REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° 65 , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16103 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTVB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019000360
APPELANTES
Madame [O] [P]
Née le 25 Septembre 1985 à [Localité 9] (44)
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.R.L. PPH agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de SAINT NAZAIRE sous le numéro 828 437 020
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentées par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS, toque E2070.
INTERVENANT VOLONTAIRE
S.E.L.A.S. CLEOVAL prise en la personne de Me [Z] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la société PPH.
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS, toque E2070.
INTIMEE
S.A.R.L. BBL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 445 047 194
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Sandrine ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque E0119, avocat postulant
Assistée de Me Xavier PEREZ, de la SELARL PALLIER BARDOUL ET ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES, toque 8, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Prémière Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Laure DALLERY dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Mianta ANDRIANASOLONIARY
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
La société BBL, filiale du groupe Eram, a pour activité principale la vente de chaussures; elle exploite un réseau de boutiques sous l’enseigne Mellow Yellow, développé notamment par le moyen de contrats de commssions affiliations conclus avec des commissionnaires affiliés indépendants.
La société PPH a été créée en 2017 pour l’exploitation d’un commerce de prêt à porter; Mme [P] est sa gérante.
Par contrat de commission affiliation du 21 juin 2017 conclu pour une durée de 5 ans, la société BBL a confié à la société PPH le soin de vendre au détail en son nom, mais pour le compte de la société BBL, dans son magasin situé à [Localité 7], les marchandises remises en dépôt à cette fin et lui a concédé le droit d’utiliser la marque Mellow Yellow à titre d’enseigne.
Il y était stipulé, notamment :
– que la société PPH verserait une redevance forfaitaire initiale de 10.000 €, encaisserait le prix des marchandises vendues, déposerait la recette sur un compte bancaire ouvert à son nom et bénéficierait d’une commission proportionnelle au chiffre d’affaires HT réalisé,
– que l’affiliée remettrait une garantie bancaire à première demande.
Par avenant du 21 juin 2017, la société BBL ayant développé une collection d’articles de prêt à porter et proposé à ses affiliés de vendre cette collection en magasin via une tablette, la société PPH a confirmé sa volonté de disposer d’une telle tablette et les parties ont précisé les conditions de vente en ligne de la collection textile via cette tablette.
Le 5 juillet 2017, la Banque Populaire Atlantique a souscrit une garantie à première demande, valable pour une durée de 3 ans, par laquelle elle s’est portée garante de la société PPH vis à vis de la société BBL, à concurrence de la somme de 25.000 €, du paiement de toutes les sommes dues par référence au contrat et en particulier du reversement du chiffre d’affaires encaissé par la société PPH pour le compte de la société BBL.
Par un courriel de sa gérante daté du 2 juillet 2018, la société PPH a informé la société BBL qu’elle n’avait plus la latitude financière pour continuer, qu’elle était redevable de la somme de 25.618,20 € et que sa garantie à première demande était de 25.000 €, que Mellow Yellow avait gelé ses réapprovisionnements sans l’en avertir, qu’elle proposait la mise en place d’un échéancier et une procédure de liquidation des stocks.
Par courriel du 8 juillet 2018, la société BBL a répondu que la dette de la société PPH s’élevait à 27.471,17 € et lui a proposé la solution suivante :
– la société PPH procéde à un paiement immédiat de 4.000 € pour faire tomber sa dette en dessous du montant de la garantie bancaire, en contrepartie de quoi les livraisons reprendront,
– la société BBL consent un nouvel échéancier sur le solde restant dû,
– l’exploitation est poursuivie jusqu’à une date à définir avec organisation d’une liquidation des marchandises,
– pendant la poursuite d’exploitation, la société PPH s’engage à honorer ses échéances et à ce que son passif n’excéde pas la somme de 25.000 €.
Elle précisait alors : ‘Il est convenu que chacun réfléchisse de manière plus précise à la faisabilité de cette solution et sa pertinence au regard de la situation actuelle. BBLva, en particulier, proposer un calendrier des opérations à M. [B]. S’il s’avérait que, sur le plan économique, cette solution n’était pas intéressante, il en sera clairement re-discuté pour envisger d’autres options. Compte tenu de l’urgence de la situation, nous nous recontacterons en début de semaine prochaine pour faire le point.’
La société PPH, par lettre recommandée du 20 juillet 2018 avec avis de réception, a reproché à la société BBL de ne pas avoir repris les livraisons alors qu’elle avait payé la somme de 4.000 € (en réalité 3.960,40 €) le 6 juillet 2018 et l’a mise en demeure d’effectuer le réassort de son point de vente; puis, par lettre recommandée du 31 juillet 2018, elle l’a de nouveau mise en demeure de reprendre les livraisons à peine de résiliation du contrat et d’ indemnisation de ses préjudices.
La société BBL a répondu à la gérante de la société PPH, par lettre recommandée du 8 août 2018 avec avis de réception, qu’elle n’avait pas respecté l’échéancier accordé, que lors de leur dernier entretien téléphonique sa société s’était engagée à faire un versement ramenant la dette à moins de 25.000 €, que sous cette réserve l’approvisionnement serait relancé, mais qu’avant même d’avoir pu réapprovisionner le magasin elle avait reçu un nouveau rejet de prélèvement, qu’à ce jour la dette s’élévait à 35.401,70 € TTC et que dans ces conditions elle ne pouvait reprendre les livraisons.
Le 3 juillet 2018, la société PPH a notifié à la société BBL la résiliation de plein droit du contrat en application de son article 12.2 et lui a réclamé paiement de la somme de 97.200 € TTC en réparation de ses préjudices.
C’est dans ces circonstances que la société PPH et Mme [P] ont, le 21 décembre 2018, fait assigner la société BBL devant le tribunal de commerce de Paris pour voir prononcer la nullité du contrat ou subsidiairement sa résiliation de plein droit aux torts exlusifs de la société BBL et obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement du 30 septembre 2020, le tribunal a :
– dit recevable l’action engagée par Mme [P] contre la société BBL,
– débouté la société PPH de sa demande de nullité du contrat de commission-affiliation, de sa demande de résiliation de plein droit de ce contrat aux torts exclusifs de la société BBL et de sa demande en nullité de la garantie à première demande,
– débouté la société PPH et Mme [P] de l’ensemble de leurs demandes,
– débouté la société BBL de sa demande de paiement de la somme de la somme de
18.679,40 € au titre d’écarts d’inventaire,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes y afférant,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
– condamné la société PPH et Mme [P] aux dépens.
La société PPH et Mme [P] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe de la cour du 9 novembre 2020.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 6 juillet 2022 à l’égard de la société PPH; puis cette société a été déclarée en liquidation judiciaire le 14 septembre 2022, la SELAS Cleoval, prise en la personne de Me [Z] [T], étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 9 janvier 2023, la SELAS Cleoval, prise en la personne de Me [Z] [T], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société PPH, la société PPH et Mme [P], demandent à la cour, au visa des articles 1130 et suivants du code civil, de l’article L 330-3 du code de commerce et de l’article 700 du code de procédure civile, de :
1) recevoir l’intervention volontaire de la SELAS Cloadec en la personne de Me [Z] [T], és qualités,
2) infirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions,
3) débouter la société BBL de l’ensemble de ses demandes au titre de son appel incident,
4) statuant à nouveau :
– à titre principal, prononcer la nullité du contrat de commission-affiliation signé le 10 avril 2017 et ordonner la remise des parties dans l’état dans lequel elle se trouvait avant la conclusion du contrat,
– à titre subsidiaire, prononcer la résiliation de plein droit du contrat de commission-affiliation aux torts exclusifs de la société BBL,
– en tout état de cause :
*prononcer la nullité de la garantie à première demande consentie par la société PPH,
*dire y avoir lieu à annulation de la dette de la société PPH à l’égard de la société BBL,
*condamner la société BBL à rembourser à la société PPH la somme de 39.000 € HT au titre des travaux engagés pour l’aménagement du magasin et la somme de 10.000 € HT correspondant au montant de la redevance initiale forfaitaire versée sans contrepartie réelle,
*condamner la société BBL à payer à la société PPH la somme de 71.461 € HT correspondant aux pertes d’exploitation subies du fait des manquements commis dans le cadre de l’exécution du contrat et la somme de 100.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour l’indemnisation de ses préjudices, ‘ toutes causes confondues, sauf à parfaire’,
*condamner la société BBL à payer à Mme [P] la somme de 90.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour l’indemnisation de ses préjudices, ‘toutes causes confondues, sauf à parfaire’,
*condamner la société BBL aux entiers dépens de l’instance et à payer à la société PPH et à Mme [P], chacune, la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 16 janvier 2023, la société BBL demande à la cour, au visa des articles 1130 à 1133 et 1137 du code civil, des articles L330-3 et R 330-1 du code de commerce ainsi que de l’article 1219 du code civil,
de :
1) confirmer le jugement sauf en ce qu’il a :
– débouté la société BBL de sa demande de paiement de la somme de 18.679,40 € au titre des écarts d’inventaire,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société BBL de sa demande,
2) statuant à nouveau sur son appel incident, ‘condamner’ la société PPH et la selas Cloadec prise en la personne de Me [Z] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la société PPH, à lui payer la somme de 18.679,40 €, au titre des marchandises non restituées et fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société PPH,
3) en tout état de cause, condamner solidairement la société PPH, la selas Cleoval prise en la personne de Me [Z] [T], ès qualité, et Mme [P] aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et, en conséquence, fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société PPH.
MOTIVATION
Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de commission-affiliation :
Les appelantes exposent au début de leurs conclusions, sous l’intitulé rappel des faits et de la procédure, en pages 4 à 8 :
– que le choix de la société PPH de s’affilier à la marque Mellow Yellow reposait principalement sur le prévisionnel que lui avait adressé la société BBL,
– que c’est sur la base d’un prévisionnel moyen de 400.000 € annoncé par courriel du 4 novembre 2016 que la société PPH a consenti au contrat de commission-affiliation,
– que le chiffre d’affaires réalisé en 2017 par la boutique d'[Localité 7] dépassera à peine 172.400 €,
– que compte tenu de la gravité des dysfonctionnements qui ont affecté le groupe Eram tout au long de l’année 2018, ces éléments existaient ou étaient prévisibles au moment de la signature du contrat,
– qu’à aucun moment, lors des négociations en vue de conclure le contrat, Mme [P] n’a eu connaissance des difficultés d’organisation du réseau et de la marque Mellow Yellow qui ont pourtant conduit le groupe à mandater un cabinet d’audit quasi concomitamment au lancement de l’activité de la société PPH,
– que c’est sciemment que la société BBL a dissimulé ces informations à la société PPH qui n’aurait pas signé le contrat si elle en avait eu connaissance.
Ensuite, après un rappel des dispositions des articles 1131,1132, 1133alinéa 1 et 1137 du code civil ainsi que de la jurisprudence en la matière, les appelantes font valoir en pages 14 à 18 de leurs conclusions :
– qu’il doit être procédé à une appréciation in concreto de la bonne information du cocontractant et que la seule délivrance d’un document d’information (DIP) dont le contenu se verrait incomplet ou inadapté à la situation de l’espèce constiturait un défaut d’information au sens du droit positif,
– que dans le DIP remis par la société BBL, celle-ci vantait clairement les mérites de la marque Mellow Yellow,
– qu’au cours de l’année 2017, le groupe Eram a été confronté à d’importantes difficultés menaçant la pérennité de son activité, raison pour laquelle il s’est séparé de son enseigne Tati, pourtant fleuron du groupe depuis près de 10 ans,
– que les problèmes d’organisation du groupe sont apparus dès le début de l’exécution du contrat et ont engendré des difficultés importantes pour la société PPH dès les premiers mois,
– que compte tenu de la récurrence et de la gravité des manquements du commettant dès le début de l’activité de la société PPH, il est établi que ces difficultés préexistaient au moment de la signature du contrat,
– que le courriel du 9 novembre 2017 adressé par le propriétaire du groupe Eram aux affiliés Mellow Yellow évoque des difficultés de la marque depuis quelques temps,
– que la société BBL a menti à sa cocontractante en affirmant dans le contrat ‘qu’il n’y aurait pas de refonte importante du concept pendant les deux premières années d’exécution du contrat’,
– que la société BBL qui aurait dû, a minima, prévenir la société PPH des difficultés économiques rencontrées par le groupe Eram et des changements structurels à venir, n’a pas délivré une information complète et pertinente mettant en mesure la société PPH d’apprécier sa rentabilité à venir,
– que le prévisionnel communiqué n’était pas sérieux et laissait escompter des résultats bénéficiaires qui n’étaient pas réalisables,
– que la remise de ce prévisionnel erroné a conduit la société PPH à commettre une erreur sur la rentabilité de la marque Mellow Yellow,
– qu’une présentation sincère et loyale de la marque était déterminante du consentement de la société PPH lors de la conclusion du contrat,
– que le consentement de la société PPH a été vicié compte tenu de l’absence d’information complète et fidèle et du prévisionnel exagérément optimiste fourni par la société BBL.
La société BBL demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du contrat; elle réplique aux appelantes :
*sur les prétendus problèmes de gestion et d’organisation du groupe et de la marque :
– que les pièces versées aux débats par les appelantes ne permettent pas de caractériser des difficultés au sein du réseau et de la marque antérieurement à la conclusion du contrat,
– que la société PPH ne démontre à aucun moment en quoi les réorganisations du groupe ont pu avoir un lien avec les mauvais résultats obtenus, alors que la multiplication des activités commerciales de Mme [P], qui exploitait et dirigeait plusieurs fonds de commerce dans différentes villes, a nécessairement eu un impact sur la gestion de la société PPH,
*sur la rentabilité de l’activité économique de la société PPH :
– que c’est cette société qui a établi un prévisionnel, non daté, et qui ne lui a pas été transmis,
– que par courriel du 4 novembre 2016, elle n’a envoyé à la société PPH que des exemples de chiffres d’affaires réalisés par 8 de ses affiliés Mellow Yellow, lesquels sont réels,
– qu’il appartenait à Mme [P] et à la société PPH de recueillir d’autres éléments sur la base des chiffres d’affaires transmis qui variaient parfois de façon substantielle entre affiliés,
– que la lecture des comptes annuels 2017 et 2018 de la société PPH montre que parmi le poste ‘autres dettes’ figurent des dettes de cette société à l’égard des sociétés PPA et BPR , gérées par Mme [P], et que ces dettes impactaient le résultat de la société PPH,
*sur le respect de son obligation précontractuelle d’information :
– que le document d’information précontractuel (DIP), adressé à Mme [P] le 3 janvier 2017, soit plus de 3 mois avant la conclusion du contrat, comporte des informations détaillées et sincères, dont certaines proviennent du cabinet Xerfi, l’un des leaders de l’analyse économique sectorielle,
– qu’il y est précisé que les ventes de chaussures et de vêtements ont été fortement impactées par la baisse du pouvoir d’achat des français depuis 2019,
– que s’agissant des perspectives d’évolution du marché, ce DIP fait état d’un ‘contexte incertain’ et de ‘forte concurrence entre les spécialistes de la chaussure et de guerre des prix’,
– que le cabinet Xerfi indique que ‘la forte concurrence et l’agressivité tarifaire pratiquée par certaines enseignes devraient limiter la hausse du chiffre d’affaires pour les acteurs du secteur’.
Réponse de la Cour
La cour constate que le document d’information précontractuel, s’il met en valeur la marque Mellow Yellow dans sa partie intitulée ‘Comportement et position de la marque Mellow Yellow sur le marché national’, est particulièrement détaillé, satisfait à toutes les
conditions exigées par l’article par les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce et précise l’état et les perspectives du marché de la chaussure.
Le courriel adressé le 4 novembre 2016 par la société BBL à Mme [P] ne constitue en aucune façon un compte prévisionnel; il ne fait que transmettre des chiffres d’affaires réalisés dans différentes villes en 2015 par 8 affiliés, ces chiffres variant entre 380.000 € TTC et 570.000 € TTC; l’exactitude de ces chiffres n’est pas contestée.
Le document d’information contractuel transmis à Mme [P] comportait la liste et l’adresse des 27 affiliés, ce qui lui permettait d’apprécier leur situation et les résultats que la société PPH pouvait escompter en s’affiliant au réseau de la société BBL pour exploiter la marque Mellow Yellow.
C’est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a retenu :
– que les faits prétendument dissimulés par la société BBL, tenant à sa gestion et à sa réorganisation, sont intervenus entre le 28 février 2018 et juillet 2018, soit postérieurement au 10 avril 2017, date de conclusion du contrat et que la société PPH n’apporte pas d’éléments de nature à établir que ces réorganisations résulteraient de difficultés antérieures,
– que la société PPH ne démontre pas en quoi les réorganisations du groupe Eram ou de la société BBL ont pu impacter ses propres résultats dont elle reconnaît qu’ils étaient très éloignés de ses attentes dès l’exercice 2017,
– que la déclaration de cessation de paiement de la société Tati, intervenue le 28 avril 2017, postérieurement à la signature du contrat de commission-affiliation, concerne une filiale d’Eram spécialisée dans le discount textile, sans rapport avec l’activité de la société BBL, spécialisée dans la vente de chaussures de gammes moyenne et haute et qu’elle a permis au groupe Eram de ses séparer d’une filiale en difficulté, ce qui ne pouvait pas emporter deconséquence négatives pour la société BBL.
En conséquence, les appelantes qui ne rapportent pas la preuve d’une absence d’information loyale et d’un prévisionnel inexact qui auraient vicié le consentement de la société PPH lors de la conclusion du contrat, sont mal fondées en leur demande de nullité.
Sur la demande de résiliation de plein droit du contrat de commision-affiliation, aux torts de la société BBL.
Les appelantes, rappelant leurs mises en demeure, reprochent à la société BBL d’avoir manqué à son obligation essentielle d’assurer l’approvisionnement du magasin. Se référant à un courriel de la société BBL du 20 février 2018, elles alléguent que c’est en raison de la défaillance de la logistique du commettant tout au long de l’année 2018 que la société PPH s’est trouvée dans une situation financière particulièrement précaire. Elles ajoutent qu’il avait été convenu d’une reprise des livraisons dès que le paiement de la somme de 4.000 € et que, malgré le paiement de cette somme le 6 juillet 2018, la société BBL n’a pas repris les livraisons.
La société BBL rétorque :
– qu’elle était bien fondée à opposer l’exception d’inexécution en arrêtant toute livraison en juin 2018 parce que la société PPH ne lui reversait pas le chiffre d’affaire réalisé, ce qui constituait un grave manquement à ses obligations contractuelles,
– que si un accord a été recherché elle a constaté un nouveau rejet de prélèvement (le 20 juillet 2018) avant même d’être en mesure de reprendre ses livraisons,
– que la dette de la société PPH s’élevait à 35.401,70 €.
Réponse de la Cour
L’article 12 du contrat stipule :
– sous le point 12.1, qu’il pourra être résilié de