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La demande tendant à voir annuler la marque antérieure opposée pour défaut de caractère distinctif, comme celle tendant à voir déclarer déchue cette marque, constituent des défenses au fond et ne relèvent pas de la compétence du juge de la mise en état mais du tribunal.
Aussi, le juge de la mise en état ne peut prononcer la nullité de la marque antérieure ou la déchéance des droits du titulaire de celle-ci mais uniquement statuer sur la recevabilité de l’action en nullité formée contre la marque postérieure en appréciant la validité de la marque antérieure ou les preuves d’usage produites par le titulaire de la marque antérieure aux fins de déterminer si cette marque n’est pas susceptible d’encourir la nullité ou si son titulaire n’encourt pas la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation.
Il résulte de ce qui précède que le juge de la mise en état n’a pas compétence pour prononcer la déchéance des droits du titulaire de la marque antérieure.
L’ordonnance entreprise doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a considéré le juge de la mise en état incompétent pour prononcer la déchéance des droits de l’association Biennale de Paris sur sa marque. L’ordonnance entreprise qui a retenu l’incompétence du juge de la mise en état pour statuer sur la validité de la marque française verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 sera, par ces motifs substitués, confirmée.
____________________________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 08 AVRIL 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/12841 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CEAQM
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 25 juin 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section- RG n°20/06953
APPELANT
SYNDICAT NATIONAL DES ANTIQUAIRES, NEGOCIANTS EN OBJETS D’ART, TABLEAUX ANCIENS ET MODERNES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034
Assisté de Me Brad SPITZ, avocat au barreau de PARIS, toque C 794 substituant Me Laëtitia MAUFROY, avocate au barreau de PARIS
INTIMEE
Association BIENNALE DE PARIS, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Anne-Sarah HOZÉ, avocate au barreau de PARIS, toque C 2140
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Brigitte CHOKRON, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l’ordonnance contradictoire du juge de la mise en e’tat du tribunal judiciaire de Paris rendue le 25 juin 2021,
Vu la déclaration d’appel du Syndicat national des antiquaires, négociants en objets d’art, tableaux anciens et modernes (SNA) en date du 7 juillet 2021,
Vu les conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 24 septembre 2021 par le SNA,
Vu l’ordonnance sur incident du 3 février 2022 rendue par le conseiller de la mise en état déclarant irrecevables les conclusions d’intimée de l’association Biennale de Paris ;
Vu l’ordonnance de clôture du 10 février 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La Biennale de Paris est une manifestation internationale d’art fondée en 1959 par X Y. L’association du même nom a pour objet ‘d’identifier et d’activer des pratiques artistiques qui remettent en question les valeurs établies de l’art’.
Elle est titulaire de la marque française verbale BIENNALE DE PARIS déposée le 28 mars 2001 et enregistrée sous le n°013093279 pour désigner en classe 41 des services de ‘diffusion d’informations relatives à l’art, à la création artistique, à la créativité ; organisation d’événements artistiques entre chaque biennale, appelées interbiennales de Paris’. Cet enregistrement a été régulièrement renouvelé le 5 juillet 2011.
Le SNA se présente comme ayant pour vocation d’assurer la défense et la promotion de la profession d’antiquaire et plus largement celle de galeriste et de marchand d’art. Il organise depuis 1962 une manifestation réunissant des marchands d’art et collectionneurs, dite ‘la Biennale des Antiquaires’ dénommée depuis son édition de 2017 ‘La Biennale Paris’.
Il a déposé la marque française semi-figurative ‘LA BIENNALE PARIS’ n°154 196 129 le 10 juillet 2015 pour désigner en classes 35 et 41 les services d’ ‘Organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; éducation ; formation ; divertissement; activités sportives et culturelles ; publication de livres ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d’expositions a’ buts culturels ou éducatifs’.
Par acte en date du 23 juillet 2020, l’association La Biennale de Paris a fait assigner le SNA devant le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer la nullité de la marque ‘LA BIENNALE PARIS’ qu’elle estime déposée en fraude de ses droits, et subsidiairement, voir constater la commission à son préjudice d’actes de concurrence déloyale.
Par l’ordonnance dont appel, le juge de la mise en état, saisi de conclusions d’incident du SNA :
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la validité de la marque française verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 ;
– s’est déclaré incompétent pour prononcer la déchéance des droits de l’association La Biennale de Paris sur la marque française verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 ; – a écarté la fin de non-recevoir tirée de la déchéance des droits sur la marque ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 ;
– a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état pour les premières conclusions en défense ;
– a condamné le SNA à verser à l’association La Biennale de Paris une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a condamné le SNA aux dépens.
Le SNA a relevé appel de cette ordonnance et par ses uniques conclusions sollicite de la cour de A titre principal :
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la validité de la marque française verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 ;
Et, statuant à nouveau :
– juger irrecevable la demande de l’association La Biennale de Paris tendant à prononcer la nullité de la marque semi-figurative ‘LA BIENNALE PARIS’ n°154196129 sur le fondement de l’atteinte à sa marque antérieure verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 pour cause de défaut de distinctivité de celle-ci ;
A titre subsidiaire :
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’il a écarté la fin de non- recevoir tirée de la déchéance des droits sur la marque ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 ;
Et, statuant à nouveau :
– juger irrecevable la demande de l’association La Biennale de Paris tendant à prononcer la nullité de la marque semi-figurative ‘LA BIENNALE PARIS’ n°154196129 sur le fondement de l’atteinte à sa marque antérieure verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279, pour cause d’absence d’exploitation de sa marque.
– condamner l’association La Biennale de Paris à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Le conseiller de la mise en état a, par une ordonnance sur incident rendue le 3 février 2022, déclaré irrecevables les conclusions d’intimées de l’association La Biennale de Paris notifiées le 13 décembre 2021.
Le SNA reproche à l’ordonnance entreprise de ne pas avoir retenu sa compétence pour connaître de la validité de la marque ‘BIENNALE DE PARIS’ opposée par l’association La Biennale de Paris alors que dans ses conclusions d’incident saisissant le juge de la mise en état, il était demandé à celui-ci de juger irrecevable la demande en nullité de sa marque figurative LA BIENNALE PARIS en raison du défaut de caractère distinctif de la marque antérieure BIENNALE DE PARIS.
Il fait également valoir que de ‘manière surprenante, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent pour prononcer la déchéance des droits de l’association la Biennale de Paris sur la marque française verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 et a écarté la fin de non-recevoir tirée de la déchéance des droits sur la marque « BIENNALE DE PARIS » n°013093279, tout en se prononçant sur la déchéance des droits de l’Association, et ainsi, a statué sur une question de fond’. Elle estime que l’ordonnance est entachée d’une contradiction de motifs et doit en conséquences être infirmée. Elle ajoute que la demanderesse au principal ne rapportant pas la preuve d’un usage sérieux de sa marque antérieure en France, son action principale en nullité de la marque semi-figurative ‘LA BIENNALE PARIS’ est irrecevable.
L’article 789 code de procédure civile, dans sa version, applicable en l’espèce, issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose :
Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
L’article L.716-2-3 introduit dans le code de la propriété intellectuelle par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit quant à lui :
Est irrecevable :
1° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en nullité a été formée, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage ;
2° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt ou à la date de priorité de la marque postérieure qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque postérieure, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage.
Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis’.
L’article L.716-2-4 introduit dans le code de la propriété intellectuelle par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit que :
Est irrecevable :
1° La demande en nullité fondée sur une marque antérieure lorsque le titulaire de la marque antérieure enregistrée n’établit pas, sur requête du titulaire de la marque postérieure, qu’à la date du dépôt ou à la date de priorité de cette marque postérieure, la marque antérieure, susceptible d’être annulée sur le fondement des 2°, 3° et 4° de l’article L. 711-2, avait acquis un caractère distinctif ;
2° La demande en nullité fondée sur le b du 1° du I de l’article L. 711-3 lorsque le titulaire de la marque antérieure enregistrée n’établit pas, sur requête du titulaire de la marque postérieure, qu’à la date du dépôt ou à la date de priorité de cette marque postérieure, la marque antérieure invoquée avait acquis un caractère suffisamment distinctif susceptible de justifier l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public ;
3° La demande en nullité fondée sur le 2° du I de l’article L. 711-3 lorsque le titulaire de la marque antérieure enregistrée n’établit pas, sur requête du titulaire de la marque postérieure, qu’à la date du dépôt ou à la date de priorité de cette marque postérieure, la marque antérieure invoquée avait acquis une renommée au sens de cette disposition.
