Nullité de contrat : 7 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03035

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Nullité de contrat : 7 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03035

EP/KG

MINUTE N° 23/155

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 07 Février 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03035

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTZV

Décision déférée à la Cour : 25 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 2]

Représenté par Me Valérie PRIEUR, avocat à la Cour

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/004893 du 26/10/2021

INTIMES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4] Association déclarée représentée par sa directrice nationale,

[Adresse 3]

Représentée par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE

S.C.P. HARTMANN & CHARLIER es qualité de mandataire liquidateur de la Société TM EXPRESS SASU, Mandataires Judiciaire

[Adresse 1]

non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– réputé contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE LITIGE

Selon contrat à durée indéterminée du 10 avril 2018, la Sasu Tm Express a embauché Monsieur [Y] [L], avec effet au 9 avril 2018, en qualité de chauffeur livreur en France et à l’étranger, pour une durée hebdomadaire de 38 heures, en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute égale à 10 euros l’heure, outre remboursement des frais de déplacement.

Le contrat stipule une période d’essai de 60 jours, pouvant être renouvelée.

Monsieur [L] a reçu début juillet 2021 des documents de fin de contrat faisant état d’une rupture pour fin de période d’essai au 9 juin 2018.

Par requête du 6 juin 2019, Monsieur [Y] [L] a saisi le Conseil de prud’hommes, section commerce, de Mulhouse aux fins de condamnation de la Sasu Tm Express à lui payer une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour remise tardive des documents de fin de contrat, une indemnité compensatrice de préavis, et de congés payés y afférents, une indemnité pour absence de visite médicale d’embauche, et aux fins de remise, sous astreinte, d’un bulletin de salaire du mois de juin 2018, certificat travail, solde de tout compte et une attestation destinée à pôle emploi.

La société ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure de liquidation judiciaire, le 19 juin 2019, Monsieur [Y] [L] a mis en cause la Selarl Hartmann et Charlier, es qualité de mandataire liquidateur, et le Cgea de [Localité 4].

Par jugement du 25 mai 2021, le Conseil de prud’hommes a :

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail a bien eu lieu pendant la période d’essai,

– dit et jugé que cette rupture ne constitue pas licenciement,

et en conséquence, a débouté Monsieur [Y] [L] de l’intégralité de ses demandes, et a condamné ce dernier aux dépens.

Par déclaration du 2 juillet 2021, Monsieur [Y] [L] a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions.

Par écritures, transmises par voie électronique le 18 octobre 2021, Monsieur [Y] [L] sollicite l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, et que la Cour, statuant à nouveau, :

– dise et juge que la clause relative à la période d’essai lui est inopposable,

– dise et juge que la rupture du contrat de travail, opéré le 9 juin 2018, constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

et en conséquence,

– fixe sa créance au passif de la société en liquidation judiciaire, aux sommes suivantes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2019 :

* 1 670 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité la procédure de licenciement

* 1 670 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 380 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 38 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* subsidiairement, 836 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice du délai de prévenance, congés payés inclus,

* 1 670 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat

* 1 670 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l’absence de visite médicale d’embauche ;

– enjoigne à la Selarl Hartmann et Charlier, es qualité de mandataire liquidateur de la Sasu Tm Express, de lui délivrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, un bulletin de salaire pour le mois de juin 2018 et une attestation Pole emploi, rectifiés conformément au dispositif de l’arrêt,

En tout état de cause,

– condamne solidairement les intimées à lui payer la somme de 2 000 euros de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel, y compris l’intégralité des frais, émoluments et honoraires prévus par le décret du 26 février 2016.

Par écritures, transmises par voie électronique le 13 octobre 2021, l’Association Unédic délégation Ags/Cgea de [Localité 4] sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, et, à titre subsidiaire, sur la garantie de l’Ags, qu’il soit dit et jugé que la garantie de l’Ags ne s’exercera qu’à titre subsidiaire, en l’absence de fonds disponibles et que cet garantie n’est acquise que dans les conditions de l’article L 3253-8 du code du travail, ainsi que dans les limites des plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2021, Monsieur [L] a fait signifier la déclaration d’appel et ses dernières écritures à la Selarl Hartmann et Charlier, es qualité de mandataire liquidateur de la Sasu Tm Express, qui n’a pas constitué avocat.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Liminaire

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Contrairement aux motifs de ses écritures, l’Unédic ne soulève, dans le dispositif de ces dernières, aucune fin de non recevoir.

I. Sur la période d’essai et la rupture du contrat

La période d’essai se situe au commencement de l’exécution du contrat de travail ; lorsqu’une période d’essai est stipulée postérieurement au commencement de l’exécution du contrat, la durée ainsi exécutée est déduite de cette période d’essai (notamment, Cass. Soc. 28 juin 2000 n°98-45.349).

Il en résulte que les parties peuvent convenir, postérieurement au début de la prestation, une période d’essai.

En l’espèce, il résulte du contrat de travail écrit, daté du 10 avril 2018, mais signé le 30 avril 2018 par le salarié, que Monsieur [L] a convenu avec la société Tm Express une période d’essai de 60 jours.

Monsieur [L] ne fait pas état d’un vice du consentement et de la nullité du contrat.

Si Monsieur [L] soutient que l’exécution du contrat a commencé le 2 avril 2018, la Cour relève que :

– cette affirmation est nouvelle, car non invoquée devant le Conseil de prud’hommes,

– la pièce n°20 de l’appelant, qui justifierait d’un commencement avant le 9 avril 2018, est constituée d’un échange de Sms, des 4 et 5 avril 2018, ne permettant pas de déterminer les personnes concernées par l’échange.

Il en résulte, au regard des documents produits, que Monsieur [L] ne justifie pas d’un début d’activité avant le 9 avril 2018.

Dès lors, la période d’essai, consentie, expirait le 7 juin 2018 à 24 heures.

Sauf dispositions conventionnelles expresses, aucun formalisme particulier n’est requis pour prononcer la rupture d’une période d’essai (notamment, Cass. Soc. 21 juin 2006 n°04-47.839). Cette rupture peut être effectuée verbalement (notamment, Cass. Soc. 9 décembre 1998 n°97-42.858).

Or, en contradiction avec ses écritures à hauteur d’appel, Monsieur [L] a reconnu tant, dans sa requête du 6 juin 2019, en page 2, qu’à l’audience de plaidoirie du 16 mars 2021, devant le Conseil de prud’hommes, par l’intermédiaire de son conseil, que le contrat de travail a été rompu verbalement pendant la période d’essai, suite à un entretien entre le salarié et le représentant de l’employeur du 6 juin 2018, ces déclarations claires et non équivoques ayant été retranscrites au plumitif d’audience par le greffier qui certifie les débats oraux.

Il importe peu que l’employeur ait mentionné dans le certificat de travail, le bulletin de paie du mois de juin 2018, et l’attestation destinée à Pôle Emploi, une date erronée de fin de contrat, en l’espèce le 9 juin 2018, dès lors que le salarié n’a effectué aucune prestation après le 6 juin 2018, puisqu’il a été placé en arrêt maladie, après son entretien avec l’employeur.

En conséquence, le contrat a bien été régulièrement rompu pendant la période d’essai, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de contestation de la rupture à l’initiative de l’employeur, et les demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de licenciement, compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, et pour procédure de licenciement irrégulière.

II. Sur la demande d’indemnisation compensatrice du délai de prévenance

Selon l’article L 1221-25 du code du travail, lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L 1221-19 à L 1221-24 ou à l’article L 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence,

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

En l’espèce, il appartenait à l’employeur de respecter un délai de prévenance de 2 semaines, de telle sorte que l’indemnité est égale, en l’espèce, à 13 jours d’emploi.

Il convient dès lors d’inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Tm Express la somme de :

76 – 7, 60 = 68, 40 X 10 = 640 euros bruts, + 64 euros bruts au titre des congés payés y afférents, dont à déduire les indemnités journalières perçues d’un total de 13 X 27,59 = 358, 67 euros, soit un solde de 345, 33 euros bruts.

En application de l’article L 621-48 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, du 19 juin 2019, arrête, en l’espèce, le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

III. Sur la demande d’indemnisation pour remise tardive des documents de fin de contrat

Il résulte de l’attestation destinée à Pôle Emploi Grand Est que cette dernière a été établie le 5 juillet 2018.

Selon lettre de Pôle Emploi du 5 juillet 2018, Monsieur [L] venait d’effectuer son inscription comme demandeur d’emploi, et cet organisme lui demandait l’attestation destinée à Pôle Emploi délivrée par l’employeur.

Le reçu pour solde de tout compte date également du 5 juillet 2018.

Monsieur [L] fait état du versement du solde de tout compte le 9 juillet 2018.

Pour justifier d’un préjudice, l’appelant produit un extrait du compte bancaire, faisant état d’un découvert en compte de 186, 71 euros au 2 juillet 2018, de Madame [C] [M], sa concubine.

Ce compte a reçu le virement du 9 juillet 2018 de la société Tm Express.

Toutefois, Monsieur [L] ne justifie d’aucun préjudice causé par le retard dans la remise de l’attestation destinée à Pôle Emploi, ni par le paiement, le 9 juillet, du solde de tout compte, alors qu’il ne rapporte pas la preuve, notamment, du paiement de frais de découvert à sa banque.

En conséquence, le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation, à ce titre, sera confirmé.

IV. Sur la demande d’indemnisation pour absence de visite médicale d’embauche

Aux termes de l’article R 4624-10 du code du travail, tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

Selon notification du 16 décembre 2016, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (Cdaph) a reconnu la qualité de travailleur handicapé à Monsieur [L] pour la période du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2019.

Pour autant, le contrat a été rompu, par l’employeur, alors que le salarié comptait moins de 3 mois d’ancienneté dans l’emploi exercé, de telle sorte que l’employeur n’a commis aucun manquement en ne faisant pas effectuer la visite d’information et de prévention.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation à ce titre.

V. Sur la production par l’employeur, représenté par le mandataire liquidateur, d’un bulletin de salaire pour le mois de juin 2018 et d’une attestation destinée à Pôle Emploi

La société Tm Express, représentée par le mandataire liquidateur, sera condamnée à produire à Monsieur [L] :

– un bulletin de paie du mois de juin 2018,

– une attestation destinée à Pôle emploi,

conformes au présent arrêt, étant rappelé que le délai de prévenance n’a pas pour effet de prolonger la date de fin de contrat, soit le 6 juin 2018.

La demande d’astreinte sera rejetée.

VI. Sur la garantie de l’Ags/Cgea de [Localité 4]

En application de l’article L 3253-20 du code du travail, la garantie de l’Ags ne s’exerce qu’à titre subsidiaire, en l’absence de fonds disponibles, et dans les limites des plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

VII. Sur les demandes annexes

Succombant pour l’essentiel, en application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [L] sera condamné aux dépens d’appel.

Sa demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 25 mai 2021 du Conseil de prud’hommes de Mulhouse SAUF en ce qu’il a :

– rejeté la demande d’indemnisation compensatrice du délai de prévenance,

– rejeté la demande de production d’un bulletin de paie du mois de juin 2018 et d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE à la somme de 345, 33 euros bruts (trois cent quarante cinq euros et trente trois centimes), la créance, de Monsieur [Y] [L], au titre de l’indemnité compensatrice de délai de prévenance, au passif de la procédure de liquidation judiciaire concernant la Sasu Tm Express ;

CONDAMNE la Selarl Hartmann et Charlier, es qualité de mandataire judiciaire de la société Tm Express, à remettre à Monsieur [Y] [L] un bulletin de paie du mois de juin 2018, et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes au présent arrêt ;

DEBOUTE Monsieur [Y] [L] de sa demande d’astreinte ;

RAPPELLE que l’Ags/Cgea de [Localité 4] doit sa garantie à titre subsidiaire en cas d’absence de fonds disponibles, et dans la limite des articles L 3253-8 du code du travail, et de l’un des trois plafonds résultant des articles L 3253 -17 et D 3253-5 du code du travail ;

RAPPELLE que le cours des intérêts légaux et conventionnels est interrompu à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective ;

DEBOUTE Monsieur [Y] [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [L] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 07 février 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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