Sommaire Contexte de l’affaireMadame [N] [S] a introduit une requête le 9 septembre 2023 auprès du tribunal judiciaire de Marseille pour contester une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse d’allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône. Cette décision confirmait un indu d’allocation de soutien familial d’un montant de 5.574,82 € pour la période de mai 2020 à avril 2022. Demandes de Madame [N] [S]Lors de l’audience du 9 octobre 2024, Madame [N] [S] a demandé au tribunal de déclarer sa requête recevable, d’annuler la décision de la CAF, de prononcer la décharge de l’obligation de remboursement, de restituer les sommes récupérées et de condamner la CAF à lui verser 1.200 € pour ses frais. Elle a soutenu que la CAF n’avait pas prouvé l’existence de l’indu ni respecté les procédures de notification. Position de la CAF des Bouches-du-RhôneLa CAF des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal de débouter Madame [N] [S] de ses demandes et, à titre reconventionnel, de la condamner à lui verser 4.784,29 €. Elle a justifié sa position par un contrôle qui aurait révélé une dissimulation de vie commune entre Madame [N] [S] et Monsieur [C]. Régularité de la procédure de recouvrementLe tribunal a examiné la régularité de la procédure de recouvrement, en se basant sur l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale. Il a constaté que la CAF n’avait pas produit de preuve d’envoi d’une notification d’indu à Madame [N] [S], ce qui a entraîné une nullité de la procédure. L’absence de notification a privé Madame [N] [S] de ses droits d’information et de contestation. Décision du tribunalLe tribunal a annulé la décision d’indu d’allocation de soutien familial, ramenant le montant à 4.784,29 € pour la période concernée. Il a également déchargé Madame [N] [S] de cette dette et a condamné la CAF à restituer les sommes indûment retenues. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires, et la CAF a été condamnée aux dépens de l’instance. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la procédure de notification d’un indu selon le code de la sécurité sociale ?La procédure de notification d’un indu est régie par l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que l’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi à l’assuré d’une notification par le directeur de l’organisme créancier. Cette notification doit être envoyée par tout moyen donnant date certaine à sa réception et doit contenir plusieurs éléments essentiels : 1° La nature et la date des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l’indu ; 2° Les modalités selon lesquelles l’assuré peut, dans un délai de vingt jours, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l’indu ; 3° La possibilité pour l’organisme de récupérer les sommes indûment versées par retenues sur les prestations à venir, sauf si l’assuré rembourse ou accepte un échéancier de paiement. L’absence de notification prive l’assuré de la possibilité d’être informé des motifs de l’indu et des délais pour contester, ce qui peut entraîner la nullité de la procédure de recouvrement. Quels sont les effets de l’absence de notification sur la procédure de recouvrement ?L’absence de notification d’indu a des conséquences significatives sur la procédure de recouvrement. En effet, comme le souligne le tribunal, l’absence de notification a privé Madame [N] [S] de plusieurs droits fondamentaux. Tout d’abord, elle n’a pas été informée du motif de l’indu, du montant global du trop-perçu, de la nature des sommes et des périodes concernées. Cela constitue une violation des dispositions impératives de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale. En conséquence, cette irrégularité entraîne la nullité de la procédure de recouvrement. La nullité est d’ordre public, ce qui signifie qu’elle peut être soulevée d’office par le tribunal, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un grief spécifique. Ainsi, la nullité de la procédure de recouvrement a conduit à la décharge de Madame [N] [S] de la dette d’indu, ramenée à la somme de 4.784,29 €, et à la condamnation de la CAF des Bouches-du-Rhône à restituer les sommes indûment retenues. Quels sont les droits de l’assuré en cas de contestation d’un indu ?En cas de contestation d’un indu, l’assuré dispose de plusieurs droits, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale. L’article R. 133-9-2 précise que l’assuré doit être informé des modalités de contestation. Il a le droit de demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l’indu dans un délai de vingt jours à compter de la réception de la notification. Ce droit est essentiel pour permettre à l’assuré de faire valoir ses arguments et de contester le montant réclamé. De plus, l’assuré a la possibilité de formuler des observations écrites ou orales concernant l’indu. Cela lui permet de présenter sa défense et de contester les éléments avancés par l’organisme créancier. Enfin, si l’assuré ne reçoit pas de notification, il peut soulever la nullité de la procédure de recouvrement, comme cela a été le cas dans l’affaire de Madame [N] [S]. Cette nullité entraîne la décharge de la dette et la restitution des sommes indûment perçues. Quelles sont les conséquences financières pour la CAF en cas de décision en faveur de l’assuré ?Lorsque le tribunal rend une décision en faveur de l’assuré, comme dans le cas de Madame [N] [S], cela entraîne des conséquences financières pour la CAF. En effet, la CAF des Bouches-du-Rhône a été condamnée à restituer les sommes indûment retenues. De plus, la CAF est également condamnée aux dépens de l’instance, ce qui signifie qu’elle doit prendre en charge les frais de justice engagés par l’assuré. Cela inclut les frais d’avocat et autres frais liés à la procédure. En outre, si l’assuré a demandé des dommages et intérêts, la CAF pourrait également être condamnée à verser une somme supplémentaire, bien que dans ce cas précis, le tribunal n’ait pas fait application des dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Ces conséquences financières soulignent l’importance pour les organismes de respecter les procédures de notification et de recouvrement, afin d’éviter des litiges coûteux et des décisions défavorables. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
JUGEMENT N°24/04390 du 11 Décembre 2024
Numéro de recours: N° RG 23/01707 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3OCT
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [N] [S]
née le 09 Mai 1982 à [Localité 7] (BOUCHES-DU-RHONE)
domiciliée : chez Monsieur [J] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/002294 du 06/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représentée par Me David BAPCERES, avocat au barreau de LYON
c/ DEFENDERESSE
Organisme CAF DES BOUCHES-DU-RHONE
Service Contentieux
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Monsieur [D] [W] (Agent audiencier), muni d’un pouvoir spécial
DÉBATS : À l’audience publique du 09 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge
Assesseurs : MOLINO Patrick
MARTOS Francis
L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Décembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en dernier ressort
Par requête expédiée par son conseil le 9 septembre 2023, Madame [N] [S] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse d’allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône, confirmant un indu d’allocation de soutien familial d’un montant de 5.574,82 € au titre des mois de mai 2020 à avril 2022.
L’affaire a été appelée à l’audience du 9 octobre 2024.
À l’audience, Madame [N] [S], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
Déclarer recevable sa requête ;D’annuler la décision implicite du 11 décembre 2022 ou toute décision expresse par laquelle la commission de recours amiable instituée au sein de la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours administratif préalable obligatoire daté du 10 octobre 2022 tendant à contester l’indu prétendu d’allocation de soutien familial mis à la charge de Mme [S] pour un montant de 5.574,82 € au titre des mois de mai 2020 à avril 2022 ;Prononcer la décharge de l’obligation de rembourser l’indu prétendu ;D’ordonner à la caisse d’allocations familiales de restituer les sommes récupérées au titre de l’indu ;De condamner la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône au paiement de 1.200 € en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;De condamner la caisse d’Allocations familiale des Bouches-du-Rhône aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, Madame [N] [S] fait valoir que la CAF des Bouches-du-Rhône ne démontre pas qu’un indu lui a été notifié, ni que la commission de recours amiable a été régulièrement réunie, ni que la caisse a procédé au versement des sommes dont elle entend répéter l’indu. Elle ajoute que la caisse ne démontre pas les modalités de liquidation, ni que le contrôle a été diligenté par un agent de contrôle, ni que celui-ci a exercé son droit de communication conformément aux exigences légales, ni que l’indu est justifié.
Aux termes de ses conclusions soutenues oralement par un inspecteur juridique, la CAF des Bouches-du-Rhône demande au tribunal de :
Débouter Madame [S] de ses demandes ;À titre reconventionnel :
De condamner Madame [S] à lui verser la somme de 4.784,29 €.
Au soutien de ses demandes, la CAF des Bouches-du-Rhône fait valoir qu’un contrôle, diligenté en raison du changement d’état civil de l’enfant, a permis de constater une dissimulation de vie commune entre Madame [N] [S] et Monsieur [C].
Il sera expressément référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 11 décembre 2024.
Sur la régularité de la procédure de recouvrement
Aux termes des dispositions de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale:
» I. L’action en recouvrement de prestations indues prévue à l’article L. 133-4-1 s’ouvre par l’envoi à l’assuré par le directeur de l’organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d’une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l’organisme, que l’assuré a perçu des prestations indues. Cette notification :
1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l’indu ;
2° Indique :
a) Les modalités selon lesquelles l’assuré peut, dans un délai de vingt jours à compter de la réception de cette notification et préalablement à l’exercice du recours mentionné à l’article L. 142-4, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l’indu ;
b) La possibilité pour l’organisme, lorsque l’assuré ne fait pas usage du a, de récupérer à compter de l’expiration du même délai de vingt jours les sommes indûment versées par retenues sur les prestations à venir, sauf si l’assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d’un échéancier de paiement, dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d’un échéancier dans un délai d’un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement;
c) La possibilité pour l’organisme, à l’expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet mentionné au 1° du II, de procéder à la récupération des sommes après expiration du délai mentionné au 2° du II sauf si l’assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d’un échéancier de paiement dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d’un échéancier dans un délai d’un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement ;
d) Les voies et délais de recours « .
Madame [N] [S] fait valoir qu’elle a été avisée de l’indu en consultant son espace personnel en ligne et qu’elle n’a été destinataire d’aucune notification d’indu. Elle en conclut que la procédure de recouvrement d’indu est nulle, et ce sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un grief.
En l’espèce, force est de constater que la CAF des Bouches-du-Rhône ne produit aucune preuve d’envoi et de réception d’un courrier de notification d’indu permettant de lui conférer date certaine.
Or, l’absence de notification a privé Madame [N] [S] d’être informée du motif de l’indu, du montant global du trop-perçu, de la nature des sommes et des périodes concernées.
Surtout, l’absence de notification n’a pas permis à Madame [N] [S] d’avoir connaissance du délai de deux mois pour s’acquitter des sommes dues et des conditions dans lesquelles elle pouvait, dans ce même délai, formuler des observations écrites ou orales.
Les dispositions du code de la sécurité sociale sont d’ordre public et ne nécessitent pas un texte pour que la nullité soit soulevée.
L’irrespect des dispositions impératives de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, qui ont privé Madame [N] [S] de la possibilité d’être informée de l’indu et de faire valoir ses droits, engendre la nullité de la procédure.
La nullité de la procédure de recouvrement entraîne la décharge de Madame [N] [S] de la dette ramenée à la somme de 4.784,29 € à titre d’indu d’allocations de soutien familial au titre de la période du 1er septembre 2020 au 28 février 2022, et la condamnation de la CAF des Bouches-du-Rhône à lui restituer les sommes indument retenues.
Sur les dépens et l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
La CAF des Bouches-du-Rhône, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe après en avoir délibéré, par jugement contradictoire et en dernier ressort :
ANNULE la décision d’indu d’allocation de soutien familial d’un montant ramené à la somme de 4.784,29 € pour la période du 1er mai 2020 au 30 avril 2022 ;
DÉCHARGE Madame [N] [S] du paiement de la dette de 4.784,29 € à titre d’indu d’allocation de soutien familial pour la période du 1er mai 2020 au 30 avril 2022 ;
CONDAMNE, au besoin, la CAF des Bouches-du-Rhône à la restitution des sommes retenues au titre de l’indu d’allocations de soutien familial pour la période du 1er mai 2020 au 30 avril 2022 ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la CAF des Bouches-du-Rhône aux entiers dépens de l’instance;
DIT que le délai à peine de forclusion pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la réception de la notification de la présente décision.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE