Nullité du contrat de vente de matériel : plaidez l’obligation de délivrance 

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Nullité du contrat de vente de matériel : plaidez l’obligation de délivrance 

L’obligation de délivrance d’un matériel ne se limite pas à livrer un matériel mais s’étend à sa mise au point, et comporte aussi une obligation accessoire d’information et de conseil du client, fut-il professionnel, correspondante aux connaissances réciproques de l’un et de l’autre professionnel et aux stipulations contractuelles, notamment en rapport avec l’installation de l’équipement faite sur place par le fournisseur et la formation éventuellement prévue pour l’acheteur.

Le non respect de l’obligation de délivrance, dès lors qu’il est suffisamment grave, entraîne la résolution de la vente. 

Les obligations du vendeur

En application de l’article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.

L’obligation de délivrance 

L’obligation de délivrance d’un matériel s’étend à sa mise au point, et comporte une obligation accessoire d’information et de conseil du client, fut-il professionnel, correspondante aux connaissances réciproques de l’un et de l’autre professionnel et aux stipulations contractuelles, notamment en rapport avec l’installation de l’équipement faite sur place par le fournisseur et la formation éventuellement prévue pour l’acheteur.

L’obligation de conseil 

L’obligation de conseil mise à la charge du vendeur professionnel porte notamment sur le choix du bien, dont le vendeur doit s’assurer de l’aptitude à répondre au besoin de l’acheteur, et, le cas échéant, sur les précautions d’emploi qu’appelle le même bien pour que son utilisation soit conforme à sa destination.

Commande de matériel inadaptée à l’usage 

En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. 

En la cause, la vente a été conclue entre les parties le 5 janvier 2017 par l’acceptation de la proposition commerciale de Duplo aux fins d’imprimer des bulletins de vote pour les élections présidentielles, de sorte que le litige était soumis au code civil tel que postérieur à cette réforme.

Duplo était informée de l’importance de pouvoir assembler deux formats de papier A4 et A6  et de l’importance des cadences et de la tenue des délais puisque :

— d’une part, lors de la réunion contradictoire du 26 avril 2017, le directeur technique de Duplo a déclaré que l’assemblage à raison de « 3.000/heure prend en compte le temps de chargement des machines »

— et d’autre part, le mail du directeur général adjoint de Duplo du 5 décembre 2016 fait bien référence aux élections en indiquant en objet : « Duplo France / Proposition d’assembleuse / Élections » et son mail du 30 mars 2017 précise qu’il adresse la facture correspond aux matériels additionnels « pour les élections », avant même la livraison des tours d’assemblage.

Si Duplo se défend par ailleurs d’avoir dû connaître les termes du décret n°2001-2013 du 8 mars 2001 et de l’article R30 du code électoral fixant les dimensions et le grammage des bulletins de vote, il résulte des constats qui précèdent qu’elle avait connaissance de la nécessité pour son client d’associer des formats A4 et A6 pour ce marché.

C’est encore sans pertinence qu’elle invoque avoir demandé en vain des précisions complémentaires à France Routage sur ses besoins, dès lors que la phrase « au-delà de ce descriptif, une analyse plus détaillée de vos besoins permettra de mieux cerner le ou les solutions pouvant répondre à votre projet », se trouve imprimée dans le prospectus publicitaire de la machine DM230v présenté à tous les clients et ne s’adressait pas spécifiquement à France Routage, pour laquelle des tests étaient directement réalisés entre l’acheteur et le vendeur.

Duplo ne peut pas plus se prévaloir d’avoir proposé une autre machine également, dès lors que les caractéristiques de celle-ci ne lui permettent pas plus de traiter le format A6, le plus petit format accepté par cette autre machine étant 100×150 mm.

Pour autant, il ressort des constats techniques de l’expert que « les tours d’assemblages vendues ne sont pas adaptées au format des bulletins de vote ». 

Plus particulièrement, lors des essais, l’expert a relevé que « le mélange des formats A4 et A6 dégrade la performance au point de rendre la production instable et non industrielle avec de nombreux problèmes d’alignement en sus des problèmes de manquants et de doublons avec des arrêts intempestifs dégradant de manière drastique la cadence qui devient difficile à établir ».

L’expert a par ailleurs relevé lors des tests que « les techniciens de Duplo n’ont pas été en mesure de corriger les problèmes rencontrés par ajustement des paramètres ou par la cadence » (page 45 expertise) de même que « l’assistance au démarrage de la part de la société Duplo (‘) n’a pas permis de dépasser les limites techniques du matériel dans les conditions d’emploi prévues » (page 51).

Il résulte de ce qui précède qu’il ne peut être reproché au professionnel que constitue France Routage d’invoquer le défaut de délivrance conforme puisque s’il disposait d’une connaissance minimale concernant ces machines, les déclarations des directeurs technique et commercial de Duplo, le manuel d’utilisation et les essais réalisés tant dans les locaux de Duplo que dans les locaux de France Routage, ne lui ont pas permis de constater, par lui-même, les défauts apparents de la marchandise achetée et acceptée sans réserve le jour de la livraison, dès lors que la mention de la proposition commerciale sur la taille minimale admise était contredite par ces trois éléments. Ne disposant pas des connaissances nécessaires à ce constat, France Routage, dont l’expert indique qu’elle « a pu être entretenue dans l’illusion de l’adéquation des machines », peut donc invoquer le défaut de délivrance conforme.

Défaut de délivrance conforme à l’usage

Le défaut de délivrance conforme à l’usage auquel la chose était destinée est ainsi rapporté s’agissant de l’assemblage des formats A4 et A6 ainsi que l’inexécution par Duplo de son obligation d’information et de conseil, l’expert relevant notamment que « une telle mise en garde aurait permis à France Routage de repenser son processus avant de commencer la production »

Ces fautes sont suffisamment graves pour entraîner la résolution de la vente aux torts de Duplo.  En conséquence, Duplo a été condamnée à restituer la somme de de 259.700€ HT prix total de la vente et de ses accessoires .


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2022

(n° ,10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02476 –��N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCKN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de Créteil – RG n° 2019F00800

APPELANTE

S.A.S. FRANCE ROUTAGE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Meaux sous le numéro 612 002 857

Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MOQUIN, de l’Association OXYNOMIA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. DUPLO FRANCE

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 402 010 904

Prise en la personne de son représentant légal audit siège domicilié

représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine MOLLON, de la SELARL RATHEAUX, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En l’absence d’opposition des parties, l’audience s’est tenue en juge rapporteur le 03 Novembre 2022, en audience publique, devant Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Denis ARDISSON, Président de chambre

Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère

Madame Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition

FAITS ET PROCEDURE

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que la sas France Routage exerce son activité dans le domaine du brochage et du routage, principalement pour les titres de la presse périodique. À la suite d’un appel d’offres elle s’est vu attribuer, le 1er décembre 2016 des marchés publics de la mise sous pli des professions de foi (format A4) et des bulletins de vote (format A6), à l’occasion des deux tours de l’élection présidentielle ainsi que pour les élections législatives de 2017.

Le 5 janvier 2017, elle a signé un bon de commande portant sur 15 tours d’assemblage 10 postes à succion Duplo DSC10/60i, répondant ainsi à la proposition commerciale de la sarl Duplo France (ci-après Duplo) du 26 décembre 2016 (pièce 1 appelante), pour un prix de 229.500€ HT, ainsi que divers périphériques et logiciels, pour un montant total de 259.700€ HT (pièce 2 appelante).

Les machines ont été livrées chez France Routage le 7 avril 2017 et installées par Duplo.

France Routage s’est plainte de l’incapacité des tours d’assemblage à exécuter les travaux pour lesquels elles avaient été vendues et a expliqué avoir dû, pour faire face à l’assemblage des professions de foi et des bulletins de vote pour les élections présidentielles, faire appel massivement à des intérimaires pour traiter manuellement ces opérations, sous-traiter une partie de sa production auprès de tiers, se réorganiser pour traiter le marché des élections législatives et subir des pénalités appliquées par l’autorité attributaire des marchés à hauteur de 193.197,07€.

Par ordonnance de référé du 17 mai 2017, M. [U] [B] a été désigné en qualité d’expert. Le rapport a été déposé le 30 novembre 2018.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 12 janvier 2021, qui a :

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande de déclarer non conformes les machines livrées et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande relative aux vices cachés et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en ses demandes de résolution de la vente, de remboursement de la somme de 259.700 € HT, et de reprise des machines par la société Duplo France et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande de réfaction du prix de vente et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande d’annulation de la vente pour dol et du remboursement du prix de vente et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande d’annulation de la vente au titre de l’article 1112-1 du Code Civil et l’en a débouté,

— Dit la société France Routage mal fondée en sa demande de dommages et intérêts, en ce compris les préjudices financiers allégués et l’application d’intérêts et l’en a débouté,

— Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire de ce jugement,

— Condamné la société France Routage à payer à la société Duplo France la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société Duplo France du surplus de sa demande et déboute la société France Routage de sa demande formée de ce chef,

— Condamné la société France Routage aux entiers dépens

Vu l’appel interjeté par la sas France Routage, le 5 février 2021,

* * *

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 octobre 2022 pour la sas France Routage par lesquelles elle demande à la cour de :

— juger l’appel de France Routage recevable et l’y dire bien fondé.

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées par l’appel de France Routage et notamment en ce qu’il a débouté France Routage de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à verser une indemnité de 5.000€ en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

— juger que Duplo a manqué à son obligation de délivrance de machines conformes à la destination qu’elle connaissait, consistant en un assemblage de documents électoraux pour les présidentielles et les législatives 2017, au format A4 et A6, avec une productivité de 5.700 assemblages par heure.

— en conséquence prononcer la résolution de la vente des matériels DSC-10/60i à France Routage, aux torts exclusifs de Duplo, ainsi que la résolution des commandes accessoires à cette vente.

— en conséquence condamner d’ores et déjà Duplo à payer à France Routage le montant des prix acquittés par elle au titre de ces ventes, soit la somme totale de 418.966€.

— juger que Duplo devra reprendre possession des machines DSC-10/60i, à ses frais, au plus tard dans un délai de 30 jours suivants la signification de l’arrêt à intervenir.

Subsidiairement,

— juger que Duplo a commis un dol par réticence lors de la vente des machines DSC-10/60i et en conséquence prononcer l’annulation de cette vente et de ses accessoires, avec les mêmes conséquences que pour la résolution, en termes de condamnation de Duplo au remboursement des sommes payées et d’enlèvement des machines.

Encore plus subsidiairement,

— juger qu’en toute hypothèse Duplo a manqué à ses obligations d’information loyale et de conseil, alors qu’elle connaissait l’usage auquel étaient destinées les machines proposées.

— également de ce chef prononcer la résolution de la vente avec les mêmes conséquences de droit et les mêmes condamnations à l’égard de Duplo.

En toute hypothèse et en sus des demandes ci-dessus,

— condamner Duplo à réparer les préjudices subis par France Routage et voir en conséquence condamner Duplo à payer à France Routage la somme de 940.495,18€ à titre de dommages et intérêts.

— juger que ce montant portera intérêts à compter du 1er juillet 2017, date à laquelle France Routage a exposé définitivement ces charges, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1342 du Code Civil. Subsidiairement à cette dernière demande,

— condamner Duplo, de façon supplémentaire, à indemniser le préjudice financier subi par France Routage et condamner Duplo à payer à France Routage la somme de 219.880€, arrêtée au 30 juin 2021, outre une somme mensuelle de 4.581€ courant à partir du 1er juillet 2021 jusqu’à parfait paiement des condamnations que la Cour viendra à prononcer.

— condamner Duplo à payer à France Routage une somme de 40.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— débouter Duplo en tous ses moyens, fins et conclusions.

— condamner Duplo en tous les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’aux frais d’expertise et autoriser le recouvrement des dépens dans les termes de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats pour la sarl Duplo France, le 1er novembre 2022 par lesquelles elles demandent à la cour de :

vu les articles 9 et 15 du code de procédure civile,

vu l’article 1603 du code civil,

vu les pièces versées aux débats,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 12 janvier 2021 ;

— débouter la société France routage de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

— très subsidiairement, si la cour devait retenir l’existence d’une non-conformité,

— débouter la société France routage de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

— à titre infiniment subsidiairement, les reduire à de plus justes proportions.

en tout état de cause

— condamner la société France routage, en cause d’appel, à payer à la société Duplo France, en sus des condamnations prononcées à ce titre en première instance, à payer à la société la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de procédure, ceux d’appel étant distraits au profit de la sep Ortolland représentée par Maître Elise Ortolland, avocat, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— condamner la société France routage aux entiers dépens d’instance ;

Vu l’ordonnance de clôture du 14 avril 2022, révoquée le 12 mai 2022 afin de permettre à la sarl Duplo France de répliquer aux conclusions de l’appelante du 9 mai 2022,

Il y a lieu de clore l’instruction.

SUR CE, LA COUR,

Sur l’obligation de délivrance conforme

En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. La vente a été conclue entre les parties le 5 janvier 2017 par l’acceptation de la proposition commerciale de Duplo, de sorte que le litige est soumis au code civil tel que postérieur à cette réforme.

Contrairement à ce qu’indique l’intimée, les conclusions de l’appelante comporte des moyens de droit et de fait, comme le rapportent notamment ses paragraphes IV.1 « sur l’usage auquel étaient destinées les machines et le caractère contractuel de cet usage », IV.2 « sur le défaut de conformité », et IV.3 « subsidiairement sur le dol », chaque partie reprenant les faits de l’espèce, de telle sorte que la critique de ce chef n’est pas fondée.

En application de l’article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.

L’obligation de délivrance d’un matériel s’étend à sa mise au point, et comporte une obligation accessoire d’information et de conseil du client, fut-il professionnel, correspondante aux connaissances réciproques de l’un et de l’autre professionnel et aux stipulations contractuelles, notamment en rapport avec l’installation de l’équipement faite sur place par le fournisseur et la formation éventuellement prévue pour l’acheteur.

L’obligation de conseil mise à la charge du vendeur professionnel porte notamment sur le choix du bien, dont le vendeur doit s’assurer de l’aptitude à répondre au besoin de l’acheteur, et, le cas échéant, sur les précautions d’emploi qu’appelle le même bien pour que son utilisation soit conforme à sa destination.

La proposition commerciale du 23 décembre 2016 adressée par Duplo à France Routage(pièce 1 appelante) présente l’assembleuse DSC10/60i comme dotée des qualités suivantes :

— une « fonction bloc » permettant de « charger deux travaux différents (nombre de feuille et/ou format et/ou type(s) de supports(s) dans la tour (jusqu’à 5 feuilles par travail »,

— des « formats des supports de longueur mini 170 mm à maxi 500 mm et largueur mini 120 mm à maxi 356 mm » et des grammages mini de 52g/m² à maxi 300gr/m²,

— avec une productivité : « jusqu’à 5.200 assemblages/heure en format 105×410 soit 105/200mm fini (5 feuilles) » (page 6) ;

— un « système d’alimentation évolué » avec une « production régulière de jeux précis et contrôlés ».

Elle précise encore que « la tour DSC10/60i possède une très large plage de fonctionnement et peut accepter une grande variété de papiers et de grammages » (page 7).

Le format A6 qui correspond à un quart du format A4, a les dimensions suivantes : 105×148 mm. Si ce format est inférieur, comme le relève l’expert, au minimum du format prévu par la proposition commerciale qui vient d’être rappelée, il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 26 avril 2017 (pièce 30 appelante) que lors de la réunion contradictoire de ce même 26 avril 2017 dans les locaux de France Routage, entre le Président de France Routage, le Directeur du service technique et le Directeur commercial arts graphique de Duplo, que ces deux derniers représentant Duplo ont déclaré que : « la formation a été faite sur du format A4 et A6 dont sur notre showroom avec au moins 6 personnes et sans que des problèmes soient remontés » et que « le format A4 et A6 ne pose pas de problème pour les machines Duplo, les tests ont été faits chez nous avec les deux formats et chez vous également sur les 4 machines dont vous disposiez sur du papier blanc ». Au demeurant ces déclarations sont conformes au manuel d’utilisation de la machine produit par France Routage (pièce 80) en sa page 59 qui indique un format de papier accepté minimal de 105x148mm soit un format A6 qui, comme le relèvera l’expert « entre en contradiction directe concernant la taille du papier avec les termes de l’offre commerciale » (l’absence de date sur ce manuel étant directement imputable à Duplo qui l’a fait éditer, et ne peut être reprochée à France Routage).

Des déclarations mêmes du directeur technique et du directeur commercial de Duplo, il était donc connu de ce fournisseur et donc entré dans le champ contractuel que l’assemblage associerait des formats A4 et A6. Par ailleurs, alors même que la proposition commerciale semblait exclure le format A6, les tests réalisés le 30 novembre 2016 (page 49 expertise pièce 80), comme les déclarations des deux directeurs présents de Duplo et le manuel d’utilisation, affirmaient que le format A6 était traité par cette machine.

Duplo était ainsi informée de l’importance de pouvoir assembler ces deux formats et de l’importance des cadences et de la tenue des délais puisque :

— d’une part, lors de la réunion contradictoire du 26 avril 2017, le directeur technique de Duplo a déclaré que l’assemblage à raison de « 3.000/heure prend en compte le temps de chargement des machines » (pièce 30 appelante)

— et d’autre part, le mail du directeur général adjoint de Duplo du 5 décembre 2016 fait bien référence aux élections en indiquant en objet : « Duplo France / Proposition d’assembleuse / Élections » (pièce 31 appelante), et son mail du 30 mars 2017 (pièce 3) précise qu’il adresse la facture correspond aux matériels additionnels « pour les élections », avant même la livraison des tours d’assemblage.

Si Duplo se défend par ailleurs d’avoir dû connaître les termes du décret n°2001-2013 du 8 mars 2001 et de l’article R30 du code électoral fixant les dimensions et le grammage des bulletins de vote, il résulte des constats qui précèdent qu’elle avait connaissance de la nécessité pour son client d’associer des formats A4 et A6 pour ce marché.

C’est encore sans pertinence qu’elle invoque avoir demandé en vain des précisions complémentaires à France Routage sur ses besoins, dès lors que la phrase « au-delà de ce descriptif, une analyse plus détaillée de vos besoins permettra de mieux cerner le ou les solutions pouvant répondre à votre projet », (pièce 8) se trouve imprimée dans le prospectus publicitaire de la machine DM230v présenté à tous les clients et ne s’adressait pas spécifiquement à France Routage, pour laquelle des tests étaient directement réalisés entre l’acheteur et le vendeur.

Duplo ne peut pas plus se prévaloir d’avoir proposé une autre machine également, dès lors que les caractéristiques de celle-ci ne lui permettent pas plus de traiter le format A6, le plus petit format accepté par cette autre machine étant 100×150 mm.

Pour autant, il ressort des constats techniques de l’expert que « les tours d’assemblages vendues ne sont pas adaptées au format des bulletins de vote ». Plus particulièrement, lors des essais, l’expert a relevé que « le mélange des formats A4 et A6 dégrade la performance au point de rendre la production instable et non industrielle avec de nombreux problèmes d’alignement en sus des problèmes de manquants et de doublons avec des arrêts intempestifs dégradant de manière drastique la cadence qui devient difficile à établir ».

L’expert a par ailleurs relevé lors des tests que « les techniciens de Duplo n’ont pas été en mesure de corriger les problèmes rencontrés par ajustement des paramètres ou par la cadence » (page 45 expertise) de même que « l’assistance au démarrage de la part de la société Duplo (‘) n’a pas permis de dépasser les limites techniques du matériel dans les conditions d’emploi prévues » (page 51).

Il résulte de ce qui précède qu’il ne peut être reproché au professionnel que constitue France Routage d’invoquer le défaut de délivrance conforme puisque s’il disposait d’une connaissance minimale concernant ces machines, les déclarations des directeurs technique et commercial de Duplo, le manuel d’utilisation et les essais réalisés tant dans les locaux de Duplo que dans les locaux de France Routage, ne lui ont pas permis de constater, par lui-même, les défauts apparents de la marchandise achetée et acceptée sans réserve le jour de la livraison, dès lors que la mention de la proposition commerciale sur la taille minimale admise était contredite par ces trois éléments. Ne disposant pas des connaissances nécessaires à ce constat, France Routage, dont l’expert indique qu’elle « a pu être entretenue dans l’illusion de l’adéquation des machines », peut donc invoquer le défaut de délivrance conforme.

Le défaut de délivrance conforme à l’usage auquel la chose était destinée est ainsi rapporté s’agissant de l’assemblage des formats A4 et A6 ainsi que l’inexécution par Duplo de son obligation d’information et de conseil, l’expert relevant notamment que « une telle mise en garde aurait permis à France Routage de repenser son processus avant de commencer la production » (page 51 expertise).

Ces fautes sont suffisamment graves pour entraîner la résolution de la vente aux torts de Duplo. En conséquence, Duplo devra restituer la somme de de 259.700€ HT prix total de la vente et de ses accessoires dont il n’est pas contesté qu’elle a été payée, le total demandé de 418.966€ n’étant pas rapporté au-delà de 259.700€ HT, et reprendre possession des machines à ses frais, en fixant la date de l’opération d’un commun accord avec France Routage.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les préjudices

Il ressort de l’expertise que dans la configuration requise pour les élections présidentielles de 2017, le nombre des candidats au 1er tour interdisait de préparer l’ensemble des documents avec uniquement 2 tours ; dans la configuration retenue par France Routage, l’expert a donc constaté que la cadence réelle était réduite à la moitié de la cadence nominale du fait des temps de rechargement (page 45 expertise). Par ailleurs, comme le relève l’expert, les cadences avancées par France Routage comme devant être atteintes pour répondre aux délais des appels d’offres, dépendent en réalité de l’organisation réelle du travail par France Routage, que celle-ci n’a pu établir lors des opérations d’expertise (page 54 expertise). La « schématisation des process de traitement » (pièce 49 appelante) avancent également des chiffres notamment de cadences, sans renvoi à aucune référence objective. Partant, ayant connaissance de cette machine dont elle disposait déjà en 4 exemplaires, et des temps de rechargement, France Routage ne peut reprocher la réduction de la cadence nominale par deux à Duplo. L’évaluation du préjudice subi doit donc tenir compte de cette réduction, non imputable à une faute de Duplo.

L’expert note encore que les éléments fournis par France Routage sur l’augmentation des heures supplémentaires par rapport aux années 2016, 2017 et 2018 n’apparaissent pas totalement pertinents dès lors qu’il ne peut être comparé des années sans élection et une année d’élections, sans notamment connaître le reste de l’activité.

S’il est établi que les machines Duplo se sont révélées incapables de produire les assemblages pour lesquels elles avaient été vendues, il y a lieu de relever avec l’expert que France Routage a en outre contribué à son propre dommage en n’ayant jamais testé l’ensemble du processus prévu avant sa réalisation pour les opérations d’assemblages pour les élections, et ayant effectué les commandes de machines dans un délai qui lui laissait peu de temps pour s’organiser (page 64 expertise).

Ainsi, s’agissant des postes de préjudices réclamés par France Routage à hauteur de 940.495,18€, il y a lieu de retenir que :

— au droit de la demande pour l’emploi d’intérimaires pour un total de 228.396,86€ n’est cité qu’une seule pièce, la pièce 19, qui consiste en un tableau sur traitement de texte de 15 lignes et 4 colonnes reprenant simplement le nom d’agences d’interim, des numéros de factures, le montant de ces factures, et en 4e colonne la mention à toutes les lignes « intérimaire » ; il n’est renvoyé à aucune facture ; aucune n’est d’ailleurs produite, si bien que ni les montants, ni les dates, ni l’objet de ces factures ne peut être vérifié ; au demeurant, les mails produits en pièces 63 et suivantes démontrent que France Routageavait prévu l’emploi d’intérimaires avant même de constater les dysfonctionnements des machines ; en conséquence, le lien avec le litige n’est pas établi et France Routage sera déboutée de ce chef.

— comme déjà relevé, le tableau des heures supplémentaires n’est pas probant par comparaison d’une année à l’autre, de sorte que la demande de 74.324,80€ n’est pas établie de manière certaine comme ayant un lien de causalité avec le défaut de délivrance conforme, dans son montant ; les tableaux produits pour les heures supplémentaires exécutées par des personnels des sociétés Elomag, Sodicom et CRP/Feelfact subissent les mêmes défauts, pour les sommes de 44.866,90€, 36.001,25 € et 54.838 € ; il en est de même pour les sommes réclamées au titre des heures supplémentaires invoquées pour les élections législatives soit : 126.722,23 € de facture Sodicom, et 57.330 € pour CRP Feelfact ; ces demandes reposent par ailleurs uniquement sur des tableaux reprenant des bulletins de paie, sans que soit versé aucun document sur l’organisation de la société à cette période ; France Routage sera donc déboutée de ces demandes ;

— en conséquence la demande en réparation de la location supplémentaire d’équipements liée à ces personnels pour 1.880€ doit être également rejetée,

— en revanche, la réimpression des documents des candidats détruits par les machines, pour un montant de 23.627,78€ TTC est rapporté par la facture (pièce 24) visant les élections présidentielles 2017 et les documents des candidats nominativement désignés. L’expert a relevé que ces réimpressions avaient été nécessaires. Partant ce poste de préjudice sera retenu.

— il ne est de même pour la sous-traitance des assemblages à réaliser pour la préfecture de Seine et Marne, rapportée par la facture de Koba sas (pièce 25) pour un montant de 26.162,33€ TTC,

— le lien de causalité entre le défaut de délivrance conforme et les pénalités payées par France Routage à la Préfecture d’Île-de-France n’est pas rapporté, la lettre de l’autorité concernée (pièce 26) visant des difficultés « pour le second tour » alors que les problèmes de France Routage dans l’assemblage des documents se sont révélés dès le 1er tour. Pourtant, ce poste de préjudice ne peut pas être retenu.

Aux termes de l’article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.

Le coût financier des sommes avancées de ces chefs de préjudices par France Routage n’est rapporté par aucune pièce ; la demande fondée sur un coût de 3 % par an aboutissant à un préjudice de 219.880€ au 30 juin 2021 n’est prouvée par aucune pièce.

France Routage sera donc déboutée de cette demande et les intérêts seront dues sur les sommes précitées, au taux légal à compter de la mise à disposition de l’arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions, il le sera également en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause de première instance et d’appel, il y a lieu de condamner la sarl Duplo aux dépens des deux instances en application de l’article 696 du code de procédure civile, ceux-ci comprenant les frais de l’expertise, et partant de la condamner à payer à la sas France Routage la somme de 20.000€ au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ORDONNE la clôture de l’instruction,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

PRONONCE la résolution du contrat conclu le 5 janvier 2017 entre la sas France Routage et la sarl Duplo France portant sur la vente de 15 tours d’assemblage 10 postes à succion Duplo DSC10/60i,

CONDAMNE la sarl Duplo France à :

— restituer à la sas France Routage la somme de de 259.700€ HT (deux cent cinquante neuf mille sept cents euros), prix total de la vente et de ses accessoires,

— reprendre possession des machines à ses frais, en fixant la date de l’opération d’un commun accord avec France Routage.

— payer la somme de 23.627,78€ TTC (vingt trois mille six cent vingt sept euros et soixante dix huit centimes) à la sas France Routage en réparation du préjudice subi du fait de la réimpression nécessaire des documents de certains candidats, rendus impropres à l’envoi par les dysfonctionnements des machines Duplo,

— payer la somme de 26.162,33€ TTC (vingt six mille cent soixante deux euros et trente trois centimes) à la sas France Routage en réparation du préjudice subi du fait de la sous-traitance des assemblages pour la préfecture de Seine et Marne, exécutée par Koba sas,

les deux dernières sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition de l’arrêt,

DÉBOUTE la sas France Routage de ses demandes supplémentaires,

Statuant à nouveau et y ajoutant s’agissant des dépens et frais irrépétibles de la première instance et de l’appel :

CONDAMNE la sarl Duplo France aux dépens de la première instance et de l’appel, qui comprendront les frais de l’expertise,

CONDAMNE la sarl Duplo France à payer à la sas France Routage la somme de 20.000€ (vingt mille euros) au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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