Sommaire Contexte de la requêteLe 12 décembre 2022, M. [J] [N], mis en examen, a déposé une requête en nullité concernant un témoignage anonyme recueilli par les enquêteurs. Décision de la Cour de cassationLe 20 mars 2024, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la chambre de l’instruction qui avait rejeté la nullité de cet acte, ordonnant son annulation et son retrait du dossier, ainsi que la suppression des pièces y faisant référence. Intervention du juge d’instructionLe 12 avril 2024, le juge d’instruction a saisi la chambre de l’instruction pour annuler un rapport de synthèse d’enquête qui contenait des mentions annulées par la Cour de cassation. Demande de renvoiLe 29 avril 2024, l’avocat de M. [N] a demandé un renvoi de l’affaire, arguant qu’il avait besoin de plus de temps pour préparer une requête en nullité des actes de la procédure. Examen du moyen de nullitéLe moyen critique l’arrêt qui a rejeté la demande de renvoi, affirmant que la chambre de l’instruction devait examiner tous les moyens de nullité, même dans le cadre d’une requête en annulation liée à un arrêt de la Cour de cassation. Réponse de la CourLa chambre de l’instruction a justifié son rejet en précisant qu’elle ne statuait que sur la cancellation demandée par le juge d’instruction, sans examiner de nouveaux moyens de nullité, ce qui était conforme à la procédure. Conclusion sur le moyenLa Cour a conclu que la chambre de l’instruction avait correctement appliqué le texte de loi, limitant son examen à l’exécution de l’arrêt de la Cour de cassation, sans porter atteinte aux droits des parties de soulever d’autres nullités. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une requête en nullité selon le Code de procédure pénale ?La recevabilité d’une requête en nullité est régie par les dispositions de l’article 173 du Code de procédure pénale. Cet article stipule que : « La chambre de l’instruction est saisie par le juge d’instruction ou par les parties, par voie de requête, des nullités de la procédure. Les moyens de nullité doivent être proposés dans le délai de forclusion prévu par la loi. À défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf si elles n’ont pu les connaître. » Ainsi, il est essentiel que les parties présentent leurs moyens de nullité dans le délai imparti, faute de quoi elles perdent leur droit de les soulever. Cette règle s’applique même dans le cadre d’une requête en nullité émanant du juge d’instruction, comme le souligne la jurisprudence. Comment la chambre de l’instruction doit-elle se prononcer sur une demande de renvoi ?La chambre de l’instruction doit examiner la demande de renvoi en tenant compte des circonstances de l’affaire et des droits des parties. L’article 174, alinéa 1er, du Code de procédure pénale précise que : « La chambre de l’instruction statue sur les demandes de renvoi présentées par les parties. Elle doit s’assurer que ces demandes sont justifiées et que les droits de la défense sont respectés. » Dans le cas présent, la chambre de l’instruction a rejeté la demande de renvoi de M. [N] en considérant que la saisine était limitée à l’exécution d’un arrêt de la Cour de cassation, sans examiner de nouveaux moyens de nullité. Cette décision est conforme aux exigences légales, car elle ne portait pas sur la validité de la procédure dans son ensemble. Quels sont les effets d’une annulation prononcée par la Cour de cassation sur la procédure en cours ?L’annulation prononcée par la Cour de cassation a des effets significatifs sur la procédure en cours. Selon l’article 624 du Code de procédure pénale : « L’annulation d’un acte de procédure entraîne la nullité des actes qui en sont la conséquence. Les pièces de la procédure qui se réfèrent à l’acte annulé doivent être retirées du dossier. » Dans le cas présent, la Cour de cassation a ordonné l’annulation d’un acte et le retrait des pièces y faisant référence. Cela signifie que la chambre de l’instruction ne pouvait pas examiner des éléments liés à cet acte annulé, ce qui a conduit à la décision de ne pas accorder le renvoi demandé par M. [N]. Quelles sont les conséquences d’une méconnaissance des droits de la défense dans le cadre d’une procédure pénale ?La méconnaissance des droits de la défense peut avoir des conséquences graves sur la validité de la procédure. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que : « Toute personne a droit à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable. Elle doit avoir la possibilité de se défendre et de présenter ses arguments. » Si les droits de la défense ne sont pas respectés, cela peut entraîner l’annulation des actes de la procédure. Dans le cas présent, bien que M. [N] ait demandé un renvoi pour préparer ses moyens de nullité, la chambre de l’instruction a jugé que cela ne portait pas atteinte à ses droits, car la saisine était limitée à l’exécution d’un arrêt antérieur. Ainsi, la décision de la chambre de l’instruction a été considérée comme conforme aux exigences légales. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n°
24-83.069
N° 01489
MAS2
10 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 DÉCEMBRE 2024
M. [J] [N] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 5e section, en date du 6 mai 2024, qui, dans l’information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre en bande organisée, a prononcé sur une demande d’annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 5 août 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [J] [N], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 décembre 2022, M. [J] [N], personne mise en examen, a déposé une requête en nullité relative notamment au témoignage d’une personne ne voulant pas communiquer son identité recueilli par les enquêteurs.
3. Par arrêt du 20 mars 2024 (Crim., 20 mars 2024, pourvoi n° 23-85.065), la Cour de cassation a cassé sans renvoi l’arrêt de la chambre de l’instruction en ses dispositions ayant rejeté la nullité de cet acte, en a prononcé l’annulation et a ordonné son retrait du dossier de la procédure ainsi que la cancellation des pièces y faisant référence.
4. Le 12 avril 2024, le juge d’instruction a saisi la chambre de l’instruction aux fins d’annulation du rapport de synthèse définitif d’enquête dressé par un officier de police judiciaire qui reprenait des mentions dont la cancellation avait été ordonnée par la Cour de cassation.
5. Le 24 avril suivant, les parties ont été avisées de la date d’audience fixée au 6 mai.
6. Le 29 avril 2024, l’avocat de M. [N] a sollicité, par lettre adressée au président de la chambre de l’instruction, le renvoi de l’affaire à une date ultérieure au motif qu’il entendait déposer une requête en nullité d’actes de la procédure mais qu’il ne disposait pas du temps suffisant pour la préparer.
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de renvoi présentée par M. [N], alors « que lorsque la chambre de l’instruction est saisie sur le fondement de l’article 173 du code de procédure pénale, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d’office, lui être proposés et qu’à défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n’auraient pu les connaître ; que la forclusion édictée par ce texte joue même en cas de requête en nullité émanant du juge d’instruction dans le prolongement d’une requête en nullité ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation et en exécution de cet arrêt ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de renvoi présentée par M. [N] afin de disposer du temps nécessaire pour présenter ses moyens de nullité dans le délai de forclusion précité, qu’elle statuait « sur une cancellation demandée par le juge d’instruction dans le prolongement d’une requête en nullité ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation le 20 mars 2024 et en exécution de cet arrêt, sans examiner un nouveau moyen de nullité, de sorte qu’il n’y aura pas lieu à application des dispositions de l’article 174 alinéa 1 du code de procédure pénale », la chambre de l’instruction a méconnu l’article 174 alinéa 1 du code de procédure pénale. »
8. Pour rejeter la demande de renvoi présentée par l’avocat de M. [N], l’arrêt attaqué énonce que la chambre de l’instruction statue dans la présente requête sur une cancellation demandée par le juge d’instruction dans le prolongement de la requête en nullité ayant donné lieu à l’arrêt précité de la Cour de cassation du 20 mars 2024 et en exécution dudit arrêt, sans examiner un nouveau moyen de nullité, de sorte qu’il n’y aura pas lieu à application des dispositions de l’article 174, alinéa 1er, du code de procédure pénale.
9. En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application du texte visé au moyen pour les motifs qui suivent.
10. En premier lieu, lorsque la chambre de l’instruction est saisie par le juge d’instruction pour la parfaite exécution de l’arrêt de la Cour de cassation précité, relatif à une précédente requête en annulation, et non pour statuer sur la validité de la procédure en son entier, sa saisine est dès lors strictement limitée à cette exécution et non à l’examen de la validité de pièces de procédure postérieures, sans rapport avec ce précédent contentieux.
11. En second lieu, un tel examen ne prive pas les parties, le témoin assisté ou le juge d’instruction du droit de soulever la nullité d’actes viciés en eux-mêmes devant la chambre de l’instruction, par une requête en nullité régulièrement déposée dans les conditions prévues à l’article 173 du code de procédure pénale, donnant lieu à une instance et sans que ne puisse être opposée l’irrecevabilité prévue à l’article 174, alinéa 1er, du code de procédure pénale.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.