Nullité de dessin et modèle : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/05765

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Nullité de dessin et modèle : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/05765

OUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 20/05765

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFHG

AFFAIRE :

[Z] [S]

C/

E.U.R.L. [E] MENUISERIE AGENCEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2020 par le

Tribunal Judiciaire de Nanterre

N° Chambre : 7

N° RG : 18/03542

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Arnaud CONSTANS

Me Salima BOUYAHIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

1/ Monsieur [Z] [S]

né le 13 Mars 1974 à [Localité 6] (Royaume-Uni)

de nationalité Australienne

[Adresse 2]

[Localité 4]

2/ Madame [O] [V] épouse [S]

née le 27 Mai 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Arnaud CONSTANS, Postulant, et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0110

APPELANTS

****************

E.U.R.L. [E] MENUISERIE AGENCEMENT

N° SIRET : 398 070 599

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Salima BOUYAHIA, Postulant, et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G506

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président et Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCEDURE

Dans le cadre de travaux de rénovation de leur maison, M. [Z] [S] et Mme [O] [V] épouse [S] ont souhaité faire procéder au remplacement de leurs fenêtres simple vitrage par des fenêtres double vitrage.

Ils ont ainsi sollicité la société [E] Menuiserie Agencement, laquelle a établi, pour la réalisation de ces travaux, plusieurs devis dont le dernier en date du 26 novembre 2016, pour un montant total de 33 396,52 euros HT et 35 233,33 euros TTC.

S’agissant des conditions de règlement, le devis mentionait le paiement de 30 % du montant des travaux à la commande, un paiement sur situation d’avancement et le solde à réception de la facture.

M. et Mme [S] ont cependant procédé à un premier virement de 10 569 euros puis se sont acquittés quelques jours plus tard du solde de la commande, en échange de la remise d’un chèque de caution de la société du même montant.

Par courriel en date du 27 janvier 2017, Mme [S] a informé la société qu’au vu de la perte de centimètres de vitrage sur les nouvelles fenêtres par rapport à celles d’origine, elle et son époux souhaitaient trouver une issue amiable à cette situation et dans l’attente, interrompre la pose des fenêtres.

Par courriel en date du 28 janvier 2017, la société leur a fourni des explications sur ce point et a pris acte de leur souhait de stopper les travaux, leur précisant avoir réorganisé le programme et le planning des ouvriers pour les deux semaines à venir et leur proposant une rencontre afin de trouver une issue amiable à ce problème.

Par courrier du 1er septembre 2017, réitéré le 22 février 2018, le conseil de la société [E] Menuiserie Agencement a pris attache avec celui de M. et Mme [S] afin que ces derniers remboursent à sa cliente le chèque de caution, encaissé malgré leur engagement contraire. Il a également indiqué que sa cliente ne s’opposait pas à trouver une solution afin de permettre la poursuite des relations commerciales.

Une mesure de médiation a été proposée aux parties.

Aucune solution amiable du litige n’ayant pu être trouvée, M. et Mme [S] ont, par acte du 23 mars 2018, fait assigner la société [E] Menuiserie Agencement, aux fins d’annulation du contrat et indemnisation.

Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– débouté M. et Mme [S] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamné M. et Mme [S] à régler à la société [E] Menuiserie Agencement la somme de 24 664,33 euros au titre du remboursement du chèque de caution, outre les intérêts à taux légal à compter du jugement,

– débouté la société [E] Menuiserie Agencement de sa demande de paiement du solde du marché et de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné M. et Mme [S] à régler à la société [E] Menuiserie Agencement la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. et Mme [S] aux dépens de l’instance,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par acte du 20 novembre 2020, M. et Mme [S] ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 10 août 2021, de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme [S] de l’intégralité de leurs demandes et en ce qu’il a accueilli les demandes de la société [E] Menuiserie Agencement,

1. Sur la nullité du contrat

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du contrat conclu entre les parties et, statuant à nouveau,

– juger qu’en ne portant pas à la connaissance de M. et Mme [S] les caractéristiques exactes des fenêtres objet du contrat, tant s’agissant des dimensions du vitrage et des petits bois que du dessin des moulures, la société [E] Menuiserie Agencement a manqué à ses obligations d’information et de conseil,

