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Pour être valides, les marques de couleur doivent être distinctives.
La juridiction a annulé la marque française de couleur bleue SOMFY n° 04 3 297 349 pour absence de caractère distinctif. La marque de couleur revendiquée n’est pas susceptible à elle seule de permettre l’identification des produits SOMFY visés. En la cause, il n’est pas justifié, ni même allégué de circonstances exceptionnelles pour lesquelles la couleur bleue Pantone 296C suffirait en elle-même à établir la distinctivité de la marque et aurait ainsi en elle-même un caractère distinctif avant tout usage. SOMFY a utilisé de longue date pour ses moteurs tubulaires plusieurs nuances de bleu, dont un ou plusieurs bleus sombres, mais de manière non exclusive ainsi que d’autres coloris et a évolué dans l’utilisation des signes distinctifs de ses moteurs, à l’instar de ses concurrents. Selon l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls : 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif (…) ». L’exigence de distinctivité de la marque se justifie par sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’origine du produit ou du service qu’elle désigne, en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, de ceux ayant une autre provenance. Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques de couleur sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques (cf CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, Oberbank). Cependant « la propriété inhérente de distinguer les produits d’une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même (…). L’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique (…) ; même si une couleur ne possède pas, en elle-même et ab initio de caractère distinctif, elle peut toutefois l’acquérir à la suite de son usage en rapport avec les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, Libertel points 62, et 65 et s.). En outre, il doit être procédé à une appréciation in concreto du caractère distinctif de la marque de couleur, qui tient compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce (CJUE, 27 mars 2019, Oy Hartwall, C-578/17). Enfin, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (cf arrêt CJUE du 6 mai 2003, précité, point 60). Ce caractère distinctif par l’usage « peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, précité, point 67) et « dans le cadre de cette appréciation, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque concernée, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à ladite marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles » (CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, point 41, termes soulignés par nos soins). Le public pertinent doit être ici regardé comme désignant les installateurs de volets roulants, ou de fenêtres et l’ensemble des professionnels du secteur des protections solaires, qui en sont les principaux utilisateurs. Nos Conseils: 1. Il est essentiel de s’assurer que la marque enregistrée possède un caractère distinctif, conformément à l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle. Cela garantit au consommateur de pouvoir distinguer clairement l’origine du produit ou du service. 2. Pour les marques de couleur, il est important de prouver que la couleur en elle-même a acquis un caractère distinctif par son usage en rapport avec les produits ou services concernés. Une appréciation in concreto du caractère distinctif doit être réalisée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce. 3. Il est recommandé de réaliser des études ou sondages pour évaluer l’association entre la couleur revendiquée et la marque. Ces études doivent être menées de manière rigoureuse et représentative du public visé, afin de démontrer de manière probante la distinctivité de la marque de couleur. |
→ Résumé de l’affaireSOMFY et A-OK France sont deux sociétés françaises spécialisées dans la motorisation des ouvertures de l’habitat. SOMFY a déposé une marque protégeant la couleur bleue pour ses moteurs de volets roulants. Elle accuse A-OK France de contrefaçon de marque en commercialisant des moteurs de couleur bleue similaire. SOMFY demande l’interdiction de mise sur le marché des moteurs incriminés et leur destruction, ainsi que des dommages et intérêts. A-OK France conteste les accusations et demande la nullité de la marque de SOMFY. L’affaire est en attente de jugement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 21/06263
N° Portalis 352J-W-B7F-CULTK
N° MINUTE :
Assignation du :
04 Mai 2021
JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDERESSE
S.A. SOMFY ACTIVITES SA
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438
DÉFENDERESSE
S.A.S. A-OK FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Aude SPINASSE de la SELARL CHAMMAS & MARCHETEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0566
substituée par Maître Céline BEY, de l’AARPI GOWLING WLG (FRANCE), avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0127
Copies délivrées le :
– Maître DESROUSSEAUX #P438 (ccc)
– Maître SPINASSE #P566 (exécutoire)
Décision du 05 Juillet 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/06263 – N° Portalis 352J-W-B7F-CULTK
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l’audience du 03 Mai 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
1. SOMFY Activités S.A (ci-après SOMFY) et A-OK France sont deux sociétés industrielles françaises spécialisées dans la motorisation et l’automatisation des ouvertures de l’habitat et du bâtiment. SOMFY commercialise notamment des moteurs pour volets roulants de couleur bleue.
