Nullité de contrat : les limites du référé

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Nullité de contrat : les limites du référé
Ce point juridique est utile ?

Il est constant que le juge des référés n’a pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la validité d’un contrat ou d’annuler un contrat, toute prétention émise à ces fins se heurtant à une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel.

Dans le meilleur des cas, le moyen tiré de la nullité d’un contrat peut, dans certaines circonstances, constituer une contestation sérieuse de la mise en oeuvre de la clause résolutoire insérée dans le contrat.

Au-delà du fait qu’une partie n’est pas recevable à soulever l’incompétence du juge pour connaître d’une prétention qu’elle lui a soumise, le moyen confond ici la compétence matérielle du juge des référés, déterminée par la compétence matérielle du tribunal judiciaire, et les pouvoirs juridictionnels que tient le juge des référés civils des articles 834 et 835 du code de procédure civile.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre la société Guyenne et Gascogne, locataire principale d’un ensemble immobilier, et la société Le Bistrot des filles, qui a acquis le fonds de commerce et le droit au bail d’un local dans cet ensemble. La société Le Bistrot des filles a renoncé à l’acquisition suite à la découverte que les locaux étaient exploités en vertu d’une sous-location, qu’elle considère comme un dol de la part de la société Guyenne et Gascogne. Cette dernière a alors engagé une procédure d’expulsion pour non-paiement des loyers. Le juge des référés a constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de la société Le Bistrot des filles, ainsi que le paiement de diverses sommes à la société Guyenne et Gascogne. Les parties ont fait appel de cette décision, la société Le Bistrot des filles demandant la nullité du bail et des dommages et intérêts, tandis que la société Guyenne et Gascogne demande la confirmation de l’ordonnance initiale.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 mars 2024
Cour d’appel de Pau
RG n°
23/01795
PhD/ND

Numéro 24/1076

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 26/03/2024

Dossier : N° RG 23/01795 – N° Portalis DBVV-V-B7H-ISEU

Nature affaire :

Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l’expulsion

Affaire :

S.A.R.L. LE BISTROT DES FILLES

C/

S.A.S. GUYENNE ET GASCOGNE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 22 Janvier 2024, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Madame JoëlleGUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. LE BISTROT DES FILLES

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 812 279 545, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. GUYENNE ET GASCOGNE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Jean-Philippe CONFINO (SELAS Cabinet Confino), avocat au barreau de Paris

sur appel de la décision

en date du 13 JUIN 2023

rendue par le PRESIDENT DU TJ DE BAYONNE

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Par acte notarié du 13 octobre 2004, la société Aran, propriétaire d’un ensemble immobilier sis sur la commune de [Localité 1] a donné à bail celui-ci à la société Guyenne et Gascogne (sas), à effet du 1er janvier 2009, pour une durée de 12 années.

L’ensemble immobilier, connu sous le nom de «centre commercial Carrefour Market » est destiné à l’exploitation d’un commerce de supermarché et station-service et accessoirement pour tous commerces dans la galerie marchande.

Le bail autorise le preneur à sous-louer les locaux de la galerie marchande.

Par acte sous seing privé du 8 novembre 2010, la société Guyenne et Gascogne a donné à bail à la société Il Gusto un local dépendant de l’ensemble immobilier, à usage de pizzeria.

Par acte sous seing privé du 27 avril 2012, la société Il Gusto a cédé son fonds de commerce et le droit au bail à la société Aux Sav-heures.

Par acte sous seing privé du 25 juin 2015, celle-ci a cédé son fonds de commerce et le droit au bail à la société Patnat.

Le 4 novembre 2016, les associés ont cédé leurs parts sociales à des nouveaux associés qui ont modifié la dénomination sociale de la société devenue la société Le Bistrot des filles (sarl).

Celle-ci a transmis à la société Guyenne et Gascogne, pour agrément, le compromis de cession du fonds de commerce et du droit au bail du 29 décembre 2021.

Par lettre du 29 décembre 2021, la société Guyenne et Gascogne, rappelant qu’elle était locataire principale du bail conclu le 13 octobre 2004, renouvelé le 1er janvier 2021, a consenti à la cession projetée sous diverses conditions.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2022, la société Le Bistrot des filles a informé la société Guyenne et Gascogne que le cessionnaire avait renoncé à son acquisition à la lecture du courrier du 29 décembre 2021 révélant que les locaux étaient exploités en vertu d’une sous-location, la société Le Bistrot des filles lui faisant grief d’avoir commis un dol par dissimulation de sa qualité véritable de locataire pour tromper son co-contractant sur l’étendue de ses droits, justifiant la « résiliation » du bail du 8 novembre 2010 et l’indemnisation de son préjudice.

Par acte d’huissier du 6 décembre 2022, signifié dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile, la société Guyenne et Gascogne a fait délivrer un commandement, visant la clause résolutoire, de payer la somme de 10.206,44 euros au titre de l’arriéré locatif et de reprendre une exploitation effective et normale des locaux loués.

Suivant exploit du 24 janvier 2023, la société Guyenne et Gascogne a fait assigner la société Le Bistrot des filles par devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, expulsion et provision.

La société Le Bistrot des filles a soulevé l’incompétence matérielle du juge des référés saisi et la nullité du bail commercial du 8 novembre 2010.

Par ordonnance contradictoire du 13 juin 2023, le juge des référés a :

– rejeté l’exception d’incompétence

– constaté la résiliation au 6 janvier 2023 du bail commercial en date du 8 novembre 2010

– ordonné l’expulsion de la société Le Bistrot des filles […], au besoin avec le concours de la force publique

– condamné la société Le Bistrot des filles à payer à la société Guyenne et Gascogne une provision de :

-10.206 euros au titre des loyers impayés jusqu’au 27 octobre 2022, avec intérêts au taux contractuel à compter du 6 décembre 2022

-33,60 euros par jour à compter du 6 janvier 2023 jusqu’à complète libération des lieux, à titre d’indemnité d’occupation

– condamné la société Le Bistrot des filles aux dépens, non compris le coût du commandement du 6 décembre 2022, outre le paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 26 juin 2023, la société Le Bistrot des filles a relevé appel de cette ordonnance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2023.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2023 par la société Le Bistrot des filles qui a demandé à la cour de réformer l’ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau, de :

A titre principal :

– déclarer le tribunal judiciaire de Bayonne incompétent au profit du tribunal de commerce de Bayonne.

A titre subsidiaire :

– déclarer le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne incompétent au profit du tribunal judiciaire de Bayonne, juge du fond

– dire n’y avoir lieu à référé.

A titre plus subsidiaire :

– débouter la société Guyenne et Gascogne de ses demandes

– constater la nullité du bail commercial conclu le 8 novembre 2010 et l’inapplicabilité de la clause résolutoire

– condamner la société Guyenne et Gascogne à lui payer :

– la somme de 996,77 euros en remboursement des travaux réalisés dans le local

– une provision de 17.578 euros au titre des frais engagés pour l’acquisition de son fonds de commerce

– une provision de 80.000 euros, au titre de son préjudice de perte de chance de céder son fonds de commerce

– une provision de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral

– la somme de 2.400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2023 par la société Guyenne et Gascogne qui a demandé à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– rejeté l’exception d’incompétence ;

– constaté la résiliation du bail commercial du 8 novembre 2010 au 6 janvier 2023 ;

– ordonné l’expulsion de la société Le Bistrot des filles ou de tout autre occupant se trouvant dans les locaux situés dans le centre commercial « carrefour

[Adresse 4] au besoin avec le concours de la force publique ;

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer une provision de 33,60 euros par jour à compter du 06/01/2023 jusqu’à complète libération des lieux, à titre d’indemnité d’occupation ;

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Le Bistrot des filles de ses demandes

– condamné la société Le Bistrot des filles aux dépens en ce compris le coût de l’assignation du 24/01/2023 ;

– réformer l’ordonnance entreprise pour le surplus, en ce qu’elle a :

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer une provision de 10.206 euros au titre des loyers impayés jusqu’au 27 octobre 2022, avec intérêt au taux contractuel à compter du 6 décembre 2022 ;

– l’a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner le transport et la mise sous séquestre des biens mobiliers garnissant les lieux, aux frais et risques de la société Le Bistrot des filles dans tout garde-meuble au choix de la société Guyenne et Gascogne en garantie de toutes sommes dues à cette dernière ;

– l’a déboutée de ses demandes tendant à voir condamner la société Le Bistrot des filles à lui payer par provision :

– la somme de 10.725,72 euros TTC au titre des loyers, provisions sur charges et accessoires dus par la société Le Bistrot des filles à la date du 6 janvier 2023, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter du 10 novembre 2022, date de la mise en demeure et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points ;

– la somme de 2.163,38 euros TTC au titre des loyers dus pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter de l’assignation et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points ;

-le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 6 décembre 2022 ;

Et, statuant à nouveau sur ces points :

– ordonner le transport et la mise sous séquestre des biens mobiliers garnissant les lieux, aux frais et risques de la société Le Bistrot des filles, dans tout garde-meuble au choix de la société Guyenne et Gascogne en garantie de toutes sommes dues à cette dernière ;

– condamner la société Le Bistrot des filles, par provision, à lui payer :

– la somme de 10.725,72 euros TTC au titre des loyers, provisions sur charges et accessoires dus par la société Le Bistrot des filles à la date du 6 janvier 2023, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter du 10 novembre 2022, date de la mise en demeure et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points ;

– la somme de 2.163,38 euros TTC au titre des loyers dus pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter de l’assignation du 24 janvier 2023 et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points ;

– la somme de 197,93 euros au titre du coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 6 décembre 2022 ;

En tout état de cause :

– rejeter la demande de la société Le Bistrot des filles tendant à voir déclarer le tribunal judiciaire de Bayonne incompétent au profit du tribunal de commerce de Bayonne pour connaître des demandes de la société Guyenne et Gascogne

– déclarer irrecevable la société Le Bistrot des filles en sa demande tendant à voir

déclarer le juge des référés près le tribunal judiciaire de Bayonne incompétent au profit du juge du fond près le tribunal judiciaire de Bayonne pour connaître des demandes de la société Guyenne et Gascogne et, en toute hypothèse, la débouter de ladite demande ;

– dire n’y avoir lieu à référé sur [l’ensemble] des demandes de la société Le Bistrot des filles […]

– débouter la société Le Bistrot des filles de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, pour le cas où par impossible la cour de céans jugerait que le bail est nul :

-ordonner l’expulsion, au besoin avec l’assistance de la force publique, de la société la société Le Bistrot des filles et de toute personne dans les lieux, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– ordonner le transport et la mise sous séquestre des biens mobiliers garnissant les lieux, aux frais et risques de la société Le Bistrot des filles, dans tout garde-meuble au choix de la société Guyenne et Gascogne en garantie de toutes sommes dues à cette dernière ;

– condamner la société Le Bistrot des filles, par provision, à payer à la société Guyenne et Gascogne une indemnité journalière d’occupation de 29 euros TTC, accessoires en sus, en deniers ou quittances, à compter du 3 novembre 2015 et jusqu’à la remise des clefs et la restitution des locaux dans l’état prévu au bail ;

En toutes hypothèses :

– condamner la société Le Bistrot des filles à lui payer une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Le Bistrot des filles aux entiers dépens, en ce compris ceux visés à l’article A.444-32 du Code de commerce.

MOTIFS

sur la compétence matérielle du juge des référés du tribunal judiciaire

L’appelante fait grief à l’ordonnance entreprise d’avoir rejeté son exception d’incompétence alors que le contrat de sous-location ne figure pas dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire en application des articles L. 211-4 et R. 211-3-26 11° du code de l’organisation judiciaire.

Mais, il résulte de l’article R. 211-3-26 11° du code de l’organisation judiciaire que le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de baux commerciaux à l’exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.

Et, en droit, le contrat de sous-location d’un local destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce est un bail commercial conclu entre le locataire principal et le sous-locataire, soumis, comme tel, au statut des baux commerciaux, sous réserve des règles relatives à sa durée et des dispositions spéciales des articles L. 145-31 et L. 145-2 du code de commerce.

En l’espèce, le contrat de sous-location du 8 novembre 2010, qui a pour objet la mise à disposition d’un local commercial destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce de pizzeria, est un bail commercial statutaire établi entre le locataire principal et le sous-locataire, les parties ayant, au surplus, expressément soumis leurs relations au statut des baux commerciaux.

Les demandes de la société Guyenne et Gascogne, fondées sur l’exécution de cette sous-location commerciale ressortissent donc à la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence matérielle.

sur « la compétence » du juge des référés

L’appelante fait valoir, à titre subsidiaire, que le juge des référés n’est pas compétent pour connaître de sa demande tendant à constater la nullité de la sous-location, laquelle touche le fond du litige. Elle en déduit que, en l’espèce, le juge des référés devait se déclarer incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal judiciaire.

Mais, au-delà du fait qu’une partie n’est pas recevable à soulever l’incompétence du juge pour connaître d’une prétention qu’elle lui a soumise, le moyen confond ici la compétence matérielle du juge des référés, déterminée par la compétence matérielle du tribunal judiciaire, et les pouvoirs juridictionnels que tient le juge des référés civils des articles 834 et 835 du code de procédure civile.

A cet égard, il est constant que le juge des référés n’a pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la validité d’un contrat ou d’annuler un contrat, toute prétention émise à ces fins se heurtant à une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence.

sur l’acquisition de la clause résolutoire

L’appelante fait grief à l’ordonnance d’avoir constaté la résiliation du bail commercial du 8 novembre 2010, alors qu’en arguant faussement de sa qualité de propriétaire des locaux loués, la société Guyenne et Gascogne a commis un dol destiné à tromper les preneurs successifs sur l’étendue de leurs droits. L’appelante en déduit que le bail du 8 novembre 2010 est nul et, par voie de conséquence, rend inapplicable la clause résolutoire insérée dans ledit bail mise en jeu par l’intimée.

Mais, d’une part, en l’absence de toute décision judiciaire d’annulation, le bail commercial du 8 novembre 2010 continue de régir les relations contractuelles établies entre les parties, de sorte que le moyen postulant l’inapplicabilité de la clause résolutoire est infondé.

D’autre part, il n’entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge des référés de statuer sur la validité d’un contrat, ce dont il résulte que l’appelante n’est pas recevable à demander au juge des référés de constater la nullité du bail.

Dans le meilleur des cas, le moyen tiré de la nullité d’un contrat peut, dans certaines circonstances, constituer une contestation sérieuse de la mise en ‘uvre de la clause résolutoire insérée dans le contrat.

Et, en l’espèce, le moyen tiré d’une dissimulation de la qualité de locataire ne revêt aucun caractère sérieux alors qu’il est contredit par les pièces contractuelles versées aux débats dont il résulte que la désignation erronée de la société Guyenne et Gascogne, en qualité de propriétaire des locaux, figurant dans le bail commercial du 8 octobre 2010, procède d’une simple erreur rédactionnelle qui, si elle n’a pas donné lieu à une rectification matérielle du bail lui-même, a été expressément révélée aux preneurs lors des cessions du fonds de commerce et du droit au bail successives :

– la première fois, lors de la cession du 27 avril 2012 entre la société Il Gusto et la société Sav’heure, sur indication expresse de la société Guyenne et Gascogne, l’acte de cession précisant que « la société Guyenne et Gascogne, bailleur du cédant, est elle-même titulaire d’un bail commercial concernant l’entier bâtiment […] établi le 13 octobre 2010 et consenti par la société Aran avec possibilité de sous-location concernant les locaux dépendant de la galerie marchande »

– la seconde fois, lors de la cession intervenue le 25 juin 2015 entre la société Sav’heures et la société Patnat, devenue Le Bistrot des filles, l’acte précisant que « contrairement à ce qui est déclaré dans le bail cédé (page 2) [indiquant que], les locaux, objet du présent bail font partie d’une ensemble immobilier à usage commercial dont la société Guyenne et Gascogne est propriétaire|[…], l’ensemble immobilier appartient [en réalité] à la société Aran sarl […] ainsi désignée dans le bail commercial unissant cette société et la société Guyenne et Gascogne », ledit bail étant au surplus annexé à l’acte de cession du 25 juin 2015.

Par conséquent, le moyen de contestation, largement entaché de mauvaise foi, n’est pas sérieux.

L’appelante n’ayant soulevé aucun autre moyen de réformation, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a :

– débouté la société Le Bistrot des filles de ses demandes

– constaté la résiliation au 6 janvier 2023 du bail commercial en date du 8 novembre 2010

– ordonné l’expulsion de la société Le Bistrot des filles ou de tout autre occupant se trouvant dans les locaux situés dans le centre commercial « [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer une provision de 33,60 euros par jour à compter du 06 janvier 2023 jusqu’à complète libération des lieux, à titre d’indemnité d’occupation

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Le Bistrot des filles aux dépens en ce compris le coût de l’assignation du 24 janvier 2023, sauf l’appel incident du chef du coût du commandement.

sur l’appel incident de la société Guyenne et Gascogne

L’intimée fait justement grief à l’ordonnance entreprise d’avoir limité la provision au montant de l’arriéré locatif visé dans le commandement du 6 décembre 2022 alors qu’elle était bien fondée à obtenir le complément du loyer et des accessoires pour la période du 1er au 6 janvier 2023, soit 176,68 euros, outre les charges locatives d’un montant de 342,60 euros au titre de la taxe foncière et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères 2023.

Infirmant l’ordonnance de ce chef, la société Le Bistrot des filles sera condamnée à payer la provision de 10.725,72 euros TTC au titre des loyers, provisions sur charges et accessoires dus par la société Le Bistrot des filles à la date du 6 janvier 2023, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter du 10 novembre 2022, date de la mise en demeure et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points (§ 3- clause résolutoire b) du bail).

L’intimée fait également grief à l’ordonnance entreprise d’avoir rejeté sa demande de provision au titre des loyers échus du 1er mars au 31 mai 2020 comme se heurtant à une contestation sérieuse au motif que ces loyers avaient fait l’objet d’une remise commerciale dans le cadre d’un protocole d’accord du 12 avril 2021 alors que, selon l’intimée, l’abandon du loyer était subordonné au respect de l’intégralité des clauses du bail et du paiement des loyers et charges courants dus au titre du bail à leur date d’exigibilité, de sorte que l’obligation de payer ces loyers n’est pas sérieusement contestable compte tenu de la défaillance contractuelle de la société Le Bistrot des filles.

Il est constant que l’article 4-1 du protocole d’accord du 12 avril 2021 subordonne le maintien de la remise commerciale au respect des clauses du bail dont le paiement des loyers et charges postérieurs à leur date d’échéance.

L’appelante n’a pas conclu sur le principe de son obligation de payer les loyers objet dudit protocole.

L’obligation de payer les loyers remis ne se heurtant à aucune contestation sérieuse du fait de la défaillance contractuelle ci-avant constatée, l’ordonnance sera infirmée de ce chef et la société Le Bistrot des filles condamnée à payer la provision de 2.163,38 euros TTC au titre des loyers dus pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter de l’assignation et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points.

L’ordonnance entreprise sera également infirmée sur le rejet de la demande de mise sous séquestre, non motivée, et à l’encontre de laquelle l’appelante n’a opposé aucune résistance, de sorte qu’il conviendra d’ordonner le transport et la mise sous séquestre des biens mobiliers garnissant les lieux, aux frais et risques de la société Le Bistrot des filles, dans tout garde-meuble au choix de la société Guyenne et Gascogne en garantie de toutes sommes dues à cette dernière.

Enfin, l’intimée fait justement grief à l’ordonnance entreprise d’avoir refusé d’inclure le coût du commandement visant la clause résolutoire du 6 décembre 2022 dans les dépens de première instance alors qu’il s’agit d’un débours tarifé au sens de l’article 695 du code de procédure civile, la délivrance de cet acte étant imposée par la loi et son tarif étant réglementé, de sorte qu’il sera dit que le coût du commandement de 197,93 euros doit être compris dans les dépens.

Enfin, la société Le Bistrot des filles sera condamnée aux dépens d’appel, et ce sans qu’il y ait lieu de viser un quelconque tarif d’huissier dont l’application résulte de la loi, à payer à la société Guyenne et Gascogne une indemnité complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Le Bistrot des filles

– débouté la société Le Bistrot des filles de l’ensemble de ses demandes

– constaté la résiliation au 6 janvier 2023 du bail commercial en date du 8 novembre 2010

– ordonné l’expulsion de la société Le Bistrot des filles ou de tout autre occupant se trouvant dans les locaux situés dans le centre commercial « [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer une provision de 33,60 euros par jour à compter du 06 janvier 2023 jusqu’à complète libération des lieux, à titre d’indemnité d’occupation

– condamné la société Le Bistrot des filles à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Le Bistrot des filles aux dépens en ce compris le coût de l’assignation du 24 janvier 2023, sauf l’appel incident du chef du coût du commandement ;

INFIRME l’ordonnance entreprise pour le surplus, et statuant à nouveau :

CONDAMNE la société Le Bistrot des filles à payer à la société Guyenne et Gascogne les sommes suivantes :

– la provision de 10.725,72 euros TTC au titre des loyers, provisions sur charges et accessoires dus par la société Le Bistrot des filles à la date du 6 janvier 2023, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter du 10 novembre 2022, date de la mise en demeure et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points

– la provision de 2.163,38 euros TTC au titre des loyers dus pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, augmentée des intérêts contractuels de retard à compter de l’assignation et calculés au taux moyen mensuel du marché monétaire en vigueur, majoré de trois points.

ORDONNE le transport et la mise sous séquestre des biens mobiliers garnissant les lieux, aux frais et risques de la société Le Bistrot des filles, dans tout garde-meuble au choix de la société Guyenne et Gascogne en garantie de toutes sommes dues à cette dernière,

DIT que le coût du commandement du 6 décembre 2022, d’un montant de 197,93 euros est compris dans les dépens de première instance,

et y ajoutant,

CONDAMNE la société Le Bistrot des filles aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société Le Bistrot des filles à payer à la société Guyenne et Gascogne une indemnité complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Catherine SAYOUS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,


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