La société [C] expansion a interjeté appel d’un jugement rendu le 3 février 2023. Dans ses conclusions du 7 mai 2024, elle demande principalement l’infirmation du jugement qui a déclaré M. [U] [H] recevable dans ses demandes et a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle souhaite que la cour déclare M. [U] [H] irrecevable dans sa demande d’annulation de la cession de ses parts dans la société JP holding, ainsi que dans sa demande de dommages et intérêts, et qu’elle rejette sa demande de sursis à statuer. La société demande également la condamnation de M. [U] [H] à verser 20.000 euros pour procédure abusive.
En cas de rejet de ses demandes principales, la société [C] expansion demande subsidiairement l’infirmation du jugement qui a annulé la cession de parts et a débouté sa demande de dommages et intérêts, tout en souhaitant que la cour rejette la demande d’annulation et déclare M. [U] [H] irrecevable dans sa demande de dommages et intérêts. Elle demande aussi la confirmation de la condamnation de M. [U] [H] à restituer 100.000 euros, assortie d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard. M. [U] [H] a déposé des conclusions le 28 juillet 2023, demandant la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions. À titre subsidiaire, il demande une condamnation de la société [C] expansion à verser 244.000 euros en réparation de son préjudice si la cession n’est pas annulée. En cas de besoin d’informations supplémentaires, il demande un sursis à statuer en attendant la clôture de l’instruction pénale en cours. Il réclame également 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la société aux dépens. L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
NLG
ORIGINE : DECISION en date du 07 Décembre 2022 du Tribunal de Commerce de CAEN
RG n° 2020005155
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
S.A.S. [C] EXPANSION
N° SIRET : 421 197 484
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée et assistée par Me Robert APÉRY, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [U] [H]
né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,
Assisté de Me Julien ESTRADE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 16 mai 2024
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 05 septembre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
En 2001, MM. [P] [T] et [S] [C], professionnels de la gestion de patrimoine, ont créé la société JP holding, société à responsabilité limitée au capital de 500.000 euros, ayant pour objet la participation à toutes entreprises ou sociétés créées ou à créer.
MM. [P] [T] et [S] [C] étaient tous deux associés à 50% de cette société, directement et indirectement par l’intermédiaire de leurs sociétés respectives, la société [C] expansion pour M. [S] [C] et la société So invest pour M. [P] [T], la répartition du capital étant la suivante :
– société [C] expansion : 30% des parts,
– M. [S] [C] : 20% des parts,
– société So invest : 30% des parts,
– M. [P] [T] : 20% des parts.
En 2003, un nouvel associé, M. [U] [H], a intégré la société JP holding, en acquérant 10% des parts sociales (5% lui ont été cédées par So invest et 5% par la société [C] expansion), la nouvelle répartition du capital de la société devenant la suivante :
– société [C] expansion : 25% des parts,
– M. [S] [C] : 20% des parts,
– société So invest : 25% des parts,
– M. [P] [T] : 20% des parts,
– M. [U] [H] : 10% des parts.
A compter de la fin de l’année 2010, les relations entre les trois associés se sont détériorées.
M. [P] [T] a été révoqué de son mandat de gérant et M. [S] [C] est devenu seul gérant de la société JP holding.
M. [S] [C] a procédé au rachat des parts de M. [U] [H] par acte sous seing privé du 21 septembre 2011.
Considérant que son consentement à cette opération de cession avait été vicié par des man’uvres dolosives, M. [U] [H] a, par acte d’huissier de justice du 24 juillet 2020, assigné la SAS [C] expansion devant le tribunal de commerce de Caen aux fins d’obtenir, à titre principal, la nullité de la cession de ses parts dans la société JP holding au profit de la société [C] expansion.
Par jugement contradictoire du 7 décembre 2022, le tribunal de commerce de Caen a :
– déclaré [U] [H] recevable et bien fondé en ses demandes ;
– annulé la cession de parts de M. [U] [H] dans la société JP holding au profit de la société [C] expansion ;
– condamné M. [U] [H] à restituer à la société [C] expansion la somme de 100.000 euros au titre du prix versé dans le cadre de la cession de parts ;
– condamné la société [C] expansion à verser à M. [U] [H] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– écarté l’exécution provisoire du jugement ;
– débouté M. [U] [H] et la société [C] expansion de toutes leurs autres demandes ;
– condamné la société [C] expansion aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 65,90 euros, dont TVA 10,98 euros.
Par dernières conclusions déposées le 7 mai 2024, la SAS [C] expansion demande à la cour de :
A titre principal,
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré M. [U] [H] recevable en ses demandes et en ce qu’il a débouté la société [C] expansion de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
Statuant à nouveau,
– Déclarer irrecevable M. [U] [H] en sa demande d’annulation de la cession de ses parts dans la société JP holding au profit de la société [C] expansion,
– Déclarer irrecevable M. [U] [H] en sa demande de dommages et intérêts sinon la rejeter,
– Rejeter la demande de sursis à statuer présentée par M. [U] [H],
– Condamner M. [U] [H] à verser à la société [C] expansion une somme de 20.000 euros pour procédure abusive et injustifiée,
A titre subsidiaire,
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé la cession de parts de M. [U] [H] dans la société JP holding au profit de la société [C] expansion et en ce qu’il a débouté la société [C] expansion de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et, statuant à nouveau,
– Rejeter la demande d’annulation de la cession des parts de M. [U] [H] dans la société JP holding au profit de la société [C] expansion,
– Déclarer irrecevable M. [U] [H] en sa demande de dommages et intérêts sinon la rejeter,
– Rejeter la demande de sursis à statuer présentée par M. [U] [H],
– Condamner M. [U] [H] à verser à la société [C] expansion somme de 20.000 euros pour procédure abusive et injustifiée,
A titre plus subsidiaire,
– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné M. [U] [H] à restituer à la société [C] expansion le prix versé dans le cadre de la cession de parts attaquée d’un montant de 100.000 euros,
Y ajoutant,
– Assortir cette condamnation d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de 15 jours après la signification de la décision à venir,
En tout état de cause,
– Débouter M. [U] [H] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
– Infirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société [C] expansion à verser à M. [U] [H] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société [C] expansion aux entiers dépens et, statuant à nouveau,
– Condamner M. [U] [H] aux dépens de première instance et d’appel;
– Condamner M. [U] [H] au versement d’une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 28 juillet 2023, M. [U] [H] demande à la cour de :
– Le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
En conséquence,
A titre principal,
– Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour d’appel de Caen infirmait le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, devait ne pas prononcer l’annulation de la cession des parts sociales détenues par M. [H] au capital de la société JP holding intervenue le 21 septembre 2011, il serait alors demandé à la cour d’appel de Caen de :
– Condamner la société [C] expansion au versement de la somme de 244.000 euros au bénéfice de M. [U] [H] en réparation du préjudice subi par ce dernier,
A titre très subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour d’appel de Caen ne s’estimait pas suffisamment informée sur les éléments versés aux débats,
– Prononcer le sursis a statuer dans l’attente de la clôture de l’instruction pénale en cours et de la décision de la juridiction répressive à intervenir,
En tout état de cause,
– Condamner la société [C] expansion à verser à M. [H] la somme de 10.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société [C] expansion aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2024.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Sur la prescription
Selon l’article 1304 ancien du code civil applicable au litige, dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Selon l’article L221-14 du code de commerce dans sa version applicable au litige, la cession des parts sociales doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société, dans les formes prévues à l’article 1690 du code civil. Toutefois, la signification peut être remplacée par le dépôt d’un original de l’acte de cession au siège social contre remise par le gérant d’une attestation de ce dépôt.
Elle n’est opposable aux tiers qu’après accomplissement de ces formalités et, en outre, après publicité au registre du commerce et des sociétés.
Il résulte de l’article L232-23 du code du commerce que toute société par action est tenue de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, ses comptes annuels.
La société [C] fait valoir que l’action en nullité pour dol engagée en 2020 est prescrite, que M. [H] se contente d’affirmer avoir découvert en mars 2016 les manoeuvres dolosives dont il se prévaut sans justifier aucunement ses allégations autrement que par le biais d’une attestation établie par lui-même et alors qu’il est justifié qu’il s’est vu adresser avant la cession de ses parts les informations lui permettant d’avoir une visibilité sur l’évolution prévisible de la société et ses perspectives de développement, qu’en outre il est présumé avoir eu connaissance dès le 13 juillet 2011 de l’acquisition des titres de la société Beauce Energie compte tenu de la publication de l’acte correspondant ainsi que des comptes de la société JPEE au titre de l’exercice clos au 31 mars 2012 qui précisent la prise de participation de la société JPEE dans la société Beauce Energie, la valeur de la participation et la caution de la société JP Holding.
M. [H] fait valoir que la cession de parts est intervenue le 21 septembre 2011 mais que les manoeuvres dolosives dont il a été victime et consistant dans des informations dissimulées n’ont été découvertes par lui qu’à partir de mars 2016 alors qu’il apprenait les manoeuvres de M. [C] dans la gestion de la filiale JP Océan au détriment de M. [T] et qu’il décidait de ‘se plonger’ dans la gestion de la société JP Holding juste avant et après la vente de ses parts. Il précise qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir consulté des publications de comptes ou d’actes de sociétés tierces et que celles-ci ne lui sont pas opposables dès lors que la société JP Holding n’a communiqué aucune information à ce titre postérieurement à la cession.
Afin d’être en mesure de se prévaloir de la prescription, il appartient à la partie poursuivie en nullité, qui invoque le point de départ de la prescrition au jour de l’acte, d’établir que le demandeur connaissait depuis plus de 5 ans l’acte argué de nullité et la cause de la nullité. (Cass.3ème, 7 juillet 2015, n°14-14.388)
M. [H] soutient avoir été victime d’un dol dès lors qu’au moment de la cession de ses parts, M. [C] lui a présenté un tableau volontairement très sombre de la société JP Holding, cette dernière courant selon les dires de celui-ci à sa perte du fait de la mauvaise gestion de M. [T] et du volume bien trop important de fonds récoltés via JP Distribution au regard des projets en cours de développement sans l’informer du développement des projets portés par la filiale la plus rentable de la société, la société JPEE, et qu’ainsi, la société [C] Exansion a commis des manoeuvres dolosives qui l’ont conduit à accepter la cession de ses parts pour un prix de 100 000 euros valorisant ainsi la société JP Holding à la somme de 1 000 000 euros.
M. [H] explique dans ses conclusions que ‘ L’objectif de M. [C] était alors simple: accaparer l’intégralité de la valeur créée par le GROUPE JP HOLDING au détriment de ses associés Messieurs [H] et [T].
Ce détournement de la valeur créée par le groupe va notamment se faire par le biais de la société JPEE laquelle portera (secrètement) le projet du ‘[Adresse 8]’ avant de sortir frauduleusement du groupe JP Holding, pour une valeur presque deux fois inférieure au prix d’achat (par JPEE) de Beauce Energie six mois auparavant…
L’enjeu était en effet de taille car ce qu’ignorait Monsieur [H] c’est que l’ensemble des 17 permis de construire liés au projet du ‘[Adresse 8]’ avaient été obtenus dès le mois d’octobre 2010 et étaient purgés de tous recours et que des promesses de baux emphytéotiques avaient été signés pour l’ensemble des terrains appelés à accueillir les éoliennes.
La phase de développement du projet était en conséquence achevée puisque les permis étaient obtenus et purgés et les baux sécurisés via des promesses.
Plus aucun aléa n’affectait donc ce projet.
La valeur très importante du projet était donc ‘certaine…’
M. [H] indique que dès lors les perspectives de développement du groupe étaient exceptionnelles au regard du développement et de l’arrivée à maturité du projet du ‘[Adresse 8]’, un des plus gros projets éoliens français.
Il souligne que lui a également été cachée l’obtention du permis de construire de la centrale de [Localité 6] d’une puissance de 4,5 Mwc, qui valorise le projet à environ 45 millions d’euros et qu’aucune de ces informations pourtant capitales n’a été portée à sa connaissance préalablement à la cession de ses parts.
Il reproche à la société [C] de lui avoir dissimulé plusieurs informations avant la cession de ses parts, soit :
* l’obtention dès le mois d’octobre 2010 des dix-sept permis de construire relatifs au projet du ‘[Adresse 8]’ consistant en la création d’un parc éolien ;
* la purge de tous recours desdits permis ;
* la convention de trésorerie conclue entre JPEE et Beauce énergie ;
* l’acquisition par JPEE de l’intégralité du capital de Beauce énergie pour un prix de 3.244.010 euros ;
* le cautionnement de l’acquisition par JP holding à hauteur de 2.000.000 euros.
Il est communiqué un couriel du 19 septembre 2019 (pièce 11 de l’appelante) adressé notamment à M. [H] avec comme objet ‘plaquette GI’ et en pièces jointes ‘Présentation JPEE- 26082011″.
Le message n’apporte aucune information particulière utile relative à l’évolution et aux perspectives de la société JPEE.
Toutefois, la plaquette jointe au message qui est une présentation de la société JPEE au mois d’août 2011, fait état de développement dans l’éolien précisant :
– que JPEE développe des parcs éoliens,
– que JPEE développe actuellement un portefeuille de près de 150 MW parmi lesquels le site de [Localité 9]),
– concernant le site de [Localité 9] (28), que les permis ont été purgés de tout recours et que la date de mise en service est prévue en 2013, que le projet concerne 17 éoliennes, les puissances étant notées, et que l’investissement total est de 85 millions d’euros, une page entière de la présentation étant consacrée au projet de [Localité 9].
M. [H] indique qu’il n’a pas eu connaissance de ce mail qui contenait des informations dissimulées car n’apparaissant pas dans le message.
M. [H] a certes signé une convention de rupture de son contrat de travail le 4 août 2011 avec un délai de rétractation jusqu’au 19 août 2011, il restait toutefois associé de la société JP Holding puisqu’il n’a cédé ses parts que le 21 septembre 2011.
Il est justifié de ce que le courriel du 9 septembre 2011 lui a bien été adressé et ce antérieurement à l’acte de cession de ses parts.
Il sera relevé que l’appelante justifie que M. [H] a continué à utiliser son adresse mail après le 4 août 2011 et qu’il continuait à communiquer avec M. [C] au sujet de l’activité de la société par ce biais au moins jusqu’à octobre 2011. (Pièces 12 bis et 12 ter de l’appelante)
M. [H] ne peut donc soutenir qu’il n’a pas reçu le courriel et la pièce jointe.
Le moyen selon lequel il ne s’agit pas d’une information qui lui a été spécialement adressée est inopérant dès lors qu’il est établi que l’information sur l’exploitation du parc éolien du [Adresse 8] a bien été communiquée à M. [H], peu important que cette information ait été donnée de manière fortuite et involontaire selon ce dernier.
Or, il ressort du document de présentation de la société JPEE joint au mail du 9 septembre 2011 que l’ensemble des 17 permis de construire liés au projet du [Adresse 8] avaient été obtenus et étaient purgés de tous recours et la date de mise en service en 2013 supposait que les baux étaient bien sécurisés via des promesses.
Aucun aléa n’était mentionné affectant ce projet.
Ce même document précisait en outre concernant le projet de [Localité 6] en Lot et Garonne de 4,5 MW que le permis de construire était obtenu et en cours d’affichage.
Il s’ensuit que dès le 19 septembre 2011, soit avant la cession de ses parts, M. [H] avait connaissance des éléments qu’il qualifie de capitaux pour l’appréciation des perspectives de la société JPEE et par conséquence de la société JP Holding.
La société JPEE a racheté les parts de la société Beauce Energie pour un prix de 3.244.010 euros en mai 2011 en contractant un prêt de 2.000.000 garanti par le cautionnement de JP Holding.
Il sera relevé que M. [H] était le directeur financier de JP Holding lorsque que celle-ci s’est portée caution du prêt contracté par JPEE qui est une filiale à 100 % de la société JP Holding. M. [H] ne rapporte pas la preuve qu’il était éloigné de la gestion de la société JP Holding.
Il ne pouvait donc ignorer un acte de cautionnement de la société à hauteur de 2.000.000 euros et la cause de cette garantie.
En toute hypothèse, la société [C] Expansion justifie de la publication au registre du commerce et des sociétés le 2 octobre 2012 des comptes de la société JPEE clos au 31 mars 2012 ainsi que de la publication au registre du commerce et des sociétés le 13 juillet 2011 de l’acte de cession des parts sociales de la société Beauce Energie à la société JPEE conclu le 20 mai 2011.
Cet acte publié précise la cession des 999 parts détenues par les cédants à la société JPEE au prix de 3.244.000 euros.
Or, la publication d’un acte au registre du commerce et des sociétés fait courir un délai de prescription à l’égard des informations expressément portées à la connaissance des tiers par cette publication.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que dès la communication de la plaquette d’information sur la société JPEE le 19 septembre 2011, de la publication de l’acte de cession des parts sociales de la société Beauce Energie le 13 juillet 2011, et de la publication des comptes de la société JPEE clos au 31 mars 2012, M. [H] avait connaissance de tous les éléments lui permettant de connaître le dol qu’il allègue et il était en mesure d’exercer toute action en nullité au plus tard à compter du 2 octobre 2012.
Dès lors, son action en nullité engagée par acte d’huissier de justice du 24 juillet 2020 est prescrite.
Le jugement entrepris sera donc infirmé et la demande en annulation de l’acte de cession de ses parts formulée par M. [H] sera jugée irrecevable.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts
M. [H], sur le fondement de l’article 1240 du code civil, fait valoir que lors de la cession de ses parts sociales des éléments essentiels lui ont été volontairement dissimulés, que la société [C] a ainsi commis une faute et engagé sa responsabilité et qu’il est bien fondé à lui réclamer le paiement d’une somme de 240.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La société [C] Expansion soulève la prescription de l’action en responsabilité faisant valoir que cette demande a été formulée pour la première fois dans des conclusions notifiées devant le tribunal de commerce le 1er décembre 2021.
M. [H] n’a pas répondu à ce moyen.
Il est justifié que la mise en cause de la responsabilité de la société [C] et la demande de dommages et intérêts ont été formulées pour la première fois dans des conclusions du 1er décembre 2021 notifiées devant le tribunal de commerce.
M. [H] admet avoir eu connaissance des faits dommageables lui permettant d’exercer son action en responsabilité en mars 2016.
Dès lors, cette action est prescrite même en s’arrêtant à cette date et alors que la cour a retenu une connaissance des faits dommageables dès le 9 septembre 2011.
La demande de dommages et intérêts sera jugée irrecevable.
Sur les demandes accessoires
Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer.
Au vu de la décision rendue, les dispositions du jugement entrepris relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront infirmées.
M. [H] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, sera condamné à payer à la société [C] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formée à ce titre.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dans les limites de l’appel ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande formée par M. [U] [H] en annulation de l’acte de cession de ses parts dans la société JP Holding au profit de la société [C] Expansion ;
Déclare irrecevable l’action en responsabilité engagée par M. [U] [H] à l’encontre de la société [C] Expansion ;
Déboute M. [U] [H] de sa demande de sursis à statuer ;
Condamne M. [U] [H] à payer à la société [C] Expansion la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [U] [H] de sa demande formée à ce titre ;
Condamne M. [U] [H] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY