ARRET N°
N° RG 22/00162
N��Portalis DBWA-V-B7G-CJ64
Mme [T] [X] [L] épouse [I]
C/
LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL FRANCOIS
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 07 FEVRIER 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Juge de l’Exécution, près le Tribunal Judiciaire de Fort-de-France en date du 08 Mars 2022, enregistré sous le n° 21/00338 ;
APPELANTE :
Madame [T] [X] [I] épouse [L]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Georges-Emmanuel GERMANY, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL FRANCOIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domcilié ès qualités audit siège
BIO ESPACE
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Décembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 07 Février 2023
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Le 18 janvier 2021, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains de la BRED des sommes détenues par celle-ci pour le compte de Madame [T] [X] [I] épouse [L], en vertu d’un acte notarié de prêt en date du 31 décembre 2007 qui a été consenti à la SCI ROLD DAYLAND aux fins de financer la construction d’un immeuble de 9 appartements à usage locatif situé à [Localité 9], [Adresse 3].
L’établissement bancaire expose que les caractéristiques et conditions de remboursement de cet emprunt ont été fixées comme suit :
– Montant de l’emprunt : 610 000 €
– Taux : 5,10% l’an
– Montant des amortissements en remboursement : 4.504,51 euros par mois assurance incluse.
Il ajoute que le remboursement de cet emprunt a été garanti
par :
– Un engagement de caution solidaire et indivisible de Monsieur [N] [P] [I], gérant de la SCI ROLD DAYLAND ;
– Un engagement de caution solidaire et indivisible de Madame [T] [X] [I] ;
– Une Inscription d’une hypothèque conventionnelle prise le 28 Février 2008 sur un terrain à bâtir situé à [Localité 9], quartier syndic, [Adresse 2], section AC, numéro [Cadastre 5], pour une contenance de 09 ares 56 centiares, volume 2008 V n° 849, propriété de la SCI ROLD DAYLAND, pour sûreté de la somme de 732.000 euros (principal + accessoires).
Le 20 janvier 2021, la saisie attribution a été dénoncée à Madame [T] [X] [I] épouse [L] pour un montant global de 667 355,27 € soit 460 045,74 € en principal.
Par jugement rendu le 08 mars 2022, le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :
– Dit que la contestation de Madame [T] [X] [I] épouse [L] est recevable mais non fondée ;
– Dit que l’action en recouvrement de la société la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à son encontre sur le fondement de l’acte notarié du 31 janvier 2007 est recevable ;
– Dit que l’exécution de l’acte notarié du 31 janvier 2007 n’est pas prescrite ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande d’inopposabilité de l’acte de cautionnement pour engagement excessif ;
– Dit que la société LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS détient une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre de Madame [T] [X] [I] épouse
[L] ;
En conséquence,
– Validé la saisie attribution pratiquée à l’encontre de Madame [T] [X] [I] épouse [L], à la requête de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS le 18 janvier 2021, entre les mains de la BRED, par la SASU GAMA et ASSOCIES, Huissiers de justice à [Localité 10], et à elle dénoncée le 20 janvier 2021, en vertu d’un acte notarié reçu le 31 décembre 2007 par Maître [O] [B], notaire à [Localité 10] ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande de restitution de la somme de 1 442,44 € saisie sur les comptes de la BRED ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande en paiement des frais bancaires occasionnés par la saisie attribution du 18 janvier 2021 ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande de sa demande de paiement de la somme de 333 677,63 € à titre de dommages et intérêts pour faute de la banque;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande en paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour préjudice moral ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Madame [T] [X] [I] épouse [L] à verser la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ;
– Condamné Madame [T] [X] [I] épouse [L] aux dépens.
Le jugement rendu par le juge de l’exécution le 08 mars 2022 a été signifié le 26 avril 2022.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 02 mai 2022, Madame [X] [T] [I] épouse [L] a critiqué tous les chefs de jugement.
Dans ses conclusions en motivation d’appel du 30 juin 2022, Madame [T] [X] [I] épouse [L] demande à la cour d’appel de :
– RECEVOIR Madame [T] [I] épouse [L] dans les présentes écritures et les dire bien fondées.
Y faisant droit,
– INFIRMER le jugement rendu le 08 mars 2022 par le Juge de l’Exécution près le Tribunal judiciaire de Fort de France.
En conséquence,
In limine litis :
– DECLARER que la procédure pénale initiée par Madame [L] est de nature à avoir une incidence dans le cadre de la solution du présent litige ;
– ORDONNER en conséquence qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de ladite procédure pénale ;
– ORDONNER le retrait de l’affaire du rôle de la cour ;
– DIRE que la présente instance sera rétablie par simple dépôt de conclusions, par la partie la plus diligente ;
– RÉSERVER en l’état les dépens.
En tout état de cause,
– DEBOUTER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre principal
– DECLARER nulle la procédure diligentée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS, ainsi que tous les actes subséquents ;
– DECLARER l’action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS frappée de forclusion ;
– DECLARER prescrite la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS d’un montant de 6 673 55,27 euros ;
– DECLARER prescrit le titre exécutoire en date du 31 décembre 2007 ;
– DECLARER nul le contrat de cautionnement de Madame [L] ;
– DECLARER disproportionné le cautionnement de Madame [L] en date du 31décembre 2007 pour un montant de 610.000 euros ;
– DECLARER que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement ;
– DECLARER prescrits les intérêts réclamés ;
– DECLARER que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS a manqué à son obligation d’information annuelle de la caution et qu’elle est en conséquence déchue de son droit aux intérêts et pénalités de retard ;
– DECLARER que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS n’a pas informé Madame [L] de l’incident de paiement et déclarer qu’en conséquence elle sera déchue de son droit aux intérêts et pénalités postérieurs ;
– CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à payer à Madame [T] [L] à titre de dommages et intérêts la somme de 333.677,635 euros ;
– ORDONNER la main levée de la saisie -attribution opérée le 18 janvier 2021 entre les mains de la BRED sise [Adresse 1] ORDONNER la restitution de la somme de 1 442,44 euros saisie sur les comptes bancaires occasionnés par la saisie attribution du 18 janvier 2021 ;
– CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à verser à Madame [T] [I] épouse [L] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et pour préjudice moral ;
– CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à verser à Madame [T] [I] épouse [L] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la procédure.
Madame [T] [X] [I] épouse [L] expose qu’elle a déposé plainte pour faux auprès du procureur de la République au motif qu’elle conteste notamment avoir rédigé la fiche de renseignements patrimoniaux, de sorte que la reconnaissance de la fausseté par le juge pénal emportera l’impossibilité pour la banque de se prévaloir dudit document et d’actionner l’appelante en sa qualité de caution. Elle fait valoir qu’il convient d’ordonner le sursis à statuer en ce que la solution attendue au pénal est véritablement indispensable à la solution de la présente procédure.
Madame [T] [X] [I] épouse [L] prétend également que, un commandement de payer aux fins de saisie immobilière ayant été délivré le 16 novembre 2010 à la SCI ROLD DAYLAN, la banque devait agir avant le mois de novembre 2015, ce qu’elle n’a pas fait, de sorte que l’action de l’établissement bancaire à l’encontre de la caution est forclose. En outre, l’appelante fait valoir que le non-respect du délai de réflexion de dix jours par la banque emporte la nullité du contrat de cautionnement.
Par ailleurs, Madame [T], [X] [I] épouse [L] soutient que le cautionnement qu’elle a souscrit est manifestement disproportionné et n’est donc pas valable, dès lors que, à la date à laquelle elle s’est engagée en qualité de caution, elle était sans emploi et n’a perçu aucun revenu de 2006 à 2009. Elle précise qu’elle n’a jamais été propriétaire à Sainte-Lucie et que s’il est vrai qu’elle était propriétaire d’un bien situé à [Localité 9], ledit bien était estimé à une valeur qui ne représentait même pas la moitié de son engagement de caution solidaire. Madame [I] épouse [L] ajoute que la banque, en n’effectuant pas les vérifications nécessaires de la situation de la caution, a manqué à son devoir de mise en garde sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil et ne peut dès lors se prévaloir du contrat de cautionnement à l’égard de la caution. Elle indique également que, au moment où la CAISSE DE CREDIT MUTUEL l’actionne en qualité de caution, elle ne perçoit qu’une retraite de 1.000 euros par mois et ne possède aucun bien immobilier lui permettant de faire face à cette demande de règlement.
Enfin, Madame [T], [X] [I] épouse [L] expose que le comportement fautif de la banque lui a causé un préjudice. Elle rappelle que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a notamment réduit à cinq ans le délai de droit commun de la prescription. Madame [I] épouse [L] fait valoir que, dans ces conditions, le titre exécutoire du 31 décembre 2007 est prescrit et ne peut fonder des mesures d’exécution. Elle ajoute que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL n’a pas agi dans les délais légaux et ne peut prétendre à une quelconque saisie-attribution. A titre subsidiaire, elle indique que certains intérêts sont prescrits du fait de leur antériorité au 20 janvier 2021 et que les cotisations d’assurances ne sont plus exigibles à compter de la date de déchéance du terme et de résiliation du prêt.
Dans ses conclusions responsives « INTIMEE » du 15 novembre 2022, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS demande à la cour d’appel de :
– RECEVOIR la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS en ses moyens et demandes.
– Y faisant droit,
– DEBOUTER Madame [T] [X] [I] épouse [L] de l’intégralité de son appel, ses demandes fins et moyens comme n’étant pas fondés ;
– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l’exécution le 08 mars 2022 en toutes ses dispositions;
– CONDAMNER Madame [T] [X] [I] épouse [L] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS la somme de 4 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Madame [T] [X] [I] épouse [L] au paiement des frais d’huissier et aux entiers dépens de l’article 699 du CPC dont distraction au profit de Me Catherine RODAP.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS expose que Madame [I] ne peut opposer à l’établissement bancaire les exceptions personnelles à la SCI ROLD DAYLAND, débitrice principale et notamment le délai de forclusion biennal du code de la consommation. Elle rappelle que sont applicables au présent litige les dispositions des articles 2245 et 2246 du code civil. Elle précise que, au regard des différents actes interruptifs de prescription qui ont été effectués au cours de la procédure ayant opposé la SCI ROLD DAYLAND à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS, le délai de prescription court jusqu’au 04 juillet 2022. La CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ajoute que, en application de l’article L. 111-3 4°du code des procédures civiles d’exécution, l’action en recouvrement de la banque sur le fondement de l’acte notarié du 31 décembre 2007 n’est pas prescrite. Elle indique également que la nullité du cautionnement ne peut être invoquée par l’appelante, dès lors que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur.
Par ailleurs, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS expose que, s’agissant de sa situation financière et patrimoniale, Madame [I] épouse [L] n’apporte aucun élément nouveau en cause d’appel, procède toujours par affirmations et ne justifie nullement de la disproportion alléguée entre ses biens et revenus d’une part et le montant de son engagement d’autre part. Elle prétend que la charge de la preuve de la disproportion lors de la conclusion du cautionnement repose sur la caution, en l’espèce Madame [I] épouse [L]. L’intimée soutient également que le contenu de la fiche de renseignements demeure opposable à Madame [I] épouse [L], la plainte pénale portant sur les conditions factuelles de la signature de l’acte notarié de prêt intervenue le 31 décembre 2007 chez le notaire.
Elle fait valoir que, la preuve de la disproportion n’étant pas rapportée, l’appelante ne peut se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la banque doit démontrer que, au moment où elle appelle la caution en paiement, celle-ci a les moyens de faire face à son obligation. La CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ajoute que le rapport d’expertise graphologique produit par l’appelante n’est pas contradictoire et n’est donc pas opposable à la banque, la méthode de comparaison utilisée par l’expert graphologue étant en outre contestable.
Enfin, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS expose que Madame [I] épouse [L] a eu connaissance des prétendus griefs formulés à l’encontre de l’établissement bancaire et n’est plus recevable à engager une action en responsabilité de la banque soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil. Elle fait valoir que la demande indemnitaire de l’appelante est irrecevable et non fondée. Elle indique également que la saisie attribution, dont le caractère utile est incontestable au regard du montant de la dette, n’apparaît pas excessive. La CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ajoute que les intérêts de sa créance ne peuvent être atteints par la prescription biennale, son titre exécutoire n’étant pas concerné par les dispositions de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution et Madame [I] épouse [L] n’ayant pas la qualité d’emprunteur ou de consommateur mais exclusivement celle de caution solidaire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.
L’affaire a été plaidée le 09 décembre 2022. La décision a été mise en délibéré au 07 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le sursis à statuer.
Madame [L] fait valoir que la procédure pénale qu’elle a initiée est de nature à avoir une incidence dans le cadre de la solution du présent litige.
L’article 4 du code de procédure pénale dispose que l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
L’alinéa 2 de cet article édicte donc la règle souvent résumée par l’expression: « Le criminel tient le civil en état ». Dans l’hypothèse prévue par cet article, le juge civil saisi de la réparation du dommage causé par une infraction pénale doit surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Mais la loi du 5 mars 2007 (L. no 2007-291, JO 6 mars) a apporté une exception à cette règle dans son alinéa 3, qui opère donc une distinction entre action civile et action à fins civiles exercées devant la juridiction non répressive. Si l’action civile demeure soumise à la règle ancienne, les actions à fins civiles, quant à elles, deviennent indépendantes. Il est donc désormais possible aux juridictions non répressives (juge aux affaires familiales, juridiction prud’homale, tribunal judiciaire, etc.) de ne pas surseoir à statuer et de prononcer une décision, avant celle rendue sur l’action publique devant la juridiction pénale, même si celle-ci devait conduire à une contrariété de jugement. le criminel n’a plus autorité sur « toutes les autres actions exercées devant le juge civil », c’est-à-dire sur les actions à fins civiles. Ces actions à fins civiles peuvent être définies comme celles qui, bien que liées de manière plus ou moins ténue à la commission d’une infraction, n’ont pas pour objet la réparation d’un dommage.
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’opportunité d’un sursis à statuer, hors les cas où il est prévu par la loi, relève de l’appréciation discrétionnaire du juge qui n’a pas à motiver spécialement sa décision. La Cour de cassation n’opère donc aucun contrôle sur l’appréciation qu’il a portée.
La Cour de cassation a jugé également que les dispositions de l’ article 4 du code de procédure pénale , issu de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, ne s’appliquent pas aux procédures d’exécution (arrêt Cour de cassation 2e Civ., 15 avril 2010, pourvoi n° 09-70.456).
La cour relève qu’elle n’est pas saisie d’une demande de réparation d’un dommage causé par une infraction pénale et que Madame [I] épouse [L] a assigné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins de contester la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes bancaires.
Dès lors, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue donnée à la plainte déposée le 06 avril 2022 auprès du procureur de la République de Fort-de-France par Madame [I] épouse [L] pour dissimulation intentionnelle et usage de faux.
Sur la prescription de l’action en recouvrement.
Comme l’a relevé à juste titre le premier juge et contrairement à ce que soutient Madame [I] épouse [L], le régime applicable n’est pas celui d’un délai de forclusion mais bien celui d’un délai de prescription, la SCI ROLD DAYLAND, pour laquelle Madame [I] épouse [L] s’est portée caution, étant une personne morale et ne pouvant être considérée comme un consommateur.
La cour en déduit que l’action de l’intimée à l’encontre de la débitrice, personnelle morale, et de sa caution est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.
L’article 2240 du code civil dispose que : « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. »
Conformément aux dispositions de l’article 2242 du code civil, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
L’article 2244 du code civil précise également que : « Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. »
Dans ses dernières conclusions, l’appelante prétend que la banque aurait dû actionner la caution dans un délai de cinq ans à compter du commandement valant saisie immobilière en date du 16 novembre 2010 conformément aux dispositions de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.
Toutefois, l’article 2245 du code civil dispose qu’en matière d’interruption de prescription, l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
L’article 2246 du code civil précise également que l’interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription de la caution.
Il résulte des pièces de la procédure que la prescription
de l’action en recouvrement de la banque a été interrompue par différents actes interruptifs effectués à l’encontre de la SCI ROLD DAYLAND :
– un commandement valant saisie immobilière en date du 16 novembre 2010, publié le 16 décembre 2010 à la conservation des hypothèques de [Localité 10],
– le jugement d’orientation rendu le 07 mai 2013,
– le jugement d’adjudication rendu le 04 juillet 2017.
Ces différentes interpellations faites à la débitrice principale ont interrompu le délai de prescription de la caution, de sorte qu’un nouveau délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter du 05 juillet 2017.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS a procédé le 18 janvier 2021 à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Madame [I] épouse [L], dénoncée à la débitrice suivant exploit d’huissier en date du 20 janvier 2021. Dès lors, l’action en recouvrement de la banque n’est pas prescrite. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur la prescription du titre exécutoire.
Madame [I] épouse [L] prétend que le titre exécutoire du 31 décembre 2007 est prescrit en application de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution.
La cour rappelle que, s’agissant de l’exécution des titres exécutoires, l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution ne s’applique pas aux actes notariés revêtus de la formule exécutoire, en l’espèce l’acte notarié du 31 décembre 2007.
Il est de jurisprudence constante que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n’a pas pour effet de modifier cette durée (arrêt Cour de cassation Chambre mixte, 26 mai 2006, pourvoi n°03-16.800). La durée de la prescription d’une créance est exclusivement déterminée par la nature de celle-ci, peu important que soit poursuivie l’exécution du titre exécutoire la constatant ( arrêt Cour de cassation, 1re Civ., 12 juillet 2007, pourvoi n°06-11.369 ).
S’agissant de la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS, le délai de prescription applicable est de cinq ans conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil.
Force est de constater que, au regard des différents actes interruptifs de prescription effectués par le créancier poursuivant, l’action en paiement de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS engagée à l’encontre de Madame [I] épouse [L] sur le fondement de l’acte notarié du 31 décembre 2007 n’est pas prescrite. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur la nullité de l’acte de cautionnement.
En cause d’appel, Madame [I] épouse [L] prétend que le contrat de cautionnement serait nul, faisant valoir que les dispositions des articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation applicables au présent litige n’ont pas été respectées.
La cour relève que l’offre de prêt consentie par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS et acceptée par la SCI ROLD DAYLAND en qualité d’emprunteur et par Monsieur [I] et Madame [L] en qualité de caution était destinée à financer une activité professionnelle, en l’occurrence la construction d’un immeuble de neuf appartements à usage locatif, de sorte qu’elle n’était pas soumise aux dispositions des articles L. 312-2 et L. 312-3 anciens du code de la consommation, et partant des articles L. 312-7 et L. 312-10 anciens du code de la consommation. Le moyen tiré de l’application des dispositions susvisées du code de la consommation et soulevé par Madame [I] épouse [L] sera déclaré inopérant.
En conséquence, l’appelante sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la recevabilité des moyens et prétentions de Madame [L] à l’égard de la banque.
Il est de jurisprudence constante que le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité engagée par la caution contre la banque, est fixé, au visa de l’article L. 110-4 du code de commerce, au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, étant précisé que ce point de départ est identique que la caution invoque la disproportion de son engagement (arrêt Cour de cassation, 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.325) ou un manquement de la banque à son obligation de mise en garde (arrêt Cour de cassation, 1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi n° 17-21.157). Le délai de prescription applicable est désormais celui de droit commun énoncé par l’article 2224 du code civil.
Madame [I] invoque à la fois la disproportion de son engagement et un manquement de la banque à son obligation de mise en garde.
En réponse, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS soutient que Madame [I] épouse [L], ayant eu connaissance des prétendus griefs formulés par l’emprunteur à l’encontre du prêteur depuis plus de douze années, n’est plus recevable à engager une quelconque action en responsabilité de la banque soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.
La cour relève que, en l’absence d’une mise en demeure adressée par le prêteur à la caution de payer les sommes dues par l’emprunteur en raison de sa défaillance la saisie-attribution diligentée le 18 janvier 2021 par le créancier poursuivant a constitué le premier acte permettant à l’appelante d’appréhender l’existence éventuelle
d’une disproportion de son engagement en tant que caution ou d’un manquement de l’intimée à son obligation de mise en garde.
Dès lors, la banque ne peut prétendre que Madame [I] épouse [L] n’est plus recevable à se prévaloir d’un manquement de la banque à son obligation de mise en garde ou de l’inadaptation de son engagement à ses capacités financières. Ce moyen sera déclaré inopérant.
Sur la disproportion de l’engagement de la caution.
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
La banque prétend que Madame [I] épouse [L], en sa qualité d’associée de la SCI ROLD DAYLAND, avait connaissance de l’étendue et de la portée de son engagement. Toutefois, le fait que Madame [I] épouse [L] ait possédé des parts au sein de la SCI ROLD DAYLAND ne suffit pas à établir qu’elle était une caution avertie comme ayant disposé d’une compétence particulière en matière financière la qualifiant pour apprécier les enjeux et les risques de non-remboursement du prêt souscrit par la société civile immobilière. Dès lors, ce moyen sera déclaré inopérant.
Il est de jurisprudence constante que la disproportion manifeste s’apprécie au regard des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude et l’exhaustivité et que l’appréciation du caractère disproportionné de l’engagement de caution relève du pouvoir souverain des juges du fond qui doivent s’en tenir aux seuls biens et revenus de la caution, ceux-ci s’entendant de l’actif patrimonial, les biens, quoique grevés de sûretés, lui appartenant devant être pris en compte, leur valeur étant appréciée en déduisant le montant de la dette, dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évalué au jour de l’engagement de la caution; en contrepoint, les juges du fond doivent prendre en considération l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’engagements de caution précédemment souscrits.
La charge de la preuve de l’existence d’une disproportion de son engagement repose sur la caution qui doit établir qu’à l’époque de la souscription du prêt litigieux, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, s’il est établi que Madame [I] épouse [L] ne travaillait pas au moment de la signature de l’acte authentique de prêt litigieux et ne percevait aucune rémunération salariale, il n’est pas démontré que l’appelante n’avait pas une situation financière suffisamment solide pour s’engager comme caution solidaire à hauteur de 610.000 euros.
Dans ses dernières écritures, Madame [I] épouse [L] reconnaît qu’elle a été propriétaire d’un bien situé à [Localité 9] mais prétend que ledit bien immobilier était estimé à une valeur inférieure à 300.000 euros.
Toutefois, la cour relève que, tant en première instance qu’en cause d’appel, Madame [I] épouse [L] procède uniquement par affirmations et ne produit aucun élément relatif à la situation, les caractéristiques et la valeur vénale de ce bien immobilier.
Dans ces conditions, Madame [I] épouse [L] ne rapporte pas la preuve que son engagement en qualité de caution lors de la signature de l’acte notarié du 31 décembre 2007 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur l’obligation de mise en garde.
L’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2006-131 du 10 février 2016, prévoit: « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
Madame [I] épouse [L] prétend que la banque n’a pas effectué les vérifications nécessaire de la situation de la caution.
En l’espèce, il résulte de la plainte déposée le 06 avril 2022 par Madame [I] épouse [L] auprès du Procureur de la République pour usage de faux que la plaignante conteste avoir établi le document intitulé « Fiche de renseignements (Personne physique) ». A l’appui de ses allégations, l’appelante produit un rapport d’expertise graphologique en date du 21 septembre 2022.
En réponse, la banque fait valoir que ce rapport d’expertise, établi de manière non contradictoire et reposant sur une méthode de comparaison d’écritures très contestable, ne lui est pas opposable.
La cour rappelle que l’adaptation d’un engagement aux capacités de la caution n’exclut pas en soi une obligation de mise en garde. Autrement dit, l’obligation de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement (arrêt Cour de cassation, 1 Civ., 14 octobre 2015, pourvoi n 14-14.531).
La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé récemment (arrêt Cour de cassation, Com., 24 novembre 2021, pourvoi n 19-25.195) qu’est erroné le postulat selon lequel le banquier n’est pas débiteur d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution dont l’engagement n’est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus et que, au contraire, l’obligation de mise en garde à laquelle une banque est tenue à l’égard d’une caution non avertie n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus.
La cour relève que la fiche de renseignements produite par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS, qui soutient que ce document a été rempli par Madame [I] épouse [L], comporte plusieurs anomalies :
– la date à laquelle la fiche a été établie n’est pas mentionnée (page 1),
– à la suite de la mention « Certifié sincère et véritable » (page 3), il est mentionné la date du 02 mai 2006, alors que l’acte authentique de prêt litigieux a été signé le 31 décembre 2007,
– la fiche de renseignements comporte de nombreuses ratures,
– la rubrique se rapportant à l’identité et la situation du conjoint n’est pas remplie,
– la rubrique se rapportant à la situation patrimoniale de la caution est renseignée de manière incomplète : l’adresse des biens immobiliers n’est pas précisée, ainsi que la surface des terrains et le type de maison.
La cour en déduit que, au regard de ces nombreuses anomalies qui auraient dû amener la banque à vérifier la situation financière de la caution, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS a manqué à son obligation de mise en garde.
Alors que l’emprunt a porté sur la somme conséquente de 610.000 euros à rembourser en 216 mois selon des échéances mensuelles de 4.504,51 euros, l’établissement de crédit ne justifie pas non plus avoir averti la caution du risque d’endettement pouvant naître de l’octroi d’un prêt d’une somme très importante.
Dès lors, la banque a commis une faute au sens de l’article 1147 ancien du code civil et a engagé sa responsabilité à l’égard de Madame [I] épouse [L]. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.
Le préjudice né du défaut de mise en garde est qualifié par la jurisprudence de perte d’une chance de ne pas souscrire l’engagement de caution solidaire ou de le faire dans une moindre proportion.
La Cour de cassation retient de manière constante que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée . Il en résulte que ce préjudice de la caution ne peut en principe être égal au montant de son engagement.
L’indemnisation de cette perte de chance subie par Madame [I] épouse [L] et résultant du manquement de la banque à son obligation de mise en garde peut être utilement évaluée à 33 % de la chance perdue, soit 201.300 euros.
Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
L’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n 2005-429 du 6 mai 2005, énonce : « Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. »
Or, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ne rapporte pas la preuve du respect de cette obligation d’information annuelle de la caution. Aucun courrier d’information de Madame [I] épouse [L] n’est produit aux débats. La sanction de cette obligation est la déchéance du droit aux intérêts.
Cette sanction porte sur la totalité des intérêts dus au titre du prêt puisqu’il n’est pas rapporté la preuve du respect de l’obligation ne serait ce que sur une année.
Il résulte des pièces du décompte en date du 26 avril 2021 produit par l’intimée que le montant du capital restant dû au 24 septembre 2009 s’élevait à la somme de 460.045,74 euros.
Dans ces conditions, la cour déclare que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à l’égard de Madame [T] [X] [I] épouse [L] sera cantonnée à la somme de 460.045,74 euros et dit que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l’établissement bancaire, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Sur la procédure abusive.
L’article 1240 du code civil, dispose: « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il incombe aux parties qui sollicitent l’octroi de dommages-intérêts d’établir que le responsable de leur préjudice a commis une faute faisant dégénérer son droit fondamental d’agir en justice ou de procéder à des mesures d’exécution forcée en abus.
En l’espèce, la procédure de saisie-attribution diligentée par le créancier poursuivant à l’encontre de la caution ne présente aucun caractère fautif. En conséquence, en l’absence de preuve d’une faute commise par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS, il convient de rejeter la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 18 janvier 2021 et de dommages-intérêts formée par Madame [I] épouse [L]. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires.
Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.
Il sera alloué à Madame [I] épouse [L] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Succombant principalement à l’instance, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
DIT n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue donnée à la plainte déposée le 06 avril 2022 auprès du procureur de la République de Fort-de-France par Madame [I] épouse [L] pour dissimulation intentionnelle et usage de faux ;
CONFIRME le jugement rendu le 08 mars 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :
– Dit que la contestation de Madame [T] [X] [I] épouse [L] est recevable mais non fondée ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande de paiement de la somme
de 333 677,63 € à titre de dommages et intérêts pour faute de la banque ;
– Débouté Madame [T] [X] [I] épouse [L] de sa demande de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Madame [T] [X] [I] épouse [L] à verser la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ;
– Condamné Madame [T] [X] [I] épouse [L] aux dépens ;
Statuant à nouveau,
DIT que la contestation de Madame [T] [X] [I] épouse [L] est recevable et partiellement fondée;
DIT que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS a manqué à l’égard de Madame [T] [X] [I] épouse [L] à son obligation de mise en garde de la caution ;
DIT que ce manquement fautif a causé à la caution un préjudice constitué par la perte de chance de ne pas contracter ;
CONDAMNE, en conséquence, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à verser à Madame [T] [X] [I] épouse [L] la somme de 201.300 euros en indemnisation de son préjudice ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS ;
DÉCLARE que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à l’égard de Madame [T] [X] [I] épouse [L] sera cantonnée à la somme de 460.045,74 euros correspondant au capital restant dû ;
DIT que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l’établissement bancaire, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS à payer à Madame [T] [X] [I] épouse [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE FRANCOIS aux dépens de première instance et d’appel.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,