Il ressort du dispositif des conclusions d’incident du SNA saisissant le juge de la mise en état, tel que rappelé dans l’ordonnance entreprise, que celui-ci demandait au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile et L.716-2-4, L.716-2-3, L.711-2 et L.714-5 du code de la propriété intellectuelle de,
A titre principal, SE DECLARER COMPETENT pour connaître de la demande en nullité de la marque antérieure verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 sur le fondement de l’absence de caractère distinctif de ladite marque (article L716-2-4 du code de la propriété intellectuelle) ou, s’il l’estime nécessaire, RENVOYER la demande devant la formation de jugement ;
A titre subsidiaire,
PRONONCER la déchéance des droits de l’association LA BIENNALE DE PARIS sur la marque verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 ;
Et en conséquence,
JUGER IRRECEVABLE la demande de l’association LA BIENNALE DE PARIS tendant à prononcer la nullité de la marque semi-figurative « LA BIENNALE PARIS » n°154 196 129 sur le fondement de l’atteinte à sa marque antérieure verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 ;
(…)
Le cas échéant,
PRONONCER la nullité de la marque verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 en ce qu’elle est dépourvue de caractère distinctif ;
Et en conséquence,
JUGER IRRECEVABLE la demande de l’association LA BIENNALE DE PARIS tendant à prononcer la nullité de la marque semi-figurative « LA BIENNALE PARIS » n°154 196 129 sur le fondement de l’atteinte à sa marque antérieure verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 pour cause de défaut de distinctivité de celle-ci ;
A titre subsidiaire,
PRONONCER la déchéance des droits de l’association LA BIENNALE DE PARIS sur la marque verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 ;
Et en conséquence,
JUGER IRRECEVABLE la demande de l’association LA BIENNALE DE PARIS tendant à prononcer la nullité de la marque semi-figurative « LA BIENNALE PARIS » n°154 196 129 sur le fondement de l’atteinte à sa marque antérieure verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 ;
Dans l’ordonnance contestée, le juge de la mise en état, pour ne pas retenir sa compétence pour statuer sur la validité de la marque antérieure, a considéré que :
‘Cependant comme le fait à juste titre observer l’association LA BIENNALE DE PARIS – ne distinguant pas chacune des hypothèses précitées dans la présentation de ses demandes en invitant globalement le SNA à mieux se pourvoir – les prétentions du SNA telles que formulées dans le dispositif de ses conclusions d’incident tendent non pas à voir le juge de la mise en état constater l’irrecevabilité de l’action en application du texte précité, mais « SE DECLARER COMPETENT pour connaître de la demande en nullité de la marque antérieure verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 sur le fondement de l’absence de caractère distinctif de ladite marque (article L716-2-4 du Code de la propriété intellectuelle) », « PRONONCER la nullité de la marque verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 en ce qu’elle est dépourvue de caractère distinctif ». Il est de même, subsidiairement demandé au même juge de la mise en état de « PRONONCER la déchéance des droits de l’Association La Biennale de Paris sur la marque verbale « BIENNALE DE PARIS » n°013093279 », ce qui constituent des moyens de défense au fond au sens des dispositions de l’article 71 du code de procédure civile visant « à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire » lesquels relèvent de la compétence du tribunal.’
Ainsi que l’a relevé le juge de la mise en état, la demande tendant à voir annuler la marque antérieure opposée pour défaut de caractère distinctif, comme celle tendant à voir déclarer déchue cette marque, constituent des défenses au fond et ne relèvent pas de la compétence du juge de la mise en état mais du tribunal.
Aussi, le juge de la mise en état ne peut prononcer la nullité de la marque antérieure ou la déchéance des droits du titulaire de celle-ci mais uniquement statuer sur la recevabilité de l’action en nullité formée contre la marque postérieure en appréciant la validité de la marque antérieure ou les preuves d’usage produites par le titulaire de la marque antérieure aux fins de déterminer si cette marque n’est pas susceptible d’encourir la nullité ou si son titulaire n’encourt pas la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation.
