Nullité de dessin et modèle : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11461

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Nullité de dessin et modèle : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11461

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° /2023, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11461 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACIS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de MELUN – RG n° 16/03424

APPELANTE

SAS MAISONS PIERRE prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia Hardouin de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Mathieu Moundlic, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Agathe Michaut, avocate au barreau de Paris

INTIMES

Monsieur [N] [C] [E] [J]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

Madame [R] [S] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange Sentucq, présidente

Elise Thévenin-Scott, conseillère

Alexandra Pélier-Tétreau, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

Greffier, lors des débats : Suzanne Hakoun

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre et par Céline Richard, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [E] [J] et Madame [G] ont signé avec la société MAISONS PIERRE le 29 août 2014 un Contrat de Construction de Maison Individuelle sur un terrain qu’ils se proposaient d’acquérir sur [Localité 7] (78), [Adresse 1] (lot n°3).

Le contrat comporte les conditions générales et les conditions particulières, la notice descriptive et les plans de la construction pour un prix de 162 571 euros dont le prix convenu de 140 971 euros correspondant aux travaux à la charge du constructeur et 21 600 euros à la charge des maîtres de l’ouvrage.

Un acompte total de (2 000 + 5 048,55) de 7 048,55 euros était sollicité dont une somme de 2 000 euros, de manière constante, était remise au représentant de la société MAISONS PIERRE.

Le contrat et les documents annexés ont été adressés par lettre recommandée le 19 septembre 2014 invitant Monsieur [E] [J] et Madame [G] à une réunion le 6 octobre 2014.

Par courriel du 21 novembre 2014, les maîtres d’ouvrage ont dénoncé l’implantation altimétrique de la maison au motif de leur ignorance quant à l’importance du décaissement du terrain à l’arrière de la maison en montée, soulignant qu’ils auraient refusé tout de suite le contrat s’ils avaient eu connaissance de l’altimétrie de la construction.

Monsieur [E] [J] et Madame [G] ont confirmé le refus de cette implantation le 5 janvier 2015 et ont signé le 2 avril 2015 un avenant n°1 sur la base d’un autre modèle de construction dit Idylle 4 109 avec une nouvelle notice descriptive, au prix de 147 011 euros outre les postes de travaux dont les maîtres de l’ouvrage se réservaient l’exécution :

– chemin d’accès : 1 300 euros

– branchement intéroeur : 4 900 euros

– puisard : 2 600 euros

– révision tarifaire : 1 500 euros

– réalisation des peintures : 10 100 euros

– garage : 24 895 euros

Des avenants n°2 et n°3 ont été signés le 2 septembre 2015 réévaluant le montant de la prestation peinture, chiffrant le coût d’un garage accolé au mur et prévoyant le montant des frais notariés d’un montant de 6 150 euros.

Par un courriel non produit aux débats auquel la société MAISONS PIERRE fait expressément référence dans sa réponse adressée en la forme recommandée le 25 novembre 2015, Monsieur [E] [J] et Madame [G] ont informé l’appelante de leur souhait d’annuler le projet de construction au regard du changement du modèle de construction et du garage dont le prix n’avait pas été chiffré ce à quoi la société MAISONS PIERRE opposait n’avoir aucune obligation de chiffrer le garage celui-ci n’étant pas obligatoire sur le terrain acquis, précisant qu’il était au demeurant possible de supprimer le garage et de modifier le permis de construire et qu’il n’y avait aucune difficulté quant au droit légitime invoqué à raison du changement de modèle de maison.

Par courrier du 22 janvier 2016 Monsieur [E] [J] et Madame [G], au rappel de l’absence de déclaration d’ouverture de travaux et de l’absence de garantie de livraison, rejetant toute validité d’une déclaration d’ouverture de chantier signée avec des dates en blanc, interdisaient formellement toute intervention de la société MAISONS PIERRE sur leur propriété et contestaient la validité du contrat de construction aux motifs :

– du changement de modèle de maison,

– de l’absence de correspondance entre le dessin en perspective du premier contrat avec le modèle choisi et la situation du terrain,

– du non chiffrement du coût du garage,

– de la non représentation sur les plans contractuels de l’adaptation au terrain de l’implantation,

– du coût non prévu au contrat de l’abattage d’arbre réclamé préalablement au démarrage du chantier.

Ils mettaient en demeure la société MAISONS PIERRE de leur restituer la somme de 1 048,55 euros et notifiaient le retrait des mandats signés en particulier celui de la représentation auprès de l’administration.

Par courrier recommandé du 27 janvier 2016 la société MAISONS PIERRE réclamait que dans l’hypothèse du maintien de l’annulation du projet par Monsieur [E] [J] et Madame [G] ceux-ci seraient redevables des sommes de :

– 12 701,10 euros au titre du lancement des travaux

– 14 701,10 euros au titre des frais d’annulation

– 6 150 euros au titre des frais de notaire

représentant une somme totale de 33 552,20 euros.

Elle réitérait sa demande par courrier du 11 mars 2016.

Par acte extrajudiciaire en date du 6 juillet 2016, Monsieur [E] [J] et Madame [G] ont saisi le Tribunal de Grande Instance de MELUN d’une demande d’annulation du contrat et d’indemnisation de leur préjudice.

Par jugement rendu le 21 mai 2019, le Tribunal de Grande Instance de MELUN retenant que les plans annexés aux CCMI signés les 29 août 2014 et 2 avril 2015 ne respectaient pas les dispositions des articles L. 231-2 c) et R. 231-3 du code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH ») a :

Prononcé la nullité du contrat conclu le 29 août 2014 et de l’avenant signé le 17 mars 2015 entre Monsieur [E] [J] et Madame [G] et la société MAISONS PIERRE

Condamné la société MAISONS PIERRE à payer à Monsieur [E] [J] et Madame [G] les sommes de :

– 2 000 euros au titre de l’acompte perçu

– 2 304 euros à revaloriser par application de l’indice BT02 du 1 er avril 2016 pour les travaux de reprise du terrain

– 1 500 euros de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral.

Débouté Monsieur [E] [J] et Madame [G] de leurs autres demandes

Condamné la SAS MAISONS PIERRE aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 juin 2019 enrôlée le 27 juin 2019, MAISONS PIERRE a interjeté appel du jugement.

Par des conclusions signifiées par voie électronique le 24 février 2020 la société SAS MAISONS PIERRE demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 231-2 et R. 231-3 du Code de la construction et de l’habitation ;

Vu le contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et l’avenant du 2 avril 2015 ;

A titre principal,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et de l’avenant du 2 avril 2015

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER qu’il n’est pas contraire aux dispositions des articles L. 231-2 et R. 231-3 du Code de la construction et de l’habitation d’annexer un plan-type au contrat de construction de maison individuelle

DIRE ET JUGER que les plans-types annexés au contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et à l’avenant du 2 avril 2015 étaient réguliers au regard des dispositions des articles L. 231-2 et R. 231-3 du Code de la construction et de l’habitation

DIRE ET JUGER que la notice descriptive annexées au contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et celle annexée à l’avenant du 2 avril 2015 sont conformes aux articles R. 231-4 et R. 232-4 du Code de la construction et de l’habitation

DIRE ET JUGER que la procuration donnée à MAISONS PIERRE pour réaliser les démarches nécessaires à l’obtention des permis de construire n’est pas abusive

DIRE ET JUGER que les justifications apportées par MAISONS PIERRE au titre de la garantie de remboursement sont parfaitement conformes aux exigences légales

DIRE ET JUGER que le délai de rétractation est expiré et a valablement été purgé

DIRE ET JUGER que le contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et l’avenant du 2 avril 2015 sont valables

DIRE ET JUGER que les consorts [E] et [G] ont résilié le contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et l’avenant du 2 Avril 2015

CONDAMNER les maîtres d’ouvrage à restituer à MAISONS PIERRE la somme de 7 994,96 euros qu’elle leur a versée en exécution du jugement du 21 mai 2018

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que les consorts [E] et [G] ont tacitement confirmé le contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et l’avenant du 2 avril 2015

DEBOUTER les consorts [E] et [G] de leur demande tendant à voir prononcée la nullité du contrat de construction de maison individuelle du 29 août 2014 et de l’avenant du 2 avril 2015

A titre infiniment subsidiaire,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné MAISONS PIERRE à verser aux consorts [E] et [G] :

o la somme de 2 304 euros à revaloriser par application de l’indice BT02 du 1 er avril 2016 pour les travaux de reprise du terrain

o la somme de 1 500 euros à titre de dommage intérêts en réparation de leur préjudice

moral

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts [E] et [G] :

o de leur demande de remboursement au titre des assurances du prêt, soit la somme

actualisée de 10 152,54 euros sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir

o de leur demande de remboursement au titre du prétendu patrimoine perdu dans les loyers réglés à perte, soit la somme actualisée de 36 627,42 euros sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir ;

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté MAISONS PIERRE de sa demande reconventionnelle de voir les consorts [E] et [G] condamnés à verser à MAISONS PIERRE la somme de 33 552,20 euros au titre :

o du solde de l’acompte, soit la somme de 5 350,55 euros

o des 5% du prix convenu dus lors de l’obtention du permis de construire, soit la

somme de 7 350,55 euros

o de l’avance des frais notariés pour l’acquisition du terrain pour un montant de 6 150 euros

o de l’indemnité contractuelle de résiliation correspondant à 10% du prix convenu, soit

la somme de 14 701,10 euros

augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 date de la mise en

demeure, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard

Statuant à nouveau,

CONDAMNER les consorts [E] et [G] condamnés à verser à MAISONS PIERRE la somme de 33 552,20 euros au titre :

o du solde de l’acompte, soit la somme de 5 350,55 euros

o des 5% du prix convenu dus lors de l’obtention du permis de construire, soit la

somme de 7 350,55 euros

o de l’avance des frais notariés pour l’acquisition du terrain pour un montant de

6 150 euros

o de l’indemnité contractuelle de résiliation correspondant à 10% du prix convenu, soit

la somme de 14 701,10 euros

augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 date de la mise en

demeure, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

SE RESERVER la liquidation de l’astreinte ;

En tout état de cause,

CONDAMNER les consorts [E] et [G] à payer à MAISONS PIERRE la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

CONDAMNER les consorts [E] et [G] aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia HARDOUIN ‘ SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 novembre 2019 Monsieur [N] [C] [E] [J] et Madame [R] [G] demandent à la cour de :

A titre principal,

Dire et juger que la signature d’un Contrat de Construction de Maison Individuelle sur un plan catalogue inadapté au terrain, n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public des articles L. 231-2 et R. 231-3 du code de la construction et de l’habitation

Dire et juger que le changement technique et architectural d’un modèle de maison vers un autre par simple avenant au contrat, est incompatible avec les dispositions d’ordre public des articles L. 231-2, R. 231-3 et R. 231-4 du code de la construction et de l’habitation

En conséquence,

Confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du Contrat de Construction de Maison Individuelle au motif que les plans annexés au contrat du 29 août 2014 et à l’avenant du 17 mars 2015 ne sont pas conformes aux exigences des articles L. 231-2 c) et R. 231-3 du code de la construction et de l’habitation

A titre subsidiaire, si la nullité n’était pas prononcée pour ces motifs,

Dire et juger que les notices descriptives de la société MAISONS PIERRE ne sont pas conformes aux dispositions d’ordre public de l’article L. 231-2 d) du code de la

construction et de l’habitation et de l’arrêté du 27 novembre 1991

Dire et juger que la procuration du 6 octobre 2014 de la société MAISONS PIERRE est prise en violation des dispositions d’ordre public de l’article R. 132-1, 3°, du code de la consommation

Dire et juger que l’absence de garantie nominative de remboursement de l’acompte

versé lors de la signature du contrat, n’est pas conforme aux dispositions d’ordre

public de l’article L. 231-2 k) du code de la construction et de l’habitation

Dire et juger que la lettre du 19 septembre 2014 de la société MAISONS PIERRE n’a pas valablement purgé le droit de rétractation de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation

En conséquence,

Prononcer la nullité des Contrats de Construction de Maison Individuelle signés les 29  août 2014 et 17 mars 2015 entre Monsieur [E] [J] et Madame [G] et la société MAISONS PIERRE

En tout état de cause,

Débouter la société MAISONS PIERRE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Réformer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [J] et Madame [G] de leurs demandes en paiement de l’acompte versé, des assurances du prêt et des loyers réglés à perte ;

Statuant à nouveau sur ces chefs, condamner la société MAISONS PIERRE à payer à Monsieur [E] [J] et Madame [G] :

o la somme de 10 152,54 euros sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir, au titre des assurances du prêt,

o la somme de 34 627,42 euros sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir, au titre du patrimoine perdu dans les loyers réglés à perte ;

Confirmer le jugement pour le surplus

Y ajoutant,

Condamner la société MAISONS PIERRE à payer à Monsieur [E] [J] et Madame [G] la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamner la société MAISONS PIERRE aux entiers dépens dont distraction pour

ceux les concernant au profit de Maître Karl Fredrik SKOG, Avocat au Barreau de PARIS, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture était prononcée le 10 mai 2022.

SUR QUOI

LA COUR,

1- La nullité du contrat de construction de maison individuelle avec plans

Le tribunal, aux visas des articles L 231-2 et R 231-3 du code de la construction et de l’habitation a retenu comme étant non contesté par la société MAISONS PIERRE que les plans annexés au contrat de construction de maison sont des plans types, issus de plaquettes commerciales, que n’y figure aucune indication quant aux travaux d’adaptation au sol hors l’existence d’un vide sanitaire et que les coupes et élévations ne tiennent aucun compte de la configuration particulière du terrain. Il a relevé que concernant le second projet de construction, le mur de soutien des terres indiqué sur le plan du permis de construire n’apparaît pas sur le plan annexé à l’avenant du 17 mars 2015 alors que ce mur constitue des travaux d’adaptation au sol et que n’apparaît pas non plus le fait que le garage n’est pas au même niveau que la maison. Il en a ainsi déduit que les plans annexés au contrat du 29 août 2014 et à l’avenant du 17 mars 2015 ne sont pas conformes aux exigences des articles L 231-2 c) et R 231-3 du code de la construction et de l’habitation justifiant la nullité du contrat du 29 août 2014 et de l’avenant du 17 mars 2015.

La société MAISONS PIERRE fait valoir que le tribunal a confondu les obligations du vendeur avec celles du constructeur, la configuration du terrain relevant de l’obligation d’information du vendeur selon l’appelante et rappelle au demeurant avoir délivré la fiche descriptive du terrain.

Elle soutient que les énonciations des articles L 231-2 c) et L 231-3 n’interdisent pas de présenter des plans types et ne prescrivent pas de faire apparaître les spécificités du terrain sur le plan de la construction à édifier, les plans spécifiques étant établis une fois que les maîtres de l’ouvrage aient confirmé leur intention de construire, le plan de situation et le plan de masse étant requis au stade du permis de construire de sorte que le grief de la nullité n’est pas fondé.

Elle observe en tout état de cause que l’exécution volontaire du contrat de construction de maison individuelle en connaissance de la cause de la nullité, moyen auquel le tribunal n’a pas répondu, par les maîtres de l’ouvrage, vaut confirmation de l’acte et qu’en l’espèce les maîtres de l’ouvrage avaient une parfaite connaissance de la topographie en pente du terrain ayant signé un avenant pour changer le modèle de la maison au vu de cette indication.

Monsieur [E] [J] et Madame [G] opposent que le contrat du 29 août 2014 comporte des plans type de permis de construire qui ne correspondent pas au contrat signé et que la réunion du 6 octobre 2014 ne les a en rien informés sur l’altimétrie de la construction alors que le profil du terrain interdit l’implantation de la maison sans un encaissement important. Ils soulignent que les plans validés après la signature des contrats ne précisent pas les adaptations au sol, les coupes et les élévations et ne représentent pas la construction à édifier et son implantation réelle.

Sur la confirmation de la nullité, ils opposent qu’il appartient à celui qui invoque la confirmation de la prouver, qu’elle ne peut résulter que d’actes non équivoques manifestant la volonté du protégé à renoncer et que le maître de l’ouvrage ne peut renoncer, tacitement ou expressément qu’aux effets acquis de la règle qui le protège.

Réponse de la cour :

Aux termes des dispositions des articles L 231-2 c) dans leur version envigueur du 1er décembre 1991 au 25 novembre 2018, applicable au litige : ‘ Le contrat visé à l’article L. 231-1 doit comporter les énonciations suivantes :

a) La désignation du terrain destiné à l’implantation de la construction et la mention du titre de propriété du maître de l’ouvrage ou des droits réels lui permettant de construire ;

b) L’affirmation de la conformité du projet aux règles de construction prescrites en application du présent code, notamment de son livre Ier, et du code de l’urbanisme ;

c) La consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d’adaptation au sol, les raccordements aux réseaux divers et tous les travaux d’équipement intérieur ou extérieur indispensables à l’implantation et à l’utilisation de l’immeuble.

Les dispositions de l’article R 231-3 du même code, dans leur version en vigueur du 20 novembre 1991 au 1er septembre 2019 énoncent : ‘ En application du c de l’article L. 231-2, à tout contrat, qu’il soit ou non assorti de conditions suspensives, doit être joint le plan de la construction à édifier, précisant les travaux d’adaptation au sol, les coupes et élévations, les cotes utiles et l’indication des surfaces de chacune des pièces, des dégagements et des dépendances. Le plan indique en outre les raccordements aux réseaux divers décrits à la notice prévue à l’article R. 231-4 et les éléments d’équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l’implantation, à l’utilisation et à l’habitation de l’immeuble.

Un dessin d’une perspective de l’immeuble est joint au plan.’

Ces règles sont d’ordre public par l’effet des dispositions de l’article L 230-1 du code de la construction et de l’habitation, les énonciations obligatoires des dispositions précitées constituant ainsi que l’a rappelé à bon droit le tribunal, des mesures de protection édictées dans l’intérêt du maître de l’ouvrage dont la violation est sanctionnée par une nullité relative du contrat.

Les plans contractuels visés en annexe du contrat de construction du 29 août 2014 approuvés et signés par les maîtres de l’ouvrage et le constructeur à cette même date, définissent l’aspect extérieur des façades de la maison Idylle 3.101 G.I., le plan de cellule rez-de-chaussée et combles à l’échelle 1/100ème, précisent les surfaces habitables, la coupe et le pignon à la même échelle, les installations électriques et de chauffage.

Ces plans, comme l’a retenu le tribunal, ne fournissent aucune indication sur la configuration topographique du terrain, laquelle ne sera évoquée qu’ultérieurement dans le plan de coupe 1/100ème visé par la société MAISONS PIERRE le 7 novembre 2014 et dans le plan de profil du terrain pignon gauche 1/125ème qui fait apparaître pour la première fois la ligne tn (terrain naturel) et l’implantation de la construction par rapport au profil du terrain.

Par conséquent Monsieur [E] [J] et Madame [G] opposent avec raison à l’appelante qu’ils n’avaient pas connaissance à la date de la signature du contrat du 29 août 2014 des indications topographiques du terrain et de l’implantation de la construction par rapport au profil du terrain alors que cette information qui concerne les travaux d’adaptation au sol expressément visés par les dispositions d’ordre public de l’article L 231-2 c) est obligatoire, son omission étant sanctionnée par la nullité relative du contrat.

Par un courriel du 21 novembre 2014 au vu des plans d’implantation fournis le 7 novembre ensuite du dépôt du permis de construire, Madame [G] a informé la société MAISONS PIERRE de sa désagréable surprise ‘ en découvrant les plans d’implantation de la maison’ indiquant ‘ à aucun moment nous n’avons été informés de cette configuration que nous refusons catégoriquement’ poursuivant : ‘ Je pense qu’il y a un problème sur ce projet. Est-ce normal que nous n’ayons pas eu accès à ces plans avant ”

En réponse au message de la société MAISONS PIERRE l’informant de sa surprise quant au refus du plan au regard de la signature du plan d’implantation intervenu le 6 octobre 2014 elle ajoutait : ‘ Nous ne savions pas que le décaissement du terrain allait être aussi important ni que nous allions nous retrouver avec un terrain à l’arrière de la maison en montée sinon nous aurions refusé tout de suite.’ Elle précisait : ‘ Les plans que nous avons signés au siège lors de notre rendez-vous ( ne nous) indiquaient pas ces particularités, cela représentait une vue à plat du terrain. Nous n’avons pas abordé ce sujet c’est pour cela que nous sommes très surpris.’

Contrairement à ce que soutient la société MAISONS PIERRES, la fiche terrain non datée accompagnant le contrat du 29 août 2014 fait figurer les cotes du terrain par rapport aux voies et aux limites séparatives mais ne donne aucune indication sur le terrain naturel.

Il s’en suit que Monsieur [E] [J] et Madame [G] sont fondés, conformément à ce qui a été jugé, à se prévaloir de la nullité du contrat signé le 29 août 2014 ensuite du non-respect des prescriptions d’ordre public visées à l’article L 231-2 c) lesquelles mettent à la charge du constructeur et non du vendeur du terrain, comme le soutient à tort l’appelante, l’obligation d’informer les maîtres de l’ouvrage sur la consistance des travaux d’adaptation au sol du bâtiment à construire préalablement à la signature du contrat.

La renonciation des maîtres de l’ouvrage à se prévaloir de la nullité du contrat par le fait de son exécution doit être caractérisée par la connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à les protéger.

Ensuite d’un courriel transmis par Madame [G] à la société MAISONS PIERRES le 5 janvier 2015 soulignant l’implantation de la maison trop basse avec une pente trop importante et la non présentation des plans de coupe avant leur transmission au service de l’urbanisme, un avenant au contrat de construction a été signé par Monsieur [E] [J] et Madame [G] le 17 mars 2015 au prix total de 147 011 euros pour un modèle de maison dit Idylle 4.109, accompagné des plans définissant l’aspect extérieur des façades, le plan de cellule rez-de-chaussée et combles à l’échelle 1/100ème, les surfaces habitables, la coupe et le pignon à la même échelle, les installations électriques et de chauffage.

Ces plans mentionnent en première page : ‘ Terrain plat et garage au même niveau que la construction.’ mais ne fournissent pour autant aucune indication sur le terrain naturel et ne représentent pas l’adaptation de l’implantation de la construction au terrain.

Il ne peut donc pas étre sérieusement soutenu par la société MAISONS PIERRE qu’en signant ces plans le 17 mars 2015, les maîtres de l’ouvrage ont accepté de ne pas avoir connaissance de la topographie du terrain et des contraintes techniques d’implantation quand précisément cet avenant constitutif d’un nouveau permis de construire était motivé par la nécessité de rectifier l’implantation au sol à laquelle le constructeur n’a pas donné suite.

Le jugement qui a annulé le contrat du 29 août 2014 et l’avenant du 17 mars 2015 au motif de la non conformité des plans aux exigences de l’article L 231-2 c) et R 231-3 du code de la construction et de l’habitation sera donc confirmé.

2- Les conséquences de la nullité

Le tribunal a limité la demande de restitution des sommes versées à 2 000 euros au vu des justifications produites, a fait droit à la demande de remise en état du terrain selon une somme à revaloriser sur la base de l’indice BT 01, a fait droit à la réparation du préjudice moral mais a débouté Monsieur [E] [J] et Madame [G] de leurs demandes de remboursement des sommes réglées au titre des assurances de leur prêt et de la perte de patrimoine constitué du fait du règlement des loyers.

La société MAISONS PIERRE oppose, sur infirmation et à titre infiniment subsidiaire que rien ne vient au soutien de la nécessité des travaux de remise en état prétendus du terrain ni du préjudice moral.

Monsieur [E] [J] et Madame [G] demandent, sur infirmation, le remboursement de la somme actualisée correspondant aux assurances sur leur prêt évaluée à 10 152,54 euros et une indemnité de 34 627,42 euros à parfaire pour compenser le retard pris dans la constitution de leur patrimoine calculé sur la base des amortissements mensuels de leur prêt.

Réponse de la cour :

– Les travaux de remise en état

Ceux-ci sont justifiés à hauteur de la somme de 1 960 euros hors taxe TVA 20 % en sus, sur la base du devis établi le 1er avril 2016 par la SARL Vivien POULAIN pour la démolition des fondations en béton et le remblaiement de l’excavation.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 2 304 euros incluant la TVA outre la revalorisation sur la base l’indice BT 01 valeur au 1er avril 2016.

– Le préjudice moral

Celui-ci a justement été évalué au regard des désagréments subis s’agissant de la résidence principale des intimés à la somme de 1 500 euros.

De ce chef le jugement sera confirmé.

– Les cotisations d’assurance du prêt

Monsieur [E] [J] et Madame [G] ont souscrit une offre de prêt auprès du Crédit Foncier le 1er juillet 2015 à hauteur de 294 311 euros à taux zéro pour la somme de 66 300 euros sur 300 mois assortie d’une d’une cotisation d’assurance mensuelle de 42,44 euros et au taux de 2,80 % sur une durée de 384 mois assortie d’une cotisation d’assurance mensuelle de 191,88 euros.

Monsieur [E] [J] et Madame [G] à hauteur d’appel ne justifient pas plus qu’en première instance du versement effectif des sommes au titre de l’assurance quand l’adhésion à l’assurance est en tout état de cause, pour les risques Décès-Perte Totale – Invalidité Totale et Définitive, obligatoire et constitue pour le prêteur une garantie sans laquelle le prêteur n’aurait pas consenti le prêt à chacun des emprunteurs.

De ce chef le jugement qui a débouté Monsieur [E] [J] et Madame [G] de leur demande sera confirmé.

– La perte de constitution d’un patrimoine

Monsieur [E] [J] et Madame [G] invoquent un retard de 50 mois sur le futur projet de construction dont ils ne justifient pas, aucun élément n’étant communiqué sur celui-ci et partant n’étayent donc pas leur demande fondée sur la durée d’amortissement perdue du prêt.

De ce chef le jugement qui les a déboutés de leur demande sera également confirmé.

3- Les frais irrépétibles

La société MAISONS PIERRE succombante sera condamnée aux dépens ainsi qu’au règlement d’une somme de 5 000 euros à Monsieur [E] [J] et Madame [G] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société MAISONS PIERRE aux dépens ainsi qu’au règlement à Monsieur [E] [J] et à Madame [G] d’une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La greffière, La présidente,

 


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