L’action en nullité de vente d’un bateau
L’action en nullité de vente d’un bateau pour vice caché (dysfonctionnements affectant, entre autres, le moteur) doit être introduite à brefs délais et n’est pas compatible avec une navigation du bateau pendant plusieurs mois.
En l’occurrence, l’acheteur a pris connaissance de dysfonctionnements affectant le moteur du bateau le jour du paiement du solde du prix de vente, dysfonctionnements qui ont retardé sa livraison,
— l’acquéreur a pu constater lui-même des désordres et dysfonctionnements, signalés à la société NAUTI-CAP plusieurs semaines après la livraison du bateau et ayant fait l’objet d’échanges avec le vendeur,
— ces désordres et dysfonctionnements ont fait l’objet de réactions de la part du vendeur, qui a d’abord pris l’engagement de réparer le moteur et a plus tard indiqué qu’il commandait et livrait les équipements manquants,
— l’acheteur a pu naviguer avec son bateau au cours de l’été 2018.
Usage du bateau possible
Les premiers juges ont à juste titre écarté la garantie des vices cachés due par la société NAUTI-CAP, la réalité de défauts cachés au regard de l’acheteur, acquéreur non professionnel, n’étant pas établie et les désordres et dysfonctionnements allégués n’ayant pas rendu le bateau impropre à l’usage auquel il était destiné ou n’ayant pas diminué cet usage. Ils ont également justement relevé que le litige concernait l’exécution d’un contrat de vente, question dont ils n’étaient pas saisis.
Position de l’expert
A noter que dans cette affaire, l’expertise privée est intervenue 20 mois après la commande du bateau, plus de 19 mois après son paiement intégral et plus de 18 mois après sa livraison. De plus, l’expert avait formulé un avis juridique (vice caché justifiant la nullité de la vente) ce qui allait au delà de ses compétences. L’expertise a donc été écartée par la juridiction.
Rappel sur la garantie en vices cachés
Il résulte des dispositions des articles 1103 et 1104 que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou imparfaitement, peut refuser ou suspendre l’exécution de ses propres obligations, poursuivre l’exécution forcée de l’obligation inexécutée, revendiquer une réduction de prix ou la résolution du contrat et la réparation des conséquences de l’inexécution.
L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus. L’article 1642 suivant ajoute que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/18417 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXIQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU – RG n° 18/00903
APPELANT
Monsieur [G] [Y]
né le 11 Août 1965 à [Localité 6] (93)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté et assité par Me Frédéric GUERREAU de la SELARL PONTAULT LEGALIS, avocat au barreau de MELUN, toque : 55
INTIMÉE
SARL NAUTI-CAP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée et assitée par Me Jean-Marc BORTOLOTTI de la SELARL DBCJAVOCATS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA
ARRÊT :
— contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
FAITS et PROCEDURE
La SARL NAUTI-CAP, située à la Grande-Motte (Hérault), a mis en vente un bateau du constructeur Four Winns, de type Horyzon 220, année 2007, équipé d’un moteur Volvo et de divers équipements, pour un prix de 20.000 euros selon l’annonce publicitaire, non datée, qu’elle produit.
Au terme d’échanges de courriels, Monsieur [G] [Y] a le 13 mars 2018 sollicité que le bateau lui soit cédé pour 17.000 euros et la société NAUTI-CAP a le même jour donné son accord (« Ok pour 17000 € mais dans l’état »).
Le bateau a été commandé, avec une garantie moteur d’un an, selon bon du 15 mars 2018 signé des deux parties, pour la somme de 17.000 euros TTC. Un acompte de 2.000 euros a été réglé ce jour. La société NAUTI-CAP a le 31 mars 2018 adressé à Monsieur [Y] sa facture laissant apparaître l’acompte de 2.000 euros et réclamant le paiement du solde de 15.000 euros TTC, somme qui a été réglée le 4 avril 2018.
Les parties sont d’accord pour indiquer que lorsque Monsieur [Y] est venu récupérer le bateau à la Grande-Motte le 4 avril 2018 son moteur ne démarrait pas et que la société NAUTI-CAP a alors proposé de le réparer et de prendre en charge sa livraison à [Localité 5]. L’avenant au bon de commande alors dressé, évoqué par Monsieur [Y], n’est pas produit aux débats.
Le bateau a finalement le 2 mai 2018 été livré par le transporteur CAPELLE à [Localité 4] (Seine et Marne) et récupéré par Monsieur [Y] le 3 mai 2018 aux dires concordants des parties.
Arguant de dysfonctionnements, de l’absence d’équipements et de la détérioration de certains éléments, Monsieur [Y] a par lettre recommandée du 22 mai 2018 demandé à la société NAUTI-CAP de procéder à la remise en état intégrale du bateau.
Faute de solution amiable, Monsieur [Y] a par acte du 9 octobre 2018 assigné la société NAUTI-CAP devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins d’annulation de la vente du bateau, affecté selon lui de vices cachés.
*
Le tribunal de grande instance de Fontainebleau, par jugement du 4 septembre 2019, a:
— débouté Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes,
— condamné Monsieur [Y] aux entiers dépens,
— rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Monsieur [Y] a par acte du 30 septembre 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant la société NAUTI-CAP devant la Cour.
*
Monsieur [Y], dans ses dernières conclusions signifiées le 30 décembre 2019, demande à la Cour de :
— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
— le déclarer bien fondé en son action rédhibitoire à l’égard de la société NAUTI-CAPau titre de la vente intervenue le 4 avril 2018 entre les parties du bateau Four Winns Horizon 220 (numéro de série USGFNMA330307, équipé d’un moteur Volvo Penta 5.7 GXI/DP – 224 heures – numéro de série 4012211548) avec toutes conséquences de droit,
Statuant à nouveau,
— condamner la société NAUTI-CAP à lui restituer la somme principale de 17.000 euros TTC correspondant au prix d’acquisition du bateau dont s’agit, et en tant que de besoin condamner ladite société au paiement de ladite somme avec application de l’anatocisme à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2018,
— ordonner la restitution subséquente dudit bateau et ce aux frais de la société NAUTI-CAP dans l’état où ledit bateau se trouvera au moment de la restitution,
— condamner la société NAUTI-CAP à titre complémentaire au paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 3.265,02 euros TTC s’agissant des factures qu’il a exposées au titre des travaux réparatoires provisoires sur le bateau ainsi du remboursement du droit annuel de francisation et de navigation pour les années 2019 et 2020 exigibles le 1er avril de chaque année sauf mémoire,
— condamner la société NAUTI-CAP au paiement d’une somme complémentaire de 5.000 euros au titre de la privation de jouissance du bateau,
— condamner la société NAUTI-CAP à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais d’expertise amiable technique exposés à hauteur de 1.200 euros,
— condamner la société NAUTI-CAP aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction est requise au profit de la SELARL PONTAULT LEGALIS, incluant le coût de l’établissement du constat de Maitre [F], huissier de justice en date du 27 juin 2018,
La société NAUTI-CAP, dans ses dernières conclusions signifiées le 16 mars 2020 demande à la Cour de :
— déclarer Monsieur [Y] mal fondé en son appel à l’encontre du jugement et l’en débouter,
— confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
— condamner Monsieur [Y] à lui verser la somme de 3.600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens.
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 12 janvier 2022, l’affaire plaidée le 11 octobre 2022 et mise en délibéré au 8 décembre 2022.
MOTIFS
Le bateau objet du litige ayant été acquis par Monsieur [Y] en 2018, il convient d’appliquer les dispositions du code civil en sa version issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, en vigueur depuis le 1er octobre 2016.
Sur les demandes de Monsieur [Y]
Les premiers juges, relevant que les défauts et dysfonctionnements du bateau d’occasion acquis par Monsieur [Y] avaient fait l’objet d’échanges épistolaires avec le vendeur, la société NAUTI-CAP, et que ce dernier s’était engagé à procéder aux réparations, ont considéré que le litige concernait une mauvaise exécution du contrat, question dont ils n’étaient pas saisis. Ils ont ainsi rejeté l’ensemble des demandes de Monsieur [Y].
Monsieur [Y] reproche aux premiers juges d’avoir ainsi statué, précisant avoir constaté de nombreux dysfonctionnements et désordres sur son bateau immédiatement après la livraison qu’un huissier avait pu relever, indiquant que de nombreux éléments d’équipement de sécurité et de fonctionnalité étaient défaillants, que ces vices étaient antérieurs à la vente, que la société NAUTI-CAPn’avait remédié que très partiellement aux non-conformités énumérées. Il ajoute avoir sollicité les services d’un expert maritime, lequel a dressé une liste de constatations, émis des réserves quant à l’état de fonctionnement du moteur du bateau et conclu à l’absence de préparation et d’entretien sérieux du bateau avant l’achat. Monsieur [Y] estime qu’est ainsi confirmé le caractère effectif et rédhibitoire des vices qu’il dénonce depuis l’origine et indique qu’il n’entend pas conserver le bateau et sollicite l’annulation de la vente et la restitution du prix payé (17.000 euros TTC). Il réclame en outre, sur ce même fondement, des dommages et intérêts supplémentaires en remboursement des travaux réparatoires provisoires (1.662,05 euros TTC), du droit annuel de francisation et de navigation (796 euros TTC pour chacune des années 2019 et 2020) et en réparation d’une privation de jouissance du bateau (5.000 euros). A titre subsidiaire, il soulève un manquement de la société NAUTI-CAP à son obligation de délivrance conforme, justifiant la résolution de ce contrat et ses demandes de dommages et intérêts.
La société NAUTI-CAP estime mal fondée l’action de Monsieur [Y]. Elle constate que celui-ci s’appuie sur un procès-verbal d’huissier, qui n’est pas un expert, procès-verbal établi non contradictoirement et qui ne permet en aucun cas de vérifier l’antériorité à la vente des défauts observés. Il reproche ensuite à l’acquéreur du bateau de se prévaloir d’une expertise privée. L’entreprise considère que Monsieur [Y] ne démontre pas l’existence de défauts cachés affectant le bateau et le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné ou diminuant cet usage, rappelant notamment que l’intéressé a navigué sur son bateau après l’avoir acquis. Elle relève la faiblesse des éléments de preuve versés aux débats.
Sur ce,
Il résulte des dispositions des articles 1103 et 1104 que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Aux termes de l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou imparfaitement, peut refuser ou suspendre l’exécution de ses propres obligations, poursuivre l’exécution forcée de l’obligation inexécutée, revendiquer une réduction de prix ou la résolution du contrat et la réparation des conséquences de l’inexécution.
1. sur l’action en garantie des vices cachés
L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus. L’article 1642 suivant ajoute que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
Le bateau objet du litige a été construit en 2007 et mis en vente, d’occasion, au plus tard au début de l’année 2018. Le bon de commande du bateau a été signé par Monsieur [Y] le 15 mars 2018, à la Grande-Motte, laissant entendre que l’acquéreur a alors, préalablement, pu voir ledit bateau.
Un acompte de 2.000 euros, à valoir sur le prix de vente de 17.000 euros TTC, a été réglé le jour de la commande et le bon précise que « le transfert de propriété du bateau vendu au titre de la présente commande est suspendu jusqu’au paiement intégral de son prix, le transfert des risques s’effectuant à la livraison du bateau » (caractères gras du document).
Monsieur [Y] n’a pas pris immédiatement possession du bateau. Le bon de commande du 15 mars 2018 indique que la livraison était prévue le 4 avril 2018. Le solde du prix de vente du bateau, soit 15.000 euros, a été réglé ce 4 avril 2018, selon mention apposée par la société NAUTI-CAP sur sa facture n°FC00005282 du 31 mars 2018.
Les parties s’accordent pour indiquer que Monsieur [Y] n’a pas non plus pris possession de son bateau ce 4 avril 2018, puisqu’à cette date son moteur n’avait pu être mis en marche, et que la société NAUTI-CAP s’était engagée à le réparer. Ces points ne sont établis par aucune pièce tangible du dossier, mais ne sont pas contestés. Ils révèlent que l’acquéreur a ainsi pris connaissance de l’état du bateau acquis au plus tard ce 4 avril 2018.
L’avenant au bon de commande évoqué par Monsieur [Y] n’est pas produit aux débats, et la Cour n’est pas renseignée sur la nature exacte des engagements de réparation alors pris par la société NAUTI-CAP, qui ne conteste cependant pas avoir proposé la révision du moteur.
Après cette révision du moteur, dont il n’est pas justifié devant la Cour, Monsieur [Y] a pu récupérer son bateau, livré à [Localité 4] le 2 mai 2018.
Monsieur [Y] indique avoir à ce moment constaté un premier dysfonctionnement (absence de pliage du tour de wake du fait de l’oxydation des vis), mais aucune pièce tangible ne prouve la réalité et la date de cette observation.
Monsieur [Y] ne justifie pas avoir relevé les dysfonctionnements et désordres affectant le bateau immédiatement après sa livraison, mais plusieurs semaines plus tard.
Le courrier de Monsieur [Y] du 22 mai 2018, rédigé près de trois semaines après la livraison du bateau, ne peut valoir preuve des défauts et dysfonctionnements qui y sont relatés de la main même de l’acquéreur.
La société NAUTI-CAP a fait suite à ce courrier par lettre recommandée adressée à Monsieur [Y] le 20 juin 2018, l’informant de ce que plusieurs éléments avaient été commandés chez son fournisseur et/ou seraient expédiés dans la semaine.
Sur le procès-verbal de constat d’huissier
Avant qu’il ne soit justifié de la livraison effective des éléments annoncés par la société NAUTI-CAP dans son courrier du 20 juin 2018, Monsieur [Y] a le 27 juin 2018, près de deux mois après la livraison du bateau, requis un huissier de justice aux fins de constat de l’état du bateau.
L’huissier a procédé à ses constatations en la présence du requérant mais hors celle de la société NAUTI-CAP. Cependant, quand bien même il a été établi de manière non contradictoire, le procès-verbal alors dressé fait foi jusqu’à preuve contraire (article 1er alinéa 2 de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, applicable à la date du procès-verbal précité, et article 1er II-2° de l’ordonnance n°2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, applicable depuis le 1er juillet 2022).
Un huissier, selon ces dispositions, effectue, notamment à la requête des particuliers, des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Il n’est ni technicien, ni expert.
L’huissier a en l’espèce constaté un certain nombre de défauts, détériorations, pièces manquantes, dysfonctionnements et non-fonctionnements sur le bateau.
Les dates du premier courrier de Monsieur [Y] puis des constatations de l’huissier ne permettent pas d’établir le caractère antérieur à la vente des vices et dysfonctionnements alors relevés ni que l’intéressé n’ait pas pu, avant la conclusion de la vente, s’en convaincre lui-même.
Sur l’expertise privée
Monsieur [Y] a sollicité l’expertise de Monsieur [G] [R], expert maritime et fluvial agréé par le centre de sécurité des navires d’Ille et Vilaine et des Cotes d’Armor, qui a rendu son rapport le 9 décembre 2019.
Si l’expert a été mandaté par Monsieur [Y] seul, il indique avoir mené ses opérations de constatation le 14 novembre 2019 en présence de Monsieur [Y] et de Monsieur [I] [S], expert maritime et fluvial représentant la société NAUTI-CAP, ce que celle-ci ne conteste pas. Les opérations ont donc été menées au contradictoire des parties à la présente instance.
L’expert fait état d’une date de sinistre du 3 mai 2018 (date postérieure à la vente du bateau, correspondant à sa livraison), de diverses anomalies et dysfonctionnements puis constate que la mise en route du moteur ne peut être effectuée et émet ses « plus expresses réserves concernant son état de fonctionnement ainsi que celui de l’embrase du moteur ». Il affirme que le bateau « n’a fait l’objet d’aucune préparation sérieuse ni d’un entretien sérieux, conformément au cahier des charges du constructeur avant l’achat ».
L’expert estime l’action en résolution de la vente et remboursement des frais engagés par Monsieur [Y] justifiée, prenant ainsi une position juridique pour laquelle il n’a pas compétence.
L’expertise de Monsieur [R] est en outre intervenue 20 mois après la commande du bateau, plus de 19 mois après son paiement intégral et plus de 18 mois après sa livraison. Or dans son courrier du 6 juillet 2018, Monsieur [Y] indique à la société NAUTI-CAP qu’il a « réussi à réparer le guindeau pour pouvoir partir en vacances avec » (avec le bateau) et ne conteste pas avoir navigué sur ce bateau lors de l’été 2018, ce qui laisse apparaître que les désordres et dysfonctionnements relevés n’ont pas fait obstacle à l’usage auquel le bateau était destiné ni n’en avaient diminué cet usage, d’une part, et ce qui empêche d’établir la responsabilité de la société NAUTI-CAP quant à l’état du bateau et de son moteur, d’autre part.
***
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que :
— Monsieur [Y] a pris connaissance de dysfonctionnements affectant le moteur du bateau le jour du paiement du solde du prix de vente, dysfonctionnements qui ont retardé sa livraison,
— l’acquéreur a pu constater lui-même des désordres et dysfonctionnements, signalés à la société NAUTI-CAP plusieurs semaines après la livraison du bateau et ayant fait l’objet d’échanges avec le vendeur,
— ces désordres et dysfonctionnements ont fait l’objet de réactions de la part du vendeur, qui a d’abord pris l’engagement de réparer le moteur et a plus tard indiqué qu’il commandait et livrait les équipements manquants,
— Monsieur [Y] a pu naviguer avec son bateau au cours de l’été 2018.
Les premiers juges ont à juste titre écarté la garantie des vices cachés due par la société NAUTI-CAP, la réalité de défauts cachés au regard de Monsieur [Y], acquéreur non professionnel, n’étant pas établie et les désordres et dysfonctionnements allégués n’ayant pas rendu le bateau impropre à l’usage auquel il était destiné ou n’ayant pas diminué cet usage. Ils ont également justement relevé que le litige concernait l’exécution d’un contrat de vente, question dont ils n’étaient pas saisis.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés due par la société NAUTI-CAP.
Monsieur [Y] formule en cause d’appel des prétentions sur le fondement subsidiaire de l’obligation de délivrance conforme de la société NAUTI-CAP.
2. sur le manquement de la société NAUTI-CAP à son obligation de délivrance
Il résulte de l’article 1603 du code civil que le vendeur est tenu de livrer la chose objet de la vente et de la garantir. La délivrance de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur doit être conforme aux stipulations contractuelles liant les parties.
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention (article 9 du code de procédure civile). Ce principe fondamental en procédure civile est repris en matière contractuelle par l’article 1353 du code civil qui dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Le bateau en cause en l’espèce a été construit en 2007 et vendu d’occasion à Monsieur [Y] onze ans plus tard. Il devait bien entendu être livré en état de fonctionnement, raison pour laquelle cette livraison n’a pas pu intervenir à la date initialement convenue du 4 avril 2018, alors que le moteur ne pouvait être mis en marche à ce moment.
Le bateau a finalement, après la révision et la réparation de son moteur, été le 2 mai 2018 livré par la société NAUTI-CAP à [Localité 4] où il a pu être récupéré par Monsieur [Y] le 3 mai 2018.
Le procès-verbal de constat d’huissier du 17 juin 2018, cité plus haut, est insuffisant pour établir la réalité de la non-conformité du bateau ainsi livré aux stipulations contractuelles du bon de commande du 15 mars 2018, étant rappelé que Monsieur [Y] a pu voir le bateau avant de l’acheter et que celui-ci n’était pas vendu neuf, mais d’occasion.
Le devis de la SARL JB RACING du 3 juillet 2018 et les factures versées aux débats (d’un montant total de 1.665,02 euros TTC) n’établissent pas la preuve de non-conformités du bateau vendu d’occasion aux stipulations contractuelles de vente.
Monsieur [Y] a le 20 avril 2019 adressé à Monsieur [E] [sic] [P] un courriel ainsi rédigé : « Comme je vous ai dit en septembre, j’ai la courroie qui saute. Il faut donc changer le tendeur et la courroie. Je vous demande de bien vouloir m’envoyer les pièces pour que je puisse les changer ». Monsieur [P] n’est pas identifié, mais l’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés de la société NAUTI-CAP révèle qu’il s’agit de son gérant. Ce courriel, rédigé de la main même de Monsieur [Y], ne peut valoir preuve du dysfonctionnement allégué. Il a en outre été adressé à la société NAUTI-CAP un an après l’acquisition du bateau, alors que celui-ci avait été utilisé par l’acquéreur, et ne peut donc établir la responsabilité du vendeur.
Le rapport d’expertise privée de Monsieur [R] du 9 décembre 2019, cité plus haut, n’apporte pas non plus cette preuve. L’expert judiciaire a certes observé que le moteur du bateau ne pouvait être mis en route. Mais ce point a été constaté plus de 18 mois après la livraison du bateau par la société NAUTI-CAP à Monsieur [Y] et après un été pendant lequel le bateau a été utilisé en mer par l’acquéreur.
Il apparaît ainsi que Monsieur [Y] échoue à démontrer la réalité de manquements de la société NAUTI-CAP à son obligation contractuelle de délivrance conforme. Aussi sera-t-il débouté de sa demande de résolution de la vente du bateau et de ses demandes de dommages et intérêts subséquentes présentées sur ce fondement.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l’arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera Monsieur [Y], qui succombe en son recours, aux dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci n’incluent pas les frais de constat d’huissier (article 695 du code de procédure civile), contrairement à l’affirmation en ce sens de la société NAUTI-CAP, mais ces frais resteront bien entendu à la charge de Monsieur [Y].
Tenu aux dépens, Monsieur [Y] sera condamné à payer la somme équitable de 2.000 euros à la société NAUTI-CAP en indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau du 4 septembre 2019 (RG n°18/903),
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur [G] [Y] de ses demandes présentées sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme de la SARL NAUTI-CAP,
CONDAMNE Monsieur [G] [Y] aux dépens d’appel,
CONDAMNE Monsieur [G] [Y] à payer la somme de 2.000 euros à la SARL NAUTI-CAP en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE