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Numérisation : 10 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/00408

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Numérisation : 10 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/00408

10/06/2022

ARRÊT N°2022/261

N° RG 20/00408 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NN4A

AB-AR

Décision déférée du 17 Décembre 2015 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (F14/01155)

[X]

[Y] [T]

C/

Association CGEA FAILLITE TRANS

Société SFS EUROPE

[I] [K]

INFIRMATION PARTIELLE

grosse notifiée le 10 06 22

à Me Yves CARMONA

Me Pascal SAINT GENIEST

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [Y] [T]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yves CARMONA de la SELARL CABINET D’AVOCATCARMONA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

SA SECURITIES & FINANCIAL SOLUTIONS EUROPE – SFS (enregistrée en faillite sur les registres Luxembourgeois)

INTERVENANTS FORCES

Maître [I] [K] ès qualités de curateur de la SA SECURITIES & FINANCIAL SOLUTIONS EUROPE – SFS

[Adresse 5]

non représententé

UNEDIC délégation AGS CGEA Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [R] [B], domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l’AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant Mme A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE fait connaître son avis.

ARRÊT :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

La société SFS (securities financial solutions) Europe est une société luxembourgeoise spécialisée dans le courtage en assurance, et particulièrement en assurance construction.

Mme [Y] [T] a été initialement embauchée par la société SFS à compter du 16 septembre 2006 en qualité de secrétaire polyvalente suivant contrat de travail à durée déterminée de trois mois.

La relation contractuelle s’est transformée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2007.

Par la suite, Mme [Y] [T] a occupé le poste d’assistante de direction, puis le poste de responsable de service de gestion à compter du 3 janvier 2011.

Par avenant du 1er octobre 2011, Mme [T] a été promue directrice des opérations, statut collaborateur cadre, classe E de la convention collective des entreprises de courtage d’assurance ou de réassurance.

La direction a décidé de délocaliser le service de Mme [T] au Vietnam avec expatriation et création d’une filiale dont Mme [T] allait devenir la directrice.

Mme [T] a accepté ce poste.

Par avenant du 30 septembre 2011, Mme [T] a bénéficié du statut cadre expatrié avec un salaire de 5 833 € mensuel.

Mme [T] est partie au Vietnam le 30 octobre 2011.

La salariée a dû rentrer du Vietnam au bout d’une semaine, la filiale n’ayant même pas été immatriculée dans ce pays, et les personnes recrutées sur place n’ayant aucune expérience en matière d’assurance.

Par avenant du 25 novembre 2011, la salariée a bénéficié du poste de directrice des opérations avec des missions redéfinies depuis la France, et un salaire revu à la baisse à 4500 € sur 13 mois. Son rôle était d’assurer l’encadrement de l’équipe en place au sein du service de gestion dans la société SFS France à [Localité 4] et l’encadrement de l’équipe de management au Vietnam.

Après une réunion du 13 avril 2012, la société SFS Europe a demandé à Mme [T] de restituer son véhicule, son ordinateur et son téléphone.

C’est dans ces conditions que Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire le 10 juillet 2012 fixé le 18 juillet suivant.

Mme [T] a été licenciée par lettre du 2 août 2012 pour ‘manquements à vos obligations professionnelles et votre insuffisance professionnelle’.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de la contestation de son licenciement le 2 mai 2014.

Par jugement du 17 décembre 2015, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

-dit et jugé que le licenciement de Mme [T] reposait sur une cause réelle et sérieuse, et qu’il n’est revêtu d’aucun aspect vexatoire,

– a débouté Mme [T] de l’ensemble de ses demandes,

– a débouté la société SFS de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge de la partie qui succombe.

Mme [T] a relevé appel de ce jugement le 12 janvier 2016 dans des conditions de régularité non discutées.

La société SFS Europe a été placée en faillite au Luxembourg et Me [K] désigné curateur de la société selon le droit Luxembourgeois.

Par courrier du 19 mars 2019, le conseil de Mme [T] a communiqué un jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 26 février 2019 qui mentionnait toujours l’inscription au Kbis de la société Securities & Financial Solutions Europe.

Suivant courrier du 20 mars 2019, l’ancien conseil de la SA Securities & Financial Solutions -Me Sorel, qui n’a plus mandat pour intervenir- a informé la cour du fait que cette société est de droit Luxembourgeois et que le liquidateur localement appelé curateur n’avait pas effectué les démarches auprès du registre du commerce et des sociétés de Paris, ayant pour conséquence un maintien erroné du statut de société active, alors que cette société est inscrite en faillite sur les registres Luxembourgeois.

Par signification remise à personne habilitée le 3 mai 2019, Mme [T] a assigné Me [K], ès qualités de curateur de la SA Securities & Financial solutions Europe, aux fins d’intervention forcée.

Suivant assignation aux fins d’intervention forcée du 30 octobre 2020, la déclaration d’appel et les conclusions de Mme [T] ont été signifiées à l’AGS, avec remise de l’acte à l’étude d’huissier.

Suivant acte d’huissier de justice du 26 novembre 2020, il a été signifié à l’étude de Me [K] la déclaration d’appel, et les conclusions avec assignation aux fins d’intervention forcée, à la requête de Mme [T].

Suivant acte d’huissier de justice du 16 avril 2021 à la requête de Mme [T], il a été de nouveau signifié à l’étude à Me [K] la déclaration d’appel, et les conclusions avec assignation aux fins d’intervention forcée, pour l’audience du 2 juillet 2021.

Par acte d’huissier de justice du 15 avril 2021 à la requête de Mme [T], remis à personne habilitée, il a été signifié au CGEA les conclusions et sa convocation à l’audience du 2 juillet 2021.

A cette date, le CGEA de Toulouse a sollicité un renvoi pour conclure.

L’affaire a été renvoyée à la mise en état, puis a de nouveau été fixée au 21 avril 2022.

Par conclusions visées au greffe le 23 décembre 2021 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, Mme [T] demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris dans son intégralité,

-dire à titre principal qu’elle a fait l’objet d’un licenciement sans cause,

-dire et juger que le licenciement s’est déroulé dans des conditions vexatoires,

-condamner la société SFS Europe prise en la personne de Me [K] au paiement des sommes suivantes :

*41 000 € pour licenciement sans cause,

*5 000 € pour licenciement vexatoire,

*3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déclarer cette décision opposable aux AGS.

Par conclusions visées au greffe le 13 juillet 2021 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Toulouse demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de :

– dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253 ‘ 18 ‘ 1 et suivants, L 3253-19, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que le plafond applicable s’entend pour les salariés toutes sommes et créances avancées confondues et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale ou d’origine conventionnelle imposée par la loi,

– dire et juger que doivent également être prises en compte les dispositions du règlement 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20/05/2015 relatif aux procédures d’insolvabilité,

– dire et juger que la somme de 3 000 € réclamée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est exclue de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas remplies,

En tout état de cause,

– dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

– statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

Mme [T] a fait citer Me [K], ès qualités de curateur de la SA Securities & Financial solutions Europe, par acte d’huissier du 26 janvier 2022 remis à personne habilitée, pour l’audience du 21 avril 2022.

Celui-ci n’a pas constitué avocat ni conclu.

La présente décision sera réputée contradictoire par application des dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement.

Cette énonciation du ou des motifs de licenciement doit être suffisamment précise, pour que la réalité puisse en être vérifiée.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail.

L’insuffisance professionnelle consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle, sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence d’une négligence ou d’une mauvaise volonté de sa part.

Pour caractériser une cause de licenciement, l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur doit reposer sur des éléments concrets et avoir des répercussions négatives sur la bonne marche de l’entreprise. Elle doit être appréciée en fonction d’un ensemble de données, telles que la qualification du salarié lors de l’embauche, les conditions de travail, l’ancienneté dans le poste, la formation professionnelle reçue.

En l’espèce, la lettre de licenciement produite aux débats comporte trois pages au fil desquelles il est reproché à Mme [T] plusieurs griefs de nature disciplinaire et tenant à l’insuffisance professionnelle :

– “absence totale de lisibilité sur la gestion quantitative et qualitative des dossiers dommage ouvrage”

– ” au cours d’une visite au sein de l’agence de [Localité 3] en date des 25 et 26 avril 2012 il nous a été rapporté par les trois collaborateurs que votre comportement n’était pas celui normalement attendu de la part d’une directrice de service ; dès votre arrivée vous avez tenu de propos déplacés à l’égard de certains membres de la direction du groupe”.

– un grief lié aux sessions de formation que la salariée aurait dû organiser,

-un défaut de management,

– des erreurs et négligences dans certains dossiers.

La salariée explique les conditions dans lesquelles elle a été amenée à travailler : réorganisation de l’activité en 2010, après son congé maternité, avec rapatriement de tous les dossiers DO au siège de la société et surcharge de travail de Mme [T], recrutements insuffisants pour faire face à cette surcharge (trois personnes pour gérer 2500 dossiers) alors que des missions lui étaient ajoutées, service informatique inadapté, recrutements dans l’urgence de personnes sans formation adéquate, délocalisation de l’activité au Vietnam sans préparation et recrutement de personnes sans formation autre que la langue française.

Elle explique avoir alerté à plusieurs reprises la direction sur la nécessité de recruter du personnel pour faire face à la charge de travail, et illustre ses propos d’un mail du 25 août 2010 par lequel elle exposait à la direction ses difficultés depuis son retour de congé maternité : refus de formation, changement de missions, retrait des tâches d’assistante de direction en limitant son périmètre à la gestion de dossiers dommages ouvrage.

Par mails du 25 novembre 2010, puis du 1er avril 2011, elle expose la surcharge de son service par manque de personnel, et alerte sur la nécessité d’embaucher pour éviter de ‘prendre un retard irrécupérable’.

Il lui est annoncé par retour de mail le recrutement de dix personnes, de sorte que ses doléances sont reconnues fondées par l’employeur.

Dans un mail du 13 juillet 2011, elle expose à l’employeur les difficultés persistantes malgré le recrutement de 5 personnes en contrat à durée indéterminée : délais de numérisation des dossiers trop importants, manque d’outils informatiques et problèmes d’accès à ceux-ci.

L’entreprise a effectivement poursuivi le recrutement de personnel en mars et septembre 2011, mais, selon Mme [T], sans plan d’ensemble et sans formation adéquate.

Les échanges de mails postérieurs démontrent la persistance de grosses difficultés de gestion auxquelles aucune solution correcte n’est véritablement apportée par la direction.

Face au stress généré par cette situation, tous les membres de l’équipe de Mme [T] ont formulé une demande de rupture conventionnelle acceptée par l’employeur.

Mme [T] produit ensuite les éléments relatifs à son expatriation au Vietnam le 30 octobre 2011, effectuée par l’employeur avec précipitation et dans des conditions matérielles désastreuses, alors que la société Vietnamienne était encore inexistante; il est établi qu’en raison de l’impréparation de cette expatriation par l’employeur, la salariée a dû revenir au bout d’une semaine en proposant de piloter l’équipe vietnamienne depuis la France, ce qui a conduit les parties à signer un nouvel avenant au contrat de travail du 25 novembre 2011 avec baisse de salaire.

Mme [T] produit également les éléments sur ses difficultés ultérieures, notamment par ses mails du 22 mars 2012 et du 5 décembre 2012. Les échanges entre l’employeur et l’équipe du Vietnam, à laquelle est associée Mme [T], montrent l’ampleur des difficultés face à la charge colossale de travail et l’absence de formation correcte des salariés vietnamiens.

Le contexte dans lequel est intervenu le licenciement révèle donc les difficultés dans lesquelles a été placée la salariée à compter de 2010, à son retour de congé maternité, alors qu’elle donnait satisfaction depuis quatre ans.

Sur les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement :

-Mme [T] conteste le manque de lisibilité sur la gestion quantitative et qualitative des dossiers car elle produisait mensuellement un rapport d’activité,

-elle conteste le défaut de management et indique au contraire avoir fait le maximum pour soutenir les équipes, d’abord insuffisantes en nombre de salariés, puis insuffisantes en compétences faute de formation,

-elle conteste avoir tenu des propos déplacés les 25 et 26 avril 2012 et indique qu’en tout état de cause ces faits sont prescrits, ce qui est exact puisque l’employeur n’a engagé la procédure de licenciement que le 10 juillet 2012, soit plus de deux mois après les faits,

-sur les sessions de formation, la salariée indique qu’elle n’était nullement préparée à ces missions, et l’employeur ne justifie d’aucun moyen fourni à la salariée pour y satisfaire alors que ses tâches contractuelles n’étaient pas celles d’un formateur,

-elle explique les retards dans les dossiers par le contexte décrit précédemment.

L’employeur, qui supporte la charge de la preuve sur l’insuffisance professionnelle ayant servi de fondement au licenciement, ne produit strictement aucun élément face aux éléments apportés par la salariée pour démontrer ses compétences, le contexte de travail, et démentir toute insuffisance.

Dans ces conditions, la cour estime que le licenciement de Mme [T] est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en ce sens, et ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [T] au titre de la rupture.

Mme [T] est fondée à obtenir indemnisation de son préjudice issu de la rupture sur le fondement des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, étant précisé qu’elle avait acquis 5ans et 11 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise employant plus de 10 salariés.

