Nullité d’un contrat de vente et ses conséquences sur un crédit affecté : enjeux et responsabilités

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Nullité d’un contrat de vente et ses conséquences sur un crédit affecté : enjeux et responsabilités
Ce point juridique est utile ?

Contexte de l’affaire

Le 1er mai 2019, M. [X] [P] a signé un bon de commande pour un “pack solaire” d’une valeur de 18 900 € TTC, après avoir été démarché à domicile. Ce même jour, il a souscrit un contrat de crédit affecté auprès de la SA FRANFINANCE pour le même montant, remboursable sur 152 mois à un taux fixe de 4,70%.

Procédures judiciaires

En avril 2021, M. [X] [P] et Mme [L] [P] ont assigné la SAS SOLUTION ECO ENERGIE et la SA FRANFINANCE devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, demandant la nullité du contrat de commande et l’annulation du contrat de prêt. L’affaire a été renvoyée plusieurs fois avant d’être plaidée en mai 2024.

Arguments des demandeurs

Les demandeurs soutiennent que le bon de commande est irrégulier en raison d’un manque de précisions sur le prix, les caractéristiques des matériels, l’identité du démarcheur et la date de livraison. Ils affirment également que la SA FRANFINANCE a commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande, ce qui les prive de la restitution du capital.

Arguments de la SA FRANFINANCE

La SA FRANFINANCE a demandé le déboutement des demandeurs, affirmant qu’ils avaient bénéficié d’un délai de rétractation et que le bon de commande était conforme. Elle a également contesté les allégations de manquements et a soutenu qu’aucun préjudice n’était subi par les demandeurs.

Décision du tribunal

Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de commande et du contrat de crédit. Il a également ordonné à M. [X] [P] et Mme [L] [P] de rembourser à la SA FRANFINANCE la somme de 15 667,84 € pour la restitution du capital emprunté, tout en déduisant les échéances déjà acquittées. Les demandes de dommages et intérêts des demandeurs ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Mulhouse
RG n°
21/00817
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MULHOUSE
———————————
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
—————————-
Pôle de la protection, de l’exécution et de la proximité
Service civil

MINUTE n°

N° RG 21/00817 – N° Portalis DB2G-W-B7F-HJBG
Section 1
République Française

Au Nom du Peuple Français

JUGEMENT

DU 25 octobre 2024

Juge des Contentieux de la protection

PARTIES DEMANDERESSES :

Monsieur [X] [P]
né le 12 Mars 1951 à [Localité 8] (HAUT RHIN),
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Océane AUFFRET DE PEYRELONGUE de la SELARL AUFFRET – DE PEYRELONGUE, avocats au barreau de BORDEAUX, substituée par Me REIN, avocat au barreau de MULHOUSE

Madame [L] [C] épouse [P]
née le 26 Mars 1952 à [Localité 6] (ALPES MARITIMES),
demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Océane AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me REIN, avocat au barreau de MULHOUSE

PARTIES DEFENDERESSES :

S.A.S. SOLUTION ECO ENERGIE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

non comparante, ni représentée

Maître [V] [N] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SOLUTION ECO ENERGIE,
demeurant [Adresse 3]

non comparante, ni représentée

S.A. FRANFINANCE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Magali SPAETY, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 36

Nature de l’affaire : Demande en nullité d’un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat – Sans procédure particulière

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS :

Hélène PAÜS : Président
Samira ADJAL : Greffier

DEBATS : à l’audience du 17 Mai 2024

JUGEMENT : réputé contradictoire en premier ressort

prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024 et signé par Hélène PAÜS, juge des contentieux de la protection, et Manon HANSER, Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er mai 2019, démarché à domicile, M. [X] [P] a signé un bon de commande n°8760 portant sur la fourniture et l’installation d’un “pack solaire” pour un prix de 18900 € TTC.

Le même jour il a souscrit avec son épouse Mme [L] [P], par l’intermédiaire de “SEE Centre de transition énergétique”, un contrat de crédit affecté d’un montant de 18900 € et d’une durée de 152 mois, auprès de la SA FRANFINANCE, prêt remboursable en 147 échéances à un taux débiteur fixe de 4.70%.

Par exploits des 12 et 13 avril 2021 M. [X] [P] et Mme [L] [P] ont fait assigner la SAS SOLUTION ECO ENERGIE et la SA FRANFINANCE devant le tribunal judiciaire de Mulhouse afin notamment que soient prononcées la nullité du contrat de commande de panneaux photovoltaïques et l’annulation subséquente du contrat de prêt. (RG 21/817)

L’affaire a été fixée à l’audience du 20 mai 2021 et a été plusieurs fois renvoyée à la demande des parties.

Par exploit du 9 février 2022 M. [X] [P] et Mme [L] [P] ont fait assigner Me [V] [N] es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE aux mêmes fins et afin de voir fixer leur créance au passif de la procédure. (RG 22/482)

Par ordonnance en date du 7 octobre 2022 les deux affaires ont été jointes pour être ensuite, renvoyées à plusieurs reprises à la demande des parties.

En dernier lieu l’affaire a été plaidée à l’audience du 17 mai 2024.

A cette audience, M. [X] [P] et Mme [L] [P] régulièrement représentés, ont repris oralement le bénéfice de leurs conclusions du 27 novembre 2023 et demandé au juge, au visa des articles L111-1, L111-2, L111-7, L121-17, L121-18, L121-18-1, L121-18-2, L312-32, L751-1 et R631-3 du code de la consommation, de :
– prononcer la nullité du contrat principal de commande de panneaux photovoltaïques,
– en conséquence, condamner la SA FRANFINANCE à leur rembourser les mensualités payées jusqu’au jour du jugement prononçant l’annulation du prêt sans compensation avec la restitution du capital prêté, en l’état de l’annulation du contrat de prêt découlant de celle du contrat de vente, du fait des fautes commises par le prêteur, soit la somme de 5656.28€ arrêtée au 5 mai 2022 à parfaire au jour du jugement,
– subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt à l’égard de la SA FRANFINANCE pour défaut de consultation du FICP,
– condamner en conséquence, la SA FRANFINANCE à lui rembourser les intérêts perçus jusqu’au jour du jugement et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d’amortissement expurgé des intérêts,
– condamner la SA FRANFINANCE à leur payer une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,
– condamner conjointement et solidairement la SA FRANFINANCE et la SA SOLUTION ECO ENERGIE aux dépens ainsi qu’à leur payer une somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions M. [X] [P] et Mme [L] [P] font valoir pour l’essentiel que le bon de commande est irrégulier à défaut de précisions suffisantes sur le prix et les caractéristiques des matériels commandés, sur l’identité du démarcheur et sur la date de livraison.
Ils ajoutent que les conditions de la confirmation d’un acte nul ne sont pas réunies à défaut pour eux d’avoir eu parfaite connaissance des vices auxquels ils auraient prétendument renoncés en exécutant le contrat.
Ils soutiennent que la SA FRANFINANCE, qui s’est abstenue de vérifier la régularité du bon de commande, a commis une faute qui la prive de sa créance de restitution du capital.
A l’appui de leur demande subsidiaire, à défaut d’annulation des contrats, ils soulignent que la banque ne rapporte pas la preuve de la consultation du FICP et affirment qu’elle est donc déchue du droit aux intérêts.
M. [X] [P] et Mme [L] [P] relèvent qu’ils se sont endettés alors que leurs factures d’énergie n’ont baissé que de manière marginale. Ils estiment avoir été victime d’un “dol” au regard des promesses de rendement financier qui leur ont été faites et sans lesquelles ils n’auraient pas contracté.

La SA FRANFINANCE régulièrement représentée, a repris oralement le bénéfice de ses conclusions du 7 septembre 2023 et demandé au juge de :
– débouter M. [X] [P] et Mme [L] [P],
– ordonner à M. [X] [P] et Mme [L] [P] de poursuivre les remboursements des échéances du prêt conformément aux stipulations contractuelles,
– à titre très subsidiaire, condamner M. [X] [P] et Mme [L] [P] à lui rembourser le montant du capital prêté déduction faite des échéances d’ores et déjà acquittées,
– ordonner à M. [X] [P] et Mme [L] [P] de restituer le matériel installé à la SAS SOLUTION ECO ENERGIE, à leurs frais, et sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
– en tout état de cause, condamner M. [X] [P] et Mme [L] [P] aux dépens et à lui payer une somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS SOLUTION ECO ENERGIE à la garantir de toutes condamnations,
– condamner la SAS SOLUTION ECO ENERGIE aux dépens ainsi qu’à lui payer une somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’essentiel, la SA FRANFINANCE se réfère aux conditions de validité d’un contrat prévu par l’article 1128 du code civil et ajoute que M. [X] [P] et Mme [L] [P] bénéficiaient du délai légal de rétractation.
La SA FRANFINANCE conteste les manquements invoqués par M. [X] [P] et Mme [L] [P] concernant la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation et objecte à titre subsidiaire, que M. [X] [P] et Mme [L] [P] ont entendu confirmer l’acte contractuel en signant le pv de livraison sans réserve et en l’exécutant, fût-il entaché de causes de nullité.
Concernant “les promesses” de rendement financier, la SA FRANFINANCE soutient que cet élément est hors du champ contractuel.
Elle soutient n’avoir par ailleurs, commis aucune faute et relève que M. [X] [P] et Mme [L] [P] ne subissent en réalité, aucun préjudice.

Me [V] [N] es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE, bien que régulièrement attraite à la cause, n’a pas comparu.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 septembre 2024 prorogé en dernier lieu au 25 octobre 2024 afin d’inviter les demandeurs à produire les pièces 1 et 2 en un format exploitable, le cas échéant en original.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L’article 474 du même code précise qu’en cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque l’un au moins d’entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire à l’égard de tous si la décision est susceptible d’appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne.

Sur la nullité du contrat de vente :

A titre liminaire, il convient de rappeler que l’existence d’un délai de rétractation dont le co contractant n’a le cas échéant, pas fait usage ne saurait priver celui-ci de son droit de poursuivre la nullité du contrat.

M. [X] [P] et Mme [L] [P] invoquent au cas d’espèce l’absence de précision sur le prix et les caractétéristiques techniques, la description et les dimensions du matériel.
Ils invoquent encore l’absence d’identité du démarcheur et l’absence de délai de livraison.

Aux termes des articles 111-1 et L221-5 du code de la consommation dans leur version en vigueur au jour de la conclusion du contrat principal, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes :

– Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
– Le prix du bien ou des services
– En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
– Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
ces informations étant de surcroit qualifiées de substantielles par les dispositions applicables au démarchage à domicile ;
– S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
– Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
– Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
(…)
– Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L.221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

En l’espèce le bon de commande signé par M. [X] [P] et Mme [L] [P] se rapporte à la vente, fourniture et pose, d’une offre packagée : pack solaire en autoconsommation totale – comprenant 1 centrale panneaux photovoltaïque, 8 modules (micro onduleurs), 1 coffret Dc, le cablage, l’étanchéité, outre un compteur pilote du système de gestion d’énergie et de régulation des puissances de chauffage.
Il est indiqué que les modules sont de puissance unitaire de 300 watts et que l’installation sera d’une puissance totale de 2400 watts.

Il est encore indiqué que la centrale photovoltaïque est de marque Soluxtec ou Euroner de provenance Europe – La Francilienne.

Ces précisions figurent toutes sur le bon de commande.

S’agissant du délai de livraison, force est de constater que le bon de commande se réfère à une mention pré imprimée, selon laquelle “la livraison des produits interviendra dans les trois mois après la signature de la commande avec un délai supplémentaire de deux mois pour les ABF”. Le bon de commande précise que selon l’option 2 l’installation produits sera réalisée le jour de la livraison.

Pour autant force est de constater qu’aucune date précise n’est mentionnée d’une part.
D’autre part, la référence à une abréviation ou à un sigle “ABF” sans autre explication pour justifier un délai supplémentaire de deux mois ne permet pas de renseigner suffisamment le contractant sur la date de livraison des produits et prestations de service qu’il a commandées.

Ainsi M. [X] [P] et Mme [L] [P] se sont trouvés dans l’ignorance sur le point de savoir s’il y avait lieu de prendre en compte un délai de trois mois ou un délai de cinq mois (3+2).

Il en résulte qu’à défaut de répondre aux prescriptions légales concernant le délai de livraison, le contrat de vente est nul.

Par ailleurs, si la nullité édictée par le code de la consommation est une nullité relative susceptible de confirmation selon les dispositions de l’article 1182 du code civil avec les conséquences de droit telles que rappelées par la SA FRANFINANCE, c’est à la condition que la partie qui l’invoque, établisse l’existence d’un ou plusieurs actes témoignant de ce les époux [P] en toute connaissance de cause et sans équivoque, ont entendu renoncer à la nullité du contrat et ont de ce fait, manifesté leur volonté d’en couvrir les irrégularités.
L’intention de réparer exige en effet, que le vice soit spécialement validé et que la volonté soit suffisamment caractérisée, l’intention ne pouvant se déduire de la simple connaissance du vice sans réaction immédiate par la partie lésée.

Il est de principe désormais (Cass 24 janvier 2024 22.15.199), que la reproduction des dispositions du code de la consommation dans le contrat ne suffit pas à caractériser la connaissance par l’emprunteur du vice en l’absence de circonstances particulières qu’il appartient au juge de relever.

Par ailleurs, la référence par la SA FRANFINANCE a la signature d’un contrat de crédit et à la fourniture de pièces constitutives du contrat de prêt, est inopérante alors que d’une part, ces formalités sont accomplies de manière concomittante, à l’occasion d’une opération commerciale unique, et sont indissociables puisque induites par la proposition du vendeur, intermédiaire de l’organisme de crédit.
D’autre part, l’accomplissement de ces formalités ne fait pas preuve d’une connaissance du vice par l’emprunteur dont l’attention n’a été spécifiquement attirée par aucun acte.

Le paiement des échéances du prêt est encore insuffisant à caractériser l’intention de M. [X] [P] et Mme [L] [P] de couvrir expressément, les irrégularités du contrat de vente.

Par conséquent, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres griefs relatifs aux bon de commande, il doit être jugé que l’irrégularité dont il est affecté conduit à prononcer la nullité du contrat de vente sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens de nullité.

Sur la nullité du contrat de prêt affecté :

Aux termes de l’article L 312-55 du Code de la Consommation, en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur.

Dès lors que le contrat de vente est annulé, il convient de constater l’annulation du contrat de crédit affecté souscrit le 1er mai 2019 par M. [X] [P] et Mme [L] [P] auprès de la SA FRANFINANCE.

Sur les fautes de la SA FRANFINANCE :

Il est de principe que la résolution ou annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente de la prestation de service qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Dès lors pour s’exonérer de son obligation de restitution du capital prêté, il appartient à l’emprunteur de prouver que la banque a commis une faute dans la remise des fonds.

Le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y est tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Le contrat de crédit affecté a été signé le même jour que le bon de commande litigieux, dans le cadre d’un démarchage à domicile, sur proposition du représentant de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE.
Ce fait est établi par la concommittance de la signature des contrats, par les mentions de l’offre de crédit, de la FIPEN et de la fiche de dialogue désignant la société SEE – centre de transition énergétique – comme “intermédiaire de crédit”.

S’agissant du déblocage des fonds, la SA FRANFINANCE y a procédé à réception :
– d’une attestation de livraison et de demande de financement signée le 11 juin 2019 par le représentant du fournisseur et par M. [X] [P] et certifiant que les biens ont été livrés et installés à l’entière satisfaction de l’emprunteur,
– de l’autorisation de prélèvement complétée et signée le 11 juin 2019 par M. [X] [P],
– de l’attestation de conformité de l’installation de production sans dispositif de stockage de l’énergie électrique établie le 12 juin 2019, visée par Consuel le 21 juin 2019, documents qu’elle verse au débat.
Par conséquent aucun manquement ne peut être reproché à la SA FRANFINANCE concernant le déblocage des fonds.

Ce étant, dans le cadre de son partenariat avec la SAS SOLUTION ECO ENERGIE, il incombait tout de même à la SA FRANFINANCE de s’assurer de la régularité du bon de commande, cette vérification résultant de la simple lecture attentive du document contractuel, s’agissant de la mention d’un délai de livraison.
Aussi, en s’abstenant de vérifier la régularité formelle du bon de commande et d’alerter l’emprunteur aux fins le cas échéant de confirmation de l’acte nul, la SA FRANFINANCE a commis une faute qui engage sa responsabilité.

Cependant il importe de rappeler que la faute du prêteur ne justifie pas à elle seule privation de sa créance de restitution des fonds, et il incombe à M. [X] [P] et Mme [L] [P], dans leurs rapports avec le prêteur, de rapporter la preuve d’un préjudice, lequel ne se présume pas, préjudice en lien avec cette faute.

Pour caractériser leur préjudice, M. [X] [P] et Mme [L] [P] invoquent le fait que leur installation “ne leur procure aucun avantage”, que leurs “factures d’énergie entre 2018 et 2020 n’ont baissé que de manière marginale”, qu’ils “sont donc loin de pouvoir compenser les dépenses engagées grâce aux économies qu’ils peuvent espérer réaliser”, qu’ils ont souscrit à cette offre car “cet achat avait été présenté par la société venderesse comme un investissement rentable, grâce aux revenus et aux économies que le fonctionnement de ces matériels allaient leur procurer”.

Ils ajoutent qu’ils n’avaient pas imaginé un tel achat et qu’il “a donc fallu que la société SOLUTION ECO ENERGIE se montre persuasive, en évoquant un montage financier attractif, permettant d’atteindre l’autofinancement.

Ils considèrent avoir été trompés du fait du vendeur avec la complicité passive de la banque.

En premier lieu, l’analyse proposée par M. [X] [P] et Mme [L] [P] concernant les trois factures d’électricité produites, est tronquée car la facture du 15 juin 2018 se rapporte en réalité à des périodes de consommation du 1er août 2014 au 13 juin 2018 avec des régularisations tarifaires.
Par ailleurs, la comparaison de la facture du 14 juin 2019 (période de consommation du 8 juin 2018 au 7 juin 2019) avec celle du 9 juin 2020 (période de consommation du 8 juin 2019 au 7 juin 2020) fait au contraire ressortir une diminution de la consommation d’électricité. La variation du coût global est en réalité due à l’augmentation du coût unitaire du kWh, variable sur laquelle le fournisseur n’a aucune prise.

En second lieu, M. [X] [P] et Mme [L] [P] procèdent par voie d’allégation sans produire aucune pièce contractuelle se référant aux “promesses” de rendement de l’installation qu’ils ont acquise.

M. [X] [P] et Mme [L] [P] procèdent en réalité par voie d’affirmation par référence à des décisions de jurisprudence ou à des points de vue doctrinaux ou généraux.

Au total, ils échouent donc à rapporter la preuve de leur préjudice et de son lien avec la faute de la SA FRANFINANCE sorte qu’il n’y a pas lieu de priver la SA FRANFINANCE de sa créance de restitution.

Sur les conséquences de la nullité des contrats de vente et de prêt affecté :

Il convient de rappeler que la nullité du contrat de vente et de prêt oblige à replacer les parties dans l’état antérieur à la conclusion du contrat et donc à des restitutions, les parties devant être replacées dans l’état antérieur au 1er mai 2019.

M. [X] [P] et Mme [L] [P] prennent acte de la procédure collective et ont justifié de la déclaration de leur créance au passif de la procédure (au titre de la restitution du prix). Cependant ils n’ont pas justifié de l’issue de la procédure collective et en tout état de cause ne sollicitent pas, dans leurs conclusions récapitulatives, que leur créance ne soit fixée au passif de la procédure.

Par ailleurs, nul ne plaide par procureur et le liquidateur judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE n’a pas comparu. La demande de condamnation sous astreinte à restituer le matériel formée par la SA FRANFINANCE au profit et pour le compte de SOLUTION ECO ENERGIE n’est donc pas recevable.
Il sera juste rappelé au dispositif de la présente décision, à toutes fins utiles, le principe de restitution au profit de Me [V] [N] es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE.

Les époux [P] doivent pour ce qui les concerne, restituer à la SA FRANFINANCE le capital emprunté déduction des échéances d’ores et déjà remboursées.
L’unique décompte des paiements versé au débat est la pièce 9 de la SA FRANFINANCE arrêtée à date du 30 mars 2021.
Sur la période du 27 juin 2019 au 30 mars 2021 16 échéances ont été remboursées soit une somme totale de 3232.16 euros.
M. [X] [P] et Mme [L] [P] doivent donc rembourser une somme de 15 667.84 euros à la SA FRANFINANCE.

Il conviendra de préciser que toute échéance prélevée entre le 1er avril 2021 et le jour du présent jugement viendra en déduction de ce montant.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre de la perte de chance :

M. [X] [P] et Mme [L] [P] évoquent la perte de chance de ne pas s’engager dans cette opération mais procèdent par voie d’allégations lorsqu’ils évoquent des manoeuvres de la part de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE et à cet égard la seule irrégularité tenant aux mentions du bon de commande est sans emport puisque M. [X] [P] et Mme [L] [P] évoquent uniquement l’absence de rentabilité économique de l’installation en deça des promesses et de leurs espérances.

Les développements précédant doivent donc conduire au rejet de leurs prétentions indemnitaires à ce titre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La créance de dépens et d’article 700 du code de procédure civile est une créance antérieure à la procédure collective de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE comme se rapportant à un contrat antérieur.

Me [V] [N] es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE succombant, la créance de dépens sera donc fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire.

Par ailleurs il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [X] [P] et Mme [L] [P] les frais exposés et non compris dans les dépens de sorte qu’il convient de fixer au passif de la procédure, une créance de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 au profit de la SA FRANFINANCE dont la demande sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le juge chargé des contentieux de la protection statuant publiquement par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe en premier ressort ;

PRONONCE la nullité du contrat principal conclu le 1er mai 2019 entre la SAS SOLUTION ECO ENERGIE et M. [X] [P] et Mme [L] [P] et portant sur la vente, la fourniture et la pose, d’une offre packagée : pack solaire en autoconsommation totale – comprenant 1 centrale panneaux photovoltaïque, 8 modules (micro onduleurs), 1 coffret Dc, le cablage, l’étanchéité, outre un compteur pilote du système de gestion d’énergie et de régulation des puissances de chauffage pour un prix TTC de 18900€ ;

PRONONCE la nullité du contrat de crédit affecté souscrit par M. [X] [P] et Mme [L] [P] le 1er mai 2019 auprès de la SA FRANFINANCE d’un montant de 18900 euros ;

DIT QUE la SAS SOLUTION ECO ENERGIE prise en la personne de Me [V] [N] son liquidateur judiciaire est fondée à reprendre, à ses frais, le matériel installé avec remise en l’état initial du support ;

CONDAMNE M. [X] [P] et Mme [L] [P] solidairement à rembourser à la SA FRANFINANCE la somme de 15 667.84 € (QUINZE MILLE SIX CENT SOIXANTE SEPT EUROS QUATRE VINGT QUATRE CENTIMES) somme calculée en fonctions des échéances d’ores et déjà acquittées à la date du 30 mars 2021 ; en derniers ou quittance, au titre de la restitution du capital emprunté ;

DIT QUE toutes échéances acquittées entre le 1er avril 2021 et la date du présent jugement devra venir en déduction de la créance de restitution ;

DEBOUTE M. [X] [P] et Mme [L] [P] de leurs demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la SA FRANFINANCE ;

FIXE au passif de la procédure collective ouverte concernant la SAS SOLUTION ECO ENERGIE prise en la personne de son liquidateur Me [V] [N], la créance de dépens de l’instance ;

FIXE au passif de la procédure collective ouverte concernant la SAS SOLUTION ECO ENERGIE prise en la personne de son liquidateur Me [V] [N], la créance de M. [X] [P] et Mme [L] [P] au titre de leurs frais irrépétibles pour un montant de 1200€ (mille deux cents euros) ;

DEBOUTE la SA FRANFINANCE de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

AINSI JUGE ET PRONONCE par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2024, par Hélène PAÜS, juge des contentieux de la protection et Manon HANSER, Greffier.

Le Greffier, Le Juge des contentieux de la protection,


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