Aux termes de l’article L632-2 alinéa 1 : ‘les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.’
La nullité peut être prononcée si les conditions suivantes sont réunies :
– les actes à titre onéreux doivent concerner des dettes échues ;
– ces actes doivent avoir été effectués s’ils ont été réalisés à partir de la date de cessation des paiements ;
– l’accipiens doit avoir eu la connaissance personnellement de l’état de cessation des paiements au moment de l’acte onéreux litigieux et non de la date de cessation des paiements comme le soutient à tort dans ses écritures la société Vonston. L’absence de mauvaise foi de l’accipiens ne constitue pas une cause d’exonération. Enfin, la preuve de cette connaissance peut être rapportée par tout moyen.
Préalablement, le débiteur doit avoir été placé sous le régime d’une procédure collective, situation qui n’est pas contestée en l’espèce.
Sur la demande en nullité
La liquidatrice de la société Luxury 1850 et de la Sci Owens ont demandé l’annulation d’un règlement de 166 000 euros effectué par la société Luxury 1850 en faveur de la société Vonston. Cette action vise à reconstituer l’actif de la société débitrice, mais l’existence d’un préjudice n’a pas été démontrée. La nullité peut être prononcée si les actes à titre onéreux ont été réalisés après la date de cessation des paiements et si l’accipiens avait connaissance de cette situation. La société Luxury 1850 a effectué un paiement à la société Vonston après la date de cessation des paiements fixée au 23 septembre 2019.
Sur l’existence d’un acte onéreux accompli à compter du 23 septembre 2019
La société Luxury 1850 a effectué un paiement de 166 000 euros à la société Vonston après la date de cessation des paiements. Ce paiement a été réalisé grâce à des aides du fonds de solidarité lié à la crise sanitaire. Une cession de créance a également été effectuée entre les sociétés Owens Invest et Vonston. Ainsi, le paiement litigieux a bien eu lieu après la date de cessation des paiements.
Sur la connaissance par la société Vonston de l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850
La société Vonston avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850 au moment du paiement litigieux. Plusieurs éléments démontrent que la société Vonston était informée de la situation financière difficile de la société Luxury 1850, notamment par ses liens étroits avec les sociétés concernées et les bénéficiaires économiques. La société Vonston avait également reçu des rapports mettant en lumière la situation financière précaire de la société Luxury 1850. Ainsi, la cour a confirmé l’annulation du paiement litigieux.
Sur les mesures accessoires
La société Vonston, ayant succombé, sera tenue aux dépens. Sa demande d’indemnité procédurale a été rejetée. L’indemnité procédurale a été accordée à la liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850, ainsi qu’à la société Edmond de Rothschild en sa qualité de contrôleuse.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
HP/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 30 Janvier 2024
N° RG 22/02061 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HETG
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 06 Décembre 2022
Appelante
Société VONSTON, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Pascale MASOERO, avocat postulant au barreau D’ALBERTVILLE
Représentée par la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET & GUYONNET ès qualités de Liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SCI OWENS, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
Société EDMOND DE ROTHSCHILD ([Localité 7]), dont le siège social est situé [Adresse 6] ([Localité 7])
Représentée par Me Anne-marie LAZZARIMA, avocat postulant au barreau D’ALBERTVILLE
Représentée par la SELARL S.Z., avocats plaidants au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. AJ UP, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Sans avocat constitué
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 8]
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l’ordonnance de clôture : 16 Octobre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 novembre 2023
Date de mise à disposition : 30 janvier 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,
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Faits et Procédure
La société civile immobilière Owens dont les éléments particuliers sont les suivants :
– création en 2010 par M. [U] pour acquérir et rénover le chalet ‘Mowgli’ sis lieu-dit [Adresse 4] à [Localité 5] (prix 7 millions 800 000 euros ) ;
– gestion de droit par Mme [I],
– capital social : 50 % société Owenshill dont le bénéficiaire économique est M. [C] ; 50 % société Owens Invest (sarl), dont le bénéficiaire économique est M. [U] ;
entrait dans une phase de procédure collective par décisions prononcées par le tribunal judiciaire d’Albertville à partir du 23 mars 2021 :
‘ jugement en date du 23 mars 2021
– ouverture d’un redressement judiciaire avec période d’observation de six mois ; fixation provisoire de la date de cessation des paiements au 18 novembre 2020 ; désignation de la selarl Bouvet et Guyonnet en qualité de mandataire judiciaire.