Il résulte néanmoins de l’ordonnance entreprise que dans le dispositif de ses conclusions d’incident, le SNA après avoir sollicité que le juge de la mise en état se déclare compétent pour connaître de la demande en nullité de la marque antérieure et prononce la nullité de la marque verbale ‘BIENNALE DE PARIS’, a également soulevé une fin de non-recevoir sur le fondement de l’article L.716-2-4 du code de la propriété intellectuelle telle qu’il résulte du dispositif ci-avant rappelé après les termes ‘le cas échéant’.
La cour relève que les demandes du SNA concernant la déchéance, sur lesquelles le juge de la mise en état a retenu sa compétence et a statué pour rejeter la fin de non-recevoir, étaient formulées à l’identique, le SNA demandant de prononcer la déchéance des droits du titulaire de la marque antérieure avant de dire irrecevable la demande de nullité de sa marque semi-figurative formée par l’association Biennale de Paris.
Le juge de la mise en état était donc bien saisi d’une fin de non-recevoir au fondement de l’article L.716-2-4 du code de la propriété intellectuelle qu’il avait compétence pour connaître en application de l’article 789 du code de procédure civile.
Toutefois, pour apprécier la recevabilité de la demande de nullité de la marque semi-figurative « LA BIENNALE PARIS » n°154 196 129, le juge de la mise en état devait trancher une question touchant au fond du droit, en appréciant le caractère distinctif de la marque verbale BIENNALE PARIS n°013093279, étant rappelé que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie à la date du dépôt de cette marque ou à la date de priorité revendiquée, à l’égard des produits et services désignés et du consommateur d’attention moyenne desdits produits et services.
Le SNA ne discute pas que l’appréciation de la validité de la marque antérieure est une question de fond, affirmant dans ses conclusions devant la cour que ‘le juge de la mise en état était donc parfaitement compétent pour statuer sur la question de fond qui doit être préalablement tranchée pour se prononcer sur la fin de non-recevoir, à savoir l’appréciation de la distinctivité de la marque ‘BIENNALE DE PARIS’, sauf à renvoyer la présente affaire devant la formation de jugement.’
Or, il ressort de l’ordonnance critiquée que l’association Biennale de Paris a contesté la compétence du juge de la mise en état pour connaître de la nullité de la marque antérieure soulevée par son adversaire , exprimant clairement son opposition à ce que le juge de la mise en état tranche la question de la distinctivité de sa marque, soulevant l’irrecevabilité de ‘la demande de nullité de marque et d’irrecevabilité de l’action en nullité formée par voie de conclusions d’incident’ et invitant la demanderesse à l’incident à ‘mieux se pourvoir’.
Dès lors, il doit être considéré que le juge de la mise en état n’était pas compétent pour statuer sur les demandes formées par le SNA au fondement de la nullité de la marque antérieure dans ses conclusions d’incident d’irrecevabilité, et devait, en application de l’alinéa 2 de l’article 789 code de procédure civile, renvoyer l’affaire devant la formation de jugement du tribunal afin que celle-ci statue sur la question de la validité de la marque BIENNALE DE PARIS de l’association éponyme.
L’ordonnance entreprise qui a retenu l’incompétence du juge de la mise en état pour statuer sur la validité de la marque française verbale ‘BIENNALE DE PARIS’ n°013093279 sera, par ces motifs substitués, confirmée.
A titre subsidiaire, le SNA soulevait devant le juge de la mise en état une fin de non-recevoir de la demande de l’association Biennale de Paris de nullité de sa marque semi figurative n°154 196 129 sur le fondement de l’article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle précité.
Il résulte de ce qui précède que le juge de la mise en état n’a pas compétence pour prononcer la déchéance des droits du titulaire de la marque antérieure. L’ordonnance entreprise doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a considéré le juge de la mise en état incompétent pour prononcer la déchéance des droits de l’association Biennale de Paris sur sa marque.
Cette fin de non-recevoir nécessite que soit examinées les preuves apportées par l’association Biennale de Paris quant à l’usage sérieux qu’elle prétend avoir effectué de sa marque verbale française n° 13093279 qu’elle oppose dans le cadre du litige qu’elle a initié.
Dans l’ordonnance contestée, le juge de la mise en état, après avoir retenu sa compétence pour statuer sur cette fin de non-recevoir, a ainsi considéré :
‘Cependant en l’absence de contestation par la demanderesse, qui ne se prévaut pas de la formulation des prétentions adverses s’agissant de la déchéance, les moyens opposés par le SNA « en conséquence » de la déchéance invoquée doivent être interprétés comme visant à voir déclarer les demandes irrecevables pour ce motif, ce qui conduit à examiner les pièces relatives à l’usage de la marque invoquée «BIENNALE DE PARIS » dont il ressort que :
– la BIENNALE DE PARIS organise, sous cette appellation, des événements dits « délocalisés » dans différentes parties du monde (pièce 19) ;
– le rapport d’activités de 2017 (pièce 20) fait état d’une série d’événements qui ont eu lieu courant 2016 en Pologne, au Liban, aux États-Unis et au Guatemala en 2017 ;
– le site du forum mondial des économies de l’art ‘ www.fomea.org ‘ dont le programme de l’édition 2018 est fourni, indique qu’il est « créé par la biennale de Paris » (pièce 27).
Si le SNA fait observer à juste titre que les autres preuves d’usage fournies sont à écarter parce que se situant hors de la période de référence, il reste que les éléments précités montrent que l’expression « BIENNALE DE PARIS » est régulièrement utilisée pour diffuser des informations relatives à la création artistique et désigner des événements s’y rapportant, dont le caractère « délocalisé » ne remet pas en cause l’usage du signe sur le territoire français puisque précisément, l’objet de l’association consiste à initier des échanges à dimension internationale dans ce domaine. Il est en outre rappelé que les preuves d’exploitation de la marque en cause doivent être appréciés en tenant compte du secteur concerné et de la nature des services désignés, lesquels au cas d’espèce s’adressent à un public restreint.
La fin de non-recevoir opposée en défense doit dans ces conditions être écartée.’
Ce faisant, le juge de la mise en état a tranché une question touchant au fond du droit, étant rappelé que l’usage sérieux doit être apprécié concrètement en tenant compte notamment des caractéristiques des produits en cause et de la structure du marché concerné.
A la différence de l’appréciation de la validité de la marque antérieure, il ne résulte pas de l’ordonnance entreprise, seul élément à la disposition de la cour, que l’association Biennale de Paris a clairement exprimé son opposition à ce que le juge de la mise en état, statuant sur la fin de non-recevoir soulevée par son adversaire, tranche la question de l’usage sérieux de sa marque.
Le SNA critique l’appréciation du juge de la mise en état des preuves d’usage versées au débat par l’association Biennale de Paris, tout en s’abstenant de fournir à la cour les pièces qu’il discute, qui n’ont pas non plus été communiquées par l’intimée, ses conclusions ayant été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état et, partant, les pièces qui y étaient jointes.
La marque antérieure ‘BIENNALE DE PARIS’ a été déposée pour désigner les services suivants : ‘diffusion d’informations relatives à l’art, à la création artistique, à la créativité ; organisation d’événements artistiques entre chaque biennale appelés interbiennales de Paris’.
Aussi, la cour retiendra qu’il ressort de l’ordonnance critiquée preuve suffisante de l’exploitation de la marque antérieure par l’association Biennale de Paris, la circonstance que les événements soient organisés à l’étranger n’excluant pas l’usage de la marque en cause en France pour diffuser des informations relatives à la création artistique et désigner des événements s’y rapportant ainsi que l’a justement relevé le juge de la mise en état, sans qu’il soit opéré une confusion entre les services visés au dépôt et l’activité de l’association.
La fin de non-recevoir tirée du défaut d’exploitation de la marque antérieure sera rejetée et l’ordonnance entreprise confirmée de ce chef.
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions de l’ordonnance concernant les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, le SNA est condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise,
Condamne le Syndicat national des antiquaires négociants en objets d’art, tableaux anciens et modernes aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente