Nullité de contrat : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/18160

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Nullité de contrat : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/18160

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 05 AVRIL 2023

(n° 2023/ 55 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/18160 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZQO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/04922

APPELANTE

S.A. PACIFICA, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 352 35 8 8 65

représentée par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN – ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435 et assistée de Me Eric MANDIN de la SARL MANDIN – ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J046

INTIMÉ

Monsieur [D] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

né le 09 Octobre 1975 à [Localité 5] (Algérie)

représenté par Me Serge MONEY de la SELARL ORMILLIEN MONEY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0188 et assisté par Me Jessica AFULA de la SELARL ORMILLIEN MONEY, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque E0188

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE :

En 2014, M. [D] [P] a emménagé dans un appartement situé à [Localité 6]. Il a souscrit, pour cet appartement, une assurance habitation pour l’année 2015 auprès de la société Générali. Ce contrat a été résilié en 2016.

Le 10 août 2016, M. [P] a souscrit auprès de la société Pacifica, un contrat d’assurance multirisques habitation n°8900994907 en choisissant la ‘formule initiale locataire avec option vol’, prévoyant pour la garantie vol un plafond d’indemnisation pour le mobilier de 50.000 euros, pour les objets de valeur de 15.000 euros et pour les objets précieux de 9.000 euros.

Ce contrat a été renouvelé le 9 décembre 2016 pour une nouvelle année, à effet du 23 décembre 2016, sous le numéro 9081631907, en prévoyant un plafond d’indemnisation du mobilier maximum de 50.000 euros.

Le 26 mai 2017, M. [P] est parti en vacances avec sa famille.

Le 31 mai 2017, le propriétaire de son logement l’a prévenu qu’il avait été victime d`un cambriolage, ce qu’il a constaté à son retour le 2 juin 2017.

Le 2 juin 2017, M. [P] a déposé plainte pour vol auprès du commissariat du [Localité 6]. Le même jour, il a déclaré un sinistre de vol entre le 26 mai et le 31 mai 2017 à la société Pacifica, puis par la suite lui a transmis les documents justificatifs qu’elle lui avait réclamés.

Le 23 juin 2017, M. [P] est retourné au commissariat de police pour préciser l’étendue de son préjudice.

La societé Pacifica a désigné un expert, M. [Y] afin d’évaluer le préjudice de M. [P]. A l`issue de sa mission, l’ expert a indiqué à la société Pacifica qu’il considérait qu’il existait des incohérences dans les déclarations de son assuré.

Le 7 juillet 2017, M. [P] et sa famille ont déménagé.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 septembre 2017, la société Pacifica a informé M. [P] qu’elle prononçait en application de l’article L. 113-8 du code des assurances la nullité de son contrat assurance habitation, et que la cotisation(s) réglée(s) lui reste(nt) acquise(s) au titre des dommages et intérêts, au motif que lors de la souscription du contrat, il avait déclaré qu’au cours des trois dernières années, il n’avait pas eu de sinistre et n’avait pas été résilié par son précédent assureur Generali, ce qui constituait une déclaration non conforme à la réalité dès lors que ce contrat avait été résilié pour défaut de paiement des cotisations le 8 août 2016.

Par courrier séparé daté du même jour, adressé en recommandé, à l’entête du Crédit Agricole Assurances, société de courtage d’assurances, la société Pacifica a informé M. [P] de sa décision de résilier au visa de l’article L. 113-12 du code des assurances, le contrat habitation référencé 9081631907 à compter du 23 décembre 2017, date d’échéance principale du contrat, pour sinistralité constatée sur ce contrat.

Les parties ne parvenant pas à une solution amiable, M. [P] a, par acte d’huissier du 12 avril 2018, fait assigner la société Pacifica devant le tribunal de grande instance de Paris afin de condamnation à l’indemniser du vol dont il a été victime à hauteur de 43.196,04, outre des intérêts moratoires, et à l’indemniser à hauteur de 15.000 euros pour le préjudice moral, outre les frais irrépétibles.

Par jugement du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté la société Pacifica de sa demande de nullité du contrat d’assurance souscrit par M. [P] le 10 août 2016 ;

– condamné la société Pacifica à payer à M. [P] la somme de 24.000 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018 ;

– débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 15.000 euros ;

– débouté la société Pacifica de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

– condamné la société Pacifica à payer à M. [P] la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamné la société Pacifica aux entiers dépens de l’instance ;

– prononcé l’exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations ;

– débouté la société Pacifica de sa demande visant à voir désigner tel séquestre avec mission de recevoir le montant des condamnations prononcées et revêtues de l’exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 14 décembre 2020, la société Pacifica a interjeté appel du jugement en ces termes :

‘Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Appel d’un jugement rendu le 30 novembre 2020 (RG N° 18/04922) par le Tribunal Judiciaire de Paris, en ce qu’il a : – Débouté la société Pacifica de sa demande de nullité du contrat d’assurance souscrit par M. [P] le 10 août 2016 ; – Condamné la société Pacifica à payer à M. [P] la somme de 24.000 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018; – Débouté la société Pacifica de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ; – Condamné la société Pacifica à payer à M. [P] la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ; – Condamné la société Pacifica aux entiers dépens.’

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2021, la société Pacifica demande à la cour au visa des articles L. 112-1, L. 112-4 et L. 113-8 du code des assurances, 1130 et suivants, 1353 du code civil, et 9 du code de procédure civile, et des conditions particulières et générales du contrat n° 8900994907 souscrit par M. [P] auprès d’elle, d’infirmer le jugement , et statuant de nouveau, de :

– juger que M. [P] a procédé à de fausses déclarations auprès d’elle au moment de la souscription du contrat d’assurance habitation, s’agissant de l’absence de résiliation par l’assureur de son précédent contrat ;

– juger que ses fausses déclarations avaient pour objet de modifier l’appréciation du risque pour la compagnie Pacifica ;

– prononcer par conséquent la nullité du contrat d’assurance habitation litigieux;

– juger que les primes payées demeurent acquises à Pacifica à titre de dommages et intérêts;

– juger que M. [P] n’a pu obtenir la garantie de la compagnie Pacifica qu’en cachant par man’uvre la résiliation de son précédent contrat d’assurance par la Generali pour non-paiement de primes ;

– prononcer par conséquent la nullité du contrat d’assurance habitation souscrit par M. [P] auprès de Pacifica ;

A titre subsidiaire,

– juger que M. [P] a procédé à de fausses déclarations auprès de la compagnie Pacifica quant aux causes, circonstances et conséquences du sinistre vol déclaré auprès de cette compagnie ;

– Déclarer en conséquence recevable la déchéance de garantie opposée par la compagnie Pacifica à M. [P] ;

– Condamner M. [P] à payer à la compagnie Pacifica à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, la somme correspondant aux honoraires d’expertise et d’enquête indûment exposés, soit 3.059,01euros ;

En tout état de cause,

– rejeter l’appel incident de M. [P] et rejeter par suite toutes ses demandes plus amples ou contraires notamment celles tendant à obtenir une indemnité complémentaire de 19.196,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018 et plus généralement en cas de confirmation de la décision ;

– rappeler qu’aux termes de la police d’assurance, Pacifica n’est tenue au règlement de l’indemnité que dans les deux jours qui suivent l’accord amiable ou la décision judiciaire si bien que le point de départ des intérêts ne peut courir qu’à compter du 30 novembre 2020.

– condamner M. [P] à payer à Pacifica la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2021, M. [P] demande à la cour au visa des articles 1103, 1116 (ancien), 1109 (ancien), 1231-1, 1231-6 et 2274 du code civil L. 112-4 et L. 113-8 du code des assurances, 9 et 700 du code de procédure civile de :

– le juger recevable et bien fondé en sa constitution et en son appel incident ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

. débouté la société Pacifica de sa demande de nullité du contrat d’assurance qu’il a souscrit le 10 août 2016 ;

. condamné la société Pacifica à lui payer la somme de 24.000 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018 ;

– condamner la société Pacifica à lui verser la somme complémentaire de 19.196,04 euros à titre d’indemnisation du vol dont il a été victime, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018 ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et condamner la société Pacifica à lui verser la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice ;

– débouter la société Pacifica de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Pacifica à lui verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2022.

Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la demande de nullité du contrat d’assurance souscrit par M. [P] le 10 août 2016

a- la nullité pour fausse déclaration ayant pour effet de modifier l’appréciation du risque

Vu l’article L. 113-8 du code des assurances ;

Comme il l’a été rappelé ci-dessus, M. [P] a souscrit le 10 août 2016 un contrat d’assurance Habitation afférent à son logement situé à [Localité 6] auprès de la société Pacifica en déclarant en page n°1 de la demande d’adhésion habitation, qu’il a signée, ‘au cours des 3 dernières années, ne pas avoir eu de sinistres’ et ‘ne pas avoir été résilié par [son] assureur précédent GENERALI’.

Il a déclaré auprès de Pacifica avoir subi un cambriolage de son domicile entre le 26 mai 2017 et le 30 mai 2017.

A la suite de ce cambriolage, il affirme, sans en justifier mais sans être contredit sur ce point par la société Pacifica, avoir informé la société Generali du vol de la recette en espèces de son restaurant, entreposée dans un coffre-fort situé dans son appartement, au titre d’une assurance multirisque professionnel.

C’est dans ces circonstances que la société Pacifica a pris connaissance de ce que la société Generali avait, antérieurement à la souscription du contrat Pacifica, résilié pour non-paiement des primes le contrat d’assurance habitation précédemment souscrit par M. [P] auprès d’elle.

Ainsi, par lettre du 8 août 2017, la société Generali a ‘confirmé’ à Pacifica avoir résilié en date du 8 août 2016 pour non-paiement des primes ledit contrat d’assurance habitation .

La société Pacifica en déduit que le contrat conclu avec M. [P] est nul pour fausse déclaration ayant pour effet de modifier l’appréciation du risque, dès lors qu’elle n’aurait pas conclu le contrat si elle avait été informée de cette résiliation.

M. [P] excipe de sa bonne foi, en expliquant que non seulement la preuve n’est pas rapportée qu’il aurait été informé de cette résiliation lors de la souscription du nouveau contrat, parce qu’il a réglé les primes réclamées et entrepris lui-même des démarches aux fins de résiliation de cette police et de souscription d’un nouveau contrat, dans le cadre de la loi dite ‘Hamon’, auprès du Crédit Agricole, mais qu’en toute hypothèse, la preuve de l’intention frauduleuse n’est pas rapportée et qu’au surplus, la fausse déclaration qui lui est imputée n’a nullement modifié pour le nouvel assureur l’opinion du risque, s’agissant uniquement de primes impayées, ce qui aurait pu justifier tout autant une majoration de primes plûtôt qu’un refus de contracter, comme cet assureur l’a lui même reconnu.

Comme il le soutient, M. [P] est présumé de bonne foi, et il appartient à l’assureur de démontrer l’intention volontairement frauduleuse qu’il lui prête, ainsi que les conséquences de cette fausse déclaration sur l’objet du risque ou l’opinion qu’en a l’assureur.

A ce titre, comme la société Pacifica le fait valoir, la preuve de la résiliation du contrat Generali pour non paiement des primes est rapportée par la lettre émanant de la société Generali France, en date du 8 août 2017, en des termes dénués d’ambiguïté, à savoir : ‘le contrat Habitation sous la police AN629007 de Monsieur [D] [P] pour l’appartement situé (…), [Localité 6] souscrit en date du 7 mai 2014, a bien été résilié en date du 8 août 2016 pour non-paiement des primes.’

Dès lors que M. [P] a entendu donner effet au nouveau contrat d’habitation auquel il a adhéré (Convention Pacifica) par l’intermédiaire du Crédit Agricole Assurances, pour le même logement, à compter du 10 août 2016, il ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il appartient à Pacifica de justifier qu’il a bien été informé de cette résiliation avant de conclure un nouveau contrat, sa demande d’adhésion à effet du 10 août 2016 ayant manifestement pour but de ne pas laisser son appartement privé du bénéfice des garanties offertes par une assurance habitation, à la suite de ladite résiliation, et plus particulièrement de la garantie vol.

Par ailleurs, il ne peut être suivi lorsqu’il prétend justifier du paiement de ses primes auprès de Generali et par-là du fait que son assurance était toujours valable lorsqu’il a demandé à adhérer à l’assurance habitation Pacifica, avant de solliciter lui-même la résiliation de l’assurance habitation Generali.

En effet, comme le réplique Pacifica, le paiement régularisé par M. [P] au mois de novembre 2016, soit trois mois plus tard, est en soi sans effet sur la résiliation opérée le 8 août 2016 pour non-paiement de primes parce que l’assureur a le droit d’exiger le paiement d’une prime impayée que ce soit pendant la période de suspension ou après la résiliation du contrat.

Le règlement dont M. [P] se prévaut a de plus été effectué auprès d’une entreprise de recouvrement mandatée à cet effet par la société Generali, et non auprès de l’assureur lui-même.

Ce document atteste uniquement du fait que la compagnie Generali a mandaté une société de recouvrement aux fins de règlement d’un solde de 240,62 euros au titre de primes d’assurance Generali Iard assurance habitation, et du paiement de cette somme.

Il ne démontre pas que M. [P] pouvait toujours légitimement croire qu’il était assuré auprès de Generali pour la garantie habitation et n’aurait de ce fait pas pu effectuer de fausse déclaration, alors même qu’il n’explique pas quel aurait été l’intérêt pour lui de souscrire auprès de deux assureurs une assurance habitation sur une même période, pour un même logement, indépendamment du fait que, comme le fait valoir Pacifica, Generali n’a pas pu, légalement résilier le contrat pour non paiement de primes sans en avoir précédemment mis en demeure M. [P], conformément aux dispositions de l’article L. 113-3 du code des assurances.

Enfin, comme le fait valoir Pacifica, si le débiteur s’exécute après la résiliation, celle-ci n’est pas remise en cause. Dans ces conditions, la résiliation est acquise même si l’assureur encaisse la prime sans réserve.

Le versement de la somme de 240,62 euros par M. [P] entre les mains d’une société de recouvrement au mois de novembre 2016, alors que la compagnie Generali avait résilié le contrat souscrit auprès d’elle au mois d’août 2016 pour non-paiement de primes, est ainsi inopérant.

De même, M. [P] ne peut être suivi lorsqu’il prétend que les démarches effectuées auprès du crédit Agricole attestent de ce qu’il a lui-même entendu résilier la police d’assurance souscrite auprès de generali en usant du dispositif de la loi Hamon, par lequel le nouvel assureur résilie le contrat souscrit auprès de l’ancien assureur;

En effet, en admettant qu’il ait été destinataire ou concerné par les échanges de mail des 13 et 14 octobre 2016 adressés en copie à ‘rezak1975’ et ‘rezakus’, rédigés par un conseiller clientèle et un animateur de deux agences du Crédit Agricole, ces échanges font état d’un document devant permettre de ‘mettre en route la clôture et la remise en place d’un contrat assurance habitation en loi Hamon’.

Or, cet échange est bien trop imprécis pour caractériser la réalité de démarches destinées à résilier le contrat d’habitation Generali, pour le logement en cause, étant observé qu’il peut tout autant concerner le contrat souscrit auprès de Pacifica le 10 août 2016, qui a été renouvelé le 9 décembre 2016.

Compte tenu de ces éléments, la cour estime que Pacifica rapporte la preuve du caractère intentionnel de la fausse déclaration opérée par M. [P], celui-ci ayant faussement déclaré ‘ne pas avoir été résilié par [son] assureur précédent GENERALI’ alors que tel n’était pas le cas, afin de pouvoir bénéficier des garanties.

Enfin, contrairement à ce que soutient M. [P], Pacifica démontre que cette fausse déclaration, intentionnelle parce que M. [P] savait pertinemment que s’il n’occultait pas cette information, il ne pourrait souscrire au contrat, ou à tout le moins pas s’en s’exposer à une majoration de primes, a eu pour effet de changer l’opinion du risque pour l’assureur lequel n’a pu se rendre compte de la portée de l’engagement qu’il prenait en contractant avec un assuré qui n’avait pas payé ses précédentes primes, ce qui pouvait être une source de difficultés multiples.

En effet, l’assureur justifie, par la production d’un courriel de Mme [U] [N], responsable offres de Pacifica qu’il n’aurait pas accepté de garantir M. [P] s’il avait su que son contrat antérieur avait été résilié.

En effet, Mme [N] affirme au sujet des règles de souscription des contrats habitation, sans aucune réserve ni ambiguïté que ‘la présence d’une résiliation assureur dans les trois dernières années précédant la date de souscription est un motif de refus de souscription de notre contrat’. Il importe peu que ce courriel émane d’un salarié de Pacifica, qu’il soit daté du 10 décembre 2020 et à destination d’un tiers à la procédure, dès lors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique. Il s’applique uniquement à la preuve des titres juridiques.

Or, par ce courriel, comprenant le logo officiel du Crédit Agricole Assurances, la société Pacifica démontre qu’elle ne consent pas à conclure de contrat en présence d’une résiliation par un autre assureur dans les 3 dernières années précédant la date de souscription, l’absence de précision quant à la prise de date d’une telle position s’analysant comme une position de principe donc applicable au présent litige.

Comme la société Pacifica l’explique, l’information selon laquelle le prospect a vu son précédent contrat résilié pour non-paiement de primes a une incidence sur l’opinion du risque et sur la souscription de l’entier contrat lui-même. Une compagnie d’assurance est en effet confrontée à un risque accru dès lors que le prospect ne réglait pas les primes d’assurance auprès de son précédent assureur. Elle encourt en effet un risque certain de ne pas voir ses propres primes honorées.

Or, conformément aux dispositions de l’article L. 113-3 du code des assurances précité, en cas de non-paiement de primes, la résiliation du contrat ne peut intervenir que quarante jours après la mise en demeure de l’assureur.

Au cours de cette période de quarante jours, la compagnie doit encore garantir les éventuels sinistres qui interviendraient alors même qu’elle ne perçoit pas de primes d’assurance. Elle est ainsi confrontée à un aléa renforcé. Celui-ci engendre le refus de l’assureur de souscrire ou, à tout le moins, une augmentation significative des primes.

Pour ce qui concerne la société Pacifica, il s’agit d’un refus pur et simple du risque.

Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point.

b- la nullité pour dol

Vu les articles 1116 et 1109 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Le dol, tel que prévu par les articles précités, compte au nombre des causes ordinaires de nullité pouvant s’ajouter à celles édictées à l’article L. 113-8 du code des assurances.

Constitue un dol la réticence de l’assuré qui omet sciemment d’informer l’assureur d’un élément nécessaire à l’appréciation du risque.

En l’espèce, pour les motifs exposés ci-dessus, la cour estime que la société Pacifica est fondée à invoquer la nullité du contrat pour dol, dès lors que M. [P] a dissimulé intentionnellement à la compagnie Pacifica la résiliation de son précédent contrat par la compagnie Generali pour non-paiement de primes, qu’il savait que cette information revêtait un caractère déterminant pour la compagnie d’assurance, qui n’aurait pas accepté de garantir le risque, à tout le moins aux mêmes conditions, si elle avait été informée de ce fait.

Le jugement est infirmé sur ce point également.

La solution retenue par la cour rend sans objet l’examen du moyen soutenu à titre subsidiaire par la société Pacifica, tiré de la déchéance de la garantie pour fausse déclaration (quant aux causes, circonstances et conséquences du sinistre vol) au moment de la déclaration du sinistre.

Il en est de même de la demande soutenue à titre infiniment subsidiaire par l’assureur, du fait de l’absence de justificatif du préjudice allégué et aux fins de rejet de l’appel incident de M. [P] et de ses demandes plus amples ou contraires notamment celles tendant à obtenir une indemnité complémentaire de 19.196,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018.

La nullité du contrat conduit à infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit partiellement aux demandes en indemnisation formulées par M. [P] au titre du vol et rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Pacifica.

Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée par M. [P].

Il n’y a enfin pas lieu de rappeler qu’aux termes de la police d’assurance, la société Pacifica n’est tenue au règlement de l’indemnité que dans les deux jours qui suivent l’accord amiable ou la décision judiciaire si bien que le point de départ des intérêts ne peut courir qu’à compter du 30 novembre 2020.

2) Sur les demandes de dommages et intérêts formulées par la société Pacifica

La société Pacifica démontre qu’elle est fondée en sa demande de réparation au titre du préjudice correspondant aux honoraires de l’expert qu’elle a mandaté afin d’évaluer le préjudice de son assuré, et aux frais de l’enquête qu’elle a diligentée, indûment exposés, soit 3.059,01 euros. Cette somme, non contestée en son principe et son quantum, lui sera allouée.

Il convient en outre de faire droit à la demande de la société Pacifica tendant à dire que les primes payées lui demeurent acquises à titre de dommages et intérêts, en application de l’article L. 113-8 du code des assurances.

3) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution retenue par la cour, le jugement est infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

Partie perdante, M. [P] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel, et à payer à la société Pacifica, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 3.000 euros.

M. [P] sera débouté de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, publiquement, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Déclare M. [P] recevable mais mal fondé en son appel incident ;

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau

Prononce la nullité du contrat d’assurance habitation souscrit par M. [D] [P] auprès de la société Pacifica ;

Dit que les primes payées par M. [D] [P] demeurent acquises à la société Pacifica à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M. [D] [P] à payer à la société Pacifica la somme de 3.059,01 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux honoraires d’expertise et d’enquête indûment exposés ;

Déboute M. [D] [P] de son appel incident ;

Condamne M. [D] [P] aux dépens, de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [P] à payer à la société Pacifica la somme de

3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Déboute M. [D] [P] de sa demande formée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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