‘ ordonnance du 30 avril 2021
– désignation de la société anonyme Edmond de Rothschild en qualité de contrôleur à la procédure de redressement judiciaire.
‘ jugements en date du 23 novembre 2021
– conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ; désignation de la selarl Bouvet & Guyonnet en qualité de liquidatrice judiciaire ;
– report de la date de la cessation des paiements au 23 septembre 2019.
‘ jugement du 25 janvier 2022 confirmé par arrêt en date du 8 novembre 2022 (pourvoi en cours)
– constatation de la confusion des patrimoines de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 (sarl) ; extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société civile immobilière Owens à la société Luxury 1850 ; rappel de la date de cessation des paiements fixée au 23 septembre 2019.
S’agissant de la société Luxury 1850, les données principales sont les suivantes :
– création : 1er janvier 2013
– son capital social est possédé à 50 % par la société Letman le bénéficiaire économique est M. [C] ; 50 % par la société Octopussy Realty, dont le bénéficiaire économique est M. [U], société Octopussy Realty dont l’unique associé est la société Vonston dont un des administrateurs délégués est M. [U].
– gérante : Mme [I] ;
– activité : gestionnaire du chalet Mowgli selon contrat de bail signé avec la Sci Owens.
Par ailleurs, la selarl AJ UP avait été désignée en qualité de mandataire ad hoc de de la Sci Owens et de la société Luxury 1850.
Par exploit d’huissier délivré le 22 avril 2022, la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice de la Sci Owens dont la liquidation avait été étendue à la société Luxury 1850 assignait la société Vonston (sa) en nullité des paiement opérés à son bénéfice le 22 décembre 2021 durant la période d’observation pour la somme totale de 166 000 euros et en remboursement de la somme correspondante pour reconstituer l’actif` de la procédure de liquidation.
Par jugement contradictoire en date du 6 décembre 2020, le tribunal judiciaire d’Albertville :
– rejetait la demande de sursis à statuer ;
– annulait le paiement de la société Luxury 1850 à la société Vonston en date du 22 décembre 2021 pour le montant total de 166 000 (cent soixante six mille) euros;
– condamnait la société Vonston à rembourser à la selarl Bouvet & Guyonnet es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de de la Sci Owens étendue à la société Luxury 1850 la somme de 166 000 (cent soixante six mille) euros;
– rejetait la demande d’indemnité procédurale de la société Vonston ;
– condamnait la société Vonston aux entiers dépens;
Le tribunal motivant sa décision au fond sur la connaissance que la société Vonston avait de l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850 lors du paiement litiigieux.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 14 décembre 2022, la société Vonston interjetait appel de la décision dans toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 16 octobre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Vonston sollicitait de la cour l’infirmation du jugement dans toutes ses dispositions et de :
– juger que la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 ne rapporte pas la preuve de la connaissance personnelle par elle de la date de cessation des paiements de la société Luxury 1850 ;
– débouter la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 de l’ensemble de ses prétentions ;
– condamner la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 euros, outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Vonston faisait valoir notamment que :
‘ l’extension de la procédure collective engendrait une procédure collective unique avec une unicité de masse active et passive entre les deux sociétés avec une confusion de droit qui neutralisait leurs dettes et créances réciproques, de sorte que la liquidatrice devait démontrer la connaissance de l’état de la situation des deux sociétés liquidées ;
‘ la preuve du fait que la société Vonston, associée indirecte, avait une connaissance personnelle et précise de la situation financière de l’entreprise et a fortiori de la date de cessation des paiements n’était pas rapportée.
Par dernières écritures en date du 25 avril 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Edmond de Rothschild [Localité 7], en qualité de contrôleuse, sollicitait la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Vonston à lui payer une indemnité procédurale de 6 000 euros.
Au soutien de ses prétentions, la société Edmond de Rothschild [Localité 7] se rapportait à la motivation du jugement et de la liquidatrice et faisait valoir particulièrement que :
‘ le paiement litigieux était intervenu alors même que l’assignation en extension de procédure collective avait déjà été délivrée à la société Luxury 1850 ;
‘ les personnes animant ou contrôlant la société Vonston et la société Luxury 1850 étaient les mêmes.
Par réquisitions en date du 16 octobre 2023, Mme la procureure générale sollicitait la confirmation du jugement entrepris.
Au soutien de ses réquisitions, Mme la procureure générale faisait valoir que les liens entre les sociétés Owens et Luxury 1850 étaient très forts et bénéficiaient quasiment d’une gestion unique en la personne de M. [U] qui était intervenu activement à la liquidation judiciaire de la société Owens et que la société Vonston était doublement liée à la société Owens puisqu’elle en était la société mère et qu’elle détenait en holding la société Octopussy Realty dont le bénéficiaire était M. [U] et laquelle détenait 50 % du capital de la sci Owens.
Par dernières écritures en date du 27 octobre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens dont la liquidation a été étendue à la société Luxury 1850 sollicitait de la cour de confirmer le jugement entrepris et en tout état de cause de :
– débouter la société Vonston de sa demande d’indemnité procédurale ;
– condamner la société Vonston à lui payer une indemnité procédurale en cause d’appel à hauteur de 3 000 euros, outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 fait valoir qu’au regard du rôle central de M. [G] [U], du rôle de Mme [I], gérante de la Sci Owens et de la société Luxury 1850, de l’imbrication de toutes les sociétés entre elles, la société Vonston ne pouvait pas avoir de doutes sur l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850 dont elle avait bénéficié d’un paiement concomitant à la réception d’aides de l’Etat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
L’ordonnance de clôture était rendue le 16 octobre, puis rabattue avec nouvelle clôture avant les débats, lors de l’audience du 6 novembre 2023.
l’audience, avant les débats, l’ordonnance de clôture était rabattue et la clôture était prononcée de nouveau
MOTIFS ET DÉCISION
I – Sur la demande en nullité
L’action de la liquidatrice de la société Luxury 1850 et de la Sci Owens tendant à l’annulation d’un règlement de 166 000 euros réalisé par la société Luxury 1850 au profit de la société Vonston, action qui a pour but de reconstituer l’actif de la société débitrice, est fondée sur les dispositions des articles L 632-2 à 4 du code de commerce, l’existence d’un préjudice n’ayant pas été démontrée.
Aux termes de l’article L632-2 alinéa 1 : ‘les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.’
La nullité peut être prononcée si les conditions suivantes sont réunies :
– les actes à titre onéreux doivent concerner des dettes échues ;
– ces actes doivent avoir été effectués s’ils ont été réalisés à partir de la date de cessation des paiements ;
– l’accipiens doit avoir eu la connaissance personnellement de l’état de cessation des paiements au moment de l’acte onéreux litigieux et non de la date de cessation des paiements comme le soutient à tort dans ses écritures la société Vonston. L’absence de mauvaise foi de l’accipiens ne constitue pas une cause d’exonération. Enfin, la preuve de cette connaissance peut être rapportée par tout moyen.
Préalablement, le débiteur doit avoir été placé sous le régime d’une procédure collective, situation qui n’est pas contestée en l’espèce. En effet, la Sci Owens avait été placée en liquidation judiciaire, par conversion d’une procédure de redressement judiciaire, par jugement en date du 23 novembre 2021 du tribunal judiciaire d’Albertville. Cette procédure a été étendue à la société Luxury 1850 par jugement de ce même tribunal en date du 25 janvier 2022, décision confirmée par arrêt de la cour d’appel de Chambéry en date du 8 novembre 2022 (pourvoi en cours). La date de cessation des paiements fixée au 23 septembre 2019 pour la Sci Owens s’applique donc également à la société Luxury 1850.
1 – Sur l’existence d’un acte onéreux accompli à compter du 23 septembre 2019
La société Luxury 1850 a réalisé un acte onéreux, en l’espèce, un paiement par virement bancaire d’un montant de 166 000 euros en date du 22 décembre 2021 à la société Vonston, comme le démontre le relevé de comptes de la société Luxury 1850 produit par la liquidatrice. Cette somme a pu être réglée grâce aux aides du fonds de solidarité mis en place par le gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. En effet, la société Luxury 1850 a perçu un montant d’aide, en deux versements du 22 décembre 2021, de 168 024 euros, immédiatement reversés à la société Vonston le même jour, le solde du compte bancaire à l’issue de cette opération étant de (+) 3 182,13 euros. La somme de 166 000 euros est justifiée au moins en partie par une cession de créance consentie pour un montant de 128 192,08 euros de la société Owens Invest détenue sur la société Luxury 1850 à la société Vonston en date du 5 janvier 2020.
Ainsi, ce paiement est intervenu après la date de cessation des paiements fixée au 23 septembre 2019.
2 – sur la connaissance par la société Vonston, personnellement, de l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850
La cour renvoie à la motivation des premiers juges sur les données chiffrées issus du rapport du mandataire ad hoc relatif à la situation financière de la société Luxury 1850 qui ne lui permettait pas de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au cours de l’année 2020, à sa trésorerie négative à compter du mois d’avril 2021, rapport conforté par les différents bilans produits par l’administratrice judiciaire qui étayent cette situation obérée.
Le moyen exposé par la société Vonston selon lequel il est nécessaire de démontrer qu’elle avait la connaissance personnellement de l’état de cessation de paiement de la société Luxury 1850 et la Sci Owens, leurs masses actives et passives étant confondues suite au jugement d’extension, est inopérant dès lors que, lorsque la procédure collective d’une personne physique ou morale a été étendue à une autre personne physique ou morale en raison de la confusion des patrimoines, s’il en résulte un procédure collective unique, le jugement prononçant l’extension n’a pas d’effet rétroactif au jour du jugement initial d’ouverture. (cass 28 septembre 2004 B170 pourvoi n°02-12-552). Dès lors, l’administratrice doit seulement démontrer que la société Vonston avait la connaissance, personnellement, de l’état de cessation des paiements de la société Luxury 1850 au 22 décembre 2021.
Plusieurs éléments concordants démontrent que la société Vonston avait cette connaissance au 22 décembre 2021, soit quinze mois après la date de cessation des paiements :
‘ la société Luxury 1850 est membre du groupe de sociétés constitué à partir de la société Vonston, société holding de droit luxembourgeois dont le bénéficiaire économique est M. [G] [U], également administrateur. En effet, la société Vonston est associée unique de la société Octopussy Realty, dont le bénéficiaire économique est M. [G] [U], gérant, et qui est associée à 50 % dans la société Luxury 1850, détenue également à 50 % par la société Letman dont le bénéficiaire économique est M. [C]. En outre, la société Luxury 1850 est la locataire exploitante du chalet Mowgli à Courchevel, lequel appartient à la Sci Owens. Or, cette Sci Owens est détenue par les mêmes bénéficiaires économiques, soit M. [C] avec sa société Owens Hill associée à 50 % et M. [G] [U] avec sa société Owens Invest, associée également à 50 % et elle-même détenue en totalité par la société Vonston. Dès lors, la société Vonston, intéressée directement par le biais de la société Octopussy Realty s’agissant de la société Luxury 1850 et de la société Owens Invest, s’agissant de la Sci Owens, ne pouvait ignorer par exemple le non paiement d’une partie des loyers par la société Luxury 1850 soit un solde dû d’environ 3 M 4 d’euros à la Sci Owens créant à celle-ci des difficultés financières, sachant que M. [G] [U] et M. [C] ne s’accordaient pas sur la baisse de loyers sollicitée par la société Luxury 1850.
‘ M. [G] [U] a été partie prenante dans la procédure collective concernant la Sci Owens, ce qui n’est pas en soi anormal comme le souligne la société Vonston puisqu’il est associé à 50 %, mais en participant activement au déroulement de cette procédure, notamment en étant présent à la première réunion téléphonique du 29 avril 2021 au lieu et place de la gérante de la Sci Owens, alors absente, en étant présent lors de l’inventaire des actifs par le commissaire priseur en date du 6 juin 2021 et en décidant de présenter un plan de continuation selon courrier d’intention du 6 septembre 2021, il était parfaitement au courant des difficultés financières de la Sci Owens provenant en grande partie du non paiement des loyers par la société Luxury 1850 qu’il détenait aussi à 50 %, et par ce biais, la société Vonston dont il est aussi administrateur et bénéficiaire économique.
‘ Mme [I], dont il convient de rappeler qu’elle était gérante des deux entités, la société Luxury 1850 et la Sci Owens, s’était adressée à la liquidatrice avec une adresse e-mail Vonston. Ainsi, le courriel adressé par elle le 21 mars 2022 avait été envoyée avec l’adresse [Courriel 9]. Or, elle connaissait parfaitement la situation de la société Luxury 1850 qu’elle gérait et qui affichait depuis 2017 un taux d’endettement catastrophique, soit 3 558 000 euros 2017 pour atteindre presque 4 300 000 euros en 2020, avec un déficit récurrent selon les bilans. En outre, la société Vonston possédait un courriel adressé par Mme [I] au représentant de M. [C] en date du 14 janvier 2015 soulignant le fait que la société Luxury 1850 ne pouvait régler un loyer aussi important tel que celui fixé dans le bail ‘comme discuté avec M. [U]’ et que sa situation allait s’aggraver du fait de l’absence de trésorerie des actionnaires pour aménager le chalet Mowgli. La société Vonston a produit ce document sans expliquer comment elle en était entrée en possession sinon par les liens très étroits entre elle, les sociétés concernées et Mme [I] faisant partie de son équipe.
‘ la société Vonston disposait du rapport du mandataire ad hoc désigné pour tenter un rapprochement entre la société Luxury 1850 et la Sci Owens en date du 15 septembre 2020. Dans ses écritures, la société Vonston soutient que ce document lui aurait été communiqué postérieurement à l’assignation délivrée par la liquidatrice dans la présente procédure, sans en justifier. Ainsi, elle disposait de ce rapport dans lequel la situation de la société Luxury 1850 sur le plan financier était exposée en soulignant notamment les résultats nets négatifs depuis trois ans, l’état des dettes de la société Luxury 1850 au 31 août 2020 : 2 817 794 euros échus et 465 316 euros à échoir, un prévisionnel de résultat en 2021 avec quatre hypothèses dont une seule positive résultant d’une baisse substantielle de loyers, bien compromise compte tenu de l’échec de la procédure de mandat ad hoc.
‘ enfin, alors que l’assignation délivrée par la liquidatrice de la Sci Owens à la société Luxury 1850 en vue de l’extension de la procédure collective, l’a été le 27 septembre 2021, avec une audience ensuite fixée le 7 décembre 2021 (rapport du juge commissaire du 8 novembre 2021) et un délibéré au 25 janvier 2022 , la société Luxury 1850 a réglé le 22 décembre 2021 dès après la perception des aides de l’Etat la dette qu’elle avait auprès de la la société Vonston alors même que la cession de créance avait eu lieu en janvier 2020.
Au regard de ces éléments, c’est à bon droit que les premiers juges ont annulé le paiement litigieux, dès lors que la société Vonston avait connaissance personnellement, au moment où ce paiement est intervenu, de la situation financière particulièrement obérée de la société Luxury 1850 avec laquelle elle avait des liens très étroits au travers de la Sci Owens et une autre société de son groupe, associée de la société Luxury 1850, ainsi que par son propre bénéficiaire économique et administrateur, M. [U].
II – Sur les mesures accessoires
Succombant, la société Vonston sera tenue aux dépens. Sa demande d’indemnité procédurale sera rejetée.
L’équité commande de faire droit à l’indemnité procédurale de la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 et de la société Edmond de Rothschild, prise en sa qualité de contrôleuse.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Vonston aux dépens de l’instance,
Déboute la société Vonston de sa demande d’indemnité procédurale,
Condamne la société Vonston à payer, au titre de l’indemnité procédurale en cause d’appel, la somme de 3 000 euros à la selarl Bouvet & Guyonnet ès qualités de liquidatrice judiciaire de la Sci Owens et de la société Luxury 1850 et la somme de 2 000 euros à la société Edmond de Rothschild, prise en sa qualité de contrôleuse.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 30 janvier 2024
à
Me Pascale MASOERO
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Me Anne-Marie LAZZARIMA
Parquet Général
Copie exécutoire délivrée le 30 janvier 2024
à
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Me Anne-Marie LAZZARIMA