CONTESTATION EN MATIÈRE D’HONORAIRES D’AVOCAT
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Monsieur [S] [X]
C/
S.E.L.A.R.L. VERBATEAM [Localité 2]
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N° RG 22/02241 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWAK
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DU 10 AOUT 2023
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Notifications
le :
Grosse délivrée
le :
ARRÊT
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Rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le 10 AOUT 2023
LA JURIDICTION DE LA PREMIERE PRESIDENTE DE LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX
Vu l’ordonnance de fixation en collégialité du 16 décembre 2022 de la première présidente ;
Vu le renvoi de l’affaire devant la formation collégiale composée de :
Isabelle DELAQUYS, conseillère,
Noria FAUCHERIE, conseillère,
Nathalie PIGNON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Nathalie PIGNON, ayant entendu les parties en qualité de rapporteur, a rendu compte des débats à la Cour,
assistées de Séverine ROMA, greffière,
dans l’affaire
ENTRE :
Monsieur [S] [X]
demeurant [Adresse 3]
présent
Demandeur au recours contre une décision rendue le 04 avril 2022 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de BORDEAUX,
ET :
S.E.L.A.R.L. VERBATEAM [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Alexandre JELEZNOV de la SELARL VERBATEAM BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Défenderesse,
A rendu publiquement l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue devant nous, assistées de Séverine Roma, Greffière, en audience publique, le 30 Mai 2023 et que le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la cour, par les magistrats ci-dessus désignés.
Faits, procédure et prétentions :
M. [S] [X] a relevé appel de la décision rendue le
4 avril 2022 par laquelle le délégataire du bâtonnier de l’Ordre des Avocats du barreau de Bordeaux a taxé à la somme de 6.075,02 € TTC les honoraires dus par lui à la SELARL Verbateam [Localité 2], un solde restant dû à hauteur de 1.400 €.
Il demande la condamnation de la SELARL VERBATEAM à lui payer la somme totale de 4.740 €, représentant :
– 3000 € au titre de la surfacturation,
– 840 € en remboursement du postulant VERBATEAM Paris,
– 900 € au titre de la présente procédure.
Il fait valoir en substance que les notes d’honoraires ont été réglées sous la pression de Maître Jeleznov, que des frais de secrétariat lui ont été facturés au montant dû pour un avocat, que beaucoup d’heures facturées sont fictives, que le premier rendez-vous était censé être gratuit, comme l’annonce la page facebook de l’avocat, et que les recherches n’ont pas à lui être facturées.
La SELARL VERBATEAM [Localité 2] demande à la cour de :
– confirmer la décision du bâtonnier du barreau de BORDEAUX du 04/04/2022 en toutes ses dispositions ;
– Y ajoutant, condamner M. [S] [X] à lui régler une somme de 750 € au titre de la procédure de première instance et au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
– taxer ses honoraires à la somme totale de 6.075,02 € TTC et condamner M. [S] [X] à régler le solde demeurant dû, soit 1.400 € TTC ;
– condamner M. [S] [X] à régler à la SELARL VERBATEAM [Localité 2] une somme de 750 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance ;
– débouter M. [S] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Elle fait valoir qu’à l’issue d’un rendez-vous de deux heures le
18 février 2022, une convention d’honoraires a été soumise à M. [X], prévoyant le règlement d’honoraires de diligences calculés en fonction du temps consacré au dossier, sur la base d’un taux horaire de 250 € HT, outre TVA à 20 %, que cette convention a été agréée par M. [X], qui a par ailleurs réglé une facture provisionnelle sur honoraires d’un montant de 2.400 € TTC.
Elle précise que Me Jeleznov a dû préparer dans la plus grande urgence un projet d’assignation au fond, après avoir sollicité le visa de son bâtonnier.
Une deuxième facture d’honoraires a par ailleurs été adressée à Monsieur [X] après les premières diligences accomplies dans l’urgence, d’un montant de 1.100 € TTC.
Une troisième facture de 1.175,02 € TTC a été adressée à Monsieur [X], qui a fini par être honorée sans discussion, quoiqu’avec retard.
Enfin, compte tenu de l’impossibilité de poursuivre un dialogue constructif et de la rupture de confiance avec son client, Maître JELEZNOV, au nom de la SELARL VERBATEAM [Localité 2], a dû mettre un terme à sa mission selon lettre recommandée du 22/02/2021.
A la même date, une facture de solde d’un montant de 1.400 € TTC a été émise, qui demeure impayée.
MOTIFS
Conformément à l’article 10 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n 2015-990 du 6 août 2015 les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d’honoraires.
Par ailleurs, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ne s’applique qu’aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, de sorte que ni le bâtonnier ni, en appel, la cour à laquelle l’affaire a été renvoyée n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement à ses obligations.
Dès lors que la mission de l’avocat n’est pas menée à son terme, la convention est caduque, et les honoraires revenant à l’avocat doivent être fixés en application des critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991, et de l’article 10 du décret du 12 juillet 2005, aux termes desquels les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l’avocat et son client, « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ».
En l’espèce, aux termes de la convention conclue le 17 février 2020, M. [X] et la SARL GO BURO ont confié à la SELARL VERBATEAM [Localité 2] une mission de représentation et d’assistance relative au litige qui les opposaient à leur ancien conseil, Me [O], ainsi qu’à son assureur responsabilité.
Le taux horaire a été fixé à 250 € HT, et il était prévu en outre un honoraire de résultat.
Enfin, la convention précisait : ‘Avant toute diligence, les mandants régleront au mandataire une provision à valoir sur les honoraires, d’un montant de 2.400 € TTC, conformément à la facture ci-jointe.
Le montant de ce réglement sera déduit de la facture suivante, établie en fonction du temps passé.’
La SELARL VERBATEAM [Localité 2] a notifié à M. [X] qu’elle mettait un terme à son mandat par courrier du 22 février 2021.
Dès lors, les honoraires dus doivent être fixés en fonction des critères prévus par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.
En premier lieu, c’est à tort que M. [X] soutient que Me Jeleznov l’aurait contraint à signer la convention d’honoraires, aucune pièce n’étant produite à l’appui de cette allégation, et la convention d’honoraires étant en tout état de cause caduque du fait de l’arrêt de la mission de l’avocat.
A l’appui de sa demande, la SELARL VERBATEAM [Localité 2] produit aux débats les 3 factures dont le paiement est réclamé (sous déduction de la facture provisionnelle), accompagnées de tableaux détaillant le temps passé pour chaque diligence accomplie.
Ainsi que le fait justement observer M. [X], ne sont comptabilisées que des diligences au tarif horaire de 250 € HT, alors même que certaines des tâches mentionnées ne ressortent pas de la compétence de l’avocat, mais auraient pu être accomplies par un salarié ou collaborateur exerçant des fonctions de secrétariat.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que le premier rendez-vous entre M. [X] et Me Jeleznov était un entretien téléphonique, que celui-ci n’a pas été comptabilisé, et qu’il n’est facturé que l’entretien qui a eu lieu au cabinet de l’avocat le 18 février 2020.
Enfin, l’avocat intimé justifie par la production des échanges de mails les nombreuses diligences qu’il a effectuées dans le cadre de sa mission, détaillées en annexe de chaque facture.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de rectifier comme suit les factures présentées :
– Sur la facture n° 2020/02/18 :
L’ouverture des dossiers physique et informatique, la préparation et la numérisation des pièces de l’assignation, la vérification, la préparation des actes d’huissier, la lettre au correspondant parisien (simple lettre de demande de postulation) sont des tâches qui ne peuvent être facturées au tarif horaire de l’avocat, mais au titre de frais de secrétariat.
Au regard des travaux effectués, ces frais peuvent être évalués à un montant de 80 € HT.
La somme de 333,33 € HT pour 1h20 de travail facturée à ce titre sera réduite, tenant compte du tarif horaire pour un travail de secrétariat, arbitrés à 50 € HT par heure (25% du tarif horaire de l’avocat), de sorte qu’il n’est dû pour cette facture que la somme de 2.658,34 € HT dont il convient de déduire 2.000 € HT au titre de la provision versée, soit une somme de 658,34 € HT, soit 790 € TTC.
– Sur la facture n°2020/09/12 :
La durée des diligences mentionnées sur le tableau joint à la facture n’apparaît pas surestimée au regard des pièces versées aux débats par l’intimée. En effet, les différents courriers rédigés nécessitaient un temps de rédaction conforme aux indications du tableau, et il n’est nullement démontré que les tâches effectuées auraient pu l’être dans un temps moindre, ou par un ou une secrétaire, la plupart des correspondances, relativement brèves, comprenant de nombreuses observations juridiques, exclusivement de la compétence de l’avocat.
M. [X] ne contestant pas avoir eu un entretien téléphonique avec son conseil le 20 mai 2020, la durée de 25 mn mentionnée à cet égard (comprenant en outre la rédaction d’un e-mail) est justifiée.
La facture d’un montant de 979,18 € HT, soit 1.175,02 € TTC est donc due en totalité.
– Sur la facture n°2021/02/13 :
La durée de 30 mn pour la diligence du 13 novembre 2020 (examen mail [Z] et recherche de pièces dans dossier + réponse à confrère [Z]) apparaît excessive à la lecture des documents produits, il sera comptabilisé 15 mn, soit 62,50 € HT.
Les mails des 3 décembre 2020, 11 janvier 2021, 22 janvier 2021 qui ne sont pour l’essentiel que des rappels de paiement de facture , de même que le mail du 18 janvier 2021 adressé à
Me [Z], ne peuvent être facturés au taux horaire de l’avocat, et, compte tenu des durées mentionnées, soit au total 35 mn, seront taxés à la somme de 29,17 € HT, de sorte que l’honoraire dû au titre de cette facture sera taxé à la somme de 925 € HT, soit 1.110 € TTC.
Enfn, les honoraires de postulation n’ont pas à être déduits des montants alloués, dès lors que la postulation de la SELARL VERBATEAM Paris a bien été effectuée.
Les honoraires de la SELARL VERBATEAM [Localité 2] seront en conséquence taxés à la somme de (2.400 + 790+ 1.175,02+1.110) 5.475,02 € TTC, la décision du Bâtonnier étant infimée, et M. [X] devant régler à la SELARL VERBATEAM [Localité 2] la somme de 800 € au titre du solde d’honoraires dû.
Enfin il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens, et il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Chaque partie, qui succombe partiellement, supportera ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par décisison contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau :
Fixe les honoraires revenant à la SELARL VERBATEAM [Localité 2] à la somme de 5.475,02 € TTC ;
Dit que M. [S] [X] devra régler à la SELARL VERBATEAM [Localité 2] la somme de 800 € TTC,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie gardera à sa charge ses propres dépens.
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n’ 91-1197 du 27 novembre 1991, l’arrét sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le présent arrêt a été signé par Isabelle DELAQUYS, conseillère, et par Séverine ROMA, greffière, à laquelle la minute a été remise par le Magistrat signataire.
La Greffière La Conseillère