Nullité de contrat : 7 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00906

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Nullité de contrat : 7 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00906

N° RG 21/00906 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KYIR

N° Minute :

C4

Copie exécutoire délivrée

le :

à

Me Lilia BOUCHAIR

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 07 FEVRIER 2023

Appel d’un Jugement (N° R.G 17/02997) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 18 janvier 2021, suivant déclaration d’appel du 18 Février 2021

APPELANT :

M. [H] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Lilia BOUCHAIR, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

Société AXA FRANCE I.A.R.D. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

M. Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d’une ordonnance en date du 29 juin 2022 rendue par la première présidente de la cour d’appel de Grenoble,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 novembre 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Catherine Silvan, greffière stagiaire, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [H] [Y], propriétaire d’un véhicule Nissan modèle Juke,1.5 DCI Ministry, immatriculé [Immatriculation 5], pour l’avoir acquis en avril 2015 et payé en espèces, a souscrit le 10 juillet 2015 un contrat d’assurance automobile auprès de la société anonyme AXA France I.A.R.D. comprenant la garantie en cas de vol, assortie d’une franchise de 350 euros.

Victime du vol de son véhicule le 25 novembre 2015 le souscripteur a déclaré son sinistre auprès de son assureur.

Dans le cadre de l’instruction du règlement du sinistre la société AXA France I.A.R.D. a soulevé, le 18 février 2016, la nullité du contrat d’assurance en considération d’une fausse déclaration concernant la résiliation du précédent contrat d’assurance de M. [Y] et décliné sa garantie en lui notifiant sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 février 2016.

Par courrier recommandé du 16 juin 2016 le souscripteur a contesté ce refus de prise en charge et la société d’assurance a maintenu son refus de garantie dans sa réponse du 1er août 2016.

Par exploit du 2 juin 2017 M. [Y] a fait assigner l’assureur devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins notamment de l’entendre condamner à l’indemniser de son préjudice consécutif au vol de son véhicule.

Suivant jugement du 18 janvier 2021 le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– prononcé la nullité du contrat d’assurance souscrit par M. [Y] auprès de la société AXA France I.A.R.D. à effet au 10 juillet 2015,

– débouté M. [Y] de l’intégralité de ses demandes en paiement à l’encontre de la société AXA France I.A.R.D.,

– condamné M. [Y] à payer à la société AXA France I.A.R.D. la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive,

– condamné M. [Y] à verser à la société AXA France I.A.R.D. la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

Le 18 février 2021 M. [Y] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

– condamner la société AXA à lui payer la somme de 12 600 euros au titre de l’indemnisation du préjudice qu’il a subi suite au vol de son véhicule,

– débouter la société AXA France I.A.R.D. de toutes ses demandes,

– condamner la même à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de ses prétentions M. [Y] fait valoir que :

– lors de la souscription du contrat d’assurance il a informé le conseiller en charge de son dossier du motif de la résiliation de son précédent contrat d’assurance et avait remis à l’assureur le courrier de résiliation que lui avait adressé son précédent assureur, mentionnant le motif de résiliation, ce que la compagnie d’assurance AXA reconnaît elle-même dans ledit courrier de résiliation du 18 février 2016,

– l’assureur doit établir l’intention de tromper du souscripteur pour obtenir l’annulation du contrat d’assurance en cas de déclaration inexacte de l’assuré,

– de surcroît le formulaire signé par l’assuré selon lequel le précédent contrat n’a pas été résilié pour défaut de paiement a été rempli par le conseiller,

– au surplus la nullité du contrat pour méconnaissance d’une information par l’assureur est conditionnée selon l’article L113-8 du code des assurances à un changement de l’objet du risque ou à une diminution qu’il pouvait en avoir,

– il rapporte la preuve qu’il était propriétaire du véhicule volé pour l’avoir payé en espèce lors de son achat à l’étranger, et ce à l’aide d’un prêt accordé par un membre de sa famille de sorte que l’intimée ne saurait prétendre ignorer l’origine des fonds,

– il a produit à la demande de la société d’assurance un certificat de non gage que lui a délivré la préfecture et qui ne portait aucune mention de saisie, aucune retouche n’ayant été effectuée sur ce document administratif et l’huissier de justice dont elle produit le constat ayant simplement déclaré qu’une saisie était en cours à la date du 21 janvier 2016,

– les allégations adverses apparaissent d’autant plus incohérentes qu’il ressort de ses propres pièces que la première version du certificat en sa possession mentionnait une saisie,

– c’est donc en parfaite connaissance de cause que la société AXA France I.A.R.D. a accepté d’assurer son véhicule.

En réplique, selon ses dernières écritures, la société AXA France I.A.R.D. conclut à ce que la cour confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions et :

– constate la nullité du contrat d’assurance,

– déboute M. [Y] de l’intégralité de ses demandes,

– le condamne à lui payer les sommes de :

– 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimée expose que :

– en ce qui concerne ses déclarations pré-contractuelles du risque M. [Y] a répondu négativement à la question clairement posée sur la résiliation du précédent contrat par l’assureur après avoir reconnu que les questions et réponses mentionnées correspondaient à celles posées par le conseiller et apportées par lui-même,

– son attention a de plus été fortement attirée sur la conséquence de toute réticence ou fausse déclaration de sa part,

– l’appelant s’est néanmoins abstenu en toute connaissance de cause de déclarer la résiliation par le précédent assureur, cette fausse déclaration constitutive de sa mauvaise foi étant sanctionnée par la nullité du contrat,

– contrairement aux allégations adverses elle n’avait pas été informée des causes de la résiliation du précédent contrat alors que, compte tenu des déclarations contradictoires et confuses de l’assuré comme de l’usage de documents manifestement modifiés, c’est l’assureur qui a procédé à la vérification des déclarations de l’assuré au moment de la souscription du contrat,

– il apparaissait ainsi sur le relevé d’information de la société Active Assurance du 28 avril 2015 une mise en demeure et ce n’est après le sinistre qu’elle s’est rapprochée du précédent assureur de M. [Y] et qu’elle a été informée de la résiliation pour non-paiement par un relevé d’information daté du 17 février 2016 établi postérieurement à la souscription du contrat litigieux,

– elle n’était donc pas informée de la situation à la date de conclusion de la police d’assurance,

– subsidiairement l’appelant ne démontre pas la survenue d’un sinistre indemnisable dans la mesure où, malgré ses demandes, il ne justifie pas des modalités d’acquisition du véhicule et où il a fourni un certificat de non saisie manifestement falsifié,

– de surcroît M. [Y] ne peut qu’être déchu de la garantie eu égard aux fausses déclarations qu’il a faites en ce qui concerne la réalisation du sinistre, y compris la communication de deux certificats de non gage successifs dont un falsifié.

L’instruction a été clôturée suivant ordonnance du 12 avril 2022.

MOTIFS

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Sur les demandes principales

L’article L113-2 2° et 3° du code des assurances dispose que l’assuré est obligé d’une part de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge, et d’autre part de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire précité.

Aux termes de l’article L113-8 du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité et sous réserve des dispositions de l’article L132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.

En application de l’article 9 du code de procédure civile, selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, et de l’article 2274 du code civil énonçant que la bonne foi est toujours présumée, et que c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver, il appartient à l’assureur de démontrer l’existence d’une fausse déclaration du risque réalisée de mauvaise foi, caractérisée par l’intention de tromper l’assureur, et de nature à changer l’objet du risque ou à en diminuer l’opinion quant aux risques à assurer.

En l’espèce le premier juge a relevé que :

– le contrat litigieux stipulait que l’assuré avait reconnu par sa signature avoir eu un échange avec un agent général AXA, auquel il avait exposé sa situation et répondu aux questions posées avant la souscription du contrat, et que les conditions particulières avaient été établies conformément aux réponses données,

– lors de la déclaration précontractuelle du risque, à la question de savoir si le conducteur principal avait été assuré en automobile au cours des vingt-quatre derniers mois, il a été répondu ‘oui, pendant 6 mois. Assureur précédent : Compagnie MGARD contrat n° 916500004265165, résilié le 30/07/2015’ et à la question, le précédent contrat a t-il été résilié par l’assureur, il a été répondu ‘non’,

– dans le cadre de l’instruction du règlement du sinistre litigieux il est apparu que ces mentions étaient inexactes puisque le précédent assureur avait résilié le contrat en raison d’un défaut de paiement des primes avec effet au 12 mai 2015.

En cause d’appel la société AXA France I.A.R.D. produit un relevé d’information en date du 28 avril 2015 de la société Active Assurances, qui lui a été transmis au moment de la souscription de la police, concernant le contrat conclu par M. [Y] avec effet au 11 novembre 2014 pour un véhicule Renault modèle clio, lequel relevé porte la mention ‘mise en demeure’. À juste titre le premier juge, qui n’a pas eu connaissance de cette pièce, a considéré qu’en tout état de cause les motifs de la mise en demeure auraient pu être levés et que la date de résiliation déclarée par l’assuré au 30 juillet 2015 était volontairement erronée, cette dernière ayant été prononcée au 12 mai 2015 selon le relevé d’information daté du 17 février 2016 de la société Active Assurances.

Contrairement aux affirmations de M. [Y], lequel soutient qu’aux termes du courrier du 18 février 2016 la société AXA France I.A.R.D. reconnaîtrait avoir été en possession de ce relevé lors de la souscription du contrat, ledit relevé étant daté du 17 février 2016 elle n’en a eu nécessairement connaissance que postérieurement comme elle l’explique dans ses conclusions.

Afin de prononcer la nullité du contrat d’assurance le tribunal a retenu que :

– le caractère intentionnel des fausses déclarations procédait de réponses à des questions précises et sans ambiguïté posées à l’assuré lors de la conclusion du contrat sur les circonstances de nature à lui faire apprécier les risques que l’assurance prenait en charge,

– ces fausses déclarations sur le précédent contrat d’assurance ont diminué l’opinion de l’assureur, lequel n’a pu se rendre compte de la portée de l’engagement qu’il prenait en contractant avec un assuré qui n’avait pas payé ses précédentes primes, ce qui pouvait être une source de difficultés multiples,

– cet élément constitue ainsi une information déterminante de la double décision d’accepter ou non la couverture du risque en cas de décision positive et de fixer le montant de la cotisation.

La mauvaise foi de M. [Y] résulte également de la proximité temporelle entre la résiliation du contrat précédent, le 12 mai 2015, et la souscription de la nouvelle police auprès de la société AXA France I.A.R.D. le 10 juillet 2015, date de ses déclarations contestées à l’agent AXA. Alors que moins de deux mois s’étaient écoulés l’appelant ne pouvait en effet ignorer qu’en indiquant que le précédent contrat n’avait pas été résilié par l’assureur il faisait une réponse fausse de nature à induire son cocontractant en erreur, qui plus est déterminante pour les motifs exposés précédemment.

En l’absence de nouveaux moyens et de nouvelles preuves présentés par les parties c’est donc par des motifs pertinents, au vu des justificatifs qui lui étaient soumis, que le tribunal s’est livré à une exacte analyse des faits et à une juste application des textes susvisés en prononçant la nullité du contrat d’assurance automobile litigieux et en déboutant M. [Y] de sa demande en paiement de la somme de 12 600 euros au titre de la couverture du dommage du sinistre.

La cour, adoptant cette motivation, confirmera la nullité du contrat d’assurance et le rejet de l’ensemble des demandes de l’appelant.

Sur l’indemnisation pour procédure abusive

En vertu de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L’intimée, qui sollicitent son indemnisation en raison de la tentative de tromperie de son assuré et de la procédure jugée abusive, n’établit ni n’allègue d’ailleurs l’existence d’aucun préjudice à l’appui de sa demande de dommages et intérêts.

Il conviendra en conséquence de la débouter de sa demande et d’infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les demandes annexes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais exposés pour faire valoir ses droits devant la cour. M. [Y] sera donc condamné à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant qui succombe sera en outre condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du 18 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Grenoble sauf en ce qui concerne la condamnation de M. [Y] pour procédure abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SA AXA France I.A.R.D. de sa demande au titre de la procédure abusive,

Condamne M. [H] [Y] à verser à la SA AXA France I.A.R.D. indemnité de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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