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Numérisation : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09862

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Numérisation : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09862

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 1er DECEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09862 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAWD2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 18/04608

APPELANT

Monsieur [J] [K] [D]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Louis DE MEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167

INTIMÉES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R186

SELAS ETUDE [V][P] prise en la personne de Maître [V] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL LTB BATIMENT Liquidateur.

[Adresse 3]

[Localité 4]

N’ayant pas constitué avocat, assigné à personne morale le 27.11.2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente,

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [K] [D] a été engagé en qualité de directeur technique par la société Sarl LTB Bâtiment (Société LTB) dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 juillet 2015.

Il était parallèlement associé de cette société.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des ingénieurs, assimilés et cadre du bâtiment de la région parisienne.

Le 21 janvier 2017, M. [D] a adressé à la Sarl LTB Bâtiment une première lettre puis le 25 janvier suivant une seconde pour faire des réclamations concernant le paiement de ses salaires.

Estimant que sa lettre du 21 janvier 2017 s’analysait en une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a le 21 juin 2018, saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 14 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl LTB Bâtiment, la Selas Etude JP prise en la personne de M. [P] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par jugement du 17 juin 2019, le conseil des prud’hommes de Paris a débouté M. [D] de l’ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 2 octobre 2019, l’intéressé a interjeté appel.

Par arrêt en date du 15 septembre 2022, cette cour a :

– ordonné la réouverture des débats,

– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture

– invité les parties à conclure sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel et les effets de l’annexe jointe et comportant les chefs de jugement critiqués, selon le calendrier suivant :

– conclusions de M. [J] [K] [D] : avant le 28 septembre 2022

– conclusions de l’Ags Cgea Idf Ouest : avant le 12 octobre 2022,

– fixé au 13 octobre 2022 la date à laquelle la clôture des débats serait prononcée, l’affaire étant rappelée à l’audience du jeudi 13 octobre 2022

– sursis à statuer sur l’ensemble des demandes.

L’ordonnance de clôture du 13 octobre 2022 a de nouveau été rabattue et l’affaire renvoyée à l’audience du 20 octobre suivant.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 14 octobre 2022, M.  [D] demande à la cour:

– Juger que la déclaration d’appel du 2 octobre 2019 est conforme aux dispositions de

l’article 901 du Code procédure civile, et opère la dévolution des chefs du jugement

critiqués.

En conséquence,

– Statuer sur l’appel interjeté le 2 octobre 2019 par Monsieur [J] [D]

qui défère à la cour la connaissance des chefs critiqués du jugement,

– d’infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau:

– de requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse

– de constater que la Sarl LTB Bâtiment a manqué à son obligation de sécurité

– de constater que la Sarl LTB Bâtiment n’a pas déclaré les cotisations exactes auprès des organismes sociaux,

Par conséquent,

– de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl LTB Bâtiment aux sommes suivantes :

‘ rappel de salaires d’un montant de 8 194,11 euros

‘ indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire pour travail dissimulé en application de l’article L.8223-1 du code du travail d’un montant de 19 509,78 euros

‘ dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 19 509,78 euros

‘ indemnité pour non respect de l’obligation de sécurité d’un montant de 3 251,63 euros

‘ dommages-intérêts pour manquement à l’inscription des mentions obligatoires sur les bulletins de salaire d’un montant de 3 251,63 euros

‘ indemnité de licenciement d’un montant de 1 029,61 euros

‘ préavis de trois mois d’un montant de 9 754,89 euros

‘ congés payés sur préavis d’un montant de 975,49 euros

‘ congés payés pour l’année 2015,2016 et janvier 2017 d’un montant de 7 538,83 euros

– d’ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article L.1343-2 du code civil

– d’ordonner à la Selas Etude [V][P] prise en la personne de M. [P] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl LTB Bâtiment la communication de l’intégralité de ses bulletins de salaire de 2015, de 2016 et de janvier 2017 ainsi que les documents de fin de contrat, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi

– de déclarer que le jugement est opposable à l’Ags Cgea Idf Ouest, laquelle sera tenue de garantir les sommes allouées dans les limites et les plafonds légaux

– débouter l’Unedic délégation Ags Cgea Idf Ouest de l’ensemble de ses demandes

– condamner la Selas Etude [V][P] prise en la personne de M. [P] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl LTB Bâtiment au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 octobre 2022, l’Ags Cgea Idf Ouest demande à la cour de :

– constater et prononcer l’absence d’effet dévolutif de l’appel

En conséquence,

– prononcer le dessaissement de la cour

A défaut, statuant sur l’appel interjeté par M. [D],

A titre principal,

– juger que M. [J] [K] [D] n’avait pas la qualité de salarié de la Sarl LTB Bâtiment

– la mettre hors de cause,

– débouter M. [J] [K] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Subsidiairement,

– confirmer le jugement entrepris

En conséquence,

– débouter M. [J] [K] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Infiniment subsidiairement,

Vu l’article L1235-5 du code du travail

– plafonner l’indemnité de licenciement

Vu l’article L.8223-1 du code du travail

– juger infondée la demande indemnitaire pour travail dissimulé et en débouter M. [J] [K] [D]

En tout état de cause sur sa garantie,

– exclure sa garantie d’une éventuelle indemnité pour travail dissimulé

– juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale

– inscrire aux termes du dispositif que les sommes éventuellement dues au cours de cette période seront plafonnées dans les conditions prévues à l’article D.3253-2 du code du travail

En conséquence,

– rappeler que toute fixation au passif de la procédure collective de créances de nature salariale au-delà de cette double limite lui sera inopposable

– juger qu’en tout état de cause- juger qu’en tout état de cause, sa garantie telle que prévue par l’article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues au titre de l’exécution du contrat de travail au sens de l’article L.3253-8 du même code, les astreintes, dommages-intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de sa garantie

– juger qu’en tout état de cause sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, le plafond des cotisations maximum au régime d’assurance chômage en vertu des articles L.3253-17 et D-3253-5 du code du travail.

L’ordonnance de clôture est finalement intervenue le 18 octobre 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- Sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel

Selon l’article 901 alinéa 1er dans sa rédaction issue du décret N° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d’appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe contenant (…), et à peine de nullité, (…) 4° les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’

Aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 « lorsqu’un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »

Il est admis que les textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l’empire de textes antérieurs, mais peuvent en revanche conférer validité à des actes antérieurs pour autant qu’ils n’ont pas à la suite d’une exception de nullité été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.

Il en résulte qu’antérieurement à l’arrêté du 25 février 2022 dont l’article 4 précise que ‘lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document’, la déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du dispositif du jugement critiqués constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile et à celles de l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 précité, peu important que la déclaration ne mentionne pas expressément l’existence d’une annexe, dès lors que la déclaration d’appel et l’annexe, qui fait corps avec elle, sont transmises en même temps au greffe de la cour.

En l’espèce, la déclaration d’appel formée le 2 octobre 2019 au nom de M. [J] [K] [D] mentionne dans la rubrique ‘objet/portée de l’appel : appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués’, un document intitulé ‘Pièce jointe faisant corps avec la déclaration d’appel complémentaire – article 901 du code de procédure civile’ y était joint dans lequel il était indiqué que M. [J] [K] [D] entendait interjeter appel du jugement rendu le 17 juin 2019 par le conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes à savoir :

‘- requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– constater que LTB Bâtiment a manqué à son obligation de sécurité,

– constater que LTB Bâtiment n’a pas déclaré les cotisations exactes auprès des organismes sociaux,

Par conséquent,

– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl LTB Bâtiment aux sommes suivantes :

‘ rappel de salaires d’un montant de 8 194,11 euros

‘ indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire pour travail dissimulé en application de l’article L.8223-1 du code du travail d’un montant de 19 509,78 euros

‘ dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 19 509,78 euros

‘ indemnité pour non-respect de l’obligation de sécurité d’un montant de 3 251,63 euros

‘ dommages-intérêts pour manquement à l’inscription des mentions obligatoires sur les bulletins de salaire d’un montant de 3 251,63 euros

‘ indemnité de licenciement d’un montant de 1 029,61 euros

‘ préavis de trois mois d’un montant de 9 754,89 euros

‘ congés payés sur préavis d’un montant de 975,49 euros

‘ congés payés pour l’année 2015,2016 et janvier 2017 d’un montant de 7 538,83 euros

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article L.1343-2 du code civil

– ordonner à la Selas Etude [V][P] prise en la personne de Maître [V] [P] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl LTB Bâtiment la communication de l’intégralité de ses bulletins de salaire de 2015, de 2016 et de janvier 2017 ainsi que les documents de fin de contrat, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi,

– déclarer que le jugement est opposable à l’Ags Cgea Idf Ouest, laquelle sera tenue de garantir les sommes allouées dans les limites et les plafonds légaux,

– condamner la Selas Etude [V][P] prise en la personne de Maître [V] [P] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl LTB Bâtiment au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’exécution provisoire’.

Cette déclaration d’appel à laquelle était joint le document précité est donc conforme aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile et opère en conséquence l’effet dévolutif permettant à la cour de statuer, sans excès de pouvoir, sur les chefs de jugement ainsi critiqués.

II- Sur le fond

A- Sur la qualité de salarié de M. [D] :

Il est admis que le contrat de travail est caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs

Il appartient à celui qui en revendique l’existence d’apporter la preuve du contrat de travail, mais en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

M. [D] soutient qu’en dépit de sa qualité d’associé de la Sarl LTB Bâtiment, il possède également la qualité de salarié de la Sarl LTB Bâtiment et qu’il était bien placé sous la subordination de cette dernière.

L’Ags Cgea Idf Ouest expose que M. [D] ne peut simultanément être associé et salarié de la Sarl LTB Bâtiment et qu’il n’existe aucune lien de subordination entre lui et la Sarl LTB Bâtiment.

L’appelant verse aux débats un contrat de travail établi le 7 juillet 2015, signé par le seul employeur, mais sur lequel est mentionné le numéro Siret de l’entreprise lequel est repris sur les trois uniques bulletins de salaire qu’il communique, correspondant aux mois de mois de mars, avril et juin 2016, ainsi qu’une attestation de paiement de congés intempéries émanant de la caisse Ile de France, des extraits de relevés de comptes bancaires émis en décembre 2016 et janvier 2017 montrant que des virements ont été effectués par LTB Bâtiment à son profit en paiement de son salaire et de plusieurs compléments de salaire au titre du mois juillet, ainsi que de son salaire d’août, ainsi que par la caisse de congés ‘Cibtp Ile de France’, durant ces mêmes périodes.

Quand bien même avait-il parallèlement la qualité d’associé de la Sarl LTB Bâtiment, la combinaison de ces éléments conduit en l’absence de toute démonstration de la fictivité du contrat, à considérer que M. [D] était bien lié à l’entreprise par un contrat de travail.

B- sur l’exécution du contrat de travail :

1) Sur le rappel de salaire :

M. [D] demande la fixation au passif de la société LTB BATIMENT d’un rappel de salaire pour la période d’août 2016 à janvier 2017 d’un montant de 8 194, 11 euros.

A l’appui de sa demande, il verse aux débats son contrat de travail portant en son article 7 une disposition relative à une rémunération mensuelle brute de 3 205 euros payable le dernier jour du mois, un courrier recommandé du 25 janvier 2017, par lequel il rappelle à son employeur l’obligation de respecter certaines règles en matière de délai de paiement et lui demande de rembourser ses salaires pour 2016, des bulletins de salaire et la copie d’un relevé de compte de dépôt sur lequel apparaît des versements opérés par la société à titre de salaire en juillet 2016 notamment, à hauteur de 1 500  euros.

Face à cela, l’AGS CGEA souligne que M. [D] n’a jamais formalisé auprès de son employeur de demande de rappel de salaire avant la lettre du 21 janvier 2017 et qu’il ne justifie pas de l’exécution d’une prestation au profit de la société.

De ce qui précède il résulte que le statut de salarié a été reconnu à M. [D] dont l’employeur, défaillant en cause d’appel, ne démontre pas qu’il n’était pas resté à sa disposition jusqu’au 21 janvier 2017, date que le salarié fixe comme constituant la date de rupture du contrat.

L’AGS CGEA n’apporte pas davantage d’éléments sur la remise en cause de la fourniture d’une prestation de travail de la part de M. [D].

M. [D] ne justifie aucunement de la somme qu’il sollicite à titre de rappels de salaire, laissant à la cour le soin de constater que des versements opérés à titre de salaire par la société employeur pour juillet 2016 ont été enregistrés par la banque comme sans provision sur les mois d’octobre à décembre 2016 pour une somme globale de 8 700 euros.

Les pièces ainsi versées à l’appui de la demande permettent de retenir l’existence d’une créance salariale qui doit être fixée au passif de la procédure collective dans les limites de la demande à 8 194,11 euros brut, la preuve du versement effectif du salaire restant ainsi dû n’étant pas rapportée.

2) sur le manquement des obligations d’inscrire les mentions obligatoires sur les bulletins de salaire :

Le moyen auquel le juge doit répondre n’est pas constitué par la seule citation d’un texte ou d’un principe.

Pour saisir le juge d’un moyen, la partie doit énoncer de manière circonstanciée un certain nombre de faits et en tirer des conséquences juridiques.

M. [D] demande à la cour de lui allouer des dommages-intérêts pour manquement aux obligations d’inscrire les mentions obligatoires sur les bulletins de salaire mais n’énonce pas de faits de manière circonstanciée à l’appui de ses allégations.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée de ce chef.

3) sur le non respect de l’obligation de sécurité :

En application de l’article R 4624-10 tout salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail, puis en application de l’article R 4624-16 du Code du Travail d’examens médicaux périodiques.

La défaillance de l’employeur sur ce point justifie l’octroi de dommages et intérêts en fonction du préjudice dont l’existence et l’étendue doivent être établies.

M. [D] soutient qu’il n’a bénéficié ni de visite médicale d’embauche, ni périodique, de sorte qu’il demande à la Cour d’appel de Paris de fixer au passif de la société la somme de 3251, 63 € correspondant à un mois de salaire.

Cependant, il ne prouve ni même n’évoque la nature et l’étendue du préjudice dont il demande réparation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande ainsi formée.

4) Sur les congés payés :

Comme rappelé ci-dessus, pour saisir le juge d’un moyen, la partie doit énoncer de manière circonstanciée un certain nombre de faits et en tirer des conséquences juridiques.

M. [D] soutient que a la caisse PRO BTP lui a versé des indemnités sur des montants inexacts mais il ne justifie pas de l’inexactitude dont il fait état alors au surplus que l’attestation qu’il verse aux débats est illisible et ne met pas la cour en mesure de considérer que lui reste due à ce titre pour la période qu’il définit sans autre explication, la somme dont il demande l’inscription au passif de la procédure collective.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la prétention ainsi formée.

C- Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient , soit dans le cas contraire d’une démission.

Dans le cadre de l’exception d’inexécution il est admis que les manquements de l’employeur à l’exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

La prise d’acte suppose une interpellation suffisante de l’employeur à laquelle elle doit être directement adressée.

Cependant la lettre par laquelle il est pris acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige.

Le 21 janvier 2017, M. [D] a adressé à M. [I] [U] Sarl LTB Bâtiment une lettre dont l’envoi sous forme recommandée n’est pas justifié, comportant les mentions suivantes:

‘objet : lettre de démission’.

Cette lettre est ainsi rédigée : ‘J’ai constaté que la gestion de la société LTB Bâtiment dont vous êtes gérant ne répond pas aux dispositions légales et réglementaires. La société ne remplit pas les obligations fiscales et sociales vis à vis des organismes sociaux et fiscaux. Ainsi je vous informe par la présente que j’ai l’intention de céder la totalité des parts m’appartenant de la société LTB Bâtiment. Je vous prie de bien vouloir signer l’acte de cession de parts. En l’absence de signature de l’acte de cession de parts, je ferai valoir mes droits. Je vous prie d’en prendre acte […]’.

Même si cette lettre est qualifiée de ‘lettre de démission’,son contenu démontre qu’elle a été écrite par M. [D], non pas en tant que salarié de la Sarl LTB Bâtiment, mais en sa qualité d’associé, mécontent de la gestion du gérant, sa finalité étant de mettre fin à cette situation par la cession de ses parts.

M. [D] soutient qu’il parle et écrit mal le français, mais n’en justifie pas, la lettre ainsi adressée ne pouvant s’analyser comme la manifestation de sa volonté de rompre la relation de travail subordonnée, alors qu’est expressément sollicitée la cession des parts qu’il possède.

La lettre recommandée du 25 janvier 2017, à laquelle est joint l’accusé de réception (avec cette mention ‘pli avisé et non réclamé’) dont le destinataire est la Sarl LTB Bâtiment n’est pas davantage la marque d’une volonté expresse de mettre fin au contrat de travail.

Il y est en effet précisé : ‘objet : lettre de salaire. Monsieur [I] [U]. La loi n’impose pas de date précise pour le paiement du salaire. Mais le code du travail prévoit toutefois certaines règles en matière de délai de paiement. Je vous demande poliment de rembourser mes salaires pour 2016 […]’.

Cette lettre vaut, en raison de sa forme recommandée mise en demeure de payer un arriéré de salaires dont M. [D] ne précise ni l’étendue ni le montant et qui serait dû au titre de l’année 2016.

Mais elle ne contient pas l’expression de la volonté de M. [D] de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, dont l’employeur n’a donc pas été informé par ce biais alors que n’est justifiée d’aucune autre expression de la volonté de rupture du contrat de travail antérieure à la saisine du conseil des prud’hommes du 21 juin 2018.

En l’absence de tout autre fondement ou demande, il convient de confirmer le jugement et de débouter M. [D] des demandes afférentes.

D- sur le travail dissimulé :

Des articles L 8221-3, 8221-5 et 8223-1 du Code du Travail, il résulte qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en mentionnant intentionnellement sur un bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [D] n’apporte pas la preuve que les conditions d’octroi de l’indemnité ainsi prévue sont réunies alors notamment qu’il ne démontre en rien le caractère intentionnel de la dissimulation sur laquelle il se fonde.

Le jugement entrepris doit donc être également confirmé de ce chef.

E- sur les autres demandes :

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS CGEA Ile de France dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail.

L’employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif conforme aux termes de cette décision.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, jusqu’à la décision ouvrant la procédure collective qui suspend le cours des intérêt.

Dans la même limite, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l’article 1343-2 nouveau du code civil.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. [D] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a rejeté la demande tendant au paiement d’un rappel de salaire,

INFIRME de ce seul chef, et statuant à nouveau,

FIXE au passif de la procédure collective de la société LTB Bâtiment la créance de M.[D] aux sommes de :

– 8 194,11 euros brut à titre de rappel de salaire,

– 500 euros au titre des frais irrépétibles,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, jusqu’à la décision ouvrant la procédure collective qui suspend le cours des intérêts,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l’article 1154 devenu l’article 1343-2 nouveau du code civil, dans la même limite,

DIT que l’employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif conformes aux terme de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA Île de France dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SELAS en la personne de M. [P] ès qualités, aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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