Nullité d’un contrat de vente de lingettes non biocides

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Nullité d’un contrat de vente de lingettes non biocides

Contexte de l’affaire

Le 24 mars 2023, le tribunal de commerce de Quimper a rendu un jugement déboutant la société Sodise de toutes ses demandes et la condamnant à verser 2 500 euros à la société 4B Distrib au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, la société Sodise a interjeté appel de cette décision le 4 mai 2023.

Échanges et conclusions des parties

Les dernières conclusions de la société Sodise datent du 9 janvier 2024, tandis que celles de la société 4B Distrib ont été déposées le 19 octobre 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024, marquant la fin des échanges entre les parties.

Demandes de la société Sodise

La société Sodise demande à la cour de réformer le jugement du tribunal de commerce, en annulant le contrat de vente pour erreur sur les qualités substantielles des lingettes achetées, qu’elle croyait être des produits biocides. Elle réclame également le remboursement de 76 705,54 euros pour les marchandises non conformes et la récupération de la marchandise litigieuse par la société 4B Distrib.

Demandes de la société 4B Distrib

De son côté, la société 4B Distrib conteste la demande d’annulation du contrat, la qualifiant d’irrecevable, et demande la confirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande d’indemnisation. Elle sollicite également des dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison du comportement de la société Sodise.

Arguments des parties

La société Sodise soutient avoir été induite en erreur par la publicité de la société 4B Distrib, qui présentait les lingettes comme biocides. En revanche, la société 4B Distrib affirme que les lingettes étaient conformes aux réglementations et que la société Sodise a elle-même vendu des produits sous des caractéristiques qu’elle jugeait inexactes.

Analyse juridique

La cour examine la demande d’annulation du contrat en se basant sur les articles 1132 et 1133 du code civil, qui stipulent que l’erreur sur les qualités essentielles d’un produit peut entraîner la nullité du contrat. La cour conclut que l’erreur sur les propriétés des lingettes a été partagée entre les deux parties, justifiant ainsi l’annulation du contrat.

Décisions de la cour

La cour infirme le jugement initial en ce qui concerne le déboutement de la société Sodise et prononce la nullité du contrat de vente. Elle condamne la société 4B Distrib à restituer 76 705,54 euros à la société Sodise, avec intérêts, et lui ordonne de récupérer la marchandise dans un délai de trente jours. La cour rejette également les autres demandes des parties et condamne la société 4B Distrib aux dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conséquences juridiques de la nullité du contrat de vente entre la société Sodise et la société 4B Distrib ?

La nullité du contrat de vente entraîne des conséquences juridiques significatives pour les parties impliquées. Selon l’article 1184 du Code civil, la nullité d’un contrat a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Cela signifie que la société 4B Distrib doit restituer à la société Sodise la somme de 76 705,54 euros TTC, correspondant au prix des marchandises non-conformes.

De plus, l’article 1231-1 du Code civil précise que la restitution doit être accompagnée des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande en justice, ici le 8 décembre 2020. La société 4B Distrib est également tenue de récupérer la marchandise dans un délai de trente jours, à ses frais, ce qui souligne l’obligation de restitution des biens en cas de nullité.

En cas de non-restitution dans le délai imparti, la société Sodise est autorisée à disposer de la marchandise, ce qui peut inclure la destruction des produits. Cela illustre l’importance de la bonne foi et de la diligence dans l’exécution des obligations contractuelles.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice, y compris les honoraires d’avocat, à l’autre partie. Dans le cadre de ce litige, la société Sodise a demandé à être indemnisée à hauteur de 8 000 euros sur le fondement de cet article.

Cependant, la cour a décidé de ne pas faire droit à cette demande, en considérant que l’équité ne justifiait pas une telle indemnisation. Cela signifie que, bien que la société Sodise ait remporté une partie de son appel, elle ne sera pas remboursée de ses frais de justice, ce qui peut être perçu comme une limitation de ses droits en matière de remboursement des frais engagés.

Il est important de noter que l’article 700 est souvent utilisé pour équilibrer les charges financières entre les parties, mais son application dépend des circonstances de chaque affaire. La décision de la cour de rejeter la demande de la société Sodise souligne que le simple fait de gagner un litige ne garantit pas le remboursement des frais.

Comment la notion d’erreur sur les qualités substantielles du produit est-elle appliquée dans ce cas ?

L’article 1132 du Code civil stipule que l’erreur sur les qualités substantielles d’un produit peut constituer une cause de nullité du contrat. Dans ce cas, la société Sodise a soutenu avoir été induite en erreur par la société 4B Distrib concernant les propriétés des lingettes, qui étaient présentées comme biocides alors qu’elles ne l’étaient pas.

La cour a reconnu que l’erreur sur les qualités substantielles était partagée entre les deux parties, ce qui signifie que ni la société Sodise ni la société 4B Distrib n’ont exercé la diligence nécessaire pour vérifier les caractéristiques du produit avant la vente. Cela a conduit à la conclusion que l’erreur n’était pas inexcusable, permettant ainsi la nullité du contrat.

L’application de cette notion souligne l’importance de la transparence et de la véracité dans les transactions commerciales, en particulier lorsque des produits sont vendus avec des caractéristiques spécifiques. La décision de la cour de prononcer la nullité du contrat illustre également la protection des parties contre les pratiques commerciales trompeuses.

Quelles sont les implications de la décision de la cour concernant les dépens ?

La décision de la cour de condamner la société 4B Distrib aux dépens de première instance et d’appel a des implications financières importantes pour cette dernière. Selon l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens comprennent les frais de justice, y compris les frais d’huissier, les frais d’expertise, et les honoraires d’avocat.

En condamnant la société 4B Distrib aux dépens, la cour a statué que cette partie, ayant perdu le litige, doit supporter les coûts associés à la procédure. Cela peut avoir un impact significatif sur la situation financière de la société, en plus des sommes à restituer à la société Sodise.

Il est également à noter que la décision de la cour de ne pas faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais de justice de la société Sodise signifie que cette dernière ne sera pas indemnisée pour ses propres frais, ce qui pourrait être perçu comme une iniquité dans le partage des charges financières entre les parties.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
23/02660
3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°462

N° RG 23/02660 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TXJ6

(Réf 1ère instance : 2020004958)

S.A.S. SODISE

C/

S.A.S. 4B DISTRIB

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me CHAUDET

Me GICQUELAY

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de QUIMPER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Octobre 2024

ARRÊT :

Contradictoire prononcé publiquement le 10 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANTE :

S.A.S. SODISE

Immatriculée au RCS de QUIMPER sous le numéro 450 088 885, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Angélique LE JEUNE substituant Me Georges FLOCHLAY de la SELARL LCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Sandrine VIVIER substituant Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. 4B DISTRIB

immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro 800 344 319, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine GICQUELAY, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Sophie DE PENFENTENYO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société 4B Distrib a une activité de « vente import export négoce conseil prestations de services d’équipement de nettoyage industriels ».

La société Sodise a une activité d’« achat, vente en gros ou au détail, consignation, représentation, courtage, importation, exportation de marchandises, prestation de services (…) »

Pendant la période de la pandémie de la Covid-19, courant mai 2020, la société Sodise s’est rapprochée de la société 4B Distrib aux fins d’acquérir de nombreuses lingettes de marque Smile.

Deux bons de commandes du 26 et 27 mai 2020 ont été émis par la société Sodise pour un total de 75 780 euros. Les livraisons sont intervenues les 27 mai et 4 juin 2020 et ont été immédiatement payées.

La société Sodise a sollicité divers documents aux fins de vérifier la conformité des lingettes aux normes de distribution. Il est apparu que les lingettes n’étaient pas biocides.

Par courriers des 15 et 26 octobre 2020, soutenant avoir commandées des lingettes présentées comme détruisant le coronavirus, la société Sodise a fait valoir être bien fondée à invoquer la résolution du contrat en raison de la non conformité des produits vendus et a mis en demeure la société 4B Distrib de lui payer la somme de 79 063,20 euros.

Par courrier du 18 novembre 2020, la société 4B Distrib s’est opposée à tout remboursement.

Le 8 décembre 2020, la société Sodise a assigné la société 4B Distrib devant le tribunal de commerce de Quimper en résolution du contrat aux torts exclusifs du vendeur et sollicité le paiement de la somme susvisée.

Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal a :

– débouté la société Sodise en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– débouté la société 4B Distrib en sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la société Sodise à payer à la société 4B Distrib la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Sodise aux entiers dépens, lesquels comprennent notamment les frais de greffe, liquidés pour le présent jugement à la somme de 63,36 euros,

– débouté les parties en leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 4 mai 2023, la société Sodise a formé appel de cette décision.

Les dernières conclusions de l’appelante sont du 9 janvier 2024 ; celles de l’intimé, du 19 octobre 2023.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société Sodise demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Quimper le 24 mars 2023, en ce qu’il a débouté la société Sodise en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’a condamnée à payer à la société 4B Distrib la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Quimper le 24 mars 2023, en ce qu’il a débouté la société 4B Distrib de sa demande d’indemnisation à hauteur de 15 000 euros,

– statuant à nouveau :

– à titre principal :

– prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société Sodise et la société 4B Distrib pour erreur sur les qualités substantielles de la chose, dès lors que la société Sodise a légitimement pu croire que les lingettes distribuées parla société 4B Distrib étaient des produits biocides, alors qu’il s’agit de simples produits cosmétiques, étant rappelé qu’en période de pandémie, le caractère désinfectant des lingettes était une propriété essentielle pour l’acheteur,

En conséquence :

– condamner la société 4B Distrib à lui rembourser la somme de 76.705,54 euros TTC, correspondant au prix des marchandises non-conformes en stock dans les locaux de la société Sodise, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2020, date de la première mise en demeure,

– condamner la société 4B Distrib à récupérer la marchandise litigieuse dans les locaux de la société Sodise, à ses frais, dans un délai de 10 jours à compter de la décision à intervenir, faute de quoi la société Sodise sera autorisée à la détruire,

– à titre subsidiaire :

– prononcer la résolution du contrat de vente conclu entre la société Sodise et la société 4B Distrib aux torts exclusifs du vendeur pour manquement à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il avait annoncé avant la vente, que les lingettes avaient des propriétés antibactériennes, désinfectantes, et même « virucides », ce qui n’est en réalité pas le cas, comme il le reconnaît désormais,

En conséquence :

– condamner la société 4B Distrib à la rembourser de la somme de 76 705,54 euros TTC, correspondant au prix des marchandises non-conformes en stock dans les locaux de la société Sodise, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2020, date de la première mise en demeure,

– condamner la SAS 4B Distrib à récupérer la marchandise litigieuse dans les locaux de la société Sodise, à ses frais, dans un délai de 10 jours à compter de la décision à intervenir, faute de quoi la société Sodise sera autorisée à la détruire,

– en tout état de cause :

– condamner la société 4B Distrib à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens.

La société 4B Distrib demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande nouvelle en cause d’appel de la société Sodise tendant à voir prononcer la nullité du contrat pour erreurs sur les qualités substantielles de la chose,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu`il a débouté la société Sodise de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société 4B Distrib de sa demande de dommages et intérêts du fait du comportement de la société Sodise,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus et, y ajoutant, condamner la société Sodise à verser a la société 4B Distrib la somme de 6 000 euros au titre l’article 700,

Statuant de nouveau :

– condamner la société Sodise à verser a la société 4B Distrib la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice subi par le comportement de l’appelante ;

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus et, y ajoutant, condamner la société Sodise à verser à la société 4B Distrib la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700du code de procédure civile,

– condamner la société Sodise aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

DISCUSSION

Sur les fins de non recevoir

La société 4B Distrib fait valoir l’irrecevabilité de la demande d’annulation du contrat de vente au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle en appel et par application du principe de l’estoppel.

L’article 564 du code de procédure civile dispose :

« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

L’article 565 du même code précise :

« Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »

La demande d’annulation qui, tout comme la demande de résolution, tend à l’anéantissement du contrat n’est pas une prétention nouvelle.

La fin de non recevoir au titre de l’estoppel sanctionne l’attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d’une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

Elle ne peut s’appliquer au seul changement de prétentions qui tendent aux mêmes fins entre la première instance et l’instance d’appel. Ainsi, le fait que la société Sodise ait fait valoir un défaut d’exécution du contrat ne l’empêche pas de soutenir, désormais, le défaut de formation du contrat.

Les fins de non-recevoir sont rejetées.

Sur la demande d’annulation du contrat

En substance, la société Sodise soutient avoir commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue provoquée par la publicité trompeuse et la pratique commerciale trompeuse de la société 4B Distrib. Elle fait valoir que son erreur n’est pas inexcusable comme ayant été accréditée par des informations erronées transmises par un professionnel doté de compétences particulières quant aux biens acquis.

La société 4B Distrib soutient essentiellement que le caractère biocide des lingettes n’est pas entré dans le champ contractuel, que seul le caractère antibactérien attesté a été stipulé. Elle ajoute que ces lingettes sont conformes aux réglementations en vigueur et commercialisées, et qu’elles ne peuvent être constitutives d’une pratique commerciale trompeuse. Elle souligne que la société Sodise a, en outre, admis avoir vendu une partie des lingettes litigieuses sous des caractéristiques qu’elle estime pourtant inexactes. Elle fait valoir que la société Sodise exerce une activité concurrente à la sienne et a tenté de la déstabiliser.

Selon l’article 1132 du code civil :

« l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

L’article 1133 du même code précise :

« les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. (…) »

Au préalable, il convient de souligner, au vu de l’ensemble des documents versés par les parties, qu’un produit biocide correspond à toute substance ou tout mélange constitué d’une ou plusieurs substances actives destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organisme nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique. Un produit biocide a ainsi pour objet de combattre les bactéries et/ou les virus et/ou les champignons.

Entre dans cette catégorie les lingettes dites désinfectantes.

Les produits biocides sont couverts par le règlement (UE) n°528/2012, à la différence des simples produits cosmétiques, et nécessitent, pour leur distribution, une autorisation de mise sur le marché.

Il est constant que la société 4B Distrib a adressé une plaquette commerciale concernant les lingettes de référence 800M017 et 800M018 à ses clients. L’un d’entre eux a transmis ladite plaquette à la société Sodise.

Cette plaquette commerciale, visant les lingettes, mentionne les éléments de publicité suivant :

« Stop coronavirus »

« matériels de désinfection »

« ‘ lingettes anti-bactériennes mains et surfaces »

« lingettes humides antibactériennes désinfectante virucide TM « Smile » contiennent du D-panthénol »

Après négociation par courriel et réception de la Fiche de données de sécurité en anglais, la société Sodise a procédé à deux commandes les 26 et 27 mai 2020.

La Fiche de données de sécurité ou « Material safety data sheet » (FDS ou MSDS), est intitulée « product name : smile antibacterial wet wipes with D-pantenal ». Il est précisé « MSDS approval date 24.04.2019 », « product use : hygienic skin care », et la composition du produit.

Hormis l’indication du nom du produit qui fait référence à une action antibactérienne, aucune information technique n’y est donnée quant aux caractéristiques précises antibactérienne et/ou virucide du produit.

Selon la mention portée sur les bons de commande, la société Sodise a commandé des lingettes « désinfectantes » sous la référence 800M017 et 800M018.

Après réception et paiement de la marchandise, la société Sodise a sollicité divers documents et notamment la preuve de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) s’agissant de lingettes présentées comme biocides, soulignant que la Fiche de données de sécurité était rédigée en anglais et ne comportait pas les éléments liés à la réglementation sur les biocides.

Par courrier du 5 juin 2020, la société 4B Distrib a admis que parmi les documents en leur possession, la présentation faite par le « laboratoire » (a priori le fabricant des lingettes), figure la mention H1N1. Ce document versé en procédure mentionne bien « bacteria, fungi, virus H1N1 ».

Les 5 et 9 juin 2020, la société Sodise a réitéré ses demandes d’informations complémentaires.

Le 11 juin 2020, la société 4B Distrib a transmis à la société Sodise une copie de courriel du fabriquant lequel indique, de manière contradictoire : « notez (…) que nos lingettes ne sont pas biocides. Nous utilisons du Benzalconium Chloride. Et la lingette que nous produisons est un antibactérien ».

Il est relevé que dans la FDS, le taux de Benzalconium Chloride n’est que de 0,08 %.

Le même jour, la société Sodise a rappelé à son cocontractant que le produit est pourtant présenté comme biocide par le fabriquant, sans preuve d’autorisation de mise sur le marché, et qu’elle ne peut dès lors le distribuer en France.

La Direction départementale de la protection des populations de Seine et Marne sollicitée par la société 4B Distrib pour savoir si les lingettes pouvaient être revendues, a procédé à un contrôle le 27 juillet 2020 sans que le résultat technique ne soit connu. Elle a simplement mentionné « pas de demande de

rapatriement, pas de demande de remboursement, pas d’indication de responsabilité ». Ce document évasif et non signé ne saurait faire la preuve de la caractéristique biocide ou non des lingettes, ou de la possibilité de leur revente.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Sodise a entendu acheter des lingettes biocides, ayant en particulier un effet sur la Covid-19, conformément à la plaquette commerciale et à ses bons de commande mentionnant des lingettes désinfectantes, et non de simples lingettes lavantes cosmétiques.

Avant la concrétisation de la vente, les factures pro-forma qui lui ont été adressées portaient, certes, seulement mention de lingettes antibactériennes, mais il ressort des échanges entre les parties que la société 4B Distrib assurait elle-même vendre des lingettes biocides avec les deux effets antibactérien et virucide, se référant en cela à la plaquette du fabricant, sans s’en être assurée préalablement.

S’il est établi que le produit n’a aucune propriété virucide, ses propriétés antibactériennes ne sont pas plus démontrées par la société 4B District. En effet, le rapport du laboratoire Ekolabos qu’elle verse porte sur un produit appelé Smile/ GoWipes antibacterial wet wipes D-Pantenol et non simplement Smile antibacterial wet wipes with D-pantenal, et vise des lots datés du 26 février 2020, ce qui ne correspond pas aux lots retrouvés par le commissaire de justice le 13 juillet 2020 à la société Sodise, lots des 27 avril 2020 et 7 mai 2020.

La précipitation manifeste en période de pandémie a conduit tant le vendeur que l’acheteur à manquer de vigilance.

Ainsi, sans qu’il soit besoin de rechercher l’existence d’une pratique commerciale trompeuse, l’erreur commise sur les qualités substantielles du produit entrées dans le champ contractuel a manifestement été partagée par l’acheteur et le vendeur professionnels, de sorte qu’il ne peut être considéré que l’erreur du premier serait inexcusable.

Il convient d’infirmer le jugement et de prononcer la nullité de la vente.

Les parties doivent être remises dans l’état antérieur à la vente. Cependant, la société Sodise justifie avoir vendu une partie du stock avant le présent litige. Il convient en conséquence de condamner la société 4B Distrib à restituer la somme de 76 705,54 euros TTC correspondant au prix, dont le calcul n’est pas, en lui-même, discuté, du stock restant, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2020, date de la demande en justice équivalente à la sommation de payer.

La société 4B Distrib devra récupérer la marchandise dans un délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt, à ses frais, auprès de la société Sodise laquelle devra tenir le stock à disposition. A défaut de récupération de la marchandise dans les délais, la société Sodise pourra en faire son affaire.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société 4B Distrib

La société 4B Distrib sollicite l’indemnisation d’un préjudice résultant de la

stratégie adoptée par la société Sodise pour la déstabiliser en commandant en urgence l’intégralité de son stock.

La faute alléguée n’est caractérisée par aucun élément sérieux. Il est en outre relevé que la société 4B Distrib a elle-même exercé une forme de pression sur la société Sodise pour qu’elle contracte le plus rapidement possible en l’informant le 26 mai à 7H35 que son service commercial avait déjà vendu 300 cartons de 36 lingettes en à peine deux heures et qu’elle subissait une « forte demande de toute part ».

La société 4B Distrib sollicite également l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’action abusive en justice de la société Sodise.

Aucun abus dans le droit de faire valoir ses droits en justice n’a été relevé de la part de la société Sodise, à laquelle il a, au demeurant, été donné raison.

Il convient de confirmer le jugement.

Frais et dépens

Il convient de condamner la société 4B Distrib aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande de ne pas faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette les fins de non recevoir,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– débouté la société Sodise en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Sodise aux entiers dépens,

Confirme le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour et y ajoutant :

Prononce la nullité du contrat de vente passé entre la société 4B Distrib et la société Sodise selon bons de commande des 26 et 27 mai 2020,

Condamne la société 4B Distrib à restituer la somme de 76 705,54 euros TTC à la société Sodise, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2020,

Dit que la société 4B Distrib devra récupérer la marchandise dans un délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt, à ses frais, auprès de la société Sodise laquelle devra tenir le stock à disposition,

Dit qu’à défaut de récupération de la marchandise par la société 4B Distrib dans ce délai, la société Sodise pourra en faire son affaire,

Rejette toute autre demande des parties,

Condamne la société 4B Distrib aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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