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Numérisation : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00220

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Numérisation : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00220

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/12/2022

Maître FRENETTE

la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS

ARRÊT du : 15 DECEMBRE 2022

N° : 195 – 22

N° RG 21/00220

N° Portalis DBVN-V-B7F-GI7P

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 10 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2621 9089 8533

Monsieur [K] [P]

né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 14] ([Localité 10])

[Adresse 8]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Maître Emilie FRENETTE, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Pierre DUPONCHEL, membre de la SELEURL DUPONCHEL – SAINT MARCOUX, avocat au barreau de PARIS

Madame [A] [P]

née le [Date naissance 5] 1939 à [Localité 10] ([Localité 10])

[Adresse 9]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Maître Emilie FRENETTE, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Pierre DUPONCHEL, membre de la SELEURL DUPONCHEL – SAINT MARCOUX, avocat au barreau de PARIS

La S.A. [P] HOLDING

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Maître Emilie FRENETTE, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Pierre DUPONCHEL, membre de la SELEURL DUPONCHEL – SAINT MARCOUX, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2789 3383 2338

Monsieur [G] [F]

Intervenant es-qualité et es-qualité d’héritier de son père [E] [F], décédé en cours de procédure

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 10] ([Localité 10])

[Adresse 7]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Maître Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE ORLEANS, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Catherine SCHMITT, membre de la SELARL LE CERCLE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS.

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 21 Janvier 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 13 OCTOBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 15 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [O] [F] et Mme [Y] [S], propriétaires d’importants biens immobiliers et exploitants viticoles à [Localité 10], ont constitué diverses sociétés, la SCEA [P], société d’exploitation, la [Adresse 11], société de négoce et la SARL Viticole Val de Loire.

Ils ont eu trois enfants, M. [E] [F], M. [B] [F] et Mme [A] [F]. Après le décès de leurs parents, [E] et [B] [F] ont géré en binome le domaine familial. Ont ensuite intégré l’affaire familiale, [G], fils de [E] [F], puis [K] [F], fils de [B] [F].

En 1999, le capital des diverses sociétés de négoce familiales ont été apportées à la societé [P] Holding, laquelle detient de ce fait trois filiales, [Adresse 11], SCEA [P] et la société Viticole Val de Loire.

M. [B] [F], aujourd’hui décédé, M. [K] [F] et Mme [A] [F] détenaient ensemble 2.584.045 des 4.800.000 actions composant le capital de la société [P] Holding constituée le 7 décembre 1999, par apport de la totalité des actions ou parts des sociétés [Adresse 11], SCEA [P], Viticole du Val de Loire, et des comptes courants détenus par M. [B] [F], M. [K] [F], Mme [A] [F], M. [E] [F] et M. [G] [F], dans la SCEA [P].

M. [E] [F] et M. [G] [F] détenaient ensemble 2.213.588 actions de la même société [P] Holding.

M. [B] [F] présidait le Directoire de la société [P] Holding dont étaient membres Mme [A] [F], M. [G] [F] et M. [K] [F]. M. [E] [F] présidait le conseil de surveillance de ladite société.

A partir de l’année 2003, des divergences de vue sont apparues entre M. [K] [F] et M. [G] [F] qui ont donné lieu à des discussions et évaluations des parts sociales pour permettrent à M. [G] [F] de s’installer indépendamment du vignoble de la famille, et à M. [B] [F] de racheter les actions détenues par [E] et [G] [F] dans la société CDH. Ces discussions n’ont pas abouti, ce qui a conduit à la reprise du conflit, à la révocation de M. [G] [F] de ses fonctions de membre du directoire le 3 avril 2006, à la démission de M. [E] [F] de ses fonctions de président du conseil de surveillance, au licenciement de M. [E] [F] de ses autres fonctions le 6 octobre 2006, puis au démarrage, par [E] et [G] [F] d’une activité viticole sous le nom ‘[E] et [G] [F]’.

Par acte d’huissier du 23 avril 2014, M. [E] [F] et M. [G] [F] ont notifié à la société CDH, leur projet de céder les 2.213.588 actions qu’ils détiennent ensemble dans cette société, à la société [T], située [Adresse 3], en visant l’article 12 des statuts qui stipule la nécessité d’un agrément du conseil de surveillance pour toute transmission d’actions à un tiers. Cette notification énonçait que l’offre de la société [T] était faite au prix d’1.740.000€ et sous la condition suspensive que l’audit d’acquisition que cette dernière demandera à réaliser, ne révèle aucun fait ou évènement de nature économique, juridique, fiscal, social ou financier susceptible d’affecter de façon négative l’activité de la société et par suite la valeur des actions.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 mai 2014, la société [P] Holding a contacté la société [T] lui demandant de bien vouloir confirmer qu’elle adressait une offre à [E] et [G] [F].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 mai 2014, la société [T] a confirmé l’existence d’une offre d’acquisition en précisant : “les conditions de cette offre sont soumises à un engagement de confidentialité qu’il ne nous appartient pas de lever”.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 28 mai 2014, la société CDH a notifié aux consorts [E] et [G] [F] qu’elle refusait de donner son autorisation de procéder à un audit d’acquisition en précisant que ‘la condition suspensive étant défaillie, l’offre n’a plus d’existence’ et que dans l’hypothèse où le projet serait néanmoins maintenu, il contrevenait aux prescriptions de l’article 12 des statuts, en ce que le prix de la cession n’était pas déterminé puisqu’il s’avérait subordonné aux résultat d’un audit.

Par lettre recommandée du 3 juin 2014, M. [E] [F] et M. [G] [F] ont indiqué à la société [P] Holding que 1’offre de la société [T] ne contenait aucune stipulation relative au prix ou au nombre d’actions qui n’aurait pas été portée à sa connaissance dans la demande d’agrément et, y ajoutant, ont précisé que le prix notifié d’1.740.000€ constituait une valorisation établie sur la base des capitaux propres de la société CDH tels qu’arrêtés au bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2012 et que le prix défnitif correspondrait au prix provisoire augmenté ou réduit d’un montant égal à la variation, à la hausse comme à la baisse, du montant des capitaux propres de la société entre celui figurant aux comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2012 et celui figurant à la situation comptable intermédiaire telle qu’arrêtée contradictoirement entre les parties à la date de réalisation de la cession.

Par acte du 5 juin 2014, la société CDH a fait assigner les consorts [E] et [G] [F] devant le tribunal de commerce de Tours aux fins d’obtenir principalement l’annulation de la notification de projet de cession du 23 avril 2014 et l’interruption de la procédure d’agrément et du délai de trois mois édicté par l’article 12 des statuts et l’article L228-23 du Code de commerce.

Par jugement du 21 juillet 2014, le tribunal de commerce de Tours a débouté la société CDH de ses demandes et lui a enjoint de statuer sur la demande d’agrément de la société [T] en notifiant au plus tard le 22 août 2014. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 13 novembre 2014 sauf s’agissant du délai pour statuer sur la demande d’agrément qui a été porté à trois mois à compter de la notification du projet de cession.

Par arrêt du 11 janvier 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt.

Entre temps, la société CDH a refusé l’agrément le 27 juillet 2014 et les parties n’étant pas d’accord sur la valeur des actions, Messieurs [E] et [G] [F] ont saisi le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé pour que soit diligentée une expertise judiciaire aux fins de voir déterminer la valeur de leurs titres. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 2 février 2015, désignant M. [C] [L] expert judiciaire.

Le 22 septembre 2015, la société CDH dépose plainte à l’encontre de M. [E] [F] et de M. [G] [F] pour faux et usage de faux. Cette plainte étant restée sans suite, elle a déposé auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de Tours une plainte avec constitution de partie civile.

Après le dépôt du rapport d’expertise le 26 septembre 2016, et M. [B] [F] étant décédé le [Date décès 6] 2016, M. [K] [F] et Mme [A] [F], par courriers du 27 octobre 2016 ont notifié leur décision de préempter les actions détenues par Messieurs [E] et [G] [F] sur la base de leur valorisation retenue par l’expert soit 567.000 € sous condition résolutoire que [E] et [G] se désistent d’une porcédure pendante en condamnation de la société CDH au paiement d’une astreinte.

Par ordonnance du 25 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Tours a constaté le désistement d’instance et d’action de [E] et [G] [F] de leur demande de liquidation d’astreinte et le caractère définitif et parfait de la cession des titres détenus par ces derniers au profit de [K] et [A] [F].

Une première partie du règlement des titres a été effectuée le 16 fevrier 2017 à hauteur de la moitié du prix fixé à dire d’expert, le reste de la somme étant payable à un an à compter de la date de la notification de la préemption, soit le 30 octobre 2017.

Un litige opposant les parties sur les intérêts dus sur la première moitié du prix de cession, [E] et [G] [F] ont saisi le président du tribunal de commerce de Tours qui par ordonnance du 9 juin 2017, a condamné [K] et [A] [F] à [E] et [G] [F] verser diverses sommes à titre de provisions au titre des intérêts dus depuis la préemption jusqu’au paiement de la première moitié du prix de cession des actions. Ce jugement a été confirmé sur ces chefs par arrêt de la cour de céans du 12 avril 2018.

Selon procès-verbal de réunion du directoire du 12 mai 2017, par voie de réduction de capital de la société CDH, [K] et [A] [F] ont cédé à la société CDH 1.106.794 actions au prix de 283.500€.

Considérant que l’ensemble des opérations ayant conduit à la mise en oeuvre de la procédure d’agrément a été basé sur une offre d’achat “qui ne peut-être que manifestement un faux”, M. [K] [F] et Mme [A] [F] n’ont pas réglé le solde du prix et par actes d’huissiers de justice du 27 octobre 2017, ont assigné M. [E] [F] et M. [G] [F] devant le tribunal de commerce de Tours. Les sociétés [P] Holding et [Adresse 11] sont intervenues volontairement à la cause, et les sociétés [E] et [G] [F] SAS et [E] et [G] [F] SARL ont été appelées en intervention forcée.

Par actes d’huissiers de justice en date du 16 fevrier 2018, M. [E] [F] et M. [G] [F] ont assigné à leur tour M. [K] [F] et Mme [A] [F] devant le tribunal de commerce de Tours afin d’obtenir leur condamnation à leur régler le solde du prix de cession.

M. [E] [F] est décédé en cours de procédure, le 23 fevrier 2019, ainsi que son épouse [D], le 22 mars 2019, laissant M. [G] [F] en qualité de seul héritier.

Par actes d’huissiers de justice du 14 mai 2019, M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, et la société [Adresse 11] ont fait assigner la société [Adresse 13] anciennement [T], ainsi que M. [G] [F] et les sociétés [E] et [G] [F] SAS et [E] et [G] [F] SARL devant le tribunal de commerce de Tours.

Parallèlement, le juge d’instruction près du tribunal judiciaire de Tours a rendu le 16 juillet 2019, une ordonnance de non-lieu dans l’affaire faisant suite à la plainte pour faux et usage de faux.

Un premier jugement du tribunal de commerce en date du 8 novembre 2019 a prononcé la jonction des affaires, rejeté la demande de dépaysement et la demande de sursis à statuer dans l’attente des suites de la procédure pénale en cours, et prononcé la réouverture des débâts.

Par jugement en date du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Tours a :

Vu l’article L.228-24 du Code de commerce,

Vu les articles 1137 a 1139 du Code civil,

Vu l’article 1240 et suivants du Code civil,

Vu les pièces annexées aux dossiers,

– prononcé la jonction des affaires enrolées sous les numéros 2017005548, 2018001298 et 2019002634,

– débouté les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) de leur demande de remise de l’offre d’achat par la société [Adresse 13] (anciennement SA [T]) des actions détenues par [E] et [G] [F],

– débouté les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) de leur demande de voir prononcer la nullité des cessions d’actions de [E] et [G] [F] pour dol et de toutes les conséquences qui s’ensuivent,

– condamné Mme [A] [F] à verser à M. [G] [F] la somme de 37.141 € correspondant au solde du principal du prix de cession des 290.000 actions préemptées plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme de 37.141 € à compter du 27 octobre 2016,

– condamné M. [K] [F] à verser à M. [G] [F], ès qualité d’héritier de M. [E] [F], décédé en cours de procédure le 23 fevrier 2019, la somme de 44.592 € correspondant au solde du principal du prix de cession de la nue-propriété des 1.160.581 actions préemptées plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme de 44.592 € à compter du 27 octobre 2016,

– condamné M. [K] [F] à verser à M. [G] [F] la somme de 104.047 € correspondant au solde du principal du prix de cession de la nue-propriété des 1.160.581 actions préemptées ainsi que la somme de 97.721 € correspondant au solde du principal du prix de cession des 763.007 actions préemptées, plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme globale de 201.768 € à compter du 27 octobre 2016,

– dit les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) recevables mais non fondés en leurs demandes de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,

– débouté les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [G] [F], les sociétés [E] et [G] [F] SAS et [E] et [G] [F] SARL et [Adresse 13] (anciennement SA [T]),

– débouté M. [G] [F] de sa demande de voir prononcer une amende civile à l’encontre des consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) pour action abusive et dilatoire,

– débouté M. [G] [F] de sa demande de dommages-interéts,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) à payer à M. [G] [F], à titre personnel et en sa qualite d’héritier de son père M. [E] [F], la somme de 7.500 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) solidairement à payer la somme de 2.500 € à chacune des sociétés [E] et [G] [F] SAS et [E] et [G] [F] SARL par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné les consorts [P] (M. [Z] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) solidairement à payer à la société [Adresse 13] (anciennement SA [T]) la somme de 4.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) de leurs demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné les consorts [P] (M. [Z] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) solidairement aux entiers dépens de la présente instance liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 413,29€.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré :

– que la réalité d’une offre de la société [T] pour les 46,12% des actions de la société [P] Holding est établie, que même si cette offre était non engageante car assortie de plusieurs conditions, elle devait être notifiée au conseil de surveillance, ni la loi, ni les statuts ne subordonnant cette notification à la condition que l’offre soit ferme,

– qu’une clause d’agrément n’a pas pour objet de porter atteinte au droit d’un actionnaire de céder ses actions en donnant la possibilité au conseil de surveillance d’apprécier la nature de l’offre dont se prévalent les cédants, que le conseil de surveillance de la société [P] Holding disposait dès lors pour unique choix, soit d’agréer, soit de refuser la société [T] comme nouvel actionnaire, qu’en l’espèce, les manoeuvres dolosives ne peuvent être retenues faute pour la société [P] Holding de démontrer que si elle avait eu connaissance de l’intention de la société [T] d’acquérir par la suite la majorité des actions son directoire aurait pris une décision différente,

– que l’achat des actions par M. [K] [F] et Mme [A] [F] n’est pas le résultat de manoeuvres déloyales mais la stricte conséquence des statuts et il n’y a pas lieu d’annuler la cession des actions et de restituer les sommes déjà versées aux cédants,

– que selon les statuts, le prix des actions préemptées doit être payé pour moitié comptant et le solde à un an de la date de notification de la préemption, faute de quoi, le prix sera majoré d’un intérêt au taux légal majoré de deux points à compter de la date de notification de la préemption jusqu’au paiement, qu’en l’espèce, le délai pour payer le solde a été dépassé et les intérêts au taux légal majoré de deux points sont donc dus à compter du 27 octobre 2016,

– sur la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, que les consorts [P] échouent à démontrer l’existence d’un acte contraire à la loyauté commerciale, un jugement désormais définitif du tribunal de commerce de Tours, ayant préalablement considéré que l’utilisation de la marque ‘[E] et [G] [F]’ est suffisamment différente de la marque ‘[P]’ pour être distinguée ; qu’aucun fait de parasitisme, de dénigrement ou de débauchage n’est démontré en l’espèce,

– que l’usage par les actionnaires cédants de la procédure prévue par les statuts ne peut leur être reproché, pas plus qu’une tentative de désorganisation de la société [P] Holding.

M. [K] [F], Mme [A] [F] et la SA [P] Holding ont relevé appel de la décision par déclaration du 21 janvier 2021, en intimant M. [G] [F], et en critiquant tous les chefs du jugement leur faisant grief et concernant M. [G] [F].

Dans leurs dernières conclusions du 5 septembre 2022, ils demandent à la cour de:

Vu les articles 9, 10, 11, 15, 16 et 132 du Code de procédure civile,

Vu l’article 6.1 de la Convention Européenne des droits de l’homme,

Vu les articles 10, 1104, 1116 ancien, 1137, 1240, 1347 et 1353 et suivants du Code civil,

Vu les articles L 442-2 et suivants de Code de commerce,

– infirmer la décision entreprise,

La réformant :

– constater l’existence de man’uvres dolosives constitutives d’un abus de droit par MM. [E] et [G] [F] pour contraindre M. [K] [P] et Mme [A] [P] à racheter leurs actions,

En conséquence :

– condamner [G] [F], à titre personnel et ès-qualité d’héritier de son père [E] [F] à réparer le préjudice causé par ces man’uvres,

– condamner en conséquence M. [G] [F], au paiement d’une somme de 330.000 € à M. [K] [P], à Mme [A] [P], la société CDH à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur a causé leur déloyauté et les man’uvres engagées,

– supprimer l’intérêt au taux majoré exigé à compter de l’acte de cession, qui n’aurait eu lieu, si [E] et [G] avait été loyaux,

– condamner M. [G] [F] à rembourser à :

o M. [K] [P] les intérêts payés s’élevant à la somme de 64.006,42 €,

o Mme [A] [P], les intérêts payés, s’élevant à la somme de 9.640,88 €,

o et aux appelants l’ensemble des frais de procédure qu’ils ont exposés pour faire valoir leurs droits et qui leur ont été facturés, notamment lors des procédures de saisies conservatoires et/ou attributives,

– ordonner en application de l’article 1347 du Code civil la compensation avec les sommes dues par les parties au procès,

– condamner M. [G] [F] au paiement d’une somme de 25.000 € à M. [K] [P], à Mme [A] [P], la société CDH à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par son attitude,

– condamner [G] [F] à verser une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

A l’appui de leurs prétentions, ils soutiennent essentiellement :

– à titre liminaire, que la déclaration d’appel contenant 5.248 caractères, espaces non compris, et 6.268 caractères, espaces compris et que l’effet dévolutif est attachée à l’annexe qui fait corps avec la déclaration d’appel,

– que Messieurs [E] et [G] [F] ont mis en place un stratagème pour obtenir le rachat de leurs actions en présentant, avec la complicité de la société [T], une offre à un prix exhorbitant sans même préalablement user de la faculté de céder librement leurs actions entre actionnaires à un prix éventuellement fixé à dire d’expert, poussant ainsi les actionnaires majoritaires qui souhaitaient conserver une société familiale fermée, à racheter leurs actions à un prix exhorbitant,

– qu’il ressort des courriers échangés entre M. [G] [F] et la société [T] n’y a jamais eu d’offre d’achat des parts du premier par la seconde, celle-ci acceptant uniquement de prêter son concours pour déclencher la procédure d’agrément en contrepartie de l’octroi par MM. [E] et [G] [F] d’un droit de préférence en cas de cession de leurs actions,

– que la condition suspensive de l’offre n’était pas la réalisation d’audits, mais l’acquisition d’un bloc de contrôle du groupe, ce que MM. [E] et [G] [F] ont sciemment dissimulé, en demandant à la société [T] de rester muette sur cette condition suspensive,

– que MM. [E] et [G] [F] ont ainsi abusé de leurs droits liés à la procédure d’agrément, et ont allégué une offre de la société [T] en réalité fictive, la demande d’agrément ayant été mise en oeuvre sans fondement, ce qui a généré des procédures couteuses, aboutissant au rachat injustifié des actions de MM. [E] et [G] [F] par les actionnaires majoritaires,

– que les manoeuvres dolosives commises par ces derniers justifient la réparation des préjudices subis, en raison de la baisse des performances de l’entreprise générée par le coût économique et financier des actions engagées suite au déclenchement de la procédure d’agrément, et de l’attitude déloyale de M. [G] [F] tout au long de la procédure judiciaire qui a refusé de communiquer les échanges de correspondance à l’origine de la demande d’agrément.

M. [G] [F], par dernières conclusions du 21 septembre 2022, demande à la cour de :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 10 décembre 2020,

Vu l’appel de la société [P] Holding, [K] [F] et [A] [F],

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 32-1, 700 du Code de procédure civile, 1103, 1112-2, 1130, 1137, 1178, 1181, 1843-4 du Code civil, L.228-24 du Code de commerce,

A titre principal,

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel formée le 21 janvier 2021 par Mme [A] [F], M. [K] [F] et la société CDH,

– juger que la cour n’est saisie d’aucune demande de la part des appelants,

En conséquence,

– confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

– constater l’irrecevabilité des demandes nouvelles présentées en cause d’appel par

les consorts [P] portant sur les intérêts,

– déclarer mal fondée et irrecevable la déclaration d’appel interjetée par Mme [A] [F], M. [K] [F] et la société CDH pour défaut de qualité à agir sur le fondement des man’uvres dolosives, action réservée aux seuls contractants,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société CDH pour défaut de qualité à agir sur le fondement des man’uvres dolosives, action réservée aux seuls contractants,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les consorts [J] à verser à M. [G] [F] la somme de 37.141 € correspondant au solde du principal du prix de cession des 290.000 actions préemptées plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme de 37.141 € à compter du 27 octobre 2016,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les consorts [J] à verser à M. [G] [F], ès qualité d’héritier de M. [E] [F], décédé en cours de procédure le 23 février 2019, la somme de 44.592 € correspondant au solde du principal du prix de cession de la nue-propriété des 1.160.581 actions préemptées plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme de 44.592 € à compter du 27 octobre 2016,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les consorts [J] à verser la somme de 104.047 € correspondant au solde du principal du prix de cession de la nue-propriété des 1.160.581 actions préemptées ainsi que la somme de 97.721 € correspondant au solde du principal du prix de cession des 763.007 actions préemptées, plus intérêts au taux légal majoré de deux points à valoir sur cette somme globale de 201.768 € à compter du 27 octobre 2016,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts [J] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [G] [F], les sociétés [E] et [G] [F] SAS et [E] et [G] [F] SARL et [Adresse 13] (anciennement SA [T]),

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts [J] de leurs demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts [P] de leur demande de remise de l’offre d’achat de la société [Adresse 13] (anciennement SA [T]) des actions détenues par [E] et [G] [F],

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts [P] de leur demande de voir prononcer la nullité des cessions d’actions de [E] et [G] [F] pour dol et de toutes les conséquences qui s’ensuivent,

Toutefois il est demandé à la cour d’appel d’Orléans,

Vu le jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 10 décembre 2020,

Vu les pièces produites aux débats,

– recevoir M. [G] [F] en son appel incident,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [G] [F] de sa demande de voir prononcer une amende civile à l’encontre des consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) pour action abusive et dilatoire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il débouté M. [G] [F] de sa demande de dommages intérêts au titre du préjudice moral qu’il a subi depuis plusieurs années,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les consorts [P] (M. [K] [F], Mme [A] [F], la société [P] Holding, la société [Adresse 11]) à payer à M. [G] [F], à titre personnel et en sa qualité d’héritier de son père M. [E] [F], un article 700 du Code de procédure civile minoré à hauteur de la somme de 7.500 €,

Statuant à nouveau,

– condamner solidairement M. [K] [F], Mme [A] [F] et les sociétés CDH et [Adresse 11] à verser à M. [G] [F], à titre personnel ainsi qu’en sa qualité d’héritier de son père [E] [F], la somme 3.000 euros d’amende civile,

– condamner solidairement M. [K] [F], Mme [A] [F] et les sociétés CDH et [Adresse 11] à verser à M. [G] [F], à titre personnel ainsi qu’en sa qualité d’héritier de son père [E] [F], la somme 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner solidairement M. [K] [F], Mme [A] [F] et les sociétés CDH et [Adresse 11] à verser à M. [G] [F], à titre personnel ainsi qu’en sa qualité d’héritier de son père [E] [F], la somme globale de 17.067,53 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile pour couvrir ses frais irrépétibles de 1ère instance,

En tout état de cause,

– débouter M. [K] [F], Mme [A] [F] et les sociétés CDH et [Adresse 11] de toutes demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement M. [K] [F], Mme [A] [F] et les sociétés CDH et [Adresse 11] à 6.500 euros d’article 700 pour leurs frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

M. [G] [F] soutient essentiellement :

– à titre liminaire, que les chefs du jugement critiqués ne figurant pas dans la déclaration d’appel sans qu’il soit établi qu’elle est supérieure à 4.080 caractères, aucun effet dévolutif ne peut être attaché à l’annexe jointe à la déclaration d’appel,

– que les demandes relatives aux intérêts, nouvelles en cause d’appel sont irrecevables,

– que la société CDH, tiers à la cession, est irrecevable à agir sur le fondement du dol, l’action étant ouverte aux seuls contractants, que les associés le sont aussi, la préemption qu’ils ont exercée découlant des seuls statuts,

– que c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné M. [K] [F] et Mme [A] [F] à payer la seconde partie du prix de cession et les intérêts courants sur cette somme, la préemption de la participation de MM. [E] et [G] [F] ayant été librement consentie et les cédants ayant respecté leur obligation de délivrance des actions cédées, actions d’ores et déjà revendue par les appelants,

– que les échanges oraux et écrits intervenus entre la société [T] et MM. [E] et [G] [F] étaient soumis à la confidentialité des affaires et n’ont pu être produits qu’après la procédure pénale en faisant état,

– que la société [T] a formulé une offre réelle d’achat des actions de [E] et [G] [F], bien que non définitive quant à son montant, légitimant ainsi la demande d’agrément, que sa volonté d’acquérir résulte du rapport sollicité auprès

de M. [I], tiers professionnel et de son exigence de se voir consentir une exclusivité sous forme d’un droit de préférence de 24 mois, étant précisé qu’elle a légitimement souhaité obtenir une décision d’agrément avant d’envisager dans un second temps de devenir actionnaire majoritaire,

– que la condition suspensive tenant à l’acquisition de la majorité n’emporte aucune conséquence quant aux exigences du déclenchement de la procédure d’agrément,

– que l’obligation légale d’information porte uniquement sur la notification de l’offre, et non sur l’offre elle-même, que cette notification doit contenir les éléments essentiels relatifs à la personne du candidat et non aux conditions de l’offre, que dès lors, les conditions du projet de cession n’avaient pas à être révélées, qu’il ne peut non plus être invoqué aucun manquement à l’obligation de bonne foi et de loyauté dans le cadre de la négociation précontractuelle, car le candidat repreneur des cédants était la société [T] et non les cessionnaires, avec lesquels aucun pourparler n’a eu lieu,

– que pour invoquer l’existence de manoeuvres dolosives, il convient de démontrer le caractère déterminant de la faute dans le consentement de celui qui s’en prétend victime, qu’en l’espèce, il n’est pas démontré que si la société CDH avait eu connaissance de la volonté de la société [T] d’acquérir la majorité des parts sociales, elle lui aurait accordé son agrément, que dès lors, suite au refus d’agréer la société [T] et faute de tiers acquéreur, la société [P] ou ses associés n’avaient pas d’autre choix que de se porter acquéreur des parts sociales, les cessionnaires n’ayant pas renoncé à leur projet,

– qu’après avoir préempté les actions, M. [K] [F] et Mme [A] [F] ont revendus au même prix la totalité de leurs actions, suite à une réduction du capital de la société, et ne justifient d’aucun préjudice,

– que selon la jurisprudence, lorsque le contractant victime d’un dol choisit de ne pas demander l’annulation du contrat, le seul préjudice dont il peut demander réparation réside dans la perte de chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, et qu’ici, il résulte de l’expertise qu’une cession à un prix plus avantageux que celui fixé par l’expert n’était envisageable pour aucune des parties,

– que M. [K] [F] et Mme [A] [F] devront être condamnés à régler une amende civile et à l’indemniser du préjudice moral qu’il a subi compte tenu de l’engagement de multiples procédures dilatoires et abusives.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 22 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’effet dévolutif

L’intimé fonde ses demandes relatives à l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel et à ses conséquences, exclusivement sur le fait que les chefs du jugement critiqués ne figurent pas dans la déclaration d’appel mais dans une annexe jointe, sans qu’il soit établi que la déclaration d’appel dépassait la taille maximale de 4.080 caractères, prévue dans la circulaire du 4 août 2017.

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Les parties se fondent l’une et l’autre sur l’article 901, 4° dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017 au terme duquel la déclaration d’appel est faite à peine de nullité par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, la déclaration d’appel ne contient pas, dans l’espace dédié, la précision des chefs de jugement critiqués. Il y est seulement mentionné : ‘Appel total tel que repris dans le cadre de la déclaration d’appel jointe en annexe et pièce jointe sur le jugement n°…”.

Est jointe à cette déclaration d’appel un document pdf intitulé ‘déclaration d’appel’, qui reprend les chefs du dispositif du jugement du 10 décembre 2020 qui sont critiqués.

Ainsi que l’indique l’appelante, il a été précisé dans l’annexe 1 de la circulaire de présentation des dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, datée du 4 août 2017, que dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4080 caractères, l’appelant peut joindre une pièce lui permettant de compléter la déclaration d’appel, afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. La notion ‘d’annexe’ de la déclaration d’appel apparaît aussi dans l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel.

Les appelants affirment que les chefs du jugement critiqués dépassent les 4080 caractères du RPVA. En tout état de cause, dès lors que la déclaration d’appel se réfère expressément à une annexe qui lui est jointe et a été transmise comme elle par voie électronique conformément à l’arrêté du 20 mai 2020, et que cette annexe contient bien les chefs de la décision expressément critiqués, l’appelante a satisfait aux prescriptions de l’article 562 du code de procédure civile, et la connaissance des chefs du jugement critiqués en est dévolue à la cour.

A titre surabondant, la cour rappelle aux parties que l’article 901 du code de procédure civile a été modifié par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 dont l’article 6 précise qu’il s’applique aux instances en cours et qu’il dispose désormais:

‘La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article’54 et par le cinquième alinéa de l’article’57, et à peine de nullité'(…)’ (le reste sans changement).

L’arrêté technique du 20’mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière

civile devant les cours d’appel a aussi été modifié par l’arrêté du 25’février 2022 et son article 4, qui est applicable aux instances en cours est rédigé comme suit :

‘Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.’

Ces nouvelles dispositions sont applicables aux déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré. Elles sont donc applicables en l’espèce.

Il en résulte que la déclaration d’appel peut comporter une annexe, adressépar RPVA au format pdf qui, à condition que la déclaration d’appel renvoie expressément à ce document et que ce document comporte les mentions prescrites par l’article 901 et en particulier les chefs du jugement expressément critiqués, dans l’hypothèse où ils ne figureraient pas dans la déclaration d’appel adressée par RPVA au format xml, doit être considéré comme faisant corps avec la déclaration d’appel, sans aucune autre restriction ou condition.

La présente déclaration d’appel renvoie expressément à une ‘annexe jointe’ et celle-ci, adressée par RPVA au format pdf comporte très précisément les chefs critiqués du jugement.

La cour est donc régulièrement saisie de l’appel formé par la société CDH, M. [K] [F] et Mme [A] [F].

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles portant sur les intérêts

Les consorts [E] et [G] [F] demandent à la cour de constater l’irrecevabilité des demandes nouvelles présentées en cause d’appel par les consorts [P] portant sur les intérêts.

Les appelants sollicitent sur ce point :

‘Supprimer l’intérêt au taux majorer exigé à compter de l’acte de cession, qui n’aurait eu lieu si [E] et [G] avaient été loyaux,

Condamner M. [G] [F] à rembourser à :

o M. [K] [P] les intérêts payés s’élevant à la somme de 64.006,42€,

o Mme [A] [P], les intérêts payés, s’élevant à la somme de 9.640,88 €’

Cette demande n’était pas formée en tant que telle devant le tribunal mais le tribunal était saisi des demandes suivantes :

– dire que les actes de cession d’action assignées le 15 février 2017 encourent la nullité pour dol,

En conséquence,

Ordonner la restitution de la somme de 283.500€ déjà versée et de ses accessoires, avec intérêt majoré à compter du versement initiale et condamner M [G] [F] au paiement de 283.500€ avec intérêts,

– condamner solidairement M. [G] [F], les sociétés [E] et [G] [F] et la société Ochidées Maisons de vin au paiement d’une somme de 500.000€ à M. [K] [F], Mme [F] et la société CDH et la société [Adresse 11] à titre de dommages et intérêts en réparation des agissements de concurrence déloyale et les manoeuvres dolosives engagées.’.

Dans leur motivation, les demandeurs évoquaient déjà le ‘rejet des intérêts de retard prohibitifs’

La demande de restitution de la somme de 283.500€ et ‘de ses accessoires’ incluait les intérêts payés par [K] et [A] [F] sur cette somme. La demande de remboursement des intérêts portant sur la seconde partie du prix, versée à la suite du jugement entrepris assorti de l’exécution provisoire se rattachaient en outre à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 500.000€ formée en première instance.

Par suite la demande de remboursement des intérêts à hauteur de 64.006,42€ et 9.640,88€ formée devant la cour ‘tend aux mêmes fins’ que celles soumises au premier juge au sens de l’article 565 du code de procédure civile et en est ‘l’accessoire ou le complément nécessaire’ au sens de l’article 566 du même code.

La demande d’irrecevabilité de cette demande sera rejetée.

Sur le défaut de qualité à agir

M. [G] [F] sollicite l’irrecevabilité de la déclaration d’appel relevée par Mme [A] [F], M. [K] [F] et la société CDH et de l’appel interjeté par la société CDH, pour défaut de qualité à agir sur le fondement des man’uvres dolosives, action réservée aux seuls contractants.

Les appelants visent expressément dans leurs écritures, les articles 1104, 1116 ancien du Code civil, 1137, 1240, 1347 et 1353 du Code civil.

Ils invoquent donc non seulement la responsabilité contractuelle de M. [G] [F] mais aussi sa responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil).

Les parts de M. [G] [F] ont été rachetées à la suite de la mise en oeuvre de la procédure d’agrément par M. [K] [F] et Mme [A] [F]. La société CDH est donc tierce à la cession. Le litige porte toutefois sur la procédure d’agrément et le rachat des parts détenues dans cette société. Il est en outre établi par le procès-verbal de délibération du 12 mai 2017 versé aux débats (pièce 11 produite par l’intimé) que l’assemblée générale extraordinaire de la société a décidé le 21 mars 2017 de réduire le capital de 1.106.794€ par voie de rachat des 1.106.794 appartenant à [A] [F] et [K] [F] à la suite de la préemption des actions de M.[G] [F].

La société CDH a dès lors qualité à agir sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, le bien fondé de son action supposant ensuite qu’elle démontre que M. [G] [F] a commis une faute lui ayant causé de manière directe un préjudice.

Par ailleurs, si la préemption effectuée par les actionnaires majoritaires est la suite de la procédure d’agrément prévue par les statuts, il est rappelé que les statuts constitués entre les associés ont un caractère contractuel, s’agissant d’un contrat de société et que la procédure d’agrément a abouti à une cession des droits sociaux qui est aussi un contrat.

En outre, la responsabilité pour dol peut être de nature délictuelle lorsque le dol a été commis avant la conclusion du contrat.

Les actionnaires majoritaires ont en conséquence qualité à agir à l’encontre de l’actionnaire minoritaire sur le fondement de manoeuvres dolosives ou d’une réticence dolosive qu’ils estiment avoir été commises par [E] et [G] [F], au stade du déclenchement de l’agrément puis de la préemption et de la cession des droits sociaux.

Sur le fond,

– sur la demande en paiement des actions formée par [G] [F]

La cour observe que si les appelants visent l’ensemble des chefs critiqués leur faisant grief concernant M. [G] [F] dans leur déclaration d’appel, ils ne demandent la réformation du jugement que du chef des intérêts sur les sommes au paiement desquelles ils ont été condamnées et du rejet de leurs demandes de dommages et intérêts formées sur le fondement des manoeuvres dolosives.

Ils indiquent demander, dans les motifs de leurs écritures (page 22) ‘le remboursement par M. [G] [F], de toutes les sommes reçues en exécution des condamnations prononcées à son profit et celui de son père sur la base de procédures tronquées et tous les produits des saisies partaiquées en exécution de l’acte de cession’, mais dans le dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour, ils ne réitèrent pas cette demande.

Notamment, ils ne sollicitent plus dans leurs dernières écritures la nullité des cessions d’actions de [E] et [G] [F] et ne critiquent pas non plus le jugement en ce qu’il a condamné Mme [A] [F] à verser à M. [G] [F] la somme de 37.141 € correspondant au solde du principal du prix de cession des 290.000 actions préemptées, et M. [K] [F] à lui verser, ès qualité d’héritier de M. [E] [F], et à titre personnel les sommes de 44.592 € et 97.721 € correspondant au solde du principal du prix de cession des autres actions préemptées.

Ces chefs du jugement, visés par les appelants dans leur déclaration d’appel mais non remis en cause dans le dispositif de leurs conclusions récapitulatives, doivent être confirmés.

– sur les demandes formées contre M. [G] [F]

Les appelants demandent à la cour de constater ‘l’existence de manoeuvres dolosives constitutives d’un abus de droit par Messieurs [E] et [G] [F], pour contraindre M. [K] [F] et Mme [A] [F] à racheter leurs actions’.

Ils reprochent à [G] [F] (et à son père [E] [F], depuis décédé), d’avoir mis en place un stratagème consistant à dissimuler l’offre intégrale de la société [T], uniquement pour déclencher la procédure d’agrément et permettre le rachat de leurs actions à un prix exhorbitant en omettant de signaler que cette offre avait pour objectif d’acquérir le contrôle de la société CDH et non une minorité. Ils estiment que [E] et [G] [F] ont commis des manoeuvres dolosives en construisant une demande d’agrément factice, fondée sur une offre artificielle sans prix et sans volonté d’acquisition, et en réitérant des manoeuvres pour faire croire que la société [T] achèterait leurs actions, telles que l’ajout d’une clause d’ajustement de prix inexistante et la dissimulation des informations essentielles que le cessionnaire aurait eu intérêt à connaître.

Il situent donc le dol qu’ils invoquent au stade du déclenchement de la procédure d’agrément, qui a eu lieu par la notification du projet de cession en date du 23 avril 2014. Il convient dès lors de faire application des dispositions du Code civil antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.

Au terme de l’article 1116 ancien du Code civil :

‘Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé’.

Il est en outre admis, y compris sous l’empire de ces dispositions que la preuve du dol permet non seulement de prononcer la nullité du contrat mais encore d’allouer une indemnité à la victime pour le préjudice subi, sur le fondement de la responsabilité soit contractuelle, soit délictuelle, si la faute dolosive est antérieure au contrat.

Au terme de l’article 12 des statuts de la société CDH,

‘1-Les actions sont librement négociables. (…)

2- Les cessions d’actions à titre gratuit ou onéreux au profit des ascendants, descendants ou conjoint d’un actionnaire, ainsi que les cessions entre actionnaires et les cessions d’actions aux personnes désignées en qualité de membres du conseil de surveillance dans la limite du nombre prévu à l’article 15 des statuts s’effectuent librement. (…)

‘- Toutes autres transmissions d’actions, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux (…) doivent, pour devenir définitives, être autorisées par le Conseil de surveillance.

A cet effet, l’actionnaire cédant notifie la cession projetée ou la mutation projetée à la société, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en indiquant les nom, prénom, adresse et nationalité du ou des cessionnaires proposés, le nombre d’actions dont la cession est envisagée, ainsi que le prix offert s’il s’agit d’une cession à titre onéreux, ou l’estimation du prix des actions en cas de donation.

Le conseil de surveillance doit statuer sur l’agrément solliciter et notifier sa décision au cédant par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les trois mois qui suivent la notification de la demande d’agrément. (…)

Si le ou les cessionnaires proposés sont agréés , le transfert est régularisé au profit du ou des cessionnaires proposées sur présentation des pièces justificatives, lesquelles devront être remises dans le mois qui suit la notification de la décision du conseil faute de quoi un nouvel agrément serait nécessaire.

En cas de refus d’agrément du ou des cessionnaires proposés, le cédant dispose d’un délai de 8 jours à compter de la notification du refus,pour faire connaître au conseil qu’il renonce à son projet.

Si le demandeur n’a pas renoncé expressément à son projet, le conseil est tenu dans le délai de quinze jours suivant sa décision de notifier aux autres actionnaires, individuellement et par lettre recommandée, le nombre d’actions à céder ainsi que le prix proposé.

Les actionnaires disposent d’un délai de quinze jours pour se porter acquéreurs des dites actions. (…).

A défaut d’accord, le prix des actions préemptées est déterminé par un expert conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du Code civil.

(…)’.

Les appelants se prévalent de trois courriers produits en première instance par l’intimé :

– un courrier du 5 mars 2014 adressé par M. [H] directeur général de la société [T] à M. [G] [F] dans lequel il est écrit :

‘La société [T] vous autorise à revendiquer une offre d’achat des 46,12 % de la société [P] dès lors que la société [T] n’est aucunement engagée sur l’achat ou la valorisation.

Les éléments comptables adressés ne permettent pas à eux seuls de valoriser le groupe et il n’est pas envisageable d’acquérir une minorité simple ne permettant pas le contrôle du groupe.

(…)

En retenant les premiers éléments transmis, la valorisation envisagée pourraît être de l’odre de 3.748 K€, (abattement de minorité de 30%, soit une valeur de 1740 K€ pour les 46,12% qui seraient cédés par [E] et [G] [F].

Mais en définitive, seuls les cédants sont responsables de la valorisation qu’ils présenteront à la société dans le cadre de la procédure d’agrément.

En l’état, [T] ne peut s’engager sur une valeur ou le principe de l’achat.

Nous vous autorisons à revendiquer une offre d’acquisition de vos actions de la SA [P] Holding par la société [T] pour metttre en oeuvre la procédure d’agrément statutaire, sous réserve de l’engagement d’exclusivité.

L’objectif de cette opération est de provoquer la cession du contrôle total de la société en provoquant la cession des actions du majoritaire.

[T] ne sera pas tenu d’acquérir.

(…)

En contrepartie de l’autorisation d’utilisation du nom [T] dans le cadre de la procédure d’agrément, vous vous engageriez à accorder un droit de préférence en cas de cessions de vos actions’.

– un courrier adressé par [E] et [G] [F] le 1er avril 2014 à la société [T] indiquant notamment :

‘Nous comprenons cette offre comme nous étant faite sous la double condition suspensive :

– que l’audit d’acquisition que la société devra vous permettre de réaliser, ne révèle aucun fait ou évènement de nature économique, juridique, fiscal, social ou financier susceptible d’affecter de façon négative l’activité de la société et par suite la valeur de ses actions,

– que les actionnaires majoritaires de la société consentent à la cession des 2.586.412 actions leur appartenant au sein de la société.

Nous comprenons parfaitement le sens de ces réserves et en acceptons pleinement la portée. Ce faisant nous notifierons à la société Votre offre d’acquisition tout en précisant que cette offre nous est faite sous la première des deux conditions suspensives susvisées.

En revanche, il est entendu que nous n’indiquerons pas à la société que cette offre nous est également faite sous la seconde condition suspensive susvisée, laquelle présupposerait que vous adressiez pareille offre d’acquisition aux actionnaires majoritaires de la société, ce qui, d’emblée, ruinerait toute chance de voir cette opération menée à son terme.

Aussi, nous vous demandons de prendre l’engagement expresse à notre égard de demeurer muet sur l’existence de cette seconde condition. (…) »

– un courrier du 7 avril 2014, dans lequel le directeur général de la société [T] indique à [G] [F]:

‘Si [T] est pleinement disposée à ce que vous puissiez vous prévaloir d’une offre de sa part pour mettre en oeuvre la procédure d’agrément, il doit être rappelé que, in fine :

– [T] vous autoriser à vous prévaloir d’une offre mais sans engagement d’acquisition, ceci avec l’unique dessein de déclencher la procédure d’agrément

– [T] a pour objectif d’acquérir le contrôle de la société [P] et pas une minorité,

– [T] ne peut en l’état s’engager sur une valeur, laquelle sera fixée au terme des audits à mener si la procédure d’agrément devait déclencher la vente d’un bloc de contrôle,

– [T] est bien évidemment consciente que ces éléments doivent demeurer secrets et notamment vis à vis du groupe d’actionnaires majoritaires de la société [P].

Je vous précise qu’en l’état le Conseil d’administration de la société [T] n’a pas pu statuer sur ce projet, compte tenu des opérations en cours’.

– sur le moyen tiré d’une offre artificielle sans prix et sans volonté d’acquisition,

La question de l’absence de prix a déjà été tranchée de manière irrévocable, en dernier lieu par la Cour de cassation le 11 janvier 2017 et il n’y a pas lieu de statuer à nouveau sur ce point.

L’article 12 des statuts se réfère à un ‘projet de cession’ et à une ‘cession envisagée’. Il n’est pas stipulé l’exigence d’une offre d’acquisition ferme, faite aux actionnaires cédants. Cette offre doit toutefois exister et avoir une certaine consistance.

Tout en indiquant dans ses deux courriers des 5 mars et 7 avril 2014, ne pas s’engager sur une valeur ou le principe de l’achat des parts de [E] et [G] [F], la société [T] autorise néanmoins clairement M. [G] [F] à se prévaloir d’une offre, en exprimant elle-même un chiffrage du prix envisagé même s’il n’est pas définitif, et elle confirme expressément à Mme [A] [F], par courrier du 20 mai 2014 qu’elle a ‘effectivement formé auprès de Messieurs [E] et [G] [F] une offre d’acquisition de leur participation au sein de la société CDH’. Dans ses conclusions devant le tribunal, la société [Adresse 12] ([T]) a aussi indiqué qu’elle avait la volonté d’acquérir, sous condition d’audit et de discussions plus globale sur la situation capitalistique de la société CDH par le biais d’une acquisition majoritaire. Elle a d’ailleurs mandaté un professionnel M. [I] pour établir un rapport de présentation du groupe [P] et a en outre demandé à [G] [F], en contrepartie de l’utilisation de son nom de s’engager à lui accorder un droit de préférence en cas de cessions de vos actions.

Aussi, s’il est certain, au vu de ces courriers, que ce qui intéressait la société [T] était la prise de contrôle du groupe et non l’acquisition d’une minorité, il n’en résulte pas pour autant qu’elle ne voulait pas acquérir les actions de [E] et [G] [F] mais seulement, qu’elle voulait le contrôle et donc, souhaitait en acquérir d’autres, lui permettant d’être majoritaire.

Il est donc très plausible, ainsi que l’a retenu le tribunal de commerce, que la société [T] ait eu la volonté, en premier lieu, d’être agréée en tant que nouvel actionnaire puis de pouvoir entrer en discussion avec l’actionnaire majoritaire pour discuter de l’intérêt économique d’une prise de contrôle majoritaire, ce qui explique qu’elle ait accepté que [G] [F] se prévale d’une offre ‘dans l’unique dessein de déclencher la procédure d’agrément’ avec comme objectif, ‘provoquer la cession du contrôle total de la société’.

En outre, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Tours, saisi d’une plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux contre [E] et [G] [F], a rendu le 16 juillet 2019 une ordonnance de non-lieu en indiquant qu’il ne ressortait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les infractions de faux et usage de faux et que rien ne permettait de pouvoir considérer la signification du projet de cession comme un faux, les mis en cause ayant signifié un document qui n’est pas un faux et mis en oeuvre un mécanisme légal et contractuel prévu et non contesté. S’il n’y a pas identité entre la faute pénale de faux ou usage de faux, et la faute civile invoquée dans la présente instance, il ressort

néanmoins de cette décision qu’aucun faux intellectuel n’a été retenu concernant la signification de l’offre émanant de la société [T], à laquelle [E] et [G] [F] ont procédé le 23 avril 2014.

Il n’est dès lors pas établi que la société [T] n’avait aucune volonté d’acquisition des parts de [G] et [E] [F], que l’offre de rachat était fictive ou artificielle, et que la demande d’agrément adressée par ces derniers à la société CDH était purement factice.

– sur la réitération de manoeuvres par [E] et [G] [F] pour faire croire que la société [T] achèterait leurs actions

Les appelants reprochent à M. [G] [F] et de son vivant, à [E] [F] d’avoir commis des ‘manoeuvres réitérées pour faire croire que la société [T] achèterait leurs actions, telles que l’ajout d’une clause d’ajustement de prix et la dissimulation d’informations essentielles que le cessionnaire aurait eu intérêt à connaître.’

S’agissant de la clause d’ajustement de prix, ils produisent une lettre recommandée du 3 juin 2014 par laquelle [E] et [G] [F] indiquent à la société [P] Holding que le prix notifié d’1.740.000€ a été établi sur la base des capitaux propres de la société CDH tels qu’arrêtés au bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2012 et que le prix défnitif correspondrait au prix provisoire augmenté ou réduit d’un montant égal à la variation, à la hausse comme à la baisse, du montant des capitaux propres de la société entre celui figurant aux comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2012 et celui figurant à la situation comptable intermédiaire telle qu’arrêtée contradictoirement entre les parties à la date de réalisation de la cession.

Il n’est toutefois pas établi que ces modalités d’ajustement du prix ainsi précisées soit inexistantes alors qu’il ressort du courrier de la société [T] du 5 mars 2014 que le prix proposé de 1.740.000€ était effectivement une valorisation proposée à partie des capitaux propres de la société CDH mais devrait être affinée par la suite. Aucune manoeuvre dolosive ne peut être retenue à ce titre.

En revanche, il ressort du courrier du 1er avril 2014 qu’ils ont dissimulé volontairement le fait que la société [T] ne voulait pas acquérir une minorité mais la majorité et lui ont en outre demandé expressément de s’engager à garder secrète cette intention.

M. [G] [F] prétend que cet élément n’est pas déterminant du consentement de la société CDH et de [K] et [A] [F] puisque la cession des actions découle d’un refus d’agrément de la société [T] et qu’ils ont toujours affirmé dans leurs écritures qu’ils n’auraient pas agréé cette société, la préemption découlant ensuite directement du refus d’agrément.

Le tribunal a également considéré que la question du dol se serait posée seulement si la méconnaissance de l’intention de la société [T] d’acquérir une majorité avait conduit le directoire de la société CDH à prendre une décision différente de celle qu’elle a prise sans connaître cette intention.

Si l’intention de la société [T] de prendre le contrôle avait été portée à la connaissance des associés majoritaires, il ne ressort d’aucun élément que [E] et [G] [F] auraient renoncé à notifier le projet de cession, étant rappelé que des discussions amiables avaient eu lieu dans le passé pour permettre une cession de leurs actions aux actionnaires majoritaires, qui n’avaient pas abouti.

Par suite, la procédure d’agrément aurait été déclenchée et ainsi que l’indiquent les premiers juges, la société CDH aurait en tout état de cause dû décider, soit d’agréer la société [T], soit de refuser l’agrément, étant précisé qu’en cas de refus, elle ou les actionnaires majoritaires auraient été contraints de préempter, ce qui aurait déclenché, en cas de refus du prix mentionné dans la notification de l’offre, la procédure d’expertise fondée sur l’article 1843-4 du Code civil.

Le groupe [P] est un groupe familial et constituait depuis plusieurs années, l’outil de travail direct de M. [K] [F] et il ne ressort d’aucune pièce que ce dernier et sa tante aient eu la volonté, courant 2014, de sortir de la société, étant rappelé, qu’alors que la société [T] les a informés, par courrier du 20 mai 2014, qu’elle était disposée à ‘échanger sur la situation capitalistique du groupe [P]’ et sur un éventuel partenariat entre leurs deux sociétés, ils n’ont aucunement donné suite à cette proposition.

Il ne peut toutefois être totalement exclu, ainsi que [K] et [A] [F] le prétendent dans leurs écritures, que s’ils avaient eu connaissance de la volonté de la société [T] d’acquérir la majorité du capital de la société CDH, notamment si cette information leur avait été donnée avant la signification du projet de cession, ils auraient ‘eu égard au prix offert supérieur à plus d’1 million d’euros de la valeur réelle, pu céder aux mêmes conditions’. Par suite, la procédure d’agrément n’aurait plus eu de raison d’être puisqu’ils n’auraient plus été actionnaires majoritaires.

Il ressort du courrier du 1er avril 2014 que c’est manifestement ce que craignaient [E] et [G] [F] puisqu’ils indiquent : ‘nous n’indiquerons pas à la société que cette offre nous est également faite sous la seconde condition suspensive susvisée, laquelle pré-supposerait que vous adressiez pareille offre d’acquisition aux actionnaires majoritaires de la société, ce qui, d’emblée, ruinerait toute chance de voir cette opération menée à son terme’.

M. [G] [F] ne peut contester la réticence dolosive qui lui est reprochée en se retranchant la confidentialité des affaires. Il résulte en effet de ce courrier du 1er avril 2014 que ce n’est pas la société [T] qui a souhaité garder son intention secrète, mais [E] et [G] [F] eux-mêmes, ces derniers craignant même que cette

société fasse la même offre aux actionnaires majoritaires. M. [G] ne peut donc se retrancher sur la confidentialité des affaires sur ce point.

Il est exact, ainsi que le tribunal le relève, d’une part que le détail des conditions suspensives de l’offre de la société [T] ne fait pas partie, selon les statuts, des informations devant être transmises pour déclencher la demande d’agrément, d’autre part que les statuts et l’article L228-24 du Code de commerce ne définissent pas les caractéristiques d’une offre ‘acceptable’.

Pour autant, il appartenait aux actionnaires cédants d’être loyaux dans les éléments communiqués à la société CDH pour le déclenchement de la procédure d’agrément.

En dissimulant volontairement le fait que la société [T] ne voulait pas acquérir une minorité mais la majorité et surtout en demandant à cette dernière de garder secrète cette intention, [E] et [G] [F] ont déclenché la procédure d’agrément en cachant un élément déterminant concernant l’avenir de la société et des associés majoritaires.

Ils ont donc commis une réticence dolosive et ont abusé de leur droit tiré de l’article 12 des statuts de déclencher la procédure d’agrément, ce droit n’ayant pas été mis en oeuvre de manière totalement loyale et transparente, peu important qu’il n’y ait pas eu de véritables pourparlers ou de négociation précontractuelle entre les parties, la cession découlant du refus d’agrément prévu par les statuts.

Cet élément est de nature à engager leur responsabilité délictuelle, s’agissant d’un fait antérieur à la cession des actions proprement dite, si l’existence d’un préjudice résultant directement de cette réticence dolosive est établie.

– sur le préjudice et le lien de causalité

Les appelants soutiennent que si [E] et [G] n’avaient pas dissimulé la réelle intention de la société [T] d’une prise de contrôle majoritaire, ils n’auraient pas diligenté de procédures et le prix des actions n’aurait pas été assorti d’intérêts de retard. Ils se prévalent aussi d’un préjudice moral ainsi que d’un préjudice par ricochet sur l’activité des sociétés. Ils réclament le remboursement des intérêts de retard et de l’ensemble des frais de procédure qu’ils ont exposés pour faire valoir leurs droits et ceux qui leur ont été facturés, notamment lors des procédures de saisies conservatoires et/ou attributives.

Il ressort de l’évolution du chiffre d’affaires de la société CDH attestée par son expert comptable le 31 janvier 2019 que le chiffre d’affaires ne baisse pas seulement depuis 2014 mais, en réalité depuis 2005 et ce, de manière constante. S’il est certain que le suivi des procédures judiciaires que les appelants ont fait le choix d’ordonner a entraîné des frais et mobilisé des énergies, ils ne démontrent pas l’existence d’un lien de causalité entre la baisse du chiffre d’affaires de la société et la dissimulation reprochée à [E] et [G] [F] commise à partir d’avril 2014.

Par ailleurs, ils ne chiffrent pas dans le dispositif de leurs conclusions le remboursement des frais de procédure qu’ils réclament.

En outre, ainsi qu’il a été dit, si M. [E] [F] et M. [G] [F] avaient été transparents sur ce qu’ils appelaient la ‘seconde condition suspensive’, lors de la notification du projet de cession, il n’est pas établi que la procédure d’agrément n’aurait pas pour autant été déclenchée.

La société CDH et les associés majoritaires auraient donc dû, pour y faire échec, mettre en oeuvre, une ou plusieurs procédures judiciaires, en soulevant le cas échéant, non seulement la question du prix ainsi qu’ils l’ont fait, mais un argument supplémentaire tiré de la dissimulation reprochée à [E] et [G] [F]. Rien n’indique qu’en cas d’échec, ils auraient accepté de payer le prix sans devoir régler des intérêts de retard.

En conséquence, le préjudice indemnisable subi par [K] et [A] [F] en réparation de la dissimulation dolosive commise par [E] et [G] [F] ne peut s’analyser dans le remboursement des frais de procédure et intérêts de retard exposés.

Il ne pourrait consister que dans la perte de chance d’avoir pu éviter que la procédure d’agrément soit mise en oeuvre et conduise au rachat par eux des parts de [E] et [G] [F], soit parce que la société [T] leur aurait directement proposé le rachat de leurs actions, ce qu’ils auraient accepté, la procédure d’agrément n’ayant ensuite plus de raison d’être puisqu’ils n’auraient plus été actionnaires majoritaires, soit parce qu’ils auraient obtenu en justice grâce à ce nouvel élément la caducité ou l’annulation de la notification du projet de cession voire de l’acte de cession.

En tout état de cause, alors que l’intimé rappelle expressément la jurisprudence de la Cour de cassation (com 10 juillet 2012, pourvoi n° 11-21954) selon laquelle, quand la nullité de l’acte de cession n’est pas demandée en raison du dol invoqué, le préjudice réparable correspond uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, les appelants ne demandent à aucun moment de leurs conclusions, y compris lorsqu’ils motivent leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 300.000€, la réparation d’un préjudice de perte de chance.

Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette question étant seulement rappelé à titre surabondant que le prix a été évalué à dire d’expert ce qui aurait aussi été le cas si la société CDH avait eu connaissance de la dissimulation susvisée et avait refusé l’agrément de la société [T].

Les demandes de dommages et intérêts à hauteur de 300.000€, de suppression du taux d’intérêt majoré et de remboursement des intérêts de retard réglés et des frais de procédure exposés et facturés.

En revanche, la déloyauté de [E] et [G] [F] a nécessairement causé à [K] et [A] [F] un préjudice moral, indépendamment de celui plus large qu’ils allèguent avoir subi au titre de l’ensemble des conflits familiaux. Mme [A] [F] en justifie par la production d’un certificat médical. Il leur sera alloué à ce titre la somme de 15.000€ et la compensation entre les créances exigibles et réciproques des parties sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Ainsi qu’il a été dit M. [G] [F] et de son vivant, M. [E] [F] n’ont pas fait preuve d’une totale transparence et de loyauté à l’égard des appelants. Il n’est dès lors aucunement établi que la procédure engagée par la société CDH et [K] et [A] [F] l’aient été de manière dilatoire et abusive. Le jugement sera confirmé pour ces motifs en ce qu’il a rejeté les demandes d’amende civile et de dommages et intérêts.

Au total, chacune des parties obtient pour partie gain de cause dans leurs demandes. En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, de dire que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés en première instance et en appel et de ne pas faire application des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes

Au regard de la réticence dolosive retenue à l’encontre de M. [G] [F], personnellement et en tant qu’héritier de son père [E] [F], à l’égard des appelants, et même si ces derniers succombent pour partie en leurs demandes, il n’est aucunement établi que la procédure engagée par la société CDH et [K] et [A] [F] l’aient été de manière dilatoire et abusive. Le jugement sera confirmé pour ces motifs en ce qu’il a rejeté les demandes d’amende civile et de dommages et intérêts.

Au total, chacune des parties obtient pour partie gain de cause dans leurs demandes. En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, de dire que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés en première instance et en appel et de ne pas faire application des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Dit que la cour est régulièrement saisie de l’appel formé par la société [P] holding, M. [K] [F] et Mme [A] [F] ;

– Rejette la demande formée par M. [G] [F], tendant à constater l’irrecevabilité des demandes nouvelles présentées en cause d’appel par les consorts [P] portant sur les intérêts ;

– Rejette la demande d’irrecevabilité de la déclaration d’appel et de l’appel formées par M. [G] [F] pour défaut de qualité à agir ;

– Infirme le jugement déféré en :

* ce qu’il a refusé de retenir l’existence de manoeuvres dolosives engagées par [E] et [G] [F],

* ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée M. [K] [F] et Mme [A] [F] à l’encontre de M. [G] [F] en réparation du préjudice moral

* ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles ;

Statuant sur les seuls chefs infirmés,

– Condamne M. [G] [F] à verser à M. [K] [F] et Mme [A] [F] (pris ensemble) la somme de 15.000€ en réparation du préjudice moral causé par la réticence dolosive commise par [E] et [G] [F] ;

– Rejette les autres demandes formées par la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] à l’encontre de M. [G] [F] ;

– Dit y avoir lieu à compensation entre les créances exigibles et réciproques respectives des parties ;

– Rejette les demandes formées par la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] d’une part, M. [G] [F] d’autre part, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] d’une part, M. [G] [F] d’autre part, conserveront la charge des dépens qu’ils ont exposés;

– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

– Déboute la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] de toutes leurs autres demandes ;

– Rejette les demandes formées par la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] d’une part, M. [G] [F] d’autre part, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que la société [P] holding et M. [K] [F] et Mme [A] [F] d’une part, M. [G] [F] d’autre part, conserveront la charge des dépens qu’ils ont exposés.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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