– juger que ces fautes précontractuelles ont vicié le consentement de M. et Mme [S],

En conséquence,

– prononcer la nullité du contrat conclu entre les parties,

– ordonner le remboursement par la société [E] Menuiserie Agencement de l’acompte de 9 066,62 euros versé par M. et Mme [S] à titre de restitution,

– ordonner le remboursement par la société [E] Menuiserie Agencement de la somme de 24 664,33 euros versé par M. et Mme [S] en application du jugement dont appel,

– ordonner la reprise par la société [E] Menuiserie Agencement des fenêtres installées et non

installées, à titre de restitution,

– ordonner la réinstallation des fenêtres d’origine au second étage, ou à défaut, condamner la société [E] Menuiserie Agencement à indemniser M. et Mme [S] à hauteur du coût réel de remplacement de ces fenêtres à l’identique des fenêtres d’origine par un autre artisan, estimé à 13 119,90 euros TTC,

2. A titre subsidiaire, sur la résolution du contrat à raison de la violation de l’obligation de délivrance conforme

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de résolution du contrat conclu entre les parties et, statuant à nouveau,

– juger que les fenêtres vendues par la société [E] Menuiserie Agencement à M. et Mme [S] ne correspondent pas aux caractéristiques prévues dans le devis du 26 novembre 2016, lequel vaut contrat,

– juger que la société [E] Menuiserie Agencement a manqué à son obligation de délivrance conforme,

– juger que la société [E] Menuiserie Agencement a gravement manqué à ses obligations d’information et de conseil,

En conséquence,

– prononcer la résolution du contrat conclu entre les parties,

– ordonner le remboursement par la société [E] Menuiserie Agencement de l’acompte payé par M. et Mme [S] soit la somme de 9 066,62 euros, à titre de restitution,

– ordonner le remboursement par la société [E] Menuiserie Agencement de la somme de 24 664,33 euros versé par M. et Mme [S] en application du jugement dont appel,

– ordonner la réinstallation des fenêtres d’origine au second étage, ou à défaut, condamner la société [E] Menuiserie Agencement à indemniser M. et Mme [S] à hauteur du coût réel de remplacement de ces fenêtres à l’identique des fenêtres d’origine par un autre artisan, estimé à 13 119,90 euros TTC,

– ordonner la reprise par la société [E] Menuiserie Agencement des fenêtres installées et non

installées, à titre de restitution,

3. A titre extrêmement subsidiaire

– juger que les fenêtres de la salle de bain du premier étage, d’une valeur de 4 330,60 euros, et ouvrants du Velux de l’escalier R+2, d’une valeur de 1 424,14 euros, n’ont été ni livrées, ni installées,

En conséquence,

– condamner la société [E] Menuiserie à restituer à M. et Mme [S] le prix de ces fenêtres non livrées, soit 5 754,74 euros,

4. En tout état de cause,

– juger que les manquements de la société [E] Menuiserie Agencement à ses obligations d’information et de conseil constituent une faute civile,

– juger que le manquement de la société [E] Menuiserie Agencement à son obligation de délivrance conforme constitue une faute civile,

En conséquence,

– condamner la société [E] Menuiserie Agencement à verser à M. et Mme [S] la somme de 26 257,21 euros correspondant au dommage subi, se décomposant comme suit :

au titre du surcoût subi par M. et Mme [S] du fait de la nécessité de passer par un nouveau prestataire………………………………………………………..11 802,58 euros

au titre des pertes d’énergie………………………………………………………..1 710,54 euros

au titre du temps passé pour s’occuper du litige………………………………..3 000 euros

au titre du constat d’huissier que M. et Mme [S] ont dû commander pour faire valoir leurs droits………………………………………………………………..744,09 euros

au titre de préjudice d’agrément………………………………………………………9 000 euros

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société [E] Menuiserie Agencement,

– rejeter l’ensemble des demandes de la société [E] Menuiserie Agencement,

– condamner la société [E] Menuiserie Agencement à verser à M. et Mme [S] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société [E] Menuiserie Agencement aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 4 janvier 2022, la société [E] Menuiserie Agencement prie la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– déclarer irrecevable et mal fondée la demande de condamnation de la société [E] Menuiserie Agencement au paiement de la somme de 5754,74 euros correspondant à la somme de « 4330,60 euros au titre de fenêtres du 1er étage et la somme de 1424,14 euros au titre d’ouvrants Velux de l’escalier R+2 » et par conséquent débouter M. et Mme [S] de leurs demandes à ce titre, – déclarer irrecevable et mal fondée la demande de condamnation de la société [E] Menuiserie Agencement au paiement de la somme de 26 257,21 euros à titre de dommages et intérêts au titre du surcroît subi du fait d’un changement de prestataire, pour perte d’énergie, au titre du temps passé dans le litige, au titre du constat d’huissier et du préjudice d’agrément et, par conséquent, débouter M. et Mme [S] de leurs demandes à ce titre,

– déclarer mal fondées les demandes de M. et Mme [S] et en conséquence les débouter,

– débouter M. et Mme [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme et M. [S] de l’intégralité de leurs demandes,

– confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme et M. [S] à rembourser à la société [E] Menuiserie Agencement le montant du chèque de caution à hauteur de 24 664,33 euros,

– condamner Mme et M. [S] à verser à la société [E] Menuiserie Agencement la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal,

– condamner Mme et M. [S] à verser à la société [E] Menuiserie Agencement la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé en substance que le tribunal a rejeté, au visa des articles 1112-1, 1602, 1130 et suivants du code civil, les demandes d’annulation et de résolution du contrat, au motif que les époux [S] avaient voulu changer leurs vieilles fenêtres, ce choix étant motivé par des considérations de performance énergétique et acoustique, sans pour autant sacrifier l’aspect esthétique de ces nouvelles fenêtres, justifiant le choix de menuiseries à l’ancienne. Le tribunal a estimé que Mme [S] avait associé la notion de ‘menuiserie à l’ancienne’ au seul aspect esthétique des fenêtres, compte tenu des précisions qu’elle donnait dans ses courriers au sujet ‘des moulures ou des petits bois’. Le tribunal a relevé l’ensemble des caractéristiques des fenêtres dites ‘fenêtres mouton et gueule de loup’, des menuiseries (petits bois et moulures), des doubles vitrages et a précisé que les crémones seraient restaurées. Il a encore considéré que les critiques opposées par les époux [S] quant au non-respect des choix esthétiques faits n’étaient pas démontrées par le seul constat, non contradictoire, et une photographie, éléments insuffisants pour établir le défaut esthétique allégué.

Le tribunal a ensuite considéré que les époux [S] ne démontraient pas avoir indiqué à la société [E] Menuiserie que la luminosité était un élément déterminant de leur consentement. Il a relevé au surplus, comparant les devis des 10 et 23 octobre 2016, et celui du 10 novembre suivant, que l’épaisseur des dormants, objet de contestation, a été augmentée passant de 68 mm à 81 mm sans susciter d’observation de la part des époux [S].

De l’ensemble de ces éléments, le tribunal a estimé qu’il ne pouvait être considéré que la société [E] menuiserie n’avait pas communiqué les informations portant sur les caractéristiques essentielles du bien proposé, telles qu’exigées par le code de la consommation, rappelant les articles L217-4 et suivants, et L111-1, L121-2 de ce code. Il a également écarté les critiques tenant à des manquements aux obligations de conseil et d’informations, ainsi qu’à des pratiques commerciales trompeuses, qu’il a estimées non établies. Il a enfin considéré non établi que l’importance attachée par les époux [S] à la luminosité ait été connue du vendeur, ajoutant que la perte de luminosité alléguée n’est pas démontrée, aucun comparatif n’étant établi de façon probante, le constat d’huissier de justice n’étant pas dressé au contradictoire du vendeur et n’étant complété d’aucune autre pièce.

Le tribunal a en conséquence rejeté la demande d’annulation du contrat, aucune erreur n’étant caractérisée, et la demande de résolution, les éléments exposés démontrant que la prestation délivrée est bien conforme à ce qui était convenu au devis.

– sur la nullité du contrat

M. et Mme [S] prétendent avoir insisté à de nombreuses reprises, au cours des discussions ayant précédé la conclusion du contrat pour un remplacement des fenêtres à l’identique, demandant en particulier que les crémones, moulures et petits bois respectent l’esthétique existante. Ils indiquent que la société [E] Menuiserie les avait assurés que des plans des fenêtres leur seraient remis, ce qui n’a jamais été effectué.

Se disant soucieux d’améliorer l’isolation de la maison sans sacrifier l’aspect des fenêtres ni la luminosité des pièces, ils ont suivi le conseil des professionnels en choisissant la méthode de la dépose totale, plutôt que la technique de la rénovation moins coûteuse. Ils affirment que cette méthode permet de maintenir, voire d’améliorer le clair de jour.

Ils font grief aux premiers juges d’avoir inversé la charge de la preuve, affirmant qu’il appartenait à la société [E] Menuiserie de démontrer qu’elle avait délivré des biens conformes aux termes du contrat et qu’elle avait fourni l’ensemble des informations essentielles, en ce compris celles listées par l’article L111-1 du code de la consommation. Ils observent que le vendeur ne niait pas l’existence de pertes centimétriques.

Ils estiment que les premiers juges ont méconnu les ordonnances du 2 novembre 1945 et du 2 juin 2016 relatives à la force probante des constats d’huissier de justice, considérant que le constat versé aux débats a pleine valeur probante, la société [E] Menuiserie n’ayant versé aucun élément contredisant la dimension des fenêtres.

Selon eux, la société [E] Menuiserie a manqué à ses obligations d’information et de conseil, le devis ne comportant aucune donnée permettant d’évaluer le gain ou la perte de clair de jour par rapport à l’existant, alors que cette information aurait été d’autant plus importante qu’en matière de dépose totale avec pose en feuillure, le consommateur s’attend légitimement à un maintien voire à un accroissement du clair de jour. Ils exposent que la perte de clair de jour s’étend entre 5,71 % et 7,70 % selon les étages.

Ils ajoutent que la société [E] Menuiserie est défaillante dans l’information relative à l’esthétique, que M. [E] avait confirmé que les fenêtres proposées dans le devis seraient identiques aux fenêtres existantes et s’est engagé à fournir des dessins, ce qu’il n’a pas fait. Ils déplorent que les fenêtres ne respectent ni l’esthétique existante ni les termes du devis et estiment que le vendeur ne les a pas renseignés sur les inconvénients inhérents aux caractéristiques du bien vendu, ce alors qu’ils se sont orientés vers une solution dépose totale/ pose complète beaucoup plus onéreuse qu’une simple rénovation, mais qui assure une maximisation du clair de jour.

Ils disent que la fourniture de fenêtres sur mesure oblige à faire fabriquer des fenêtres sur la base de toutes les mesures des fenêtres existantes, notamment les dimensions du vitrage, des petits bois, de la partie centrale de la fenêtre.

Ils font encore grief à la société [E] Menuiserie d’avoir manqué à son obligation de conseil, en ce qu’elle devait leur proposer un modèle conforme aux caractéristiques des modèles remplacés, ou attirer leur attention sur les différences qui existeraient entre les modèles. Ils prétendent qu’elle a vendu une prestations plus onéreuse que la technique de rénovation sans en fournir le principal avantage.

Selon leurs affirmations, la luminosité était une qualité essentielle comme étant une caractéristique tacitement convenue entre les parties, de sorte que le tribunal ne pouvait effectuer la distinction très artificielle entre la luminosité et les autres caractéristiques de la menuiserie, dès lors que la menuiserie a pour vocation de soutenir le vitrage et que, partant, l’épaisseur de la menuiserie impacte directement la dimension du vitrage. Ils indiquent que leur décision d’arrêter le chantier dès la mise en place des premières fenêtres témoigne de l’importance que revêtait pour eux la luminosité, et qu’il est ainsi établi l’erreur sur la prestation, du fait de la perte de luminosité et d’esthétique, due au titre du contrat. En conséquence de cette erreur, ils estiment justifiée leur demande d’annulation du contrat.

En réponse, la société [E] Menuiserie réplique que la preuve d’un vice du consentement n’est pas rapportée, qu’ils ne démontrent pas l’erreur qu’ils allèguent, pas plus que le prétendu dol ou les pratiques commerciales trompeuses. Il conteste que le tribunal aurait inversé la charge de la preuve, alors que la preuve leur incombe.

Selon elle, les arguments avancés pour prétendre que leur consentement a été vicié par le dol ou l’erreur sont inopérants, alors que leur demande a consisté dans le remplacement des fenêtres existantes pour avoir des fenêtres doubles vitrages répondant ainsi aux contraintes techniques et énergétiques, en conservant des menuiseries de type ancien en bois. Elle indique qu’à la suite d’un premier devis, il a été tenu compte des commentaires faits par les époux [S] et les réponses aux questions posées ont été apportées par ses soins. Elle relève qu’à aucun moment, il n’a été convenu que le remplacement des anciennes fenêtres se fasse par des fenêtres identiques.

Elle argue que les époux [S] ne peuvent prétendre qu’elle aurait manqué à son obligation de conseil au motif qu’elle ne leur aurait pas présenté des types de fenêtres le plus adapté à leurs besoins sans s’arrêter au seul modèle de son fournisseur habituel. Elle observe que le modèle livré était conforme à celui commandé et les époux [S] ne l’ont jamais contesté, ajoutant qu’elle n’avait aucune raison de changer de fournisseur, qui lui donne toute satisfaction depuis de nombreuses années.

Elle observe qu’il n’avait pas été convenu que les mesures des fenêtres soient identiques aux anciennes d’autant qu’elles devaient accueillir du double vitrage et répondre aux normes énergétiques en vigueur. Elle expose qu’ils ont validé un devis avec un remplacement de fenêtres et non une rénovation, qu’ils étaient assistés d’un architecte, lequel a validé que tout était conforme et dans les règles de l’art.

Elle considère que l’interruption du chantier par les époux [S] n’était nullement justifiée compte tenu des arguments techniques confortés par le fabricant et la conformité de la prestation au devis. S’agissant du constat d’huissier de justice, elle estime que ce constat n’a pas été établi contradictoirement et ne peut suffire à établir la carence dans la délivrance conforme et ne peut conforter leur argumentation, alors que l’huissier de justice n’est pas un expert, que les mesures ont été prises de l’intérieur sans tenir compte du tableau de fenêtres que tout corps d’état prend comme référence, qu’aucune constatation sur l’incidence des mesures prises sur une perte de clair de jour n’est faite. Elle affirme que les parties ne sont pas convenues d’un maintien des mesures à l’identique ni une condition liée à la luminosité de la pièce, observant de surcroît que les époux [S] se sont bien gardés de solliciter une mesure d’expertise.

Elle estime que les époux [S] ont usé de manoeuvres cavalières et abusives pour la contraindre à une négociation à perte. Elle réfute toute pratique commerciale trompeuse que lui imputent les époux [S], qui ne peuvent prétendre avoir convenu des fenêtres identiques aux précédentes. Elle prétend que les mesures sont mentionnées dans le devis mais son également conformes aux fenêtres livrées et répondent aux normes de sécurité, les caractéristiques du vitrage, les caractéristiques techniques et les menuiseries utilisées sont mentionnées dans le devis et sont conformes aux fenêtres livrées.

Sur ce,

Les moyens développés par M. et Mme [S] au soutien de leur appel, ne font que réitérer, pour l’essentiel, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le tribunal a connus et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

Pour compléter les motifs du jugement, il sera rappelé que les époux [S] ont sollicité le remplacement de 19 fenêtres pour une somme totale de près de 35 000 euros, selon un devis signé au mois de novembre 2016, à l’issue de nombreux échanges, qui ont eu lieu, à partir du mois d’avril 2016, par téléphone, rendez-vous au domicile ou encore par courriers, et qui ont donné lieu à plusieurs propositions de devis.

Il résulte de façon certaine et constante de la lecture de ces courriels que les époux [S] ont fait connaître leur souci de voir remplacer des fenêtres par une installation de double vitrage, et ont manifesté de façon expresse et dépourvue d’équivoque leur préoccupation de conserver l’esthétique de fenêtres en bois à l’ancienne.

Contrairement à ce qui est allégué par les appelants, les premiers juges n’ont pas inversé la charge de la preuve. Il appartient aux époux [S] en effet d’établir que la luminosité était entrée dans le champ contractuel, qu’il s’agissait à leurs yeux d’une caractéristique essentielle, en ce qu’ils ne souhaitaient aucune réduction de clair de jour.

Il ne peut être considéré comme évident ou acquis au débat qu’une telle préoccupation est ‘tacitement convenue’ entre les parties, alors que la démarche de changer de fenêtres répond d’abord à une volonté d’améliorer l’isolation thermique et acoustique et de faire des gains énergétiques.

Au surplus, l’importance de la perte de clair de jour n’est pas établie par la production d’un constat d’huissier de justice et la comparaison faite entre les dimensions relevés par l’huissier de justice et celles figurant sur le devis n’est pas possible, sur cette seule base, alors qu’il n’est pas possible de connaître les conditions dans lesquelles ces mesures ont été prises par l’huissier de justice, lequel n’était pas accompagné d’un homme de l’art. Cette appréciation de l’acte établi par l’huissier de justice ne contrevient pas aux dispositions des ordonnances des 2 novembre 1945 et 2 juin 2016 invoquées par les appelants, dès lors qu’il n’est nullement remis en cause les mesures faites par l’huissier de justice, mais seulement que le tribunal puis la cour n’ont pas la possibilité de les comparer de façon utile aux dimensions figurant au devis litigieux ou à d’autres devis versés pour les débats.

Les époux [S] ne peuvent écarter d’un trait l’argument invoqué par la société [E] Menuiserie de contraintes techniques du fabricant imposant une légère réduction du clair de jour. Il est indéniable que le remplacement de fenêtres composées de simple vitrage par des fenêtres comportant des doubles vitrages induit des sujétions techniques significatives, en terme de résistance compte tenu du poids ajouté à l’ensemble.

Par ailleurs, il est certain que la demande d’une menuiserie bois à l’identique concerne le petit bois, sa taille et sa position, et une esthétique d’ensemble, sans pour autant imposer que chaque partie de la menuiserie ou de la fermeture soit exactement identique.

De surcroît, il peut être relevé que M. et Mme [S] produisent un devis comparatif, établi en septembre 2017, qui porte sur 11 pièces et non 19, pour un prix de 30 000 euros environ. Ce devis a été établi alors que le litige était né et l’instance sur le point d’être initiée. De surcroît, il ne peut pas plus être considéré, à l’examen de ce devis, que les crémones ou les petits bois sont exactement identiques à celles existantes.

Dans un courriel adressé par Mme [S] à M. [E] le 25 juin 2017, elle déduit du fait que ce dernier a attiré leur attention sur la perte de 5 cm de hauteur de vitrage pour deux fenêtres en raison du maintien de la pièce d’appui, recommandé pour ne pas détériorer la couverture en zinc, que M. [E] avait ‘parfaitement compris notre préoccupation pour le maintien du clair de vitrage’. Il est pourtant bien évident que la différence de 5 cm de hauteur de vitrage était suffisamment significative pour que M. [E] estime devoir attirer l’attention de ses clients sur ce point, sans pour autant qu’il puisse se déduire du fait que les époux [S] aient tenu compte de son avis qu’ils étaient particulièrement soucieux de conserver une luminosité identique à la situation existante pour l’ensemble des fenêtres remplacées.

Ces éléments, s’ils témoignent particulièrement bien du mécontentement des époux [S], ne justifient nullement de l’existence d’une erreur consistant dans l’absence de prise en compte d’une qualité prétendument essentielle à leurs yeux. Il sera ajouté que cette erreur est d’autant moins démontrée que la perte de lumière effective n’est pas sérieusement établie, qui ne peut se déduire des seules mesures prises par l’huissier de justice et du tableau comparatif fait par les appelants qui évaluent à une perte moyenne de clair de jour sur les fenêtres concernées de 6,52%. Il ne peut pas plus être tiré argument de l’interruption de chantier réclamée dès le premier jour des travaux alors que les époux [S] constataient la difficulté aujourd’hui litigieuse, pour prétendre que cette interruption, intervenant en phase d’exécution du chantier, et non de discussion précontractuelle, pourrait témoigner de l’importance d’une conservation du clair de jour.

Les époux [S] ne peuvent pas plus arguer du fait que la réalisation de fenêtres à l’identique était envisageable, avançant pour preuve des devis faits pour les besoins de la cause, alors que le débat ne porte pas, s’agissant d’une demande de nullité pour erreur sur les qualités substantielles, sur la faisabilité technique mais sur le fait que cette exigence spécifique avait été portée à la connaissance de la société [E] Menuiserie.

Faute pour eux de caractériser qu’ils avaient au cours des échanges précontractuels fait connaître à leur cocontractant le caractère déterminant de cette donnée, leur demande de nullité pour vice de consentement ne peut qu’échouer.

Ils ne démontrent pas plus un manquement à l’obligation de conseil de la part de la société [E] Menuiserie, et ne peuvent reprocher à M. [E] de ne pas avoir attiré leur attention sur ce point, alors que la réalité de la perte de luminosité n’est pas signifiante, ni même réellement établie.

— sur la demande de résolution du contrat

Les époux [S] sollicitent, comme en première instance, la résolution du contrat qu’ils ont signé avec la société [E] Menuiserie. Ils lui reprochent un défaut de délivrance conforme, au motif que les dimensions vitrages sont très différents des fenêtres d’origine, ce qui remet en cause les proportions et l’esthétique de toutes les fenêtres et en réduit significativement le clair de jour. Ils formulent le même reproche, fondé sur la différence existant entre les petits bois et moulures des fenêtres, différents de ceux des fenêtres d’origine, ni aux dispositions du devis à ce sujet.

Ils soutiennent que ce manquement de la société [E] Menuiserie à son obligation de délivrance conforme justifie la résolution du contrat.

En réponse, la société [E] Menuiserie fait valoir que le manquement à l’obligation de délivrance conforme n’est pas établi, puisque la référence à une perte de clair de jour n’est pas prévue par le devis et ne caractérise pas un manquement à l’obligation de délivrance conforme. Elle ajoute que les époux [S] souhaitaient poser des fenêtres de double vitrage pour répondre aux besoins énergétiques et aux normes de sécurité et d’étanchéité, qu’ils souhaitaient une pose complète, avec pour le maintien des pièces d’appui et du zinc pour les pièces concernées, ce qui a été respecté. Elle affirme avoir livré un matériel conforme au devis signé, mais que celui-ci n’a pu être installé en totalité compte tenu de l’opposition manifestée par les époux [S].

Sur ce,

Les appelants ne présentent pas une argumentation différente à ce titre que celle développée devant le tribunal. Aucun manquement à l’obligation de délivrance conforme n’est démontré, alors que les époux [S] procèdent par allégations lorsqu’ils affirment que les matériels livrés ne correspondaient pas aux produits commandés.

La demande de résolution du contrat pour défaut de délivrance conforme est rejetée.

Il sera ajouté que les époux [S] ne peuvent se plaindre d’avoir été tenus au paiement de fenêtres qui n’avaient été ni livrées ni installées. En effet, il résulte de l’ensemble des éléments ci-dessus évoqués qu’ils sont seuls à l’origine du défaut d’installation de l’ensemble des fenêtres commandées, du fait de leur refus de laisser la société [E] Menuiserie poursuivre ses travaux d’installation.

En l’absence d’annulation ou de résolution du contrat, ils ne sont pas fondés à réclamer la restitution des sommes versées à titre d’acompte ou de solliciter la remise des lieux dans l’état d’origine, d’autant qu’ils ne peuvent reprocher à la société [E] Menuiserie de n’avoir pas conservé les ouvrants anciens, en l’absence de toute spécification à ce sujet au devis.

Le jugement est également confirmé de ce chef.

Il convient également de confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme et M. [S] à rembourser à la société [E] Menuiserie Agencement le montant du chèque de caution à hauteur de 24 664,33 euros.

— sur les demandes de dommages-intérêts

M. et Mme [S] sollicitent en tout état de cause la réparation du préjudice causé par le manquement de la société [E] Menuiserie à ses obligations précontractuelles, en demandant des dommages-intérêts à hauteur du surcoût entre les travaux prévus initialement et le devis retenu pour y procéder, des pertes d’énergie causées par l’absence d’installation des fenêtres en double vitrage commandées, du temps passé pour tenter de trouver une solution amiable, du coût du constat d’huissier de justice, du préjudice d’agrément subi du fait de l’indisponibilité de plusieurs pièces de leur maison pendant quatre ans, de l’état d’inachèvement visible de la pose des fenêtres, de l’ouverture intempestive par mauvais temps de la fenêtre de la cage d’escalier du 2ème étage.

En réponse, la société [E] Menuiserie réplique qu’aucun manquement ne lui étant imputable, cette demande n’est pas fondée, et qu’en outre, les époux [S] ne justifient pas du préjudice subi.

Sur ce,

Faute pour les époux [S] d’avoir démontré un manquement de la part de la société [E] Menuiserie, la demande de dommages-intérêts ne saurait prospérer. Il sera relevé de façon surabondante que les préjudices allégués sont surtout la conséquence de leur obstination à maintenir une position rigide face à cette situation, sans rechercher une solution raisonnable. Les propositions faites à la société [E] Menuiserie pour tenter de trouver une solution amiable étaient particulièrement déséquilibrées et ne pouvaient emporter l’accord de cette société, qui a fait montre de bonne volonté et de patience face aux exigences marquées de ses clients.

— sur la demande de condamnation de la société [E] Menuiserie au paiement d’une somme de 5 754,74 euros

Au dispositif des conclusions des appelants, est présentée une demande de condamnation de la société [E] Menuiserie à leur payer la somme de 5 754,74 euros.

La société [E] Menuiserie répond que cette demande est irrecevable comme nouvelle et à tout le moins injustifiée.

Cette demande est recevable, comme étant le complément des demandes déjà présentées en première instance.

Cependant, cette prétention figurant au dispositif des conclusions des appelants, n’est pas explicitée dans le corps de leurs conclusions, de sorte que la cour ne peut apprécier son bien fondé. Dans ces circonstances, elle ne peut qu’être rejetée.

— sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts

La société [E] présente une demande de dommages-intérêts au motif qu’elle a subi un préjudice important du fait de l’encaissement du chèque de caution délibérément encaissé par les époux [S] en violation de l’engagement express qu’ils avaient pris, ce alors qu’elle est une petite structure et a dû faire face à un manque de trésorerie.

Les époux [S] ne répondent pas dans le corps de leurs conclusions sur cette demande.

Il est certain que le chèque de caution laissé à titre de garantie a été encaissé par les époux [S] en violation de l’engagement pris de ne pas procéder à cet encaissement. Cette situation a indéniablement porté préjudice à la société [E] Menuiserie, qui est une société de petite taille, et qui a pu se trouver brutalement en difficulté de trésorerie. Elle ne démontre cependant pas le préjudice dans les proportions qu’elle allègue et ce préjudice sera justement et entièrement réparé par l’octroi d’une somme de 1 500 euros.

— sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions sur les dépens et l’indemnité de procédure

Les appelants sont condamnés à payer à la société [E] Menuiserie une somme de 3 000 euros d’indemnité de procédure.

Ils supportent de plus les dépens

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit recevable mais mal fondée la demande des époux [S] de dommages-intérêts présentée à l’encontre de la société [E] Menuiserie,

Condamne les époux [S] à payer à la société [E] Menuiserie la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts,

Condamne les époux [S] à payer à la société [E] Menuiserie la somme de 3 000 euros d’indemnité de procédure,

Condamne les époux [S] aux dépens exposés en cause d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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