Nullité de dessin et modèle : 21 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01679

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Nullité de dessin et modèle : 21 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01679

ARRÊT N°

MW/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 21 MARS 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 17 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01679 – N° Portalis DBVG-V-B7F-ENRG

S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT en date du 10 août 2021 [RG N° 19/0525]

Code affaire : 50Z Autres demandes relatives à la vente

S.A.R.L. L’EUROPEENNE DE CHALETS C/ S.A.S. (B) DEVELOPPEMENT, S.A.S.U. PMC MAISON BOIS

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. L’EUROPEENNE DE CHALETS Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Lorient sous le numéro 481 307 882

[Adresse 3]

Représentée par Me Elodie DE ALMEIDA de la SELARL OXO AVOCATS, avocat au barreau de BELFOR, avocat postulant,

Représentée par Me Denis LAMBERT, avocat, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

S.A.S. (B) DEVELOPPEMENT, Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, inscrite au RCS de Belfort sous le numéro 810 453 522

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre-Etienne MAILLARD, avocat au barreau de BELFORT

S.A.S.U. PMC MAISON BOIS, Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, inscrite au RCS de Lorient sous le numéro 804 569 689

[Adresse 1]

Représentée par Me Séverine LE BIGOT de la SCP SCP RUDELLE, LE BIGOT, SCOLLO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Représentée par Me Jessica BRACCO, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, Conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 17 janvier 2023 a été mise en délibéré au 21 mars 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faisant valoir qu’elle avait commandé en septembre 2017 à la SARL l’Européenne de Chalets un bungalow modèle Panorama en kit, dont le montage avait été réalisé par la SAS PMC Maison Bois, mais que cet ouvrage avait subi des déformations dès la première année d’utilisation, la SAS (B) Développement a, par exploits des 25 et 28 janvier 2019, fait assigner ces deux sociétés devant le tribunal de commerce de Belfort en résolution de la vente, restitution du prix et indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal de commerce a ordonné une expertise dont il a confié la réalisation à M. [C] [D].

L’expert a ensuite déposé le rapport de ses opérations.

Dans le dernier état de ses demandes, la société (B) Développement, se fondant sur le rapport d’expertise, a sollicité la condamnation in solidum de la société l’Européenne de Chalets et de la société PMC Maison Bois à lui payer la somme de 28 182,97 euros sur le fondement des vices cachés, subsidiairement la résolution de la vente pour inexécution, avec concamnation in solidum des défenderesses à lui payer la somme de 28 182,97 euros, plus subsidiairement la condamnation in solidum des défenderesses à lui payer la somme de 21 720 euros au titre de la reprise des désordres au titre de la responsabilité contractuelle, infiniment subsidiairement la même condamnation sur le fondement des dommages de nature décennale, et en tout état de cause la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

La société l’Européenne des Chalets a soulevé l’irrecevabilité des demandes au motif que son concontractant n’était pas la société (B) Développement, mais la SCI Saba, qui avait passé la commande, qui avait versé un acompte de 4 230 euros, et à l’ordre de laquelle avait été établie la facture de solde, laquelle avait été ensuite modifiée à la demande du gérant de la SCI Saba pour être libellée au nom de la société (B) Développement. Elle a réclamé la condamnation reconventionnelle de la demanderesse à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive. A titre subsidiaire, elle a sollicité l’annulation de l’expertise judiciaire au motif que le rapport diffusé était incomplet et qu’il n’avait pas été répondu à tous les chefs de mission. Encore plus subsidiairement, en cas de reconnaissance de l’existence de vices cachés, elle a indiqué qu’elle procéderait au remplacement du kit dans un délai de 14 jours.

La société PMC Maison Bois a également sollicité l’annulation de l’expertise judiciaire, subsidiairement le rejet de l’ensemble des demandes formées à son encontre, en considérant que les désordres ne concernaient pas sa prestation de montage.

Par jugement du 10 août 2021, le tribunal de commerce a :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu Particle 16 du code de procédure civile,

Vu les articles 1641 et 1645 du code civil,

– débouté la SARL l’Européenne de Chalets de sa demande tendant à dire irrecevables les demandes formées par la SAS (B) Développement à son encontre pour défaut de qualité à agir ;

– débouté la SARL l’Européenne de Chalets et la SAS PMC Maison Bois de leurs demandes tendant au prononcé de la nullité du rapport d’expertise judiciaire du 27 avril 2020 ;

– dit et jugé que la responsabilité de la SARL l’Européenne de Chalets est engagée au titre des vices cachés affectant le bungalow modèle Panorama fourni à la SAS (B) Développement ;

– condamné la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 20 351,53 euros ;

– dit et jugé que la responsabilité de la SAS PMC Maison Bois n’est pas engagée au titre des prestations qu’elle a exécutées pour la SAS (B) Développement ;

– débouté la SAS (B) Développement de l’ensemble des demandes présentées à l’encontre de la SAS PMC Maison Bois ;

– condamné la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

– condamné la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée du surplus de sa demande ;

– dit que la SAS PMC Maison Bois conservera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’el1e a engagés dans cette instance ;

– condamné la SARL l’Européenne de Chalets à supporter les dépens de la présente instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire ainsi que les frais de greffe qui s’élèvent à la somme de 94,34 euros ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et moyens.

Pour statuer ainsi, le tribunal de commerce a retenu :

– qu’il avait été établi au titre du solde du prix une facture à l’ordre de la société (B) Développement, qui l’avait réglée par chèque de 10 186 euros du 6 novembre 2017, que la société l’Européenne de Chalets avait accepté d’encaisser ; que cette dernière société avait par ailleurs accepté d’intervenir à la demande de la société (B) Développement pour tenter de pallier aux désordres constatés ; qu’il pouvait être déduit de ces constatations qu’une relation contractuelle s’était établie entre la société l’Européenne de Chalets en qualité de vendeur, et la société (B) Développement en qualité d’acheteur ;

– que, si le rapport d’expertise judiciaire pouvait présenter des aspects discutables quant à sa rédaction et à des points non traités, il avait été circularisé aux parties par les soins du conseil de la société (B) Développement, de sorte que toutes les parties avaient pu présenter leurs observations ; que la nullité du rapport pour non-respect du contradictoire n’était donc pas encourue ;

– qu’il résultait du rapport d’expertise amiable et du rapport d’expertise judiciaire que le bungalow manquait de rigidité et d’équerrage provenant d’un défaut de conception et de dimensionnement de la structure de l’ouvrage en l’absence de raidisseurs verticaux se substituant à l’absence de cloisons internes, et que l’intervention réalisée pour y remédier n’avait pas apporté de solution pérenne, l’ouvrage étant déformé, les parois se déboîtant et les portes et fenêtres ne fermant pas ; que c’était à tort que la société l’Européenne de Chalets soutenait avoir livré un kit dont elle ignorait la destination, alors qu’il résultait des pièces contractuelles, et notamment de la comparaison entre le bon de commande et la facture, que le kit avait été personnalisé en fonction des besoins et de l’utilisation que comptait en faire le client ; que la société l’Européenne de Chalets engageait sa responsabilité sur le fondement de l’article 1641 du code civil en sa qualité de concepteur d’un bungalow personnalisé affecté de vices cachés qui le rendaient impropre à son usage ; qu’en sa qualité de vendeur professionnel, elle était tenue de connaître les vices, de sorte qu’elle devait être condamnée à payer à la société (B) Développement, outre le prix de vente, la somme de 1 155,48 euros engagée pour la réalisation d’une dalle de support et celle de 4 880,05 euros engagée pour le montage ; que le surplus des demandes devait être rejeté comme relevant de la propre reseponsabilité de l’acheteur ;

– que la responsabilité de la société PMC Maison Bois ne pouvait être engagée pour carence dans l’exécution des prestations de montage qu’elle avait assurées tant pour le compte de la société (B) Développement au titre du montage initial que pour celui de la société l’Européenne de Chalets au titre de la reprise des désordres ; que le tribunal s’étonnait de l’absence de mise en cause de la société PMC Maison Bois, en sa qualité de spécialiste du montage de chalets, quant au manque de rigidité de la structure du bungalow ;

– que la société (B) Développement avait manifestement subi un trouble de jouissance du fait des désordres apparus au niveau du bungalow destiné à l’accueil de ses clients.

La société l’Européenne de Chalets a relevé appel de cette décision le 15 septembre 2021.

Par conclusions notifiées le 27 décembre 2022, l’appelante demande à la cour :

– de réformer le jugement déféré ;

A titre principal :

– de dire irrecevables les demandes sollicitées par la SAS B Développement pour défaut de qualité à agir ;

– de rejeter l’ensemble des demandes de la SASU (B) Développement ;

– de condamner la SASU (B) Développement (Le Parc Automobile) à verser à la SARL l’Européenne de Chalets la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire :

– d’annuler le rapport d’expertise de M. [D] et d’ordonner une contre-expertise ;

En conséquence,

– de débouter la SAS B Développement de l’ensemble de ses demandes ;

A titre extrêmement subsidiaire :

Si par extraordinaire des vices cachés étaient reconnus par la présente juridiction,

– de dire que la société l’Européenne des Chalets aura 14 jours pour procéder au remplacement du kit ;

Dans tous les cas :

– d’ordonner la restitution du chalet litigieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 8 jours après la date de signification de l’arrêt à intervenir ;

– de condamner la SAS PMC Maison Bois à garantir les éventuelles condamnations de la société l’Européenne de Chalets qui n’a pas respecté les préconisations de cette dernière ;

– de condamner la SASU (B) Développement (Le Parc Automobile) à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 4 500 euros à la SARL l’Européenne de Chalets ;

– de condamner la SASU (B) Développement (Le Parc Automobile) aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 9 mai 2022, la société (B) Développement demande à la cour :

A titre principal,

– de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf sur appel incident à porter à 28 182,97 euros le total du préjudice subi par la SAS B Développement dont la SARL l’Européenne de Chalets doit l’indemnisation ;

– de condamner la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS B Développement ladite somme de 28 182,97 € ;

– de débouter la société l’Européenne de Chalets et la société PMC Maison Bois de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

– le cas échéant, et s’il était fait droit à la demande de restitution du bungalow présentée par la société l’Européenne de Chalets, de la condamner à procéder à son enlèvement dans le délai de un mois suivant le prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

A titre subsidiaire,

– d’ordonner la résolution des contrats liant la société B Développement à la SARL l’Européenne de Chalets et à la SAS PMC Maison Bois ;

– de juger que le préjudice subi par la SAS B Développement du fait de la résolution de ces contrats s’élève à 8 986.92 € au titre de la réalisation d’une dalle en béton, des frais d’aménagement spécifiques du chalet, de son bâchage provisoire, puis de la réalisation

d’une toiture ;

– de condamner en conséquence :

* la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la société B Développement la somme de 14 316 euros en remboursement du prix payé ;

* la SAS PMC Maisons Bois à payer à la SAS B Développement la somme de 4 880,05 euros en remboursement du prix payé ;

* in solidum, la société l’Européenne de Chalets et la société PMC Maison Bois à payer à la société B Développement la somme de 8 986,92 € en indemnisation de son préjudice ;

A titre plus subsidiaire,

– de condamner in solidum la société l’Européenne de Chalets et la société PMC Maison Bois

à payer à la société B Développement le coût de remise en état du chalet pour 21 720 euros sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil ;

A titre toujours plus subsidiaire,

– de condamner in solidum, la société l’Européenne de Chalets et la société PMC Maison Bois à payer à la société B Développement la même somme de 21 720 euros au titre des frais de remise en état de l’ouvrage sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

En tout état de cause,

– de condamner in solidum la société l’Européenne de Chalets et la société PMC Maison Bois

à payer à la société B Développement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de les condamner enfin aux entiers dépens.

Par conclusions transmises le 27 décembre 2022, la société PMC Maison Bois demande à la cour :

Vu l’article 16 du code de procédure civile,

– d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture en raison de la communication de nouvelles conclusions par la société Européenne de Chalets le 27 décembre 2022 ;

Repoussant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondés,

A titre principal

– de confirmer le jugement déféré ;

– de déclarer l’appel incident de la société PMC Maison Bois concernant sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile recevable ;

– de condamner la société B Développement à payer à la société PMC Maison Bois la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de débouter la SARL Européenne de Chalets et la société B Développement de l’intégralité de leurs demandes ;

A titre subsidiaire

– d’annuler l’expertise de M. [D] en raison du non-respect du principe du contradictoire ;

A titre infiniment subsidiaire

– de débouter l’ensemble des demandes et prétentions de la société B Développement et de la SARL Européenne de Chalets ;

– de dire et juger que la prestation de montage n’est pas concernée par les prétendus désordres ;

– de mettre hors de cause la société PMC Maison Bois ;

– de condamner la société B Développement à payer à la société PMC Maison Bois la somme

de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 30 décembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il sera constaté qu’il n’y a pas lieu à rabat de l’ordonnance de clôture, comme le sollicite la société PMC Maison Bois, les parties ayant toutes pu conclure utilement avant la date de la clôture, intervenue le 30 décembre 2022.

Il sera rappelé ensuite que la décision déférée n’est pas remise en cause par la société (B) Développement en ce qu’elle a rejeté les demandes de celles-ci en tant qu’elles étaient dirigées à l’encontre de la société PMC Maison Bois.

Sur la qualité pour agir de la société (B) Développement

S’il résulte effectivement des pièces produites que la commande a été passée par la SCI Saba, qui a au demeurant versé l’acompte, il n’en demeure pas moins que c’est bien la société (B) Développement qui a réglé le solde du prix, et que la facture a été établie à son nom. Au demeurant, c’est bien pour le compte de cette même société que l’Européenne de Chalets est intervenue lorsqu’il s’est agi de tenter de remédier aux désordres constatés sur le bungalow.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu qu’au regard de ces circonstances une relation contractuelle s’était bien nouée entre la société l’Européenne de Chalets et la société (B) Développement.

Sur le rapport d’expertise judiciaire

L’appelante et la société PMC Maison Bois sollicitent toutes deux à titre subsidiaire l’annulation du rapport d’expertise judiciaire, au motif qu’il ne respectait pas le principe du contradictoire, qu’il était incomplet, et ne répondait pas à tous les chefs de la mission.

Toutefois, il est constant que l’ensemble des parties ont eu communication du rapport d’expertise et ont pu en critiquer contradictoirement la teneur.

Par ailleurs, il importe peu pour la validité de l’expertise qu’il n’ait pas été établi de pré-rapport, et c’est également de manière vaine qu’il est fait état du manque d’un certain nombre de pages, le rapport tel que figurant aux débats apparaissant au contraire complet, les parties semblant sujettes à une confusion du fait de la reproduction par l’expert judiciaire de pages du rapport d’expertise amiable, laquelle peut au premier abord laisser croire à une erreur de pagination.

Enfin, l’absence de prise de position de l’expert sur l’applicabilité à l’espèce de l’article 1792 du code civil importe peu, s’agissant d’une appréciation à caractère juridique qu’il appartient au seul juge de porter,

Dans ces conditions, les premiers juges ont à juste titre écarté la demande d’annulation de l’expetise judiciaire.

Sur la garantie des vices cachés

1° Sur l’existence d’un vice rédhibitoire

L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

La réalité d’un vice affectant la chose vendue est en l’espèce incontestable, dès lors qu’il résulte sans ambiguïté des conclusions concordantes de l’expertise amiable et de l’expertise judiciaire que le bungalow s’est déformé sous l’effet de son propre poids, en raison d’une rigidité défaillante faisant suite à la suppression des cloisons internes pour répondre au souhait de l’acquéreur de disposer d’un volume intérieur lui permettant d’accueillir sa clientèle. L’expert a par ailleurs écarté tout rôle causal du mobilier posé par l’acquéreur dans la déformation de l’ouvrage. C’est vainement que l’appelante conteste l’absence de cloisonnement, alors que, contrairement à ce qu’elle allègue, et ainsi qu’il résulte de la facture elle-même, elle n’a pas vendu un kit standard comprenant des cloisons qui n’auraient pas été montées, mais bien un kit personnalisé selon les souhaits de son client, qui ne comprenait aucune cloison intérieure. Il sera rappelé à cet égard que la personnalisation des modèles est précisément l’un des arguments de vente de la société l’Européenne des Chalets, ainsi qu’en attestent les documents commerciaux et publicitaires versés aux débats. Au demeurant, cette dernière affirme elle-même que l’absence de cloisons était visible, ce qui implique nécessairement qu’elles n’ont effectivement pas été livrées.

Ce vice était en outre caché pour l’acquéreur, qui n’est pas un professionnel du domaine de la construction bois, et ne pouvait pas déceler lors de l’achat d’un bungalow en kit le défaut de rigidité qui allait entraîner sa déformation une fois monté. C’est vainement qu’à cet égard l’appelante fait valoir que l’absence des cloisons était visible, dès lors qu’il ne peut être déduit de cette absence la nécessaire connaissance par l’acquéreur des conséquences que cet état de fait était susceptible d’entraîner pour la stabilité du chalet.

D’autre part, ce vice est nécessairement antérieur à la vente, puisqu’il trouve son origine dans un défaut de conception tenant, du fait de la suppression des cloisons intérieures, à l’absence d’éléments permettant d’assurer une rigité suffisante. En sa qualité de professionnelle, il appartenait à la société l’Européenne des Chalets de prendre en compte les

conséquences sur la rigidité de son produit du choix d’aménagement fait par le client, et de mettre en oeuvre une solution technique permettant de pallier à la perte de rigidité résultant de la suppression des cloisons.

Enfin, ce vice rend indéniablement le bungalow impropre à l’usage auquel il était destiné, savoir l’accueil de la clientèle dans des conditions confortables, puisque les déformations sont telles que les parois et les huisseries ne sont plus jointives, et laissent des jours béants, ce dont il résulte que l’étanchéité à l’air et à l’eau n’est plus assurée.

2° Sur les conséquences

L’article 1644 du code civil dispose que l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L’article 1645 énonce que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envres l’acheteur. Il est de droit constant que le vendeur professionnel, comme l’est en l’espèce la société l’Européenne de Chalets, est présumé connaître les vices de la chose, de sorte qu’il est tenu envers l’acquéreur à tous les dommages et intérêts.

L’appelante ne peut faire échec à ces dispositions légales, qui soumettent les conséquences de l’existence de vices cachés à l’option de l’acquéreur, en opposant que ses conditions générales prévoyaient en ca s de vice caché le remplacement du kit dans les 14 jours. En tout état de cause, une telle solution, qui s’entend du remplacement du kit à l’identique, ne permettrait en rien de résoudre le problème de conception l’affectant. Le rejet de cette demande sera donc confirmée.

La société (B) Développement réitère expressément en appel sa position selon laquelle elle ne poursuit pas la résolution du contrat.

Dès lors, il n’y a pas lieu, comme le sollicite l’appelante, d’ordonner la restitution du bungalow sous astreinte, puisque la vente n’étant pas résolue, la propriété de l’ouvrage reste acquise à la société (B) Développement.

Celle-ci réclame l’allocation d’une somme de 28 182,97 euros selon détail suivant :

– restitution du prix de vente 14 316,00 euros

– restitution coût du montage 4 880,05 euros

– coût de réalisation d’une dalle support en béton 1 155,48 euros

– coût des aménagements spécifiques 3 840,00 euros

– coût de la couverture 3 600,00 euros

– coût du bâchage provisoire 391,44 euros

Elle ne peut toutefois obtenir, comme le lui a pourtant accordé le tribunal, la restitution intégrale du prix de vente. En effet, par application de l’article 1644 précité, dans le cas où l’acheteur choisit de ne pas solliciter la résolution du contrat, il ne peut prétendre à la restitution intégrale du prix, mais à une partie seulement de celui-ci, la part non restituée représentant la contrepartie nécessaire de la conservation du bien vendu.

Au regard de la gravité des désordres affectant le bungalow, qui ne peut à l’évidence pas être utilisé pour la destination qui lui était assignée, et alors que l’intervention réalisée après installation par la société PMC Maison Bois n’a pas permis de solutionner le défaut de rigidité de manière pérenne, la part du prix devant être restitué à la société (B) Développement doit être fixée à 90 %, soit une somme de 12 884,40 euros.

La restitution du coût du montage, qui est une dépense induite par la vente, et qui aurait pu donner lieu à restitution si la résolution de celle-ci avait été poursuivie, ne s’analyse cependant pas en un préjudice dans le cas où, comme en l’espèce, l’acquéreur n’opte pas pour la résolution de la vente, puisque cette prestation, fournie par un tiers au contrat de vente, a été nécessaire au montage du bungalow dont la société (B) Développement entend conserver la propriété. Aucune somme ne sera donc allouée de ce chef.

Il en est de même du coût de réalisation d’une dalle en béton, dont l’utilité, qui était de recevoir le bungalow, persiste du fait de la conservation de cette ouvrage par l’acquéreur.

En revanche, l’engagement de frais à hauteur de 3 840 euros pour équiper le chalet d’un aménagement en vue de l’accueil de la clientèle constitue un préjudice indemnisable, dès lors quel’ouvrage est impropre à cet usage particulier, et que les aménagements ne sont pas réutilisables dans un autre local, comme ayant été spécialement dessinés pour s’adapter aux formes arrondies spécifiques du bungalow litigieux.

Il résulte de l’expertise que la couverture mise en oeuvre par l’acquéreur a souffert des déformations subies par la structure du chalet, et qu’elle doit être entièrement refaite. La somme de 3 600 euros engagée par la société (B) développement pour la réalisation de cette couverture l’a donc été en pure perte, de sorte qu’elle constitue un préjudice à l’indemnisation duquel est tenu le vendeur.

Il en est enfin de même des frais de bâchage de 391,44 euros, qui ont été rendus nécessaire pour assurer la tenue hors d’eau qui n’était plus assurée du fait de la déformation des éléments de structure du bungalow.

L’appelante sera en définitive condamnée à payer à la société (B) Développement la somme totale de 20 715,84 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice de jouissance

La décision déférée sera confirmée de ce chef, l’impossibilité d’utiliser le chalet à l’usage d’accueil de la clientèle qui lui était assigné ayant nécessairement causé un trouble de jouissance à la société (B) Développement dans le cadre de son activité commerciale, que les premiers juges ont évalué à 3 000 euros aux termes d’une juste appréciation des circonstances de la cause.

Sur la garantie de la société PMC Maisons Bois

A titre subsidiaire, l’appelante sollicite la garantie du monteur, en indiquant qu’il n’avait pas respecté ses préconisations de montage en n’installant que deux sabots de renfort au lieu des 8 qui avaient été préconisés.

Toutefois, il sera observé que la pose des sabots de renfort n’était pas prévue à l’origine, mais résulte des préconisations formulées par l’Européenne de Chalets pour remédier aux désordres après qu’ils soient apparus. Or, il résulte des conclusions de l’expertise amiable et de l’expertise judiciaire que la solution palliative retenue était impropre à faire échec aux désordres.

Dès lors ainsi que les travaux au cours desquels il est reproché une faute à la société PMC Maison Bois ne sont aucunement à l’origine des désordres qui s’étaient, par définition, manifestés en amont, et n’étaient en tout état de cause pas de nature à y remédier, l’appelante, qui est seule responsable du vice en raison d’un défaut de conception, ne peut obtenir la garantie de cette société.

Cette demande, nouvelle à hauteur d’appel, sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société l’Européenne de Chalets

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande, l’issue du litige démontrant suffisamment l’absence d’abus d’action de la part de la société (B) Développement.

Sur les autres dispositions

La décision entreprise sera confirmée s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

L’appelante sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société (B) Développement la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes formées à hauteur de cour sur le même fondement seront rejetées.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu le 10 août 2021 par le tribunal de commerce de Belfort, sauf en ce qu’il a condamné la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 20 351,53 euros ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 20 715,84 euros ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de restitution sous astreinte formée par la SARL l’Européenne de Chalets ;

Rejettte la demande de garantie formée par la SARL l’Européenne de Chalets à l’encontre de la SAS PMC Maison Bois ;

Condamne la SARL l’Européenne de Chalets aux dépens d’appel ;

Condamne la SARL l’Européenne de Chalets à payer à la SAS (B) Développement la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes formées sur ce fondement.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

 


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