4ème Chambre
ARRÊT N° 50
N° RG 22/03296
N��Portalis DBVL-V-B7G-SZAG
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Décembre 2022
devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANT :
Monsieur [F] [O]
né le 31 Décembre 1974 à [Localité 6] (91)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.R.L. SHA
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Exposé du litige :
La SCCV COIPHI, maître d’ouvrage, représentée par M. [F] [O] en qualité de gérant associé et la société Serge Hamon Architectes (SHA) ont conclu, le 10 janvier 2018, un contrat de maîtrise d »uvre relatif à la réalisation d’un lotissement composé de 8 parcelles et à la construction de 8 habitations individuelles groupées deux par deux par une mitoyenneté sur un terrain à aménager au lieudit « [Localité 5] » à [Localité 7].
La société SHA a émis le 17 avril 2018 une facture d’un montant de 15600€ TTC concernant la mission de permis d’aménager et une facture de 62640€ TTC correspondant à 60% de la mission de construction des 8 logements.
Faute de règlement, la société SHA a, par acte d’huissier du 8 février 2021, fait assigner M. [O] devant le tribunal judiciaire de Rennes en paiement .
Par conclusions d’incident du 22 septembre 2021, M. [O] a soulevé l’irrecevabilité de l’action intentée par la société SHA en raison de sa prescription.
Par ordonnance en date du 12 mai 2022, le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [O] ;
– condamné M. [O] aux dépens de l’incident et à verser à la société SHA la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 25 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises le 6 décembre 2022, M. [O] au visa des articles 122, 123 et 789 du code de procédure civile, L218-2 du code de la consommation, demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– dire et juger irrecevable comme prescrite l’action intentée par la société SHA à son encontre;
– débouter la société SHA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires ;
– condamner la société SHA à lui verser la somme de 2 000 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
M.[O] fait valoir qu’il invoque sur le fond le défaut de personnalité morale de la SCCV de sorte qu’elle n’avait pas d’existence juridique et n’a pu utilement contracté ce qui entraîne la nullité du contrat. Il soutient qu’il n’a jamais été le gérant de la SCCV qui de fait n’a pas été constituée ni immatriculée et que la fonction de gérant ne s’acquiert qu’après l’immatriculation de la société ; qu’en outre, dès lors que le contractant est la société en cours d’immatriculation qui a agi, la personne physique signataire ne peut être tenue des obligations résultant des contrats litigieux.
Il en déduit que, dans la mesure où la demande est présentée à son encontre, il est fondé à opposer sa qualité de consommateur et par suite la prescription de l’action de la société intimée en application de l’article L218-2 du code de la consommation, puisque l’action a été engagée plus de deux ans à compter des factures. Il conteste être un professionnel de l’immobilier et de la construction et rappelle qu’il n’a fait aucune référence à cette qualité dans le contrat litigieux. Il ajoute que la circonstance qu’il ait géré une société APB Services aujourd’hui liquidée qui avait pour objet les activités de plomberie, sanitaire et chauffage n’est pas de nature à permettre de lui attribuer cette qualité, qu’il appartenait au premier juge de démontrer que le contrat litigieux étant en relation avec son activité professionnelle et non avec une activité professionnelle.
Il fait observer que s’il est dirigeant depuis le 21 mars 2020 de la société Menuiseries de Bretagne, cette situation est intervenue postérieurement à la conclusion du contrat litigieux, que les activités immobilières visées dans l’objet de ces sociétés doivent se rattacher à leur objet social, étranger à la promotion immobilière. Il estime qu’il en est de même de la société SCI J-B Concept ayant une activité de location immobilière dont il a été gérant ; que l’activité de promotion n’a jamais été adjointe à aucune de ses activités.
Dans ses dernières conclusions transmises le 24 novembre 2022, la société SHA demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir invoquée par M. [O] et l’a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros à au titre des frais irrépétibles ;
-le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ainsi qu’aux dépens d’appel.
La société soutient que M. [O] ne peut prétendre être un consommateur et se prévaloir du délai de prescription réduit à deux ans alors qu’il a signé le contrat en qualité de gérant de la SCCV COIPHI, dont il a été découvert ultérieurement qu’elle n’avait pas été immatriculée. Elle en déduit que M. [O] est tenu personnellement des engagements pris au nom de la société personne morale qui ne peut invoquer les dispositions du code de la consommation.
Elle fait observer qu’à titre personnel, il ne peut prétendre non plus à la qualité de consommateur alors qu’il est un professionnel de la construction ayant été gérant de plusieurs sociétés dont une SCI dont l’activité est référencée dans la catégorie immobilier ; que de fait l’ensemble de ses activités se rapporte à ce domaine et à la construction, ne serait ce qu’à titre annexe ce que démontre la nature même de l’opération qui était projetée dans le contrat.
L’instruction a été clôturée le 13 décembre 2022.
Motifs :
Le contrat litigieux a été conclu par la société SHA avec une SCCV dénommée COIPHI dont il n’est pas discuté qu’elle n’a jamais été immatriculée et n’a donc pas de personnalité juridique.
M.[O] a signé le contrat en mentionnant une qualité de gérant associé de la SCCV. Sa désignation à cette fonction n’est confirmée par aucune pièce et il précise sans être contredit que la SCCV n’a jamais été constituée . Il ne peut donc être recherché en qualité de gérant d’une société en formation, ni comme associé d’une société civile à l’égard des tiers.
Poursuivi à titre personnel comme signataire du contrat, il invoque la qualité de consommateur.
L’article préliminaire du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 21 février 2017 applicable au litige précise que l’on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et par professionnel, toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
Conformément à l’article L218-2 du code de la consommation, les actions des professionnels pour les biens et services fournis aux consommateurs se prescrivent par deux ans.
En l’espèce, il apparaît que M. [O] a contracté en vue de la réalisation d’une opération de division d’un terrain en 8 lots, destinés chacun à recevoir une maison devant être vendue. Cette opération était évaluée pour les VRD à un coût de160 000/180000 € HT incluant la démolition d’un corps de ferme et de ses annexes, tandis que celui des logements représentait un montant compris entre 1000 et 1100K€. La mission du maître d »uvre comportait une mission ferme relative au permis d’aménager et une mission conditionnelle s’agissant de la construction des maisons. Ce projet d’une ampleur importante caractérise une opération de promotion immobilière de fait et l’action de M. [O] à des fins strictement commerciales.
Elle n’est pas étrangère à l’activité développée par M. [O] dans le cadre de la SARL APB Services, société désormais liquidée, mais qu’il exploitait à la date de signature du contrat litigieux et dont l’objet selon les statuts se rapportait certes à titre principal aux activités de plomberie, sanitaire et chauffage, mais évoquaient plus généralement toutes opérations commerciales, civiles mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement mais aussi indirectement à l’objet social ou à tout objet similaire ou connexe, ce qui est le cas de l’aménagement d’un terrain en vu de la construction de plusieurs maisons.
Il se déduit de ces éléments que M. [O] ne peut se prévaloir de la qualité de consommateur à l’occasion de la signature du contrat et donc opposer à la société SHA le délai d’action de deux ans prévu par l’article L 218-2 du code de la consommation. L’ordonnance qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action est confirmée.
Elle l’est également en ce qui concerne les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de l’incident.
M.[O] sera condamné à verser à la société SHA une somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les dépens d’appel.
Par ces motifs :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [O] à verser à la société SHA une indemnité de 1500€ au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les dépens d’appel.
Le Greffier, Le Président,