ;

6° Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit et qu’il définit :

a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée ;

b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;

c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.’

Le contrat de travail indique en son article 1er que ‘l’association Ceraf-Solidarités engage en contrat à durée déterminée, dans le cadre de la création d’un nouveau poste, Mme [D] en qualité de directrice, statut cadre, pour une période de douze mois à compter du 2 mai 2018 jusqu’au 30 avril 2019.’

Le motif de création d’un nouveau poste ne fait pas partie de ceux prévus par l’article L.1242-2 du code du travail. En outre, l’association Ceraf-Solidarités explique dans ses conclusions que le recours de Mme [D] dans le cadre d’un contrat à durée déterminée était lié au départ de deux personnes et à une nouvelle organisation à venir, sans en justifier.

C’est vainement que l’employeur fait valoir que le précédent président de l’association avait proposé un contrat à durée indéterminée à Mme [D], proposition qui aux termes de l’échange de mails n’avait pour objet que de convenir d’une rupture conventionnelle.

Le contrat n’ayant pas été conclu pour un motif légitime, il doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2018.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

L’article L. 1245-2 du code du travail dispose en son deuxième alinéa que : ‘Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.’

Mme [D] percevait en dernier lieu un salaire mensuel de 3 000 euros. Elle ne produit pas d’élément relatif à sa situation personnelle.

L’association Ceraf-Solidarités sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’indemnité de requalification.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la nullité de la rupture du contrat de travail

La requalification du contrat de travail conduit à analyser la rupture du contrat de travail en un licenciement.

Mme [D] fait valoir que le licenciement est nul.

L’article L. 1152-2 du code du travail dispose que : ‘Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.’

L’article L. 1152-3 du code du travail dispose que : ‘Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.’

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

Le courrier en date du 17 décembre 2018 adressé par Mme [D] à la présidente de l’association fait état de plusieurs comportements à son égard : un retrait de certaines prérogatives ; une absence de réponse à une question de traitement de l’aspect financier ou à la demande de disposer de la liste du nouveau conseil d’administration ; d’avoir été déchargée de ses tâches de gestion générales de l’association, sans concertation ; de lui avoir adressé des injonctions contradictoires. Elle termine le courrier en indiquant que ces agissements constituent un harcèlement moral dont elle demande qu’il cesse.

La lettre notifiant à Mme [D] la rupture de son contrat de travail pour faute grave indique qu’il est reproché à Mme [D] :

– d’avoir réceptionné un courrier recommandé destiné à la présidente le 19 décembre 2018, malgré la demande de ne pas signer en ses lieu et place ;

– d’avoir rédigé le courrier en cause dans lequel elle porte des accusations extrêmement graves à l’encontre de la présidente de l’association en l’accusant de harcèlement ;

– d’avoir dissimulé le courrier trois jours et d’avoir attendu le jour de son départ en vacances ;

– d’avoir accusé la présidente de l’association de faits de harcèlement, sans apporter aucune démonstration d’éléments de faits précis et concordants ;

– d’avoir conservé des documents bancaires, cartes bancaires et codes d’accès ;

– de ne pas avoir entrepris de vérification concernant l’importance des factures d’électricité.

Il résulte de la rédaction même de la lettre de rupture que la dénonciation de faits de harcèlement moral imputé à la présidente de l’association est la cause de la rupture du contrat, un paragraphe en gras indiquant que ce comportement caractérise ‘l’intention de nuire à l’association et à sa nouvelle présidente, de tels agissements rendant impossible la poursuite des relations de travail.’

Il incombe ainsi à l’employeur de démontrer la mauvaise foi de la salariée dans l’expédition du courrier signalant un harcèlement moral.

L’association Ceraf-Solidarités explique que Mme [D] s’était déjà plainte de la présidente avant-même sa prise de fonctions et que la salariée a elle-même récupéré le courrier qu’elle avait adressé à la présidente pour signaler le harcèlement moral puis l’a conservé plusieurs jours, dans lequel elle fait des suppositions d’ordre général, sans fondement. L’appelante indique que les échanges de Mme [D] avec le précédent président confirment la mauvaise foi de la salariée.

Il résulte des mails produits que c’est le précédent président de l’association qui a évoqué la signature d’un contrat à durée indéterminée, pour proposer une rupture conventionnelle à la salariée.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, Mme [D] a fait état de faits précis dans son courrier, qui sont de surcroît étayés par des échanges de mail avec la nouvelle présidente.

Si Mme [D] a reconnu avoir réceptionné le courrier recommandé qu’elle avait adressé à la présidente, et ne pas lui en avoir parlé pendant quelques jours, il n’est pas discuté que ce courrier a ensuite été remis à sa destinataire.

La connaissance par Mme [D] de la fausseté des faits de harcèlement dénoncés n’est pas établie par l’employeur.

Mme [D] ayant été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, la rupture du contrat de travail est nulle.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

L’indemnité prévue par l’article L. 1235-3-1 du code du travail ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Mme [D] percevait un salaire mensuel de 3 000 euros et ne produit pas d’élément relatif à sa situation professionnelle. L’association Ceraf-Solidarités sera condamnée à lui verser la somme de 18 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Mme [D] avait une ancienneté supérieure à huit mois au moment du licenciement. L’association Ceraf-Solidarités doit être condamnée au paiement de la somme de 562,50 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Compte tenu de l’ancienneté, la durée du préavis était d’un mois. L’association Ceraf-Solidarités doit être condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros, outre celle de 540 euros au titre des congés payés afférents, le contrat de travail prévoyant quatre jours et demi de congés payés par mois.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

En l’absence d’appel sur ce chef de jugement, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande relative au rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour procédure irrégulière

Mme [D] a reçu une convocation pour le 11 janvier 2019 devant le conseil de discipline de l’association Ceraf-Solidarités, organe qui n’est pas prévu par les statuts.

Cependant, le délai de convocation a été respecté, Mme [D] a été informée de son droit à être assistée au cours de l’entretien et a pu s’y exprimer. La lettre de rupture du contrat de travail lui a ensuite été adressée le 25 janvier 2019.

En l’absence de préjudice établi par la salariée, la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct et conditions vexatoires de la rupture

Mme [D] ne justifie pas que la rupture de son contrat de travail soit intervenue dans des conditions brutales et vexatoires.

Sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel au titre des congés payés

Mme [D] demande le paiement de seize jours de congés payés correspondant au solde mentionné sur le bulletin de paie du mois de janvier 2019.

L’association Ceraf-Solidarités expose que les documents communiqués ne font pas droit à un solde de 16 jours.

Le contrat de travail prévoit que Mme [D] bénéficiait de 4,5 jours de congés payés par mois.

L’employeur ne produit aucun élément permettant de vérifier les congés payés pris par la salariée.

Les bulletins de paie produits par l’intimée indiquent les différentes périodes auxquelles des congés payés ont été pris, dont le solde correspond au montant demandé par Mme [D].

Il doit être fait droit à la demande et l’association Ceraf-Solidarités sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 1 920 euros au titre du solde des congés payés.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, s’agissant d’une demande de requalification du contrat de travail, soit le 17 mai 2019 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur la remise des documents

La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme, d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d’un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision. Il n’y a pas lieu à ordonner d’astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

L’association Ceraf-Solidarités qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à Mme [D] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de l’association Ceraf-Solidarités en l’absence d’effet dévolutif de l’appel principal,

Et statuant à nouveau sur les chefs de jugement critiqués,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce que Mme [D] a été déboutée de ses demandes d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière et de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail dans des conditions brutales et vexatoires,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2018,

CONDAMNE l’association Ceraf-Solidarités à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’indemnité de requalification,

DIT que la rupture du contrat de travail est nulle,

CONDAMNE l’association Ceraf-Solidarités à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

– 18 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,

– 562,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 3 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 540 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 920 euros au titre du solde des congés payés,

DIT que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2019 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

CONDAMNE l’association Ceraf-Solidarités à remettre à Mme [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d’un mois et dit n’y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE l’association Ceraf-Solidarités aux dépens,

CONDAMNE l’association Ceraf-Solidarités à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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