Elle percevait en dernier lieu une rémunération de 4 875 € bruts par mois.

Elle justifie être restée sans emploi du mois d’août 2012 jusqu’en janvier 2015, puis avoir retrouvé un emploi aux Hôpitaux de [Localité 4].

Au regard de ces éléments il lui sera alloué la somme de 39 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme sera fixée au passif de la procédure collective de la société SFS Europe.

Sur le caractère vexatoire du licenciement

Mme [T] demande des dommages-intérêts à hauteur de 3 000 € mais n’argumente pas spécialement sur ce point. A défaut de démonstration du caractère vexatoire du licenciement, la demande sera rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur l’opposabilité au le CGEA de Toulouse

Le CGEA de Toulouse demande que soient prises en compte les dispositions du règlement 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20/05/2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, selon lesquelles lorsqu’une procédure d’insolvabilité est ouverte à l’égard d’un employeur dont le siège social est situé dans un état membre de la Communauté européenne devenue l’Union européenne, la garantie de l’AGS en faveur des salariés qui exercent leur activité sur le territoire français est délimitée par les articles L3253-18-1 et suivants du code du travail.

En l’espèce, la société employeur a son siège au Luxembourg, membre de l’Union européenne, et Mme [T] a exercé son activité en France. Ces dispositions sont donc applicables, lesquelles prévoient notamment la subsidiarité de l’intervention de l’AGS uniquement lorsque les créances ne peuvent être réglées sur les fonds disponibles.

L’article L3253-18-4 prévoit en particulier que les fonds sont versés par l’AGS sur présentation par le syndic étranger ou par toute autre personne exerçant une fonction similaire à celle du mandataire judiciaire, de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur, des relevés de créances impayées.

Ainsi, il appartiendra à l’AGS de régler à Mme [T] les sommes dues au titre de sa garantie sur présentation du relevé de créances impayées par Me [K], curateur de la société SFS Europe dans le cadre de la procédure de faillite.

Le CGEA de Toulouse expose également que cette procédure d’insolvabilité ouverte dans un pays de l’Union européenne et réglementée par le règlement européen UE 2015/848, ne peut bénéficier aux sociétés d’assurance, conformément à l’article 1er de ce texte.

Or la société SFS Europe n’est pas une société d’assurance, mais de courtage en assurance ; elle n’est qu’un intermédiaire et ne fournit pas la garantie d’un assureur à ses clients. Il n’y a donc aucune cause d’exclusion de ces dispositions.

Par ailleurs le règlement UE 2015/848 a fait l’objet d’une adaptation en droit français par l’ordonnance du 2 novembre 2017 insérée aux articles L690-1 à L696-1 du code de commerce, et le décret du 5 juin 2018 inséré aux articles R690-1 à R695-4 du code de commerce, textes auxquels il convient de se référer pour les besoins de la présente procédure.

De plus, la procédure de vérification des créances applicable à la cause est celle régie par le droit luxembourgeois, ainsi que l’écrivait Me [K] au conseil de Mme [T] le 6 janvier 2021 : il appartient à Mme [T], nonobstant sa qualité d’ancienne salariée, de déclarer sa créance auprès de Me [K] ès qualités de curateur, lequel vérifiera ladite créance et la soumettra à l’ADEM (institution luxembourgeoise garantissant les créances salariales) pour renvoi vers l’AGS après refus de garantie en raison de l’exécution en France du contrat de travail.

Dans ces conditions, le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA de Toulouse dans les conditions des articles L3253-1 et suivants sous réserve des limites des articles L3253-18-1 et suivants du code du travail et de la déclaration auprès de Me [K] et l’admission au passif de la créance de Mme [T].

Sur le surplus des demandes :

Les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de la société SFS Europe.

Me [K], ès qualités de curateur à la faillite de la société SFS Europe, sera condamné à payer à Mme [T] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire pour licenciement vexatoire,

Le confirme sur ce point,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [T] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Fixe au passif de la procédure collective de la société SFS Europe, représentée par Me [K], ès qualité de curateur à la faillite, la créance de Mme [T] d’une somme de 39 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Me [K], ès qualité de curateur à la faillite de la société SFS Europe, à payer à Mme [T] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Toulouse dans conditions des articles L3253-1 et suivants sous réserves des limites des articles L3253-18-1 et suivants du code du travail et de la déclaration auprès de Me [K] et l’admission au passif de la créance de Mme [T],

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de la société SFS Europe.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

A. RAVEANEC. BRISSET

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