Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02823

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Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02823

MM/ND

Numéro 23/1298

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 06/04/2023

Dossier : N° RG 21/02823 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H63Z

Nature affaire :

Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement

Affaire :

S.A.R.L. SARL HAVANA

S.A.S. PGLS BOISSONS

C/

S.A.R.L. ZANJYBAR

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 23 Janvier 2023, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTES :

S.A.R.L. HAVANA

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 411 072 234

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.A.S. PGLS BOISSONS

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 508 530 319

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Teddy VERMOTE de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.R.L. ZANJYBAR

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 513 972 703, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas LACOMME de la SELARL LACOMME AVOCAT, avocat au barreau de DAX

sur appel de la décision

en date du 06 JUILLET 2021

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX

Rappel des faits et procédure :

La société SARL ZANJYBAR, ci-après dénommée ZANJYBAR, est une société holding qui détenait les parts sociales d’une SARL dénommée HAVANA qui exploite un fonds de commerce de Bar Restaurant à [Adresse 4] à l’enseigne « L’ATMOSPHERE ».

Par acte sous seing privé du 8 août 2018, ZANJYBAR s’est engagée irrévocablement à céder à la SAS PGLS BOISSONS, ci-après dénommée PGLS, les 500 parts sociales lui appartenant composant le capital de la SARL HAVANA dont elle était l’associée unique. Ce protocole d’accord prévoyait que «  préalablement aux présentes, la société remboursera le compte courant du cédant ».

Par acte sous seing privé du 21 septembre 2018 et après levée des conditions suspensives, ZANJYBAR a cédé lesdites parts à PGLS moyennant paiement du prix de 380.000 euros convenu dans le protocole d’accord.

L’article 3 de l’acte de cession stipule : « Préalablement aux présentes, le compte courant du cédant a été remboursé par la société ».

Le jour de la signature, le vendeur des parts n’a pas infirmé ce renseignement, destiné à la parfaite information de l’acquéreur. ZANJYBAR a par la suite réclamé le remboursement de son compte courant, remboursement qui n’avait pas été effectué avant la cession des parts sociales, contrairement à la mention figurant dans l’acte de cession.

Par acte du 22 septembre 2020, La SARL ZANJYBAR, prise en la personne de son représentant légal, a assigné La SARL HAVANA devant le tribunal de commerce de Dax, aux fins de condamner la société HAVANA à verser à la société ZANJYBAR la somme de 17 235,00 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juillet 2020 et à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par jugement contradictoire du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Dax a :

Déclaré la société HAVANA irrecevable en ses demandes et l’a déboutée,

Constaté que la société HAVANA ne contestait pas l’existence d’un compte courant d’associé de 17 235 € dans ses comptes au profit de la société ZANJYBAR,

Condamné la société HAVANA à payer à la société ZANJYBAR la somme de 17 235 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juillet 2020,

Condamné la société HAVANA à payer à la société ZANJYBAR la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée pour le surplus,

Condamné la société HAVANA aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés pour la somme de 69,59 € TTC.

Par déclaration du 1er août 2021, la SARL HAVANA a interjeté appel de cette décision. Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 21-02628.

Estimant que la société ZANJYBAR a commis un dol ou à tout le moins est responsable d’un silence fautif en lui laissant croire que son compte courant avait été remboursé par la société HAVANA, La SAS PGLS BOISSONS a assigné la société SARL ZANJYBAR devant le tribunal de commerce de Dax par acte du 22 décembre 2020 pour voir :

Vu les articles 1103, 1104, 1130, 1137 du code civil et 515 du code de procédure civile :

‘ Dire et juger que la SARL ZANJYBAR a commis un dol en laissant croire à la SAS PGLS BOISSONS que son compte courant avait été remboursé par la SARL HAVANA.

Subsidiairement,

‘ Dire que la SARL ZANJYBAR est responsable d’un silence fautif, qu’elle n’a pas respecté son devoir loyal d’information.

Dans les deux cas,

‘ Condamner la SARL ZANJYBAR au paiement de la somme de 17.235,00 euros à titre de dommages- intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018, date de la cession de parts.

‘ La condamner à régler la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

‘ Prononcer l’exécution provisoire pour le tout.

‘ Condamner la SARL ZANJYBAR à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour s’opposer à ces prétentions, la société SARL ZANJYBAR a fait valoir que :

‘la cession des titres d’une société n’entraîne pas le transfert automatique à l’acquéreur de la créance détenue par le cédant en compte courant d’associé. Le transfert du compte courant d’associé d’une société s’analyse en une cession de créance régie par l’article 1321 du Code civil ;

‘lorsque l’acte de cession des parts ne prévoit aucune cession du compte courant d’associé, ni le remboursement dudit compte courant d’associé, ni l’abandon total ou partiel de la créance de compte courant d’associé, le cédant restant titulaire de sa créance peut en demander le remboursement à tout moment ultérieurement à la cession ;

‘l’acte de cession a été rédigé par le conseil de la société PGLS et la mention portée à l’acte en son article 3, à savoir: « Préalablement aux présentes, le compte courant du cédant a été remboursé par la société » n’est pas une déclaration de ZANJYBAR mais une mention portée par le conseil du cessionnaire, la société PGLS BOISSONS;

* persiste dans les livres de la société HAVANA une créance de compte courant à son profit ;

* PGLS a eu communication, avant la vente, des documents comptables de la SARL HAVANA comme le précise l’acte de cession

La société ZANJYBAR a conclu au débouté et à la condamnation de la société demanderesse en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Dax a :

Dit que la SARL ZANJYBAR n’a pas commis un dol et n’est pas responsable d’un silence fautif,

Débouté la société PGLS BOISSONS de sa demande de paiement de la somme de 17.235 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018, date de la cession de parts.

Débouté la société PGLS BOISSONS de sa demande de paiement de la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamné la société PGLS BOISSONS à 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile déboutant la SARL ZAN.JYBAR pour le surplus

Condamné la société PGLS BOISSONS aux entiers dépens de l’instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69.59 € TTC.

Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus amples ou contraires et les en a déboutées.

Par déclaration du 27 août 2021, la société SAS PLG BOISSONS a relevé appel de ce jugement. Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 21-02823.

Par ordonnance du 13 avril 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de l’affaire n° RG 21//02823 à l’affaire RG 21/02628

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022, l’affaire étant fixée au 23 janvier 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES ;

Vu les conclusions de la SARL HAVANA et de la SAS PLGS Boissons du 7 décembre 2022 qui demandent de :

Vu les articles 1103, 1104, 1130, 1137 du code civil,

Vu la jonction,

Réformer et infirmer en toutes leurs dispositions les jugement entrepris.

Débouter la SARL ZANJYBAR de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire, si le jugement HAVANA/ZANJYBAR en date du 6 juillet 2021 est

confirmé :

Condamner la SARL ZANJYBAR à payer à la SAS PGLS la somme de 17.235€ outre intérêts au taux légal à compter du paiement effectif.

En tout état de cause, condamner la SARL ZANJYBAR à payer à la SAS PGLS et la SARL HAVANA la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC et aux dépens de première instance et d’appel.

*

Vu les conclusions de la SARL ZANJYBAR du 5 décembre 2022 qui demande de :

Débouter la SARL HAVANA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Débouter la SAS PGLS BOISSONS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer en toutes leurs dispositions les jugements du Tribunal de Commerce de DAX du 6 juillet 2021 (RG : 2020 002626 et RG : 2021 00004) ;

Y ajoutant :

Condamner la SARL HAVANA à verser à la SARL ZANJYBAR la somme de

3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’appel.

Condamner la SAS PGLS BOISSONS à verser à la SARL ZANJYBAR la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’appel.

MOTIVATION :

Sur la demande de la société SARL HAVANA d’infirmation du jugement du 6 juillet 2021 l’ayant condamnée à payer à la société ZANJYBAR la somme de 17235 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juillet 2020 :

La société HAVANA fait valoir les moyens suivants :

‘ L’acte de cession sous seing privé en date du 21 septembre 2018 a expressément indiqué que le compte courant de la SARL ZANJYBAR a été remboursé. L’article 3 de l’acte de cession stipule en effet : « Préalablement aux présentes, le compte courant du CEDANT a été remboursé par la société. » En application des articles 1354 et 1359 du Code civil, il ne peut être prouvé contre cette clause que par un autre écrit sous signature privé. La charge de la preuve pèse sur la société ZANJYBAR qui est défaillante à rapporter cette preuve et sera donc déboutée.

‘ La société ZANJYBAR en signant l’acte de cession a renoncé, en connaissance de cause, à sa créance en compte courant. la société appelante rappelle en effet les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, selon lesquels « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » et « doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. »

Elle ajoute que la SARL ZANJYBAR détenait la totalité des parts de la SARL HAVANA, et a expressément reconnu dans l’acte de cession qu’aucune somme ne lui était due.

Cette clause emporte renonciation conforme à l’article 1103 du Code civil, comme le confirme la jurisprudence, la société ZANJYBAR ayant manifesté sans équivoque la volonté de renoncer à un éventuel compte courant d’associé,en signant cet acte dont elle a approuvé les stipulations.

De plus, en tant qu’associé unique de la société HAVANA, seule la société ZANJYBAR a pu donner au rédacteur de l’acte de cession les indications nécessaires à la rédaction de la clause mentionnant que le remboursement de son compte courant avait été effectué par la société HAVANA.

Il en découle, selon la concluante que si ce compte n’a pas été remboursé, c’est que la SARL ZANJYBAR, à la date de la cession, avait renoncé à sa créance, sinon elle aurait dû diminuer le prix de cession des parts, fixé à 280.000,00 euros, du montant du compte courant qu’elle s’était engagée à solder avant la vente.

Cette renonciation au compte courant d’associé, qui ne nécessitait aucune formalité, se trouve corroborée par les termes de l’acte de cession des parts de la société HAVANA par la société ZANJYBAR à la société PGLS BOISSONS.

‘ A défaut, il y a enrichissement sans cause, car le prix de cession a été fixé en contemplation de l’état financier de la société, l’absence de compte courant dû a un associé étant un élément déterminant de la fixation du prix. L’article 1303 du Code civil dispose que ‘ en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. ‘

La SARL ZANJYBAR qui a déjà perçu le prix de vente la SARL HAVANA va s’enrichir de façon injustifiée, au détriment de la SARL HAVANA entraînant un appauvrissement corrélatif de celle-ci. L’action de in rem verso est donc parfaitement recevable.

La société ZANJYBAR réplique que le compte courant d’associé n’a pas été remboursé et figure toujours dans la comptabilité de la société HAVANA comme en atteste l’extrait du bilan de l’exercice clos au 31 octobre 2018.

Elle ajoute que :

‘ L’acte de cession ne prévoit aucune cession du compte courant d’associé à la société PGLS BOISSONS, ni le remboursement dudit compte courant d’associé par la société PGLS BOISSONS, ni l’abandon total ou partiel de la créance de compte courant d’associé de la société ZANJYBAR. La société ZANJYBAR reste donc titulaire de sa créance dont la société HAVANA est débitrice et pour laquelle le remboursement peut être réclamé à tout moment, le compte n’étant pas bloqué.

‘ L’acte de cession de parts sociales du 21 septembre 2018 est un acte sous seing privé. En droit, l’acte sous seing privé à une force probante relative : il ne fait foi de son contenu que jusqu’à preuve du contraire.

En l’espèce, l’acte litigieux mentionne en son article 3 que « Préalablement aux présentes, le compte courant du cédant a été remboursé par la société ». Il s’agit d’une mention type erronée portée à l’acte par le conseil du cessionnaire, la société PGLS BOISSONS. Il ne s’agit pas d’une déclaration de la SARL ZANJYBAR. Cette mention inexacte fait foi jusqu’à preuve du contraire, preuve qui est rapportée par l’extrait du bilan clos au 31 octobre 2018 (pièce 4).

‘ En droit, la renonciation à un droit ne se présume pas : elle doit être expresse et non équivoque. Or l’acte de cession litigieux ne mentionne aucune clause expresse par laquelle la SARL ZANJYBAR renoncerait au remboursement de son compte courant d’associé.

Quant au protocole de cession qui l’a précédé (pièce adverse 1), il mentionne expressément que « la société n’est partie ni comme créancier, ni comme débiteur à aucune convention d’abandon de compte courant, créance ou dette quelconque assortie d’une clause de retour à meilleure fortune ».

La SARL PGLS BOISSONS était donc parfaitement informée qu’aucun abandon ni renonciation à compte courant d’associé n’était en cours.

‘ Il n’y a pas d’enrichissement sans cause, en l’absence de renonciation de la société intimée à sa créance en compte courant, dans la mesure où cette dernière n’a pas été remboursée. En outre, la SARL HAVANA n’établit pas qu’il aurait été convenu entre les parties que le prix de cession, fixé à 380.000 €, l’aurait été en considération de l’abandon par la SARL ZANJYBAR de son compte courant d’associé.

Sur ce :

Aux termes de l’article L. 110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Et une cession de parts sociales devient un acte de commerce dès lors qu’elle a pour effet de conférer aux cessionnaires le contrôle d’une société commerciale.

Il s’ensuit que l’article n° 3 de l’acte de cession de parts sociales, aux termes duquel « Préalablement aux présentes, le compte courant du CEDANT a été remboursé par la société. » ne fait foi que jusqu’à preuve contraire et que cette preuve peut être rapportée par tous moyens et notamment par des pièces comptables.

En l’espèce, la société ZANJYBAR produit le passif du bilan de la société HAVANA de l’exercice clos au 31 octobre 2018 qui mentionne une dette de 17235,00 euros envers la société ZANJYBAR au crédit du compte courant de cette dernière. Cette écriture est postérieure à l’acte de cession des parts sociales daté du 21 septembre 2018 et enregistré le 24 septembre 2018.

La société HAVANA ne rapporte pas la preuve que cette créance aurait été contre-passée par une écriture au débit du compte de tiers ouvert au nom de la société ZANJYBAR, postérieurement à la clôture de l’exercice 2018.

La preuve est donc rapportée que la créance en compte courant d’associé de la société ZANJYBAR n’a pas été soldée.

En second lieu, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (3e Civ., 18 janvier 2012, pourvoi n°11-10.389). Le seul silence ne caractérise pas, en principe, ni la volonté de renoncer, ni la reconnaissance d’un fait (1ère Civ., 18 avril 2000, pourvoi n° 97-22.421, Bull. n° 111).

La renonciation à un droit n’est en principe soumise à aucune forme et ne suppose qu’un acte manifestant sans équivoque la volonté d’y renoncer (1ère Civ., 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-28.416).

Mais lorsque les parties ont soumis par contrat cette renonciation à certaines formes,

il revient au juge de vérifier qu’elles ont été respectées (3e Civ., 17 février 2015, pourvoi n° 13-26.886 3e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-22.171).

Lorsque une clause a été stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une des parties, elle peut seule y renoncer librement (en matière de renonciation à une condition suspensive : 3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-15.630). La recherche de la commune intention des parties, s’agissant de l’identification du contractant dans l’intérêt duquel une disposition contractuelle a été prise, relève du pouvoir souverain du juge.

En l’espèce, le protocole de cession de parts sociales du 8 août 2018 ne contenait aucune clause de renonciation par la société ZANJYBAR au remboursement de sa créance en compte courant d’associé d’un montant de 17235,00 euros au 31 octobre 2018. bien au contraire puisque l’article 3 du protocole de cession des parts sociales prévoyait expressément que «  préalablement aux présentes, la société remboursera le compte courant du cédant », la société désignant la société HAVANA.

Et il apparaît qu’aucune clause ne faisait dépendre la fixité du prix convenu à l’article 2 du protocole d’accord, ou sa variation éventuelle, du remboursement de cette créance en compte courant.

En effet, l’article 2 du protocole précise que le prix convenu par les parties est arrêté « au montant fixe, définitif et forfaitaire de 380 000,00 euros , sous réserve qu’aucune distribution de dividendes, réserves ou primes imprévues ne soient intervenus depuis l’assemblée générale d’approbation des comptes clos le 31 octobre 2017 ».

Ainsi l’existence de la créance inscrite au compte courant d’associé de la société ZANJYBAR n’était pas une condition de variation du prix, ou une réserve aux caractères fixe, définitif et forfaitaire du prix de vente convenu.

Il s’en déduit que la clause imposant le remboursement du compte courant d’associé du cédant préalablement à la réitération de l’acte de cession était stipulée dans le seul intérêt du cédant qui pouvait y renoncer par une manifestation de volonté non équivoque.

Il est à cet égard inexact de soutenir que la société ZANJYBAR avait intérêt à un abandon de créance qui aurait eu pour effet d’alléger les dettes de la société HAVANA, élément déterminant pour la fixation du prix de cession des parts sociales, car, dans le cas contraire, la société PGLS BOISSONS, n’aurait pas accepté d’acheter les parts sociales aux mêmes conditions financières.

En effet, dans ce cas c’est une clause de renonciation à la créance en compte courant qui aurait été négociée dans le cadre du protocole de cession et non une clause de remboursement préalable qui impliquait une diminution des éléments d’actif que sont les disponibilités de la société HAVANA, d’un montant égal à l’effacement de sa dette envers la société ZANJYBAR, sauf à rembourser l’associé cédant en ayant recours à un nouvel emprunt, ce qui se serait traduit par une opération neutre.

Et la signature par la société ZANJYBAR de l’acte de cession du 21 septembre 2018, dans lequel figure « un article 3-comptes courant d’associés » indiquant que «  préalablement aux présentes, le compte courant du cédant a été remboursé par la société » ne constitue pas, de la part de la société cédante, une manifestation de volonté non équivoque qu’elle entend renoncer à la créance inscrite à son compte courant d’associé.

La renonciation de la société intimée au paiement de sa créance n’est donc pas établie.

S’agissant de l’enrichissement sans cause, la société ZANJYBAR, n’ayant pas renoncé à la créance qu’elle détenait et cette dernière n’ayant pas été payée, il ne peut y avoir enrichissement sans cause, puisque le prix convenu avec la société cessionnaire, fixe, forfaitaire et définitif, n’était pas susceptible de varier à la baisse, au cas où cette créance n’aurait pas été remboursée, alors qu’au surplus, le remboursement aboutissait, d’un point de vue comptable, à diminuer les disponibilités de la société HAVANA ou à substituer une nouvelle dette d’emprunt à la dette contractée envers la société cédante, cette conséquence, neutre pour la balance globale des comptes de la société HAVANA, étant nécessairement induite par la clause de remboursement préalable du protocole de cession.

Le jugement du 6 juillet 2021 sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société HAVANA de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société ZANJYBAR la somme de 17235 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juillet 2020. Il y a lieu par contre d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société HAVANA irrecevable en ses demandes.

Sur la demande de la société PGLS BOISSONS d’infirmation du jugement du 6 juillet 2021 l’ayant notamment déboutée de sa demande de paiement de la somme de 17.235 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018, date de la cession de parts sociales :

La société PGLS conclut à l’infirmation du jugement sur le fondement du dol et, à titre subsidiaire, sur celui de l’erreur commune, au motif qu’elle a cru acquérir des parts de société dans laquelle le compte courant du cédant, associé unique, était remboursé, ce qu’indique l’acte.

Elle soutient que soit l’erreur est commune au cédant et au cessionnaire et cette erreur commune constitue un vice du consentement, soit l’erreur n’est pas commune et la SARL ZANJYBAR savait que son compte courant n’était pas remboursé, auquel cas il y a dol.

Elle indique que la SARL ZANJYBAR, associé unique, ne pouvait pas ignorer que son compte courant n’avait pas été remboursé et la simple déclaration du vendeur, nonobstant les annexes, est suffisante pour vicier le consentement de l’acquéreur.

Le remboursement du compte courant d’associé était déterminant du consentement de la société concluante.

Elle considère que la société ZANJYBAR a dissimulé intentionnellement, par une déclaration mensongère, le non remboursement du compte courant d’associé, afin de pouvoir se faire verser le prix et ensuite solliciter de façon illégitime le remboursement du compte courant d’associé.

La société ZANJYBAR réfute ces moyens, aux motifs notamment que l’écriture comptable de son compte courant figure de manière apparente dans les comptes de la SARL HAVANA ; que l’acte de cession (le protocole du 8 août 2018) mentionne que les livres comptables ont été tenus en bonne et due forme, selon les pratiques habituelles, donnent une vue exacte de la situation de ses activités et que toutes les informations financières relatives à la société ont été communiquées par le cédant au cessionnaire ; que le cessionnaire a reconnu, dans l’acte avoir pris connaissance des liasses fiscales de la SARL HAVANA et en avoir reçu un exemplaire pour les trois derniers exercices.

Elle estime que, pas plus que le dol, l’erreur n’est démontrée et qu’en tout état de cause il ne peut s’agir que d’une erreur non déterminante du consentement du cessionnaire, car le silence de la société ZANJYBAR concernant l’article 3 de l’acte de cession et le non remboursement du compte courant n’ont pas influé sur le prix.

Elle considère que la clause figurant à l’article 3 est erronée, mais non mensongère, l’acte ayant été rédigé par le conseil de la SAS PGLS BOISSONS.

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Selon l’article 1131 du même code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L’article 1132 ajoute que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Selon l’article 1133 du code civil, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité, qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie.

Aux termes de l’article 1136 du même code, l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.

Aux termes de l’article 1137, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants des informations dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

En l’espèce, l’acte de vente du 21 septembre 2018 qui contient, en son article 3 du titre «  cession de parts sociales », la clause litigieuse relative au remboursement préalable du compte courant d’associé, comporte également la mention suivante :  « le cessionnaire reconnaît qu’il a pu procéder préalablement à la signature des présentes à une revue contradictoire de la société dont les titres sont cédés, en matière juridique, comptable et financière, ayant porté sur les comptes de l’exercice clos le 31 octobre 2017 de la SARL HAVANA et la période écoulée depuis cette date jusqu’à ce jour ».

La période qui s’est écoulée entre le protocole de cession de parts sociales du 8 août 2018 et la réitération de l’acte, le 21 septembre 2018, après réalisation des conditions suspensives, a donc fait l’objet d’une « revue » comptable par la société cessionnaire, au besoin assistée par son expert comptable, qui n’ a pu en conséquence ignorer la persistance d’un compte courant d’associé créditeur au non de la société cédante, en dépit de l’affirmation contraire figurant à l’article 3 de l’acte de cession.

Dès lors, la dissimulation ou la réticence dolosive de la société cédante n’apparaît pas caractérisée, pas plus que ne l’est l’existence de man’uvres frauduleuses, la mention erronée figurant dans l’acte du 21 septembre 2018 relevant d’une erreur par essence non intentionnelle.

Toutefois, cette erreur n’a pas été déterminante du consentement de la société PGLS BOISSONS qui savait, depuis la signature du protocole de cession du 8 août 2018, que, selon l’article 2 de ce document, le prix de 380 000,00 euros était fixe, forfaitaire et définitif, sous réserve qu’aucune distribution de dividendes, réserves ou primes imprévues ne soient intervenue depuis l’assemblée générale d’approbation des comptes clos le 31 octobre 2017.

Le remboursement préalable du compte courant du cédant n’était pas envisagé, aux termes de cet article 2, comme conditionnant la fixité du prix.

Tout au plus, la société PGLS pourrait elle se prévaloir d’une erreur sur la valeur de la société HAVANA, dont elle a acquis les parts sociales, erreur non démontrée au cas d’espèce, puisque le remboursement du compte courant de la société ZANJYBAR, par la société HAVANA, impliquait soit une diminution des disponibilités de cette dernière, soit la substitution à la dette envers l’associé cédant d’une dette d’emprunt de même montant, le moment de ce remboursement étant dans ces conditions indifférent.

La société PGLS BOISSONS est en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes, le jugement étant confirmé.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de l’issue du litige, les sociétés HAVANA et PGLS BOISSONS sont condamnées aux dépens d’appel, les décisions frappées d’appel étant confirmées sur les dépens de première instance.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l’équité justifie de condamner la SARL HAVANA et la SAS PGLS BOISSONS à payer, chacune, une somme de 1000,00 euros à la SARL ZANJYBAR au titre des frais non compris dans les dépens d’appel, les jugements du 6 juillet 2021(n°s 68/1/2021 et 67/1/2021) étant confirmés sur l’application faite de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement n° 67/1/2021 du 6 juillet 2021 du tribunal de commerce de Dax, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la société HAVANA,

Confirme le jugement n° 68/1/2021 du 6 juillet 2021 du tribunal de commerce de Dax, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés HAVANA et PGLS BOISSONS de l’ensemble de leurs prétentions à hauteur d’appel,

Condamne les sociétés HAVANA et PGLS BOISSONS aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL HAVANA et la SAS PGLS BOISSONS à payer, chacune, une somme de 1000,00 euros à la SARL ZANJYBAR au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 


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