2. SOMFY a déposé, le 14 juin 2004, la marque française de couleur enregistrée sous le n° 04 3 297 349, protégeant la couleur bleue Pantone 296C pour les produits de classe 7 suivants « moteurs tubulaires électriques pour manœuvrer les portes, portes de garage, portails, fenêtres, volets, stores, rideaux, écrans et grilles ».
3. S’étant rendue compte que la société A-OK France commercialisait également des moteurs tubulaires de couleur bleue, en combinaison avec une tête jaune, et avait ajouté à sa gamme de produits des moteurs tubulaires photovoltaïques composés d’un tube de couleur bleue et d’une tête jaune, présentant un panneau solaire lui paraissant similaire à celui qu’elle propose, SOMFY a fait procéder à des constats par commissaire de justice : un constat internet du 18 décembre 2020, et des constats d’achat des 18 décembre 2020 et 11 janvier 2021.
4. SOMFY a fait assigner A-OK France devant le tribunal judiciaire de Paris par actes d’huissier en date du 4 mai 2021, principalement pour contrefaçon de marque.
5. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 4 juillet 2023, elle sollicite à titre principal, l’interdiction directe ou indirecte, de mise sur le marché, à des fins d’importation et d’usage des moteurs portant les références AM 45 30/17 E ; AM 45 50/12 E ; AM 45 15/17 MEL ; AM 45 50/ 12 MEL ; AM 60 100/12 ; AM 60 100/12 E ; AM 35 10/14 ; AM 35-10/ 14 QE ; AM 35 10/14 MEL ; AM 45 10/17 ; AM 45 15/17-S (COURT) ; AM 45 15/17 ; AM 45 20/17 ; AM 45 30/17 ; AM 45 50/12 ; AM 45 10/17 E ; AM 45 15/17 E ; AM 45 20/17 E et AM 35 6/20 solaire, dont le tube est d’une nuance de couleur bleue, identique ou quasiment identique à la nuance bleue Pantone 296C, ainsi que l’interdiction de leur offre à la vente, leur rappel et leur destruction, sous astreinte, pour contrefaçon de marque.
A titre subsidiaire, elle forme les mêmes demandes, pour concurrence déloyale par risque de confusion.
Elle forme une demande d’information sous astreinte sur le nombre de moteurs litigieux et de pièces détachées en lien avec ces moteurs, vendus, importés ou détenus, le prix d’achat et de revente des moteurs litigieux, la marge brute réalisée pour ces produits et l’identité des fournisseurs, sur les cinq années précédant l’assignation. Elle sollicite dans cette attente, la condamnation de la défenderesse au paiement d’une provision de 30 000 euros. Elle sollicite que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte et la condamnation de A-OK France au paiement de la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction est requise au profit de la SCP August & Debouzy et Associés.
6. Au soutien de ses demandes, la société SOMFY fait valoir, en réponse à la demande de nullité de la marque de la partie adverse, que la couleur choisie est distinctive parce qu’elle est inhabituelle dans ce secteur et résulte d’un choix arbitraire et que les professionnels identifient généralement la marque des moteurs par leur couleur. En outre, elle déclare en faire un usage constant depuis de nombreuses années. Elle soutient que la couleur bleue utilisée par A-OK France présente de fortes similitudes avec la couleur déposée, son usage étant destiné à des produits identiques et qu’elle l’utilise ainsi de manière déloyale ; que dès lors, il existe, à tout le moins, un risque de confusion ; que A-OK France l’aurait implicitement reconnu en déclarant adopter progressivement la couleur jaune en lieu et place du bleu sombre semblable à celui qu’elle emploie, depuis mars 2023.
