Nullité de contrat : 9 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05046

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Nullité de contrat : 9 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05046

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/05046 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N26Z

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 AVRIL 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 16/00485

APPELANTS :

Monsieur [A] [P]

né le 05 Septembre 1965 à EPSOM (ROYAUME-UNI)

de nationalité Britannique

[Adresse 9]

ROYAUME UNI

et

Madame [J] [G]

née le 27 Juin 1965 à LEAMINGTON SPA (ROYAUME-UNI)

de nationalité Britannique

[Adresse 9]

ROYAUME UNI

Représentés par Me Karen FAUQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER

assistés à l’instance par Me Indra BALASSOUPRAMANIANE, avocat au barreau de PARIS substituée sur l’audience par Me Eleonore VOISIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SA SOCIETE GENERALE

S.A. au capital de 1.009.641.917,50 €, ayant pour numéro unique d’identification : 552 120 222 RCS PARIS, dont le siège social est situé [Adresse 4], prise en la personne de sa Direction d’Exploitation Commerciale de PERPIGNAN, représentée par son Directeur domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Murielle MOLINE, avocat au barreau de BEZIERS, substitué sur l’audience par Me Bruno LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL HPA HOLDING anciennement dénommée GROUPE GARRIGAE et dont le nom commercial est PROPRIETE ET CO prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 14]

[Localité 5]

et

SCI LES JARDINS DE [Adresse 15] représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

SCP BENEDETTI-[W] GALLY-DARISCON

[Adresse 7]

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 22 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 DECEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

– contradictoire,

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] sont deux ressortissants britanniques domiciliés à Welwyn ( Royaume Uni).

Au cours de l’année 2007, ils se sont vus proposer d’investir dans le secteur immobilier sur le territoire français dans une résidence de tourisme à construire située à [Localité 16], dans le département de l’Aude.

L’opération immobilière était portée par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et consistait en la construction d’un ensemble immobilier à usage de résidence avec services para-hôtelier destiné à la location.

Cette acquisition permettait de bénéficier des mesures de défiscalisation de la loi Demessine, régime fiscal français instauré par la loi de finances 1999 afin de favoriser les investissements locatifs dans certains territoires ruraux.Selon l’option retenue par les investisseurs, le bien acquis était mis en location par la SARL Groupe Garrigae et ils pouvaient également, sur une période annuelle prédéfinie, jouir eux-même du bien.

Il s’agissait donc d’une acquisition sur le modèle du « lease-back » consistant en l’achat d’un bien immobilier à un promoteur, financé par le paiement des loyers versés par la suite par ce promoteur à qui le bien est donné en bail commercial.

Un contrat de réservation a été signé entre la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et Monsieur [P] et Madame [G] le 23 novembre 2007.

Le 2 janvier 2008, Monsieur [P] et Madame [G] ont donné à bail commercial à la SARL Groupe Garrigae Hôtels & Resorts le bien à acquérir pour une durée de 9 années avec la mention d’un loyer annuel fixé à 14 042 euros TTC, sous condition suspensive de la réalisation de la vente.

Par acte authentique établi le 27 mai 2008 en l’étude notariale de la SCP Alain Benedetti et [T] [W], notaires à [Localité 12], la SCI Les Jardins de [Adresse 15] a conclu une vente en l’état futur d’achèvement avec Monsieur [P] et Madame [G] portant sur une maison d’habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 16] (résidence de tourisme) pour le prix de 326 508 euros TTC.

Les acquéreurs étaient représentés par Madame [R] [M], clerc de notaire à [Localité 12], en vertu d’une procuration établie par acte sous seing privé du 30 avril 2008, suivant acte reçu par Maître [X] [V], notaire public à Hatfield.

L’acquisition était financée au moyen d’un prêt accordé le 27 mai 2008 par la SA Société Générale à hauteur de 295 000 euros et garantie par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Un avenant au bail commercial a ensuite été conclu le 31 janvier 2012 au vu des difficultés rencontrées par la SARL Garrigae Hotel and Resorts, prévoyant une substitution de preneur (la SCI Les Jardins de [Adresse 15]) et une réduction du loyer annuel de 14 042 euros TTC à 8 148,88 euros TTC, outre l’abandon de certains loyers moyennant un budget vacances compensatoire.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SARL Garrigae Hotel and Resorts le 30 janvier 2013, suivie d’un plan de cession totale.

Par actes des 30 mars et 31 mars 2016, Monsieur [P] et Madame [G] ont assigné la SA Société Générale, la SCP Alain Benedetti et [T] [W], la SARL Groupe Garrigae dénommée HPA Holding, la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la société Juniper France Home Finance ( courtier en prêts immobiliers) afin de voir dire et juger que leur consentement à la vente et au prêt conclus le 27 mai 2008 avait été vicié par dol et en conséquence de voir prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de prêt.

Par jugement du 12 avril 2018, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

– déclaré irrecevable pour défaut de publication de l’assignation la demande d’annulation de la vente réalisée par acte authentique du 27 mai 2008 et dit n’y avoir lieu à statuer sur cette demande et ses conséquences ;

– rejeté le moyen tiré de la prescription ;

– dit que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d’un dol dans le cadre de la conclusion du contrat de vente d’immeuble du 27 mai 2008 ;

– dit que n’est pas rapportée la preuve d’un manquement contractuel à l’encontre de la SCI Les Jardins de [Adresse 15], de la société Juniper France Home Finance et de la SARL Groupe Garrigae ;

– dit qu’il n’existe pas de faute établie à l’encontre de la SA Société Générale dans le cadre de son devoir de mise en garde ;

– dit qu’il n’existe pas de faute imputable à la SCP Benedetti Grosjean-Gally- Dariscon ;

– débouté Monsieur [P] et Madame [G] de l’intégralité de leurs demandes,

– déclaré sans objet les demandes subsidiaires de la SA Société Générale ;

– débouté la société Juniper France Home Finance de sa demande de dommages et intérêts ;

– débouté les parties de toutes autres prétentions ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [P] et Madame [G] aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 10 octobre 2018, Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] ont interjeté appel du jugement à l’encontre de la SCP Alain Benedetti et [T] [W], la SARL Groupe Garrigae devenue HPA Holding, la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SA Société Générale.

Vu les conclusions de Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] remises au greffe le 18 novembre 2022 ;

Vu les conclusions de la SARL HPA Holding anciennement dénommée Groupe Garrigae et de la SCI Les jardins de [Adresse 15] remises au greffe le 3 juin 2019;

Vu les conclusions de la SCP Benedetti [W] Gally Dariscon remises au greffe le 18 novembre 2022 ;

Vu les conclusions de la SA Société Générale remises au greffe le 16 novembre 2022 ;

MOTIFS DE L’ARRÊT :

Sur la recevabilité de l’action :

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l’assignation a bien été publiée au Service de Publicité Foncière de [Localité 13] le 30 mai 2016 P n° 4003 et ce, conformément aux dispositions de l’article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

L’action diligentée par Monsieur [P] et Madame [G] est donc recevable, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les demandes formées par et à l’encontre de la société Juniper France Home Finance :

Cette société n’ayant pas été intimée en appel et n’ayant pas interjeté appel du jugement, ce dernier sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande présentée à son encontre et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l’action en nullité de la vente pour dol :

Monsieur [P] et Madame [G] concluent à l’annulation de la vente conclue le 27 mai 2008 pour dol ainsi que l’annulation subséquente du prêt immobilier contracté pour cette acquisition.

En conséquence de la nullité du contrat de vente conclu avec la SCI Les jardins de [Adresse 15], ils demandent à la cour d’ordonner la restitution du bien immobilier au vendeur, la SCI Les Jardins de [Adresse 15], ainsi que la restitution corrélative des fonds perçus par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] à la Société Générale, outre la mainlevée de toutes les inscriptions de privilèges et hypothèques intervenues à la suite de l’acte de vente du 27 mai 2008, aux frais exclusifs des défendeurs supportés in solidum .

Ils sollicitent également la condamnation in solidum de la SCI Les jardins de [Adresse 15], de la SARL HPA Holding, de la SCP Benedetti-[W] et de la SA Société Générale à les indemniser de l’intégralité de leur préjudice spécial non couvert par les restitutions :

‘ 31 508 euros en restitution de leur apport personnel avec intérêts au taux légal à partir du 27 mai 2008 ;

‘ 280 840 euros de gain manqué correspondant à la perte de loyer;

‘ 35 475,38 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, assorti de l’intérêt aux taux légal à compter du 27 mai 2008 ;

‘ 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

A titre infiniment subsidiaire, Monsieur [P] et Madame [G] soulèvent la faute contractuelle de la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la société HPA Holding et la faute délictuelle du notaire et de l’établissement bancaire pour manquement à leur obligation d’information et de conseil.

La SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL Groupe Garrigae, désormais dénommée HPA Holding concluent à la confirmation du jugement.

La SARL HPA Holding sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir qu’elle n’a signé ni l’acte de vente, ni le bail.

La SCI Les Jardins de [Adresse 15] soutient que Monsieur [P] et Madame [G] ne démontrent l’existence d’aucune man’uvre ni intention dolosive. Elle soutient n’avoir commis aucune faute en vendant un bien en état futur d’achèvement qui a été achevé et livré. Selon elle, aucun document contractuel ne garantissait la rentabilité locative de l’opération et les difficultés d’exécution d’un bail commercial constituaient un risque prévisible lors de la signature du contrat. Elle considère que l’élément essentiel du contrat était l’avantage fiscal et la jouissance des lieux à titre gratuit sur certaines périodes et non la garantie des loyers.

La SCI Les Jardins de [Adresse 15] sollicite donc le rejet de la demande en réparation des divers préjudices, notamment celui résultant de la perte de loyers. Elle soutient qu’elle ne peut être tenue en tant que vendeur à garantir le paiement des loyers, que le défaut de paiement était un risque prévisible lors de la signature du bail qui pouvait être couvert par une assurance de garantie des loyers impayés non souscrite par Monsieur [P] et Madame [G].

Enfin, la Société Générale conteste toute manoeuvre dolosive de sa part, faisant notamment valoir qu’elle n’ait aucun rôle actif dans le choix de l’investissement, l’opération immobilière ayant été conclue avant l’obtention du prêt.

Elle rappelle également que le devoir de conseil de la banque a disparu au profit du devoir de mise en garde.

Sur la demande de mise hors de cause de la société HPA Holding :

Il ressort de l’examen des documents versés aux débats :

‘ que la documentation commerciale est établie sous la double référence en haut de page «’Les Jardins de Saint-Benoît – Vineyard Estate & Spa » et en bas de page «’Garrigae Investissements’» comportant le numéro d’immatriculation de la SARL HPA Holding au RCS 447 690 660 et l’adresse de cette même société [Adresse 2]’;

‘ que l’acte de réservation conclu le 23 novembre 2007 entre Monsieur [P] et Madame [G] et la SCI Les Jardins de Saint-Benoît représentée par son gérant la société Garrigae Développement, devenue SARL HPA Holding, comporte le même logo en bas de page «’Garrigae Investissements’» que celui figurant sur le document commercial précité’;

‘ que l’acte de bail commercial a été signé le 2 janvier 2008 avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts représentée par son gérant Monsieur [E] [Z] ;

‘ que la vente de l’immeuble a été conclue par la SCI Les Jardins de Saint-Benoît domiciliée [Adresse 2], représentée par la SARL Garrigae Développement devenue SARL HPA Holding et la vente du mobilier par la société Garrigae Hotels & Resorts représentée par Monsieur [E] [Z]’;

‘ que l’avenant au bail commercial du 31 janvier 2012 a été conclu entre Monsieur [P] et Madame [G], la SARL Les Jardins de [Adresse 15] représentée par son gérant Monsieur [E] [Z] et la SAS Garrigae Hotels & Resorts représentée par la société Groupe Garrigae, elle-même représentée par son gérant, Monsieur [E] [Z].

La SARL HPA Holding (anciennement dénommée SARL Garrigae Développement) intervenant comme holding du groupe Garrigae n’a signé l’acte de réservation du 23 novembre 2007 et l’avenant au bail du 31 janvier 2012 avec les acquéreurs qu’en qualité de gérante représentant la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la SAS Garrigae Hotels & Resorts, et non en qualité de cocontractant direct.

Mais la cour relève que la plaquette publicitaire, détaillant le projet d’investissement et la garantie des loyers, est établie sous le logo de la SARL HPA Holding accompagné de son propre numéro d’immatriculation au RCS 447 690 660 et non de celui de la SCI Les Jardins de [Adresse 15].

Il en résulte qu’en sa qualité de rédacteur de la plaquette publicitaire remise directement aux investisseurs, dans laquelle elle est identifiée sous son numéro RCS, la SARL HPA Holding a contrôlé directement le contenu de ce document et qu’elle en a ensuite fait le plus large usage pour promouvoir le programme d’investissement «’Les Jardins de [Adresse 15] » et procéder à la commercialisation des lots auprès des particuliers investisseurs.

Elle est donc intervenue en qualité de gérante de la société venderesse mais aussi comme représentante indépendante assurant la promotion du projet et agissant pour le compte de la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la SARL Garrigae Hotels & Resorts qui devait ensuite assurer l’exploitation du complexe immobilier.

La SARL HPA Holding doit donc répondre d’éventuels agissements de dol aux côtés de la SCI Les Jardins de [Adresse 15].

Sur le dol de la SCI Les jardins de [Adresse 15] et de la SARL HPA Holding:

En application de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter.

Il ne peut être invoqué que dans le cas où les man’uvres émanent de l’une des parties contractantes ou de leur représentant ou gérant d’affaire.

Les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant.

En l’espèce, la plaquette de commercialisation rédigée en anglais et comportant l’en-tête «’Les jardins de St Benoît – Vineyard Estate & Spa » avec le logo « Garrigae Investissements » et le numéro RCS 447’690’660 a présenté ce projet immobilier à [Localité 16] comme un investissement dans une résidence de tourisme située dans une région décrite «’comme la plus dynamique en France’». Elle précise que «’le Languedoc connaît une rapide croissance dans le tourisme international’» et que la résidence sera gérée par une société dirigée par l’ancien «’directeur commercial du Club Méditerranée et PDG du Club Med Australie et USA’».

Il a ainsi été proposé à Monsieur [P] et Madame [G] différentes modalités d’investissement dans l’achat d’un bien immobilier en état futur d’achèvement avec quatre différentes «’options de leaseback’», dont celle appelée « pure invest » qui garantit un «’rendement financier net de 4,5%’» obtenue par la conclusion d’un bail commercial.

Cette plaquette commerciale vante «’une variété d’option offrant une garantie de rentabilité locative et des options fiscales attractives en cas de non utilisation’». Le document précise «’le gouvernement français accepte de rembourser la TVA à l’achat, ce qui représente une remise effective de 19,6%’».

Ce document met en exergue que «’le propriétaire a l’avantage de bénéficier d’un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien. Le revenu garanti est de l’ordre de 2.5% à 4,5% par an »».

Le bail signé par Monsieur [P] et Madame [G] le 2 janvier 2008 avant la signature de l’acte authentique de vente du 27 mai 2008 stipule un loyer annuel de 14 042 euros TTC.

Il ressort de ces documents que contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding, l’élément essentiel qui a permis de convaincre les acquéreurs est la certitude d’un rendement financier garanti tel qu’il était présenté dans la documentation commerciale de l’investissement immobilier, et non la seule économie fiscale consistant en la récupération de TVA du fait de l’activité de location en meublé touristique.

Non seulement la documentation commerciale «’Les jardins de St Benoît – Vineyard Estate & Spa » mentionne dans son dernier paragraphe « résumé et points clés » que cette opération constitue une « opportunité unique d’acquérir une belle maison de vacances dans un complexe de luxe entièrement géré avec un revenu locatif garanti disponible » mais encore la mention expresse de’« revenu garanti’sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien » située dans le corps du texte achève de tromper l’investisseur étranger sur la réalité de la garantie promise.

A la lecture de ces documents commerciaux et du bail signé dès la réservation avec la garantie apportée d’un rendement net de 4,50% par an, Monsieur [P] et Madame [G] pouvaient légitiment croire à une véritable garantie de paiement de ces loyers et non à la garantie d’une seule rentabilité théorique.

En leur présentant un revenu et une rentabilité garantis, «’sans les ennuis et les incertitudes de la location’» tant sur la durée que dans son montant, les sociétés intimées ont induit Monsieur [P] et Madame [G] en erreur et les ont déterminé à acheter le bien immobilier litigieux.

Monsieur [P] et Madame [G] n’auraient pas acheté ce bien à ce prix et dans ces conditions s’il n’avaient pas été assurés de cette garantie de paiement des loyers. La seule défiscalisation, bien qu’elle ait pu contribuer à leur décision, était insuffisante à elle seule au regard des risques importants inhérents à une opération réalisée à l’étranger portant sur une maison d’habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 16], lieu inconnu pour eux et au prix de 326 508 euros TTC.

En vendant à un investisseur étranger, éloigné géographiquement, une maison en VEFA louée en meublé dans une résidence para-hôtelière, située dans un secteur éloigné des sites touristiques réellement attractifs, le promoteur en sa qualité de vendeur professionnel devait informer son acquéreur, qui est un simple consommateur, de ce que la garantie annoncée concernait exclusivement la conclusion d’un bail commercial et non la perception effective des loyers.

Il devait également l’avertir des risques éventuels d’impayés ou de révision à la baisse des loyers en cas de conjoncture défavorable et de la nécessité de couverture du risque par une assurance des loyers impayés si elle était possible, s’agissant d’une location commerciale.

La volonté de tromper l’acquéreur est d’autant plus établie qu’au même moment, la SARL Garrigae Investissement justifiait par courrier du 27 octobre 2008 le licenciement économique de leur salariée responsable juridique Madame [O] par les difficultés que le groupe rencontrait ou craignait de rencontrer, du fait de la crise financière et des problèmes de commercialisation de leurs programmes, qui ont entraîné, directement ou indirectement, le défaut de paiement des loyers du second semestre 2011, après seulement deux années d’exploitation.

Le promoteur n’a donc pas donné une information loyale sur les risques réels de l’opération immobilière aux acquéreurs lors de la signature de l’acte sous seing privé du 23 novembre 2007 et de l’acte authentique du 27 mai 2008. Cette dissimulation des risques encourus a déterminé Monsieur [P] et Madame [G] à contracter et les a conduit à acheter le bien immobilier avec la croyance erronée qu’ils disposeraient d’un loyer garanti à hauteur de 14 042 euros TTC par an.

Contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding, le montage de l’opération n’a pas été clairement expliqué aux acquéreurs quant à la nature exacte de la garantie des loyers mise en exergue par le promoteur.

Cette garantie constituait un élément déterminant de l’opération, la conclusion du bail commercial avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts constituant une obligation essentielle du contrat mentionnée dans le contrat de réservation, sans disponibilité du bien, qui se situait dans la résidence para-hôtelière du groupe et ne pouvait pas être géré seul.

Cette attitude du promoteur est à l’origine de l’erreur de Monsieur [P] et Madame [G], erreur toujours excusable en matière de dol, sur la garantie des loyers permettant de financer l’opération.

En l’espèce, le dol résulte des argumentaires commerciaux précis et détaillés s’appuyant sur des documents à caractère contractuel qui ont servi de base à l’établissement des actes préalables à l’acte de vente et de l’acte de vente lui-même.

Il se déduit des précédents développements que la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding ont sciemment provoqué l’erreur de Monsieur [P] et Madame [G] sur la garantie des loyers annoncée et commis un dol.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité pour dol de l’acte authentique reçu le 27 mai 2008 par Me [T] [W] aux termes duquel la SCI Les Jardins de [Adresse 15], ayant pour représentant légal la SARL Garrigae Développement, a vendu en état futur d’achèvement à Monsieur [P] et Madame [G] une maison d’habitation située à [Adresse 17] au prix de 326 508 euros TTC.

Sur les conséquences de l’annulation de la vente :

La nullité de la vente a pour conséquence l’anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la passation du contrat.

* Sur les restitutions à opérer :

En conséquence de l’annulation de la vente :

‘ La SCI Les Jardins de [Adresse 15] devra restituer à Monsieur [P] et Madame [G] le prix de la vente de 326 508 euros TTC et non directement à la banque comme le sollicitent ces derniers, s’agissant de l’annulation de conventions distinctes;

‘ Monsieur [P] et Madame [G] devront restituer à la SCI Les Jardins de [Adresse 15] la maison lot n°4 type P3 de 66,26 m² de ce programme construite sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 16] (11).

La SCI Les Jardins de [Adresse 15] ne demande pas la restitution des fruits perçus par Monsieur [P] et Madame [G] qui conservent donc la totalité des loyers perçus depuis l’acquisition de l’immeuble.

En application de l’article 1153 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016 applicable en l’espèce, il convient d’assortir la créance de restitution du prix par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] de l’intérêt au taux légal à compter de la date de la demande en justice formée le 30 mars 2016.

* Sur les dommages-intérêts demandés par Monsieur [P] et Madame [G] :

En application de l’article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Les acquéreurs, parties au contrat de vente annulé, sont de bonne foi et sont donc fondés à demander la condamnation des autres parties fautives à réparer le préjudice subi en raison de la conclusion du contrat annulé.

– sur la restitution de la somme de 31 508 euros :

Monsieur [P] et Madame [G] sollicitent la restitution de la somme de 31 580 euros représentant le montant de leur apport personnel pour le paiement du prix de l’immeuble.

Cette somme est englobée dans le prix de 326 508 euros TTC dont le présent arrêt ordonne la restitution totale à l’acquéreur par la SCI Les Jardins de [Adresse 15].

Cette demande de restitution supplémentaire de 31 508 euros formée par les acquéreurs ne correspond à aucun préjudice subi et ne peut donc qu’être rejetée.

– sur la perte de loyers :

Monsieur [P] et Madame [G] sollicitent l’octroi de dommages-intérêts à hauteur de 280 840 euros représentant la totalité des loyers qu’ils espéraient percevoir durant vingt années (14 042 euros x 20 ans).

N’étant plus propriétaires de l’immeuble du fait de l’anéantissement rétroactif de la vente, ils n’ont plus vocation à revendiquer la perception de loyers issus de la location de cet immeuble, étant relevé qu’ils ont perçu des loyers depuis leur acquisition, même si la rentabilité locative n’était pas celle qu’ils espéraient.

Par ailleurs, si la SCI Les jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding avaient donné à Monsieur [P] et Madame [G] des informations complètes et précises sur l’absence de garantie des loyers du bien immobilier vendu comme un produit défiscalisé et sur l’aléa concernant la commercialisation de la résidence de tourisme, ces derniers n’auraient pas contracté aux mêmes conditions.

Le préjudice né du dol de la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la SARL HPA Holding ne peut donc consister qu’en une perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses.

Or, Monsieur [P] et Madame [G] demandent le règlement de la somme de 280 840 euros correspondant à la perte du préjudice direct de loyers et ne présentent aucune demande, même subsidiaire, au titre de la perte de chance.

En conséquence, Monsieur [P] et Madame [G] seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts de 280 840 euros au titre du gain manqué correspondant à la perte de loyers.

*sur les frais de notaire :

Monsieur [P] et Madame [G] soutiennent avoir supporté en pure perte 14 164,52 euros de frais de notaire.

Au soutien de leur demande, ils produisent le décompte notarié dont il ressort qu’il ont effectivement supporté en pure perte cette somme.

Cette somme est définitivement perdue par les acquéreurs qui sont donc fondés à en solliciter le paiement par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding à titre de dommages-intérêts.

*sur les autres frais,

Monsieur [P] et Madame [G] soutiennent avoir supporté en pure perte 8 946 euros TTC de frais de mobilier. Ils sollicitent également le remboursement de taxes foncières et de frais d’agence immobilière liées à la propriété de l’immeuble pour un montant total de 12 364 euros supporté entre 2009 et 2016.

Il convient en premier lieu de rappeler que dans la mesure où Monsieur [P] et Madame [G] sont de bonne foi, ils sont dispensés de restituer les fruits à leur vendeur suite à l’anéantissement du contrat de vente.

Les fruits de l’immeuble s’entendent de tous les loyers de l’immeuble perçus par Monsieur [P] et Madame [G] dont il convient de déduire les charges qui se déduisent des loyers bruts pour obtenir le revenu foncier net.

Les frais de 12 364 euros dont Monsieur [P] et Madame [G] demandent le paiement ne constituent donc pas un chef de préjudice mais s’analysent en de simples charges à déduire de leurs revenus fonciers bruts. En effet, pendant la période de possession de l’immeuble, ils ont bénéficié d’un revenu foncier net substantiel en dépit du fait que ce gain ait été inférieur aux promesses du promoteur.

Les appelants sont en outre demeurés propriétaires des meubles achetés et ne démontrent pas avoir subi un préjudice du fait de l’acquisition de ces meubles.

Par ailleurs, ces frais d’ameublement ont été largement amortis, ces amortissements constituant une charge d’exploitation qui se déduit également des loyers bruts perçus avant d’obtenir le revenu foncier net.

Il n’est donc pas davantage démontré que l’acquisition des meubles à hauteur de 8 946 euros a généré un quelconque dommage à indemniser à hauteur de cette somme ou d’un montant inférieur.

Il résulte de ces développements que les demandes d’indemnisation à hauteur de 8 946 euros et de 12 364 euros formées par Monsieur [P] et Madame [G] ne peuvent qu’être rejetées.

Sur le préjudice moral :

La faute de la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la SARL HPA Holding a occasionné un préjudice moral à Monsieur [P] et Madame [G] qui ont dû engager une longue procédure judiciaire en France et en subir les tracasseries inhérentes.

Il leur sera donc alloué une indemnité de 5’000 euros en réparation de ce préjudice moral, aucun justificatif ni démonstration n’étant par ailleurs produit à l’appui de leur demande formée à hauteur de 50 000 euros.

Sur les demandes afférentes au prêt accordé par la SA BNP Paribas Personal Finance :

Pour assurer le financement de leur investissement, Monsieur [P] et Madame [G] ont contracté par acte authentique du 27 mai 2008 auprès de la SA Société Générale un prêt d’un montant de 295 000 euros en principal garanti par hypothèque conventionnelle.

Sur le dol reproché à la SA Société Générale :

Monsieur [P] et Madame [G] soutiennent que la banque a commis un dol dans le cadre de la conclusion du prêt car « elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel du crédit immobilier, le caractère mensonger de l’opération telle que présentée dans les documents remis aux acquéreurs pour les déterminer dans leur consentement.»

La SA Société Générale fait valoir qu’elle n’a commis aucune manoeuvre dolosive et qu’elle n’a pas participé au montage et à la commercialisation du bien immobilier objet du litige. Elle soutient avoir parfaitement exécuté son obligation de mise en garde sans qu’il lui incombe d’apprécier l’opportunité économique de l’investissement ni de conseiller son client à ce sujet.

En l’espèce, les appelants n’apportent la preuve ni de la participation de la SA Société Générale à la commercialisation de l’opération financée, ni de l’existence de liens d’affaire entre la banque et le promoteur.

Les documents commerciaux «’Les Jardins de [Adresse 15]’» se limitent à inciter les investisseurs à assurer leur financement par l’intermédiaire d’établissements bancaires français en raison des taux d’intérêts plus bas.

Aucun élément versé au dossier n’établit que la SA Société Générale a participé à la vente du bien immobilier litigieux auprès des consorts [P]- [G], opération au cours de laquelle elle aurait pu se livrer à des manoeuvres dolosives.

La SA Société Générale est intervenue en qualité exclusive de prêteur de deniers d’un investissement locatif, et ce postérieurement à la conclusion du contrat de réservation et du contrat de bail commercial, sans que l’existence d’aucun lien ne soit démontré entre elle et le promoteur.

Par ailleurs, il n’est établi aucun manquement par la SA Société Générale à son obligation de renseignement et de conseil susceptible de constituer un dol lors de la conclusion du contrat de prêt, le jugement étant confrmé de ce chef.

En conséquence, la demande d’annulation du prêt immobilier pour dol de la SA Société Générale formée par Monsieur [P] et Madame [G] sera rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle pour faute de la banque:

En application de l’article 2224 du code civil, la prescription quinquennale de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation précontractuelle de mise en garde et de conseil exercée par les consorts [P]-[G] à l’encontre de la banque court à partir du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.

En l’espèce, Monsieur [P] et Madame [G] ont eu connaissance de la défaillance de la société locataire commerciale de son immeuble au début de l’année 2012 lorsqu’ils ont été informés des difficultés financières de la SARL Garrigae Hotels & Resorts et de la nécessité d’abandonner les loyers du deuxième semestre 2011 et de diminuer le montant des loyers à partir du 1er janvier 2012.

L’action en responsabilité ayant été engagée contre la SA Société Générale par les consorts [P]-[G] le 31 mars 2016, cette action n’est pas prescrite.

D’autre part, Monsieur [P] et Madame [G] ne démontrent pas que la banque leur a proposé un produit inadapté à leur situation personnelle et à leur capacités financières de remboursement.

Contrairement à ce qu’ils soutiennent, la SA Société Générale ne disposait d’aucune information sur les risques particuliers de cet investissement immobilier et il ne lui incombait pas de procéder à un audit financier du projet de son client ni de le conseiller sur l’opportunité économique de l’opération envisagée.

En l’absence de faute démontrée sur le fondement de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la responsabilité de la SA Société Générale ne peut pas être recherchée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Monsieur [P] et Madame [G] seront donc déboutés de leur demande de condamnation in solidum de la SA Société Générale à supporter le préjudice spécial réclamé.

Sur l’annulation du prêt immobilier :

Le prix de vente de 326 508 euros TTC a été payé par les consorts William-[G] à la SCI Les Jardins de [Adresse 15] au moyen d’un prêt bancaire accordé par la SA Société Génrale à hauteur de 295 000 euros.

En application de l’article L.312-12 du code de la consommation devenu L.313-36 du même code, l’offre de prêt est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.

En raison de l’effet rétroactif de l’annulation du contrat de vente, le contrat de prêt est censé n’avoir pas été conclu dans le délai fixé par la loi, de sorte que le prêt souscrit pour assurer le financement de l’opération se trouve lui-même annulé de plein droit.

Sur les restitutions consécutives à l’annulation du prêt :

L’annulation du prêt immobilier oblige à une restitution corrélative des sommes versées entre les parties :

‘ Monsieur [P] et Madame [G] devront restituer à la SA Société Générale le montant du capital emprunté de 295 000 euros;

‘ La SA Société Générale devra restituer aux consorts [P]-[G] la totalité des sommes encaissées en capital, intérêts contractuels et frais depuis le début du contrat de prêt.

En application de l’article 1378 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, les parties de bonne foi sont tenues de restituer les sommes perçues assorties de l’intérêt légal à compter seulement de la date de demande en justice du 30 mars 2016.

La cour ordonne la compensation judiciaire des sommes que se doivent réciproquement Monsieur [P] et Madame [G] et la SA Société Générale.

Enfin, la demande de mainlevée de l’hypothèque formée par les consorts [P]-[G] sera rejetée dans la mesure où cette hypothèque conventionnelle subsiste, malgré l’annulation du prêt dont elle est l’accessoire, tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion du contrat de prêt annulé.

Sur les demandes indemnitaires formées par la SA Société Générale contre les auteurs du dol :

Le dol commis par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et par la SARL HPA Holding est la cause directe de l’annulation du prêt consenti par la Société Générale à Monsieur [P] et Madame [G].

Du fait de cette annulation du prêt imputable à la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et à la SARL HPA Holding, l’établissement bancaire prêteur est fondé à solliciter sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil l’indemnisation de son préjudice.

En l’espèce, la banque sollicite la condamnation des parties coupables de manoeuvres dolosives à lui payer une somme équivalente aux frais de dossier restitués, soit 900 euros , les frais de courtier à hauteur de 1 595 euros ainsi qu’ une somme de 234 692,96 euros au titre des intérêts échus et à échoir.

S’agissant d’une part des intérêts restitués et des intérêts à échoir, il est constant qu’à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir.

La faute commise par la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et de la SARL HPA Holding est la causalité directe de cette perte de chance qu’il convient de fixer, eu égard à la possibilité de remboursement anticipée prévue au contrat, à 80 % de la totalité des intérêts réclamés, soit la somme de 187 754,36 euros, étant précisé que la banque n’a pas distingué dans ses demandes le montant des intérêts échus et celui des intérêts à échoir.

Par conséquent, la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding seront condamnées in solidum à payer à la SA Société Générale la somme de 900 euros au titre des frais de dossiers restitués, la somme de 1 595 euros au titre des frais de courtier ainsi que la somme de 187 754,36 euros au titre des intérêts échus et à échoir.

Sur la responsabilité de la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon :

Monsieur [P] et Madame [G] soutiennent que la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon a engagé sa responsabilité civile professionnelle en ne les informant pas des risques inhérents aux actes de son ministère. Ils demandent sa condamnation in solidum avec les autres intimés à l’indemniser de tous leurs chefs de préjudice non couverts par les restitutions.

La SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon sollicite la confirmation du jugement. Elle conclut que le notaire n’a commis aucune faute et que l’appelant ne justifie pas d’un préjudice en lien de causalité directe avec la prétendue faute.

En application de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Les obligations du notaire tendant à assurer l’efficacité d’un acte instrumenté par lui et constituant le prolongement de sa mission de rédacteur d’acte relèvent aussi de sa responsabilité délictuelle.

Le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l’acte auquel il prête son concours y compris quant à ses incidences fiscales. Le notaire doit le cas échéant déconseiller aux parties de s’engager, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d’un conseiller à leur côté ne le dispensent de ce devoir de conseil.

Le contrat de réservation signé le 23 novembre 2007 prévoit que l’Office Notarial du Palais représenté par Me [T] [W] devra recevoir l’acte authentique de vente et que le dépôt de garantie de 7 056 euros TTC sera réglé par virement sur le compte de la SCP Alain Benedetti et [T] [W] ouvert à la trésorerie générale de [Localité 12].

La plaquette publicitaire mentionnait également que la SCP Benedetti [W] était le notaire chargé de recevoir les actes authentiques de vente en état futur d’achèvement.

L’acte de vente reçu le 27 mai 2008 par la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon stipule notamment :

‘ que l’acquéreur est représenté à l’acte par Madame [R] [M], clerc de notaire, en vertu de la procuration établie le 30 avril 2008 ;

‘ que l’immeuble vendu se trouve au stade d’avancement « ouverture du chantier » ;

‘ que la banque SA Calyon domiciliée [Adresse 1] a garanti l’achèvement de l’immeuble conformément à l’article R.261-17 du code de la construction et de l’habitation ;

‘ que le remboursement de la TVA à hauteur de 16,39% du prix TTC, conséquence de la location commerciale consentie, sera affecté au paiement des trois derniers stades d’avancement des travaux.

Il n’est pas contesté par les consorts [P]-[G] que la construction a été achevée, que le contrat de vente en état futur d’achèvement a été entièrement exécuté, que l’avantage fiscal concernant la TVA a été appliqué et que le notaire a fait figurer dans son acte toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre des avantages fiscaux liés à l’opération.

Si l’acte précise que le vendeur déclare donner son accord à l’acquéreur pour la conclusion de tout contrat de location au profit de la SARL Garrigae Hotels & Resorts et rappelle l’obligation pour l’acquéreur d’assujettir les loyers à TVA pour bénéficier de la récupération de cette taxe, il n’est nullement démontré que le contrat de réservation signé le 23 novembre 2007 et le contrat de bail commercial signé le 2 janvier 2008 ont été rédigés par le notaire alors que l’acte authentique de vente est intervenu plus tard le 27 mai 2008.

Le seul fait que les coordonnées du notaire chargé de l’établissement des actes notariés soit mentionnées sur la plaquette commerciale et sur l’acte de réservation avec versement du dépôt de garantie sur le compte séquestre de l’étude notariale conformément à la loi ne suffit pas à démontrer, contrairement à ce que soutiennent Monsieur [P] et Madame [G], que le notaire est intervenu lors des phases de négociation et de signature de l’avant-contrat, ni qu’il était informé de la garantie de loyers annoncée dans les documents publicitaires diffusés pour la commercialisation auprès d’une clientèle étrangère.

Aucun élément ne démontre donc que le notaire est intervenu durant la phase pré-contractuelle.

En particulier, Monsieur [P] et Madame [G] ne sont pas fondés à lui reprocher d’avoir omis de l’informer :

‘ de l’absence de garantie des loyers annoncée dans la plaquette publicitaire, dans la mesure où ces éléments n’ont pas été portés à la connaissance du notaire et que ces éléments n’étaient pas nécessaires à l’établissement de l’acte authentique ;

‘ des risques inhérents au bail commercial auquel le notaire était étranger, ces actes n’étant pas annexés à l’acte authentique ;

‘ de l’insolvabilité future du preneur, dont il n’est pas démontré que le notaire pouvait en avoir connaissance le jour de la signature de l’acte ni même soupçonner un tel risque alors qu’en octobre 2008 l’essentiel des logements construits lors de cette opération de promotion immobilière avaient déjà été vendues pour un montant évalué à plus de 50 millions d’euros par les appelants ;

‘ d’un conseil concernant l’équilibre financier et l’opportunité économique de l’opération immobilière à défaut de mission particulière confiée sur ce point et en l’absence d’éléments financiers d’appréciation non remis par les parties à l’acte et qu’il n’avait pas à rechercher d’office dans le cadre de sa stricte mission de notaire rédacteur d’acte.

Monsieur [P] et Madame [G] n’apportent donc pas la preuve d’une quelconque faute délictuelle commise par la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon.

En conséquence, leurs demandes dirigées contre le notaire seront rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la prescription, dit qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un manquement contractuel à l’encontre de la société Juniper France Home Finance et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, dit qu’il n’existe pas de faute établie à l’encontre de la Société Générale et de la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon;

Statuant à nouveau’sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable l’action diligentée par Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] ;

Prononce la nullité du contrat de vente en état futur d’achèvement conclu entre la SCI Les jardins de [Adresse 15] et Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] portant sur la maison formant le lot n°4 du programme immobilier Les Jardins de [Adresse 15] construite sur la parcelle cadastrée lieudit [Adresse 15] section [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 16] (11), contrat reçu en la forme authentique le 27 mai 2008 par Me [T] [W], notaire associé de la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon pour dol ;

Condamne la SCI Les Jardins de [Adresse 15] à restituer à Monsieur [A] [P] et à Madame [J] [G] la somme de 326 508 euros TTC assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 30 mars 2016 ;

Dit que lorsque le prix leur aura été effectivement restitué, Monsieur [P] et Madame [G] seront tenus de restituer à la SCI Les Jardins de [Adresse 15] le bien immobilier objet de la vente du 27 mai 2008 annulée ;

Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding à payer à Monsieur [A] [P] et à Madame [J] [G] les sommes suivantes :

‘ 14 164,52 euros au titre des frais de notaire ;

‘ 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral’;

Déboute Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] de leurs demandes de restitution de leur apport personnel à hauteur de 31 508 euros et de dommages et intérêts d’un montant de 280 840 euros au titre du gain manqué correspondant à la perte de loyers ;

Rejette les demandes d’indemnisation à hauteur de 8 946 euros (mobilier) et de 12 364,86 euros (charges) formées par Monsieur [P] et Madame [G] ;

Prononce l’annulation du contrat de prêt conclu entre la SA Société Générale et Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] pour un montant de 295 000 euros par acte authentique reçu le 27 mai 2008 par Me [T] [W], notaire associé de la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon ;

Dit que Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] seront tenus de restituer la somme empruntée de 295 000 euros à la SA Société Générale assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 30 mars 2016 ;

Dit que la SA Société Générale sera tenue de restituer à Monsieur [A] [P] et à Madame [J] [G] les sommes encaissées en capital, intérêts et frais qu’elle a perçues assorties de l’intérêt au taux légal à compter du 30 mars 2016 ;

Ordonne la compensation des sommes que se doivent réciproquement Monsieur [P] et Madame [G] et la SA Société Générale ;

Rejette la demande de mainlevée de la garantie hypothécaire inscrite sur le bien objet du litige ;

Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding à payer à la SA Société Générale la somme de 900 euros au titre des frais de dossiers restitués, la somme de 1 595 euros au titre des frais de courtier et la somme de 187 754,36 euros au titre des intérêts échus et à échoir ;

Condamne in solidum la SCI Les jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, sauf ceux avancés par la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon et par la SA Société Générale qui seront mis à la charge de Monsieur [P] et Madame [G];

Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Adresse 15] et la SARL HPA Holding à payer à Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en première instance et en cause d’appel’;

Condamne Monsieur [A] [P] et Madame [J] [G] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en première instance et en cause d’appel :

– 2 000 euros à la SCP Benedetti-[W]-Gally-Dariscon ;

– 2 000 euros à la SA Société Générale ;

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Dit que le présent arrêt sera transmis à la diligence du greffe à la direction départementales des finances publiques de l’Aude en application des dispositions de l’article L.101 du livre des procédures fiscales ;

Dit que le présent arrêt sera publié au service de la publicité foncière du lieu de situation de l’immeuble à la diligence de Monsieur [P] et Madame [G].

Le greffier, Le président,

 


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