Nullité de contrat : 8 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00489

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Nullité de contrat : 8 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00489

Arrêt N°23/

SP

R.G : N° RG 21/00489 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQTV

S.A.R.L. HELIBLUE

C/

[J]

S.A.R.L. AIR ASSISTANCE

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 08 MARS 2023

Chambre commerciale

Appel d’un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS (REUNION) en date du 29 JANVIER 2021 suivant déclaration d’appel en date du 18 MARS 2021 rg n°: 2019J02755

APPELANTE :

S.A.R.L. HELIBLUE

[Adresse 1]

[Localité 3] (REUNION)

Représentant : Me Olivier HAMEROUX de la SELAS FIDAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 9]

[Localité 5] / Madagascar

Représentant : Me Xavier BELLIARD de l’AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Me Miandra RATRIMOARIVONY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. AIR ASSISTANCE

[Adresse 8]

[Localité 5] / Madagascar

Représentant : Me Xavier BELLIARD de l’AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Me Miandra RATRIMOARIVONY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 novembre 2022 devant la cour composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, la présidente a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 1er février 2023 prorogé par avis au 08 mars 2023.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  08 mars 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * * * *

LA COUR

Par acte sous signature privée du 4 décembre 2006, la SARL Héliblue a loué à la société de droit Malgache Air Assistance et M. [K] [J] un hélicoptère BELL 206 BII immatriculé [Immatriculation 6] pour une durée d’une année à compter du premier vol, renouvelable par tacite reconduction. Le barème des redevances était fixé à l’article 16 du contrat avec un minimum de 60.000 euros par an.

Après courrier de mise en demeure visant des manquements aux obligations contractuelles, resté sans effet, la société Héliblue a, par courrier recommandé du 11 juin 2018 reçu le 15 juin 2018, prononcé la résiliation du contrat.

Par acte d’huissier en date du 26 avril 2019, la société Héliblue a fait assigner la société Air Assistance et, M. [J] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation solidaire à lui payer les sommes de 240.000 euros au titre des loyers arrêtés au 31 décembre 2018 et 5.0000 euros par mois jusqu’à complète restitution de l’appareil, de donner injonction à la société Air Assistance et M. [K] [J] de convoyer à leur frais l’appareil à son adresse après réalisation de la visite technique annuelle et muni de son certificat de navigabilité export délivré par les autorités de l’aviation civile malgaches, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant notification du jugement, ainsi que l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.800 euros, et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

La société Air Assistance et M. [J] ont soulevé l’incompétence de la juridiction, l’irrecevabilité de l’assignation et, en tout état de cause, ont conclu au débouté des prétentions formées à l’encontre de M. [K] [J] et sollicité une indemnité procédurale de 5.000 euros.

Dans ses dernières conclusions, la société Héliblue a maintenu ses demandes et sollicité, en outre, l’annulation de la dissolution de la société Air Assistance ayant permis sa radiation du RCS le 1er octobre 2016, sauf à dire cette dissolution inopposable.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 29 janvier 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion :

-a déclaré irrecevable l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la société Air Assistance en l’absence de représentant légal

-a déclaré inopposable à M. [J] la clause attributive de compétence

-s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de M. [J], domicilié à Madagascar

-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

-a condamné la société Héliblue à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-a condamné la société Héliblue aux entiers dépens de l’instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxés et liquidés à la somme de 81.07 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s’il y a lieu.

Par déclaration au greffe en date du 18 mars 2021, la SARL Héliblue a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 24 mars 2021, le premier président de la cour d’appel a accordé à la société Héliblue la fixation prioritaire de l’affaire au 16 juin 2021, puis, par ordonnance du 30 mars 2021 a autorisé la société Héliblue a assigner à jour fixe la société Air Assistance et M. [J] pour l’audience du 16 juin 2021.

La société Air Assistance ainsi que M. [J] ont été assignés par actes d’huissier en date du 29 avril 2021 dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile.

La société Air Assistance et M. [J] se sont constitués le 15 juin 2021.

La société Air Assistance et M. [J] ont déposé leurs conclusions d’intimés par RPVA le 10 août 2021.

La société Héliblue a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 3 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 novembre 2021, la société Héliblue demande à la cour de :

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Statuant à nouveau

Vu les articles 1104 et suivants du code civil

Vu les articles L110-1, L121-1 et L237-12 et suivants du code de commerce

Vu l’article 23 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

Vu l’article 48 du code de procédure civile

-dire la demande d’annulation du contrat irrecevable pour être une demande nouvelle en cause d’appel

Au fond

-débouter les intimés de toutes leurs prétentions

-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

-condamner solidairement la société Air Assistance et M. [K] [J] à payer à la société Héliblue la somme de 480.000 euros arrêtée au 1er octobre 2021 outre celle de 5.000 euros par mois à compter du 1er octobre 2021 jusqu’à parfaite restitution à la Réunion, [Adresse 4], de l’hélicoptère BELL 206 BH immatriculé lors du contrat [Immatriculation 6], ensemble son certificat de navigabilité export

-ordonner à la société Air Assistance et à M. [K] [J] solidairement de convoyer l’hélicoptère BELL 206 BII avec une expédition à leurs frais CIF Réunion à l’adresse de la société Héliblue, C/O SBITP ‘ [Adresse 2]), après réalisation de la visite technique 100 heures/annuel prévue au manuel d’entretien et muni de son certificat de navigabilité export délivré par les autorités de l’aviation civile malgache (article 15 du contrat)

-assortir les obligations de faire d’une astreinte de 1.000 euros par jour de tard à compter du 8ième jour de la signification de la décision à intervenir.

-condamner solidairement la société Air Assistance et M. [K] [J] à payer à la société Héliblue la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens qui comprendront les émoluments de l’article A. 444-32 du code de commerce.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2021, la société Air Assistance et M. [J] demandent à la cour, au visa des articles 72, 32, 42 et 48 du code de procédure civile et 1131 du code civil dans sa version applicable à l’espèce, de :

-confirmer la décision déférée dans son intégralité

Subsidiairement

-débouter la société Héliblue de l’ensemble de ses demandes

Pour ce faire

-requalifier l’engagement de M. [J] en engagement de caution solidaire, en application de l’article 12 du code de procédure civile

-constater que l’acte de cautionnement ne respecte pas les mentions obligatoires des articles L331-1 du code de la consommation

-déclarer nul l’engagement de caution de M. [J]

-déclarer nul le contrat du 4 décembre 2006 pour absence de cause

En tout état de cause

-condamner la société Héliblue à payer à M. [J] la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Xavier Belliard.

Par arrêt avant dire droit en date du 23 février 2022, la cour a :

-révoqué l’ordonnance ce clôture

-ordonné la réouverture des débats afin d’inviter les parties à faire toute observation utile sur l’application de la convention franco-malgache du 4 juin 1973 et plus particulièrement son annexe II concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décision

-renvoyé l’affaire à l’audience de circuit court du 20 avril 2022 à 10 heures

-réservé les dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience circuit court du 16 novembre 2021. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 1er février 2022 prorogé au 8 mars 2023.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

D’une part, il y a lieu de préciser qu’il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation dans la mesure où le contrat de bail commercial a été conclu avant l’ entrée en vigueur de la réforme.

D’autre part, il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ ou encore ‘considérer que’ voire ‘dire et juger que’ et la cour n’a dès lors pas à y répondre.

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir

La société Héliblue admet que la société Air Assistance a perdu sa personnalité juridique le 11 avril 2017, date à laquelle elle a fait procéder à la radiation auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS). Pour autant, elle considère que cette radiation est frauduleuse en ce qu’elle est intervenue alors qu’elle restait débitrice à son égard et que M. [J] est en réalité liquidateur de fait et sorte qu’il doit être tenu pour responsable de ses préjudices.

Les intimés font valoir pour l’essentiel que la société Air Assistance n’est plus représentée ni par son gérant, à compter de la décision de dissolution, ni par son liquidateur, à compter de la clôture des opérations de liquidation.

Sur quoi,

Il résulte des dispositions des articles 122 et suivant du code procédure civile que ‘constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée’.

Aux termes de l’article 32 du même code : « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir. »

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Air assistance a fait l’objet d’une dissolution amiable dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire du 7 juin 2016 aux termes de laquelle M. [X] [I] a été désigné liquidateur, que la publication de cet avis a été effectuée dans le journal l’observateur du 22 septembre 2016 et que la radiation du RCS a été effectuée le 21 mars 2017 avec effet au 11 avril 2017.

La perte de la personnalité juridique de la société Air Assistance n’est pas davantage contestée par la société Héliblue.

Sans personnalité juridique, la liquidation étant par ailleurs clôturée, rien ne permet d’établir que M. [J], ancien gérant, serait en capacité de représenter utilement la société Air Assistance.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la société Air Assistance en l’absence de représentant légal.

Sur l’opposabilité de la clause attributive de compétence à M. [J]

L’appelant soutient en substance que M. [J] a la qualité de co-locataire et que la clause attributive de compétence prévue au contrat lui est opposable.

Dans ses observations transmises par RPVA le 19 avril 2022, la société Héliblue conclu, au visa des articles 2 et 11 de la convention franco-malgache du 4 juin 1973, à la compétence du tribunal mixte de commerce de Saint Denis : le contrat liant les parties, qui a été conclu à Saint Paul de la Réunion, comporte une clause attributive de juridiction suivant lequel elles désignent d’un commun accord le tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion comme juridiction compétente, au cas où elles ne trouveraient pas un accord amiable. Or, malgré les nombreuses propositions de règlement amiable litige qu’elle a faite, aucune solution amiable n’a été trouvée.

Les intimés font valoir pour l’essentiel que la clause attributive de juridiction est inopposable à M. [J] : celui-ci n’a pas la qualité de commerçant, il n’a signé le contrat qu’en sa qualité de gérant de la société Air Assistance et de caution solidaire de ladite société. Les intimés font encore valoir qu’il convient d’appliquer les règle de droit commun sur la compétence internationale ordinaire, le règlement de Bruxelles ne s’appliquant qu’à l’égard des états membres de l’union européenne dont ne fait pas partie Madagascar où se trouve le domicile et le lieu de résidence de M. [J], défendeur.

Sur quoi,

D’une part,

Il ressort des dispositions de l’article 1134 (ancien) du code civil que :

‘Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.’

Par ailleurs, il résulte des articles 1156 et suivants (anciens) du même code consacrés à l’interprétation des conventions, notamment, que si l’on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes, il n’est cependant pas permis aux juges, lorsque les termes d’une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu’elle renferme. Enfin, dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

D’autre part,

Lorsque ni le droit de l’Union Européenne (UE) ni le droit conventionnel ne s’applique, la compétence internationale des tribunaux français est déterminée par les règles de compétences territoriale interne. Ainsi, en matière contractuelle (article 46 du code de procédure civile), le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.

En l’espèce, il existe une convention franco-malgache, signée le 4 juin 1973 comprenant une annexe II concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décision dont l’article 11 dispose que « Sont considérées comme compétentes pour connaître d’un litige au sens de l’article 2 a) ci-dessus (‘) en matière de contrats : la juridiction que les deux parties ont valablement reconnue d’un commun accord, expressément et séparément pour chaque contrat ; à défaut, les juridictions de l’État où le contrat a été conclu et, en outre, en matière commerciale et sociale, de l’État où le contrat doit être exécuté ; (…) »

Par acte sous signature privée en date du 4 décembre 2006 paraphé et signé par la SARL Héliblue (le loueur), d’une part, et, la société Air Assistance et M. [K] [J] « lui-même, agissant à titre personnel et solidaire d’Air Assistance », d’autre part (les locataires) ont convenu d’une mise à disposition « COQUE NUE » de l’hélicoptère BELL 206 BII, propriété de la société Héliblue immatriculé [Immatriculation 6], pour une durée d’un an et renouvelable par tacite reconduction.

Aux termes de l’article 17. ATTRIBUTION DE JURIDICTION :

«Les parties s’engagent à résoudre à l’amiable tous litiges venant à survenir au cours de l’exécution de ce contrat.

Toutefois, si un accord ne pouvait être trouvé, les parties désignent d’un commun accord le Tribunal de Commerce de Saint-Denis Réunion comme juridiction compétente. »

Il résulte des termes parfaitement clairs et précis de la convention conclue le 4 décembre 2006 entre la société Héliblue, d’une part, et la société Air Assistance et M. [J], tant en sa qualité de gérant de la société Air Assistance qu’à titre personnel, d’autre part, que faute d’avoir trouvé un accord amiable afin de résoudre le présent litige, la juridiction compétente est le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion, et ce, peu importe que M. [J] soit ou non commerçant.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a déclaré inopposable à M. [J] la clause attributive de compétence et s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de M. [J], domicilié à Madagascar

Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, de déclarer opposable à M. [J] la clause attributive de compétence.

Sur les demandes formées à l’encontre de M. [J]

L’appelant soutient qu’en sa triple qualité de liquidateur de fait, d’associé majoritaire ancien gérant de la société Air Assistance et co-locataire, M. [J] doit être condamné à lui verser la somme de 420.000 euros (7 ans x 60.000 euros), sauf à parfaite d’une somme de 5.000 euros par mois à compter du 1er octobre 2021 jusqu’à parfaite restitution à titre de redevance contractuelle et/ou d’indemnité mensuelle ainsi qu’à la restitution de l’appareil en le convoyant à ses frais au siège de sa société, muni de son manuel d’entretien et de son certificat de navigabilité export et ce, sous astreinte.

S’agissant de la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat du 4 décembre 2006, l’appelant soutient qu’elle est irrecevable comme nouvelle.

Les intimés considèrent que l’engagement de M. [J] doit être requalifié en un engagement de caution qui doit respecter les formes particulières prévues dans le code de la consommation, ce qui n’a pas été respecté en l’espèce et qui est sanctionné par la nullité de l’engagement.

Par ailleurs, ils estiment que l’engagement de caution est dépourvu de cause.

Enfin, et plus subsidiairement, les intimés soutiennent que le contrat du 4 décembre 2006 est dépourvu de cause et ne saurait en conséquence produire effet : le motif déterminant de la société Air Assistance était la réalisation effective de 100 heures de vols annuels pour que l’opération soit viable pour elle, or, cette contrepartie convenue est illusoire et impossible à réaliser dans un pays comme Madagascar.

1°) sur la requalification de l’engagement de M. [J] en cautionnement et sa nullité

Rien dans le contrat ne permet de remettre en cause sa qualification : il s’agit d’un contrat de location d’un hélicoptère « coque nue ».

Il s’en suit que la demande formée par les intimés tendant à voir prononcer la nullité dudit engagement pour défaut de cause ne peut qu’être rejetée.

2°) sur la recevabilité de la demande tendant à la nullité du contrat du 4 décembre 2006 pour défaut de cause

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile : « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

Pour autant, le moyen tiré de la nullité d’un acte sur lequel était fondée la demande constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause.

Il s’en suit que l’irrecevabilité soulevée par la société Héliblue de ce chef ne peut prospérer et doit être écartée.

3°) sur la nullité du contrat du 4 décembre 2006 pour défaut de cause

Aux termes de l’article 1131 (ancien) du code civil : « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »

Dans les contrats synallagmatiques, l’obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l’obligation, envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée, de l’autre contractant.

En l’espèce, il ressort du contrat conclu entre, d’une part, la société Héliblue (le loueur) et, d’autre part, la société Air Assistance et M. [J] « lui-même, agissant à titre personnel et solidaire d’Air Assistance », d’autre part (les locataires), le 4 décembre 2006 que :

-la société Héliblue, propriétaire de l’hélicoptère objet de la location « coque nue » s’est engagé à :

.embarquer en container maritime l’hélicoptère en bon état de marche et à jour des pièces à potentiel, à destination des locataires FOB Port [Localité 7] Madagascar dans le mois de la signature de l’acte (article 2)

.fournir une assistance technique au remontage et à la remise de l’hélicoptère sous la responsabilité d’un atelier agréé de droit malgache et tous documents techniques nécessaires (article 5)

.fournir toute assistance aux locataires pour la sélection des pilotes et mécaniciens agréés et toute assistance technique ou documentaire pour permettre aux locataires de résoudre tout incident venant à se produire (article 14)

.tenir un tableau des éléments à potentiels (grâce aux déclarations d’activité des locataires) afin de pouvoir fournir aux locataires (et aux frais du loueur) les éléments à potentiel ou pièces venant à échéance dans le cadre de la maintenance programmée et faire tout son possible pour fournir ces éléments préalablement à la péremption de l’élément à remplacer (article 14).

-de leur côté, les locataires ont, notamment, pris les engagements suivants :

.réceptionner le container à son arrivée et payer les frais locaux de débarquement, transit, douane éventuels ainsi que le transport vers le lieu où l’hélicoptère pourra être remonté (article 3)

.mettre l’hélicoptère en conformité totale, à leur frais, avec le droit aérien malgache et la réglementation douanière (article 6)

.conclure à leur frais avec un assureur aérien connu et notoirement solvable un contrat de couverture de l’hélicoptère au profit du loueur pendant toute la durée de la validité et jusqu’à son réembarquement éventuel, d’un montant de 350.000 euros, aussi qu’une couverture de responsabilité civile suffisante pour couvrir tous risques d’exploitation et dégager toute responsabilité du loueur (article 7)

.conclure un accord avec un atelier agréé local afin que les opérations de maintenance puissent être réalisées dans leurs locaux par des mécaniciens habilités, conformément aux spécifications de son manuel des opérations d’entretien et au droit aérien malgache (article 9)

.fournir au loueur un état mensuel détaillé de l’activité afin de lui permettre de mettre à jour les documents techniques ; de prévoir l’approvisionnement à ses frais des éléments à potentiels ou pièces venant à échéance dans le cadre de la maintenance programmée ainsi qu’à pouvoir rédiger ses factures au locataires des redevances de locations et provisions techniques prévues au barème (article 10)

-garantir au loueur un minimum d’activité de 100 heures de vol annuel (article 11)

-établir au profit du loueur une garantie bancaire à première demande sur un établissement bancaire connu et solvable d’un montant de 50.000 euros et destinée à garantir les redevances et responsabilités (article 12).

Il s’en suit que le contrat querellé, contrat synallagmatique, est parfaitement causé, les obligations de l’un constituant la cause de l’autre contractant.

La cour relève par ailleurs qu’en vertu de l’article 15, il s’agit d’un contrat d’un an, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation de l’une des parties trois moins avant la date déchéance et que les intimés qui invoquent la non-viabilité du contrat, ne l’ont cependant pas dénoncé.

Par conséquent, l’exception de nullité soulevée par les intimés ne pourra qu’être rejetée.

4°) sur les demandes formées par la société Héliblue à l’encontre de M. [J]

En l’espèce, aux termes de l’article 15.DUREE DU CONTRAT :

« Le présent contrat est conclu pour une durée initiale d’une année à compter du premier vol sur le territoire malgache et sera renouvelé par tacite reconduction sauf dénonciation de l’une des parties par lettre recommandée (plus copie par lettre ordinaire) au moins trois mois avant la date d’échéance.

Le loueur pourra mettre fin au contrat en cours d’année (huit jours après mise en demeure de faire cesser le désordre en cause) s’il constate une utilisation manifestement anormale de l’appareil au regard de la législation, de la maintenance ou des prescriptions figurant au manuel de vol. Il lui sera également loisible de mettre fin au contrat prématurément en cas de non respect des échéances prévues de règlements et notamment si l’encours litigieux vient à dépasser la moitié du montant de la garantie bancaire.

Aux termes du contrat, quel qu’en soit la date ou la raison, les locataires s’engagent à convoyer l’appareil, le démonter et le caler avec les précautions d’usage dans un container de 20 ft pour une expédition à leur frais CIF REUNION à l’adresse du loueur après réalisation de la visite technique 100H/annuel prévue au manuel d’entretien et obtention du Certificat De Navigabilité Export auprès des autorités de l’Aviation Civile Malgache. »

Suivant l’article 16.BAREME DE REDEVANCES, jusqu’à 100 heures de vol effectuées, il est du par les locataires un total annuel de 60.000 euros. Il est précisé que « La facturation sera établie mensuellement sur la base des heures réalisées. Si toutefois la moyenne mensuelle était inférieure à la quote-part des 100H minimum annuelles prévues, la facturation des quatre derniers mois de l’année serait augmentée mensuellement du quart du quota manquant. »

Suivant courrier en date du 7 mai 2018 avec justificatif d’envoi et de réception, la société Héliblue a mis en demeure, sous huitaine, M. [J], tant à titre personnel qu’en tant que gérant et associé de la société Air Assistance, au visa de l’article 2 du contrat, « de mettre fin aux manquements constatés, ou à tout le moins de (lui) proposer sous le même délai un calendrier ferme (et acceptable) de correction (des) dérives » suivantes : l’hélicoptère ne vol plus de manière régulière, les visites annuelles de renouvellement du CDN ne sont plus effectuées, le paiement mensuel convenu des retard de redevance n’est plus effectué depuis le 5 octobre 2016, la couverture d’assurance n’est plus justifiée, alors qu’il n’est pas mis fin au contrat et que l’hélicoptère est toujours en leur possession. La société Héliblue concluant : «Faute de recevoir une réponse acceptable sous le délai imparti, nous serions contraints de mettre nous-même fin au contrat conformément au paragraphe 2 de l’article 15 de celui-ci sans, bien sûr, que les effets découlant en particulier des dispositions du paragraphe 3 de l’article 15 ainsi que celles de l’article 16 ne puisse cesser avant restitution complète de l’appareil en bon état. »

La société Héliblue verse également aux débats, notamment :

-un courrier du 11 juin 2018 avec justificatif d’envoi et de réception prononçant la déchéance du contrat

-les factures annuelles de 2015 à 2018 (60.000€ chacune)

-divers documents attestant que l’hélicoptère a été loué à diverses sociétés par les intimés et a même fait l’objet d’une proposition de rachat par une société malgache.

La cour constate que :

-les intimés n’ont pas dénoncé le contrat

-les intimés ne contestent pas ne pas avoir réglé les redevances réclamées reconnaissants par ailleurs que la réalisation effective de 100 heures de vols annuels était impossible à réaliser dans un pays comme Madagascar.

Il résulte de ce qui précède qu’il doit être fait droit aux demandes de la société Héliblue.

S’agissant de l’astreinte, le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour en fixer le montant. L’astreinte ne prend effet qu’à la date fixée par le juge et elle ne peut pas être antérieure au jour où la décision qui porte sur une condamnation à une obligation est devenue exécutoire.

L’astreinte est provisoire ou définitive. Provisoire, elle permet une révision à la diminution ou une suppression de son montant lors de sa liquidation. Elle peut avoir une durée indéterminée. Définitive, elle ne peut être ordonnée qu’après une astreinte provisoire et pour une durée déterminée.

En l’espèce, compte tenu de l’ancienneté du litige, il sera fait droit à la demande la société Héliblue à hauteur de 350 euros par jour de retard, à compter d’un délai de trois mois à compter la présente décision étant précisé que l’astreinte courra pendant un délai maximum de six mois.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Héliblue à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [J] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser à la société Héliblue la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés seront déboutés de leur demande d’octroi d’une indemnité de procédure de 10.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;

ECARTE la fin de non recevoir tirée du caractère nouveau en appel de la demande tendant à la nullité pour défaut de cause du contrat du 4 décembre 2006 ;

INFIRME le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion, mais seulement en ce qu’il :

-a déclaré inopposable à M. [J] la clause attributive de compétence

-s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de M. [J], domicilié à Madagascar ;

-a condamné la société Héliblue à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-a condamné la société Héliblue aux entiers dépens de l’instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxés et liquidés à la somme de 81.07 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s’il y a lieu ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

DECLARE opposable à M. [K] [J] la clause attributive de compétence figurant dans le contrat conclu du 4 décembre 2006 ;

DEBOUTE M. [K] [J] de sa demande tendant à voir requalifier le contrat du 4 décembre 2006 en un engagement de caution ;

DEBOUTE M. [K] [J] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité pour défaut de cause tant de son engagement de caution que du contrat de 4 décembre 2006 ;

CONDAMNE M. [K] [J] à payer à la SARL Héliblue la somme de 480.000 euros arrêtée au 1er octobre 2021, outre celle de 5.000 euros par mois à compter du 1er octobre 2021 jusqu’à parfaite restitution à la Réunion, [Adresse 4], de l’hélicoptère BELL 206 BH immatriculé lors du contrat [Immatriculation 6], ensemble son certificat de navigabilité export ;

ORDONNE à M. [K] [J] de convoyer l’hélicoptère BELL 206 BII avec une expédition à ses frais CIF Réunion à l’adresse de la société Héliblue, C/O SBITP ‘ [Adresse 2]), après réalisation de la visite technique 100 heures/annuel prévue au manuel d’entretien et muni de son certificat de navigabilité export délivré par les autorités de l’aviation civile malgache, et ce, sous astreinte de 350 euros par jour retard, à compter d’un délai de trois mois à compter la présente décision ;

DIT que l’astreinte provisoire court pendant un délai maximum de six mois, à charge pour la SARL Héliblue, à défaut de l’exécution des ses obligations par M. [K] [J], de solliciter du juge de l’exécution, la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive ;

CONDAMNE M. [K] [J] à payer à la SARL Héliblue la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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