7. En réponse, A-OK France résiste aux demandes principales et subsidiaires formées au titre de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale. Elle sollicite que soit prononcée la nullité de la marque déposée par SOMFY. Elle demande la condamnation de SOMFY au paiement de la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance dont distraction est requise au profit de Me Spinasse.
8. Elle soutient que la marque de couleur est nulle dans la mesure où elle ne présente pas de caractère distinctif, ni en tant que telle, ni par l’usage ; que, subsidiairement, il n’y a pas de concurrence déloyale dès lors que notamment les moteurs tubulaires SOMFY sont banals, que leur forme est guidée par des contraintes techniques, que la couleur bleue est d’usage courant sur ce type de moteurs et que la fixation d’un prix inférieur mais non dérisoire n’est pas de nature à établir l’existence de la concurrence déloyale alléguée. Enfin, la société SOMFY ne démontrerait pas le préjudice qu’elle estime avoir subi.
9. Une ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.
Sur la nullité de la marque n° 04 3 297 349
10. Selon l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls :
2° Une marque dépourvue de caractère distinctif (…) ».
11. L’exigence de distinctivité de la marque se justifie par sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’origine du produit ou du service qu’elle désigne, en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, de ceux ayant une autre provenance.
12. Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques de couleur sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques (cf CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, Oberbank).
13. Cependant « la propriété inhérente de distinguer les produits d’une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même (…). L’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique (…) ; même si une couleur ne possède pas, en elle-même et ab initio de caractère distinctif, elle peut toutefois l’acquérir à la suite de son usage en rapport avec les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, Libertel points 62, et 65 et s.).
14. En outre, il doit être procédé à une appréciation in concreto du caractère distinctif de la marque de couleur, qui tient compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce (CJUE, 27 mars 2019, Oy Hartwall, C-578/17).
15. Enfin, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (cf arrêt CJUE du 6 mai 2003, précité, point 60).
16. En l’espèce, il n’est pas contesté que le choix d’un bleu sombre pour caractériser singulariser le moteur tubulaire des volets roulants SOMFY est arbitraire et n’est pas nécessaire à leur fonctionnement.
17. Toutefois, il n’est pas justifié, ni même allégué de circonstances exceptionnelles pour lesquelles la couleur bleue Pantone 296C suffirait en elle-même à établir la distinctivité de la marque et aurait ainsi en elle-même un caractère distinctif avant tout usage
18. A défaut de distinctivité de la marque de couleur en elle-même et avant tout usage, il convient de déterminer si son usage en rapport avec les moteurs tubulaires de volets roulants, conduit le public pertinent à penser qu’ils ne peuvent provenir que de l’entreprise SOMFY.
19. Ce caractère distinctif par l’usage « peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, précité, point 67) et « dans le cadre de cette appréciation, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque concernée, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à ladite marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles » (CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, point 41, termes soulignés par nos soins).
20. Le public pertinent doit être ici regardé comme désignant les installateurs de volets roulants, ou de fenêtres et l’ensemble des professionnels du secteur des protections solaires, qui en sont les principaux utilisateurs.
21. La société SOMFY produit des preuves d’usage de la couleur revendiquée, notamment un encart publicitaire sur lequel figure un modèle 1979- 1980 de couleur bleu sombre à tête jaune (pièce 3). Elle produit son catalogue 2009, sur lequel figure le dessin d’un moteur tubulaire bleu vif à tête jaune (page 2 du catalogue), les autres illustrations et photographies étant pour la plupart en noir et blanc (pièce 11). Elle produit des factures de 2015 à 2018, sur lesquelles figurent des références de moteurs tubulaires correspondants aux modèles LT 50, et ILMO 50 pour lesquels SOMFY établit qu’ils sont de couleur bleu sombre dans ses écritures (pages 4 et 5), mais non les autres moteurs référencés sur ces factures dont la couleur n’est pas mentionnée. Il est produit des extraits de catalogues (dont ceux de 1987, 1993 et 1998, les autres n’étant pas datés) où figurent des moteurs tubulaires bleu sombre (pièce 31). Pour autant, ces éléments ne suffisent pas à démontrer un emploi continu de la couleur bleue Pantone 296C sur ses moteurs tubulaires, ni un usage que l’on pourrait qualifier d’intensif et qui le serait resté.
22. La société A-OK France établit à cet égard, en revanche, que d’autres couleurs sont utilisées par SOMFY y compris d’autres nuances de bleu comme le bleu RAL 5001, visée dans la description de la marque UE n° 018443415, déposée par SOMFY (pièce 44, A-OK France), mais aussi le gris clair ou le jaune (cf catalogue SOMFY pièce 31), ce qui affaiblit la distinctivité exigée pour écarter la nullité soulevée par A-OK France.
23. Il peut être conclu de l’ensemble de ces éléments, que SOMFY a utilisé de longue date pour ses moteurs tubulaires plusieurs nuances de bleu, dont un ou plusieurs bleus sombres, mais de manière non exclusive ainsi que d’autres coloris et a évolué dans l’utilisation des signes distinctifs de ses moteurs, à l’instar de ses concurrents.
24. Sur l’identification des produits par les milieux intéressés, SOMFY a fait réaliser un sondage par l’institut Interconnexion Consulting, auprès de 300 professionnels entre février et mars 2023 (pièce 35 SOMFY). La défenderesse en conteste tant les conditions de sa réalisation que l’interprétation de ses résultats.
25. A titre liminaire, il sera précisé qu’il est justifié par la demanderesse du choix de l’institut de sondage et de la méthodologie employée (pièce 36) : sont ainsi exposés le panel visé, le nombre de personnes interrogées, les conception et structure du questionnaire (notoriété de la marque, association de couleurs non assistée, notoriété assistée de la marque, attribution d’une couleur à la marque parmi six autres).
26. Le panel de professionnels sélectionnés, apparaît suffisant en nombre (300 professionnels spécialisés) et représentatif du public visé, qui couvre le secteur de la fenêtre et de la protection solaire des bâtiments (cf point 20). Les sondés n’ont pas non plus été confrontés aux seuls signes en conflit, d’autres marques utilisant la couleur bleue ayant été testées dans ce sondage. Le sondeur a également présenté les réponses, en fonction de la catégorie de professionnels interrogés, ce qui lui permet de souligner les réponses les plus favorables à SOMFY par catégories.
27. L’objectif du sondage est présenté comme étant « d’analyser si l’industrie de la protection solaire en France associe les moteurs tubulaires SOMFY à la couleur bleue ».
28. A la question sur la connaissance de la couleur des moteurs tubulaires SOMFY, 55, 9 % des personnes interrogées ont répondu « la couleur bleue » et 44,1% ont répondu « je ne sais pas/ je ne me souviens pas de la couleur ».
29. A la question, « Parmi les couleurs suivantes (6 nuances de bleu proposées), quelle est la nuance que vous associez aux moteurs SOMFY ? », 53,4 % des sondés ont associé trois nuances de bleu sombre aux moteurs SOMFY, et 21,2 % ont associé un bleu sombre à A-OK France, ce qui donne lieu de la part du sondeur à une interprétation extensive : « 21,2% des clients confondent la couleur du moteur A-OK avec SOMFY », ce qui n’est pas exact, les sondés ayant pu associer le bleu sombre aux deux marques, et l’éventuelle « confusion », repose sur l’association de trois nuances de bleu à SOMFY.
Quant aux questions par segments des professionnels visés, il ne peut être conclu que « 6 installateurs sur 10 reconnaissent la « véritable » couleur bleue des moteurs SOMFY, alors que trois bleus foncés sont désignés par ceux-ci.
En outre, A-OK France fait valoir sans être contestée que les trois bleus présentés sont des couleurs employées par SOMFY pour ses moteurs tubulaires, ce qui tend à influencer les réponses.
30. Enfin, il convient de constater que l’évaluation globale par ce sondage de l’association des moteurs tubulaires SOMFY à la couleur bleue (cf point 25) est plus large que la revendication de la demanderesse, associant un bleu sombre « spécifique » à sa marque et dans ces conditions, l’interprétation qui en résulte n’apparaît pas pertinente. Par ailleurs, la marque dominante du marché est plus facilement reconnaissable par les professionnels du secteur, parce que régulièrement pratiquée. Les résultats du sondage réalisé à l’initiative de SOMFY n’apparaissent donc pas suffisamment probants quant à la distinctivité de la marque de couleur.
29. La question des investissements de SOMFY dans la promotion de sa couleur de référence n’a pas été abordée par les parties.
31. Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, la marque de couleur revendiquée n’est pas susceptible à elle seule de permettre l’identification des produits SOMFY visés.
32. Il convient en conséquence d’annuler la marque française de couleur n° 04 3 297 349 pour absence de caractère distinctif.
33. Les demandes fondées sur sa contrefaçon, celles subséquentes d’interdiction, de rappel et de destruction sous astreinte des moteurs tubulaires de la marque A-OK France visés par les conclusions, ainsi que les demandes d’information sous astreinte et de provision seront rejetées.
Sur la concurrence déloyale
34. Selon l’article 1240 du code civil : « « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
35. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
36. En l’espèce, il résulte du sondage précité, que 13,5% des sondés ont attribué la marque SOMFY à un moteur tubulaire A-OK France (page 5 du sondage). Or, ce pourcentage est manifestement insuffisant pour conclure à un risque de confusion, le public pertinent étant un public d’attention élevée, qui n’associe pas spontanément la couleur au produit, la question ne lui ayant pas été au demeurant posée en ce sens. Il en sera référé également au point 26 sur l’absence de confusion des sondés entre les couleurs SOMFY et A-OK.
37. Les deux marques, sont nominativement identifiables sur leurs produits sur la tête du moteur SOMFY et sur l’étiquette du moteur A-OK France :
Or, il est constant tout autre signe apposé pour identifier l’origine du produit tend à exclure le risque de confusion.
38. Il est vrai que A-OK France a utilisé à l’instar de son concurrent SOMFY des têtes jaunes. Toutefois, les conditions du recours à la couleur jaune, pour identifier les têtes de moteurs tubulaires et la proportion de moteurs tubulaires bleus foncés à têtes jaunes mis en vente par chacune des deux marques, ne sont pas explicitées par les parties.
39. Si SOMFY fait valoir que les prix des moteurs A-OK France, sont inférieurs à ceux qu’elle pratique, elle ne soutient pas qu’ils sont dérisoires. Il ne peut donc en être conclu à une concurrence déloyale au regard des prix pratiqués par A-OK France.
40. A-OK France fait également valoir, sans être contredite, que plusieurs fabricants de moteurs tubulaires utilisent un bleu sombre comme Cherubini, Sikanet, Solid, Heicko E-Ast, Wiltec ou Almot. Le fait que ces marques de moteurs tubulaires ne représenteraient qu’une faible part du marché, à le supposer établi, est sans incidence à cet égard.
41. Enfin l’abandon progressif par A-OK France de la couleur bleue pour ses moteurs tubulaires au profit d’une couleur jaune (communication Linkedin pièce 29 de SOMFY), ne constitue pas, en l’absence de circonstances particulières affectant ce changement, une reconnaissance du risque de confusion.
42. En conséquence, SOMFY sera déboutée de ses demandes de provision, d’interdiction, d’information, de rappel et de destruction, subséquentes, formées à l’encontre de la société A-OK France pour concurrence déloyale.
Sur les demandes annexes
43. La société SOMFY Activités, partie perdante en l’espèce sera condamnée au paiement de la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de Me Spinasse.
Le Tribunal,
DECLARE nulle, la marque française de couleur Bleu Pantone 296C enregistrée sous le n° 04 3 297 349, par SOMFY Activités S.A, le 14 juin 2004 pour les produits de la classe 7 « moteurs tubulaires électriques pour manœuvrer les portes, portes de garage, portails, fenêtres, volets, stores, rideaux, écrans et grilles » ;
DEBOUTE SOMFY Activités S.A de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE SOMFY Activités S. A au paiement à la société A-OK France de la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Me Aude Spinasse dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024
Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC