MINUTE N° 23/120
Copie exécutoire à :
– Me Laurence FRICK
– Me Dominique HARNIST
– Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 06 Mars 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/03413 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HUOI
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection de MULHOUSE
APPELANTE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE PORTE OUEST, association coopérative inscrite à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉS :
Madame [S] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/004791 du 12/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)
Représentée par Me Dominique HARNIST, a vocat au barreau de COLMAR
Monsieur [O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon offre de contrat de crédit renouvelable « passeport crédit » acceptée le 27 mai 2016, la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest (ci-avant dénommée la banque) a consenti, à Monsieur [O] [R] et à Madame [S] [F] , qui se sont engagés solidairement, un prêt renouvelable d’un montant de 28 000 euros pour une durée renouvelable de un an, remboursable pour chaque utilisation en fonction du montant de l’utilisation et de la durée de remboursement choisi, le taux d’intérêt étant variable en fonction de la destination des fonds.
Les emprunteurs ont sollicité le déblocage du prêt pour un montant de 28 000 euros et les fonds prêtés ont crédité le compte bancaire des emprunteurs le 4 juin 2016.
Le même jour, les emprunteurs ont signé un document précisant que le prêt de 28 000 euros était remboursable pour une durée de soixante mois, moyennant le paiement de mensualités d’un montant
de 571,77 euros l’une au taux débiteur fixe de 5,90 %, pour un coût total de 6 310,19 euros.
Madame [S] [F] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin le 15 mars 2017. Par décision en date du 11 mai 2017, cette commission a déclaré cette demande recevable puis elle a élaboré un projet de plan conventionnel de redressement auquel a acquiescé la banque le 27 juin 2017, qui prévoyait un premier palier de remboursement d’une durée de huit mois avec une mensualité de remboursement de 14,64 euros par mois et un deuxième palier d’une durée de soixante-quatorze mois avec une échéance de remboursement mensuel de 319,63 euros.
Monsieur [O] [R] a, de même, saisi la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin le 6 juin 2017 et sa demande a été déclarée recevable 24 août 2017. La commission a validé les mesures qu’elle a imposées prévoyant un moratoire de la dette sur vingt-quatre mois à compter du 30 juin 2018 pour permettre au débiteur de retrouver un emploi.
Exposant que les débiteurs n’ont pas repris le paiement, malgré mise en demeure, la banque a, par acte du 15 novembre 2019, saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d’une demande dirigée contre Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] en condamnation solidaire à lui payer la somme de 29 728,37 euros, selon décompte arrêté au 26 juillet 2019, outre intérêts au taux de 5,90 % l’an à compter du 27 juillet 2019 jusqu’à parfait paiement ainsi que 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [S] [F] a sollicité reconventionnellement la condamnation de la banque à lui payer la somme de 14 000 euros à titre de dommages intérêts pour violation de son obligation de conseil et a sollicité la compensation entre les créances réciproques, subsidiairement, elle a demandé à bénéficier d’ un délai de paiement.
Monsieur [O] [R] a indiqué souhaiter que chaque partie paie la moitié du prêt que le couple avait souscrit ensemble et a précisé ne pas avoir à supporter d’intérêts dès lors qu’il avait bénéficié d’un dossier de surendettement.
Par jugement en date du 22 juin 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
– Déclaré irrecevable la demande à l’égard de Madame [S] [F],
– Déclaré recevable la demande à l’égard de Monsieur [O] [R],
– Prononcé la nullité du contrat liant la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest à Monsieur [O] [R],
– Débouté la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest de la totalité de ses demandes,
– Condamné la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest aux entiers dépens,
– Ordonné l’exécution provisoire.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la banque ne produisait pas un historique de compte permettant de se convaincre de l’absence de forclusion de l’action de la banque en tant que dirigée contre Madame [S] [F] ; que si la responsabilité de la banque est engagée au titre du manquement à son obligation de renseignements et de mise en garde, Madame [S] [F] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice dès lors qu’elle n’est pas condamnée à restituer le capital ; que le contrat en tant que conclu avec Monsieur [O] [R] encourt la nullité dès lors que le fait de ne pas produire le décompte depuis le jour de conclusion du contrat ne permettrait pas de vérifier le respect de la règle prévue à l’article L312-25 du code de la consommation stipulant que pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement sous quelque formée, à quelque titre que ce soit ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou par le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur ; que l’absence de décompte complet ne permet pas au tribunal de déterminer le montant que doit restituer Monsieur [O] [R] à la banque.
La banque a interjeté appel à l’encontre de cette décision suivant déclaration en date du 20 juillet 2021 et par dernières écritures notifiées le 28 novembre 2022, elle conclut à l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré recevable la demande à l’égard de Madame [S] [F], en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat la liant à Monsieur [O] [R], en ce qu’elle l’a déboutée de la totalité de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau de :
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] à lui payer une somme de 29 728,37 euros augmentée des intérêts au taux de 5,75 % l’an à compter du 26 juillet 2019,
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] à lui payer une somme de 0,50 % l’an sur la somme de 29 728,37 euros au titre de l’assurance vie à compter du 26 juillet 2019,
À titre subsidiaire,
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] à lui payer la somme de 20 611,45 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2019 et la somme de 0,50 % l’an au titre de l’assurance vie à compter du 26 juillet 2019,
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance,
-débouter Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] de l’intégralité de leurs demandes,
-confirmer pour le surplus,
Sur appel incident, respectivement demande reconventionnelle de Monsieur [O] [R] et de Madame [S] [F] ,
-débouter Madame [S] [F] et Monsieur [O] [R] de l’intégralité de leurs demandes,
En tout état de cause,
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel.
Au soutien de son appel, la banque fait valoir :
-sur la recevabilité de sa demande à l’égard de Madame [S] [F] : que selon l’historique du compte les fonds ont été débloqués le 4 juin 2016 ; que les échéances du prêt ont été régulièrement payées du mois de juillet 2016 au mois d’avril 2017 inclus ; que des règlements ont eu lieu à hauteur de 49,55 euros le 6 octobre 2017, de 49,80 euros le 5 novembre 2017 et de 49,81 euros le 5 décembre 2017, soldant les huit échéances de 14,64 euros que Madame [S] [F] aurait dû payer en application du plan de désendettement, mais que l’échéance du mois de février 2018 n’a pas été réglée de sorte qu’elle constitue la première échéance impayée non régularisée et que l’instance ayant été introduite le 14 novembre 2019, la forclusion n’est pas acquise ;
-sur la nullité du contrat : que l’historique du compte courant des emprunteurs démontre que les fonds ont été débloqués plus de sept jours après la signature du contrat de prêt ( peu important que
le délai de rétractation ne soit pas écoulé à ce moment-là) de sorte que la nullité du contrat n’est pas encourue ;
-sur la déchéance du droit aux intérêts : que l’article L312-71 du code de la consommation n’est pas applicable en l’espèce et qu’en tout état de cause le non-respect de l’obligation d’information mensuelle prévue à cet article consiste en une amende et non par la déchéance du droit aux intérêts ; qu’elle a consulté le fichier des incidents de paiement des particuliers le jour même de la conclusion du contrat et avant déblocage des fonds ; que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts pour non consultation du FICP, au moment de la reconduction du contrat, n’est plus encourue après 2017 ; qu’eu égard aux procédures de surendettement, il n’y avait pas lieu, à partir de l’année 2018, à information annuelle des emprunteurs quant aux conditions de renouvellement du contrat ; que la fiche pré contractuelle de renseignements a été remise aux emprunteurs, qui ont reconnu avoir reçu et avoir pris connaissances desdites informations pré contractuelles ; que ses demandes sont fondées y compris au titre de l’indemnité conventionnelle de 8 % ; qu’elle n’a commis aucune faute que ce soit à l’égard de Madame [S] [F] comme de Monsieur [O] [R] dans la mesure où le crédit litigieux correspond à un regroupement de crédits qui ne modifie pas par nature le montant de l’endettement, qu’elle a vérifié la situation financière des emprunteurs au travers de la fiche de renseignements, qu’elle a consulté le FICP pour chacun des emprunteurs ; que le devoir de mise en garde suppose qu’il existe un risque d’endettement des emprunteurs, ce qui n’était pas le cas ; qu’elle n’avait pas à s’immiscer dans la vie privée de ses clients.
Par écritures notifiées le 20 janvier 2022, Madame [S] [F] a conclu à la confirmation de la décision entreprise et demande à la cour de :
-constater que la banque s’est montrée défaillante dans son obligation de conseil et de mise en garde à son égard,
-en conséquence, la condamner à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts,
-prononcer la déchéance du droit intérêt pour violation des dispositions impératives du code de la consommation qui prévoient que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa
présentation. Cette fiche d’informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l’article L. 311-5 du code de la consommation et notamment des articles L312-71 et L312- 12 du code de la consommation,
-ramener le montant de l’indemnité conventionnelle à un montant symbolique, s’agissant d’une clause pénale,
-enjoindre à la banque de justifier de l’état de la procédure de recouvrement concernant Monsieur [O] [R] ,
-ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties,
Subsidiairement,
-accorder les plus larges délais de paiement,
-statuer ce que de droit quant aux dépens.
En substance, Madame [S] [F] fait valoir ensuite que le crédit renouvelable qu’elle a souscrit solidairement avec son compagnon de l’époque à un moment où elle se trouvait en état de faiblesse, était destiné dans une très large mesure à rembourser des crédits souscrits par Monsieur [O] [R] seul et que la banque a failli à ses obligations en ne l’informant pas des conséquences de son engagement au regard de la solidarité contractée alors que ses ressources personnelles étaient des plus minimes ; qu’elle se trouve tenue au remboursement d’une somme de 28 000 euros en principal alors qu’elle a profité du crédit pour un montant de 3 000 euros seulement ; que les dispositions de l’article L312-71 du code de la consommation, qui s’applique en l’espèce n’a pas été respecté ; que la banque ne justifie pas avoir remis une fiche d’informations pré contractuelles conformes aux prescriptions du code de la consommation ; qu’elle cumule deux emplois avec deux enfants à charge.
Par dernières écritures notifiées le 27 octobre 2022, Monsieur [O] [R] conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et à titre subsidiaire, il demande à la cour de :
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
-réduire le montant de l’indemnité conventionnelle due à un montant symbolique,
-dire et juger que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde,
En conséquence,
-la condamner à payer une somme de 29 728,37 euros à titre de dommages intérêts,
-ordonner la compensation des créances,
-débouter la banque de l’ensemble de ses demandes,
À défaut de compensation des créances, lui accorder les plus larges délais de paiement,
En tout cas,
-condamner la banque aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel et à lui payer une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [O] [R] fait valoir que la banque justifie in extremis avoir débloqué les fonds postérieurement au délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur ; que la déchéance du droit aux intérêts est justifiée :
-par le manquement par la banque à son obligation d’adresser à l’emprunteur mensuellement et dans un délai raisonnable avant la date de paiement, un état actualisé de la dette en application de l’article L312-71du code de la consommation, dispositions applicable à la convention des parties,
-par le défaut de vérification de la solvabilité des emprunteurs par la consultation du FICP tant au jour de la conclusion du contrat qu’avant la reconduction du contrat qui devait intervenir le 27 mai 2017,
-du fait de l’absence d’indication des conditions de reconduction du contrat à compter de l’année 2018,
-du fait de l’absence de preuve de la remise de la fiche d’informations pré contractuelles européennes signée.
Il explique que la banque a engagé sa responsabilité dans la mesure où la solvabilité des emprunteurs n’a pas été correctement étudiée au vu des fiches de paie présentées par les emprunteurs ; qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un regroupement de crédits : qu’il avait contracté d’autres prêts,auprès de Sofinco et Cetelem, dont la banque n’a pas tenu compte et qui venait aggraver sa situation financière ; qu’il s’est trouvé contraint de déposer un dossier de surendettement et que ses ressources mensuelles ont été évaluées à 1 082 euros pour 1 216 euros de charges.
L’ordonnance de clôture est en date du 12 décembre 2022.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
Sur la forclusion
Les dispositions du jugement déféré par lesquelles, la demande en paiement de la banque a été déclarée recevable à l’égard de Monsieur [O] [R] ne sont pas remises en cause devant la cour.
S’agissant de Madame [S] [F], force est de constater, d’une part, que les échéances du prêt ont été réglées jusqu’au mois d’avril 2017 et que la décision de la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin en date du 11 mai 2017, a déclaré recevable le dossier de surendettement déposé par l’intimée, emportant dès lors interdiction des paiements et suspension des mesures d’exécution jusqu’à l’adoption d’un plan.
Un plan de redressement ayant été adopté, le délai de forclusion de deux ans a commencé à courir à compter du premier incident non régularisé intervenu après l’adoption dudit plan, en application des dispositions de l’article R312-35 du code de la consommation, alors applicable.
Il ressort des décomptes produits que Madame [S] [F] a respecté les échéances mises à sa charge par la commission de surendettement jusqu’à l’échéance du mois de février 2018 dont il n’est pas rapportée la preuve qu’elle ait été payée. Il n’est justifié ni allégué aucun paiement postérieur à cette première échéance impayée.
Il en résulte que l’action, introduite par acte introductif d’instance reçu au greffe du tribunal d’instance de Mulhouse le 15 novembre 2019 et notifié à Madame [S] [F] le 28 novembre 2019, n’encourt pas la forclusion de deux ans.
La décision déférée sera donc infirmée et la demande de la banque déclarée recevable à l’encontre de Madame [S] [F].
Sur la validité du contrat
Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a, au visa de l’article 6 du code civil, annulé le contrat de crédit litigieux au motif qu’il n’a pas été possible au juge des contentieux de la
protection de vérifier que les fonds n’ont pas été débloqués au profit des emprunteurs avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par ces derniers.
Or, le décompte produit à hauteur d’appel démontre que les fonds ont, sur leur demande, été mis à disposition des emprunteurs le 4 juin 2016, soit le 8 ième jour après l’acceptation de l’offre de crédit par les emprunteurs.
La circonstance que le délai de rétractation de quatorze jours n’était pas expiré à cette date n’est pas de nature à affecter la validité du contrat de crédit.
Le jugement déféré par lequel le premier juge a, au demeurant statué ultra petita en violation de l’article 5 du code de procédure civile puisqu’aucune demande en ce sens n’avait été formulée par les parties défenderesses, devra en conséquence être infirmé en ce qu’il a annulé le contrat renouvelable conclu entre les parties.
Sur les demandes au titre de la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article L311-6 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour du contrat, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, par écrit ou sur un support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. La liste et le contenu des informations figurant dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixées par décret en Conseil d’état.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche d’informations précontractuelles normalisées européenne constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
En l’espèce, la banque ne produit aucun élément susceptible de corroborer la mention figurant au contrat de crédit suivant laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir reçu la fiche d’informations précontractuelles normalisées européennes, la seule production de ladite fiche, au demeurant non signée, étant inopérante à cet effet.
Il s’ensuit que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts conformément aux dispositions de l’article L 311-48 du code de la consommation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner
la pertinence des autres motifs de déchéance du droit aux intérêts.
Sur la créance de la banque
En cas de défaillance des emprunteurs et lorsque la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée, l’établissement financier ne peut réclamer à ses clients défaillants que le capital restant dû, à l’exclusion des intérêts contractuels.
En l’espèce, il résulte de l’annexe 24 de la banque que les débiteurs ont versé hors assurances une somme de 7 388,55 euros, ce dont il résulte une créance en capital de 20 611,45 euros, ce calcul n’ayant donné lieu à aucune contestation.
Les intimés seront donc condamnés solidairement au paiement de cette somme avec les intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2019, la circonstance que Monsieur [O] [R] ait fait l’objet d’un moratoire étant sans incidence sur le droit de la banque à percevoir des intérêts légaux dès lors qu’aucun paiement n’est intervenu en suite de l’expiration de ce moratoire.
Les intimés sollicitent inutilement la réduction du montant de la clause pénale de 8 % dans la mesure où la banque n’en sollicite pas le paiement. Il n’y a donc pas lieu à statuer sur cette demande.
Le contrat de crédit liant les parties prévoit que l’assurance est souscrite pour la durée du crédit.
Il a été mis fin à la convention de crédit du fait de la déchéance du terme : il en résulte que la banque n’est pas fondée à réclamer la somme de 0,50 % l’an sur le capital restant dû au titre de l’assurance souscrite par les emprunteurs.
Sur la demande de Madame [S] [F] de faire injonction à la banque de justifier de la procédure de recouvrement concernant Monsieur [O] [R]
Une procédure de recouvrement ne peut être mise en ‘uvre qu’en vertu d’un titre exécutoire.
Or, ayant été débouté de ses demandes en paiement, la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest ne disposant pas de titre exécutoire, n’a pu mettre en ‘uvre aucune procédure de recouvrement à l’encontre de Monsieur [O] [R] .
La demande est donc dénuée d’objet.
Sur les demandes de dommages et intérêts
1/ sur le manquement à l’obligation d’information et de conseil
Madame [S] [F] a sollicité avec son compagnon de l’époque l’octroi d’un crédit de 28 000 euros auprès de l’appelante. Elle a mis un terme à sa relation avec Monsieur [O] [R] peu de temps après.
Elle ne peut sérieusement reprocher à la banque, qui n’a pas à s’immiscer dans les affaires privées de ses clients et n’a pas à s’y substituer dans l’appréciation de l’utilité du crédit , de ne l’avoir pas alertée sur le fait qu’ elle devenait débitrice de la totalité de l’objet du crédit, alors que celui-ci ne lui aurait été profitable qu’à la marge puisque destiné à rembourser des crédits contractés par le seul Monsieur [O] [R] et alors que le montant de ses ressources personnelles était bien inférieur à celui de son co-emprunteur.
Elle n’est pas recevable à prétendre que la banque avait connaissance du fait que le crédit était essentiellement destiné à refinancer des prêts antérieurement souscrits par son concubin alors qu’elle a signé, le 27 mai 2016, une fiche de renseignements au terme de laquelle elle a, comme ce dernier, déclaré que le crédit demandé n’a pas pour objet le regroupement de crédits ou d’autres dettes.
Par ailleurs, il n’est fourni aucun élément permettant d’accréditer qu’au jour de l’acceptation de l’offre de crédit litigieuse, la banque aurait dû se convaincre de ce que Madame [S] [F] n’aurait pas été en capacité de contracter.
La demande de dommages intérêts n’est donc pas fondée au titre du manquement prétendu à l’obligation d’information et de conseil.
2/ sur le manquement à l’obligation de mise en garde
Il est de jurisprudence acquise que lors de la conclusion du contrat, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’un devoir de mise en garde à raison de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement excessif né de l’octroi du crédit, étant précisé que lorsque le crédit est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de celui-ci doit s’apprécier au regard des capacités financières globales des co-emprunteurs.
S’il appartient au prêteur de prouver qu’il a rempli son devoir de mise en garde, il appartient à l’emprunteur qui agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement, par
l’établissement de crédit, à l’obligation de mise en garde, d’établir au préalable qu’à l’époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l’accomplissement par la banque d’un tel devoir.
En l’espèce, les emprunteurs ont certifié sur l’honneur l’exactitude des informations portées sur la fiche de renseignements indiquant qu’ils percevaient des revenus professionnels à hauteur de 32 184 euros par an ainsi que des prestations sociales pour un montant de 1 704 euros soit un total annuel avant impôt de 32 184 euros, pour un montant de charges annuelles de 11 997 euros, comprenant la charge du crédit renouvelable litigieux pour un montant de 6 837 €, soit un revenu mensuel disponible après impôt de 1 682 euros, la banque calculant ainsi que le « taux d’effort » s’élevait à 37,28 %.
Les intimés ne justifient pas qu’ils se trouvaient, au jour de la signature du contrat dans une situation financière justifiant l’accomplissement par la banque d’un devoir de mise en garde.
Eu égard aux indications certifiées exactes par les intimés, portées sur la fiche de renseignements, l’octroi du crédit renouvelable litigieux n’était pas de nature à faire naître un risque d’endettement excessif au regard des capacités financières globales du couple en cas de déblocage du montant total de ce crédit.
Il résulte de ces énonciations que les intimés échouent à rapporter la preuve d’un manquement par la banque à son obligation de mise en garde.
Il y aura lieu de débouter Monsieur [O] [R] de sa demande de dommages-intérêts et statuant sur omission de statuer en ce qui la concerne, de débouter Madame [S] [F] de sa demande fondée sur le manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde.
Sur les délais de paiement
En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, chacun des débiteurs a bénéficié d’une procédure de surendettement qui n’a pas permis l’apurement de la dette.
Aucun d’entre eux n’est en capacité de régler la dette dans le délai de deux ans, de sorte que les demandes de délais de grâce seront rejetées.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées dans la mesure où la banque a perdu le procès qu’elle a intenté en première instance, faute pour elle d’avoir produit les pièces nécessaires au soutien de ses demandes.
Partie perdante en cause d’appel, Madame [S] [F] et Monsieur [O] [R] seront condamnés in solidum aux dépens et Monsieur [O] [R] sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [O] [R] sera condamné à payer à l’appelante une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tandis que l’équité justifie qu’il ne soit pas fait application de ses dispositions au détriment de Madame [S] [F] qui bénéficie de l’aide juridictionnelle partielle.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME la décision déférée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest à l’égard de Madame [S] [F], en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat conclu entre la Caisse de crédit mutuel Mulhouse porte Ouest et Monsieur [O] [R] et en ce qu’elle a débouté la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest de la totalité de ses demandes,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
DECLARE recevables les demandes de la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest en tant que dirigées contre Madame [S] [F],
PRONONCE la déchéance de la banque du droit à percevoir les intérêts contractuels,
CONDAMNE solidairement Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] à payer à la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest la somme de 20 611,45 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 201,
DEBOUTE la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest de sa demande en paiement de la somme de 0,50 % l’an sur le capital restant dû au titre de l’assurance vie,
CONFIRME la décision déférée en ce qu’elle a déclaré recevable les demandes de la banque dirigée contre Monsieur [O] [R] et en ce qu’elle a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile,
Sur omission de statuer
DEBOUTE Madame [S] [F] de sa demande de dommages intérêts pour manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde et de sa demande subséquente en compensation des créances réciproques,
Et y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de réduction de l’indemnité conventionnelle à un montant symbolique,
DECLARE sans objet la demande de Madame [S] [F] tendant à voir enjoindre à la banque de justifier de la procédure de recouvrement concernant Monsieur [O] [R],
DÉBOUTE Monsieur [O] [R] de sa demande de dommages intérêts et de sa demande de compensation des créances réciproques,
REJETTE les demandes de délais de paiement,
DIT n’y avoir lieu en équité à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante en ce qui concerne Madame [S] [F],
REJETTE la demande de Monsieur [O] [R] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [O] [R] à payer à la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse porte Ouest la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Monsieur [O] [R] et Madame [S] [F] aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente