ARRET
N°
[P]
[W]
C/
[C] [E]
S.A. COFIDIS
MS/VB
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEPT FEVRIER
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03357 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IEUW
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE PROXIMITE D’ABBEVILLE DU DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [L] [P]
né le 10 Août 1974 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/5371 du 10/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)
Représenté par Me AVISSE substituant Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocats au barreau d’AMIENS
Madame [T] [W]
née le 07 Août 1977 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me AVISSE substituant Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocats au barreau d’AMIENS
APPELANTS
ET
Maître [I] [C] [E] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ARBRECO, designé à cette fonction par jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 4 decembre 2019
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Assigné à domicile le 26/07/2021
S.A. COFIDIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Christian LUSSON de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocat au barreau d’AMIENS
INTIMES
DEBATS :
A l’audience publique du 29 novembre 2022, l’affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 février 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 07 février 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant bon de commande du 19 juillet 2017, suite à un démarchage à domicile, Mme [W] a conclu avec la société Arbreco un contrat de fourniture et d’installation d’une centrale photovoltaïque comportant les démarches administratives et le coût du raccordement en vue de la revente d’électricité à ERDF, au prix global de 29 900 euros TTC, financé par un crédit souscrit le même jour par l’acquéreuse et son concubin, M. [P], avec la société Cofidis.
Le 19 décembre 2017, une attestation de livraison et d’installation du matériel et une attestation de mise en service de l’installation ont été signées. L’installation a été déclarée conforme par le CONSUEL le 7 mars 2018. Au vu de ces documents, la banque a versé les fonds à la venderesse le 9 mars 2018.
Par jugement du 4 décembre 2019, la société Arbreco a été placée en liquidation judiciaire, M. [C] [E] étant désigné liquidateur.
Se plaignant d’une pose défectueuse et du retard dans la mise en service de l’installation, Mme [W] et M. [P] ont assigné le liquidateur et la banque, par actes du 7 juillet 2020, aux fins de voir prononcer l’annulation ou la résolution des contrats et d’obtenir réparation de leur préjudice.
Par jugement du 12 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Abbeville a débouté Mme [W] et M. [P] qui ont fait appel par déclaration du 18 juin 2021, signifiée le 26 juillet 2021 au liquidateur par remise à son domicile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 14 février 2022, signifiées le 16 septembre 2021 à l’intimé non constitué, Mme [W] et M. [P] demandent à la cour :
– d’infirmer le jugement,
– prononcer la nullité ou la résolution des contrats,
– condamner la société Cofidis à leur rembourser les mensualités indument réglées,
– les dispenser du remboursement du capital emprunté,
– condamner la société Cofidis au paiement d’une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que :
– le contrat principal est nul faute de mentionner le prix unitaire de chaque bien acquis et le délai légal de rétractation,
– ce contrat doit être résolu pour manquement grave de la venderesse à ses obligations du fait de la pose défectueuse de l’installation et de l’absence de prise en charge des démarches admnistratives auprès de la société ERDF en vue de la revente d’électricité,
– le contrat de crédit accessoire est consécutivement annulé ou résolu,
– la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans s’être assurée de la complète exécution du contrat principal et de sa régularité,
– cette faute leur a causé un préjudice caractérisé par le paiement d’un prix disproportionné par rapport à la valeur des biens vendus et la privation de la jouissance de l’installation pendant deux ans.
Par conclusions du 3 décembre 2021, signifiées le 16 décembre 2021 à l’intimé non constitué, la société Cofidis demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse du prononcé de la nullité ou de la résolution des contrats, condamner solidairement M. [P] et Mme [W] à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 29 900 euros avec intérêts au taux légal, avant déduction des échéances payées,
– condamner in solidum M. [P] et Mme [W] au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
– le contrat principal est valable puisqu’il mentionne le prix global à payer et comporte un bordereau indiquant le délai légal de rétractation,
– l’éventuelle nullité est couverte par la confirmation,
– la résolution du contrat ne peut être prononcée à défaut de manquement de la venderesse à ses obligations puisque l’installation fonctionne et génère des revenus,
– elle n’a pas commis de faute dans le déblocage des fonds, opéré au vu d’attestations précises et signées par M. [P], coemprunteur solidaire,
– les emprunteurs ne subissent aucun préjudice consécutif au versement des fonds.
MOTIVATION
1. Sur la validité du contrat principal
Vu les articles L. 221-5, L. 221-9, L. 221-18 et L. 242-1 du code de la consommation ainsi que l’article 1182 du code civil,
A peine de nullité, le contrat conclu hors établissement comprend, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions, délai et modalités d’exercice du droit de rétractation lorsque ce droit existe. Il est accompagné du formulaire type de rétractation.
Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation à compter de la réception du bien pour les contrats de vente de biens.
La confirmation d’un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l’affectant et l’intention de le réparer.
Le bon de commande du 19 juillet 2017 reproduit l’article L. 121-25 du code de la consommation. Cette disposition, qui prévoyait un délai de rétractation de sept jours, a été abrogée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014. Si le formulaire de rétractation joint au bon de commande mentionne le délai de quatorze jours conformément à la loi applicable, il indique que ce délai court à compter de la commande ou de l’engagement d’achat, ce qui est inexact s’agissant d’un contrat de vente de biens.
La mention d’un point de départ inexact et de deux délais différents dans le bon de commande ne permettait pas au consommateur d’être informé de manière compréhensible de son droit de rétractation, ce qui constitue une contravention à l’article L. 221-9 sanctionnée par la nullité du contrat.
A défaut d’information compréhensible dans le bon de commande, la condition de connaissance du vice exigée pour la confirmation de l’acte nul n’est pas remplie.
Il convient, par conséquent, d’infirmer le jugement et de prononcer l’annulation du contrat de vente.
2. Sur la responsabilité de la banque dans le versement des fonds
Vu les articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation,
Le contrat de crédit accessoire est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même annulé.
Si l’anéantissement du contrat de crédit impose, en principe, à l’emprunteur de restituer le capital emprunté, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré de l’exécution complète du contrat principal et de sa régularité formelle, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
L’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à libérer les fonds au vu d’une attestation de livraison n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré. Cette attestation doit être suffisamment précise pour caractériser l’exécution complète du contrat principal.
Le contrat de vente du 19 juillet 2017 étant annulé, le contrat de crédit accessoire du même jour l’est aussi.
La faute de la société Cofidis est établie. Non seulement, elle a versé les fonds le 9 mars 2018 sans s’assurer de régularité formelle du contrat principal. Mais encore, ce versement est intervenu avant l’exécution par la venderesse des démarches admnistratives en vue du raccordement de l’installation aux réseaux publics de distribution d’électricité permettant la revente d’électricité, prévue au contrat. L’attestation de mise en service signée le 19 décembre 2017 par M. [P] mentionne d’ailleurs que l’autorisation de déblocage est donnée sous réserve de la justification auprès de la banque de l’accomplissement de ces démarches.
Les emprunteurs invoquent deux préjudices, le premier relatif au paiement d’un prix disproportionné par rapport à la valeur des biens vendus et le second relatif à la privation de la jouissance de l’installation pendant deux ans.
Le premier préjudice n’est pas en lien avec la faute de la banque qui n’est pas tenue de vérifier l’efficacité économique du contrat principal, au surplus non entrée dans le champ contractuel.
Si l’on peut admettre que le versement prématuré des fonds ait fait perdre une chance aux emprunteurs de bénéficier d’une mise en service plus rapide, le montant de ce préjudice est nul puisqu’ils bénéficient actuellement d’une installation qui fonctionne et génère des revenus, moyennant le seul remboursement du capital emprunté.
Il n’y a, par conséquent, pas lieu de priver la société Cofidis de sa créance de restitution et M. [P] et Mme [W] seront condamnés in solidum à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 29 900 euros avant déduction des échéances payées, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
3. Sur les frais du procès
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
Partie perdante, la société Cofidis sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [P] et Mme [W] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par défaut,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Prononce l’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit accessoire du 19 juillet 2017,
Condamne in solidum [L] [P] et [T] [W] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d’un montant de 29 900 euros avant déduction des échéances payées, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance et d’appel,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cofidis à payer à [L] [P] et [T] [W] la somme de 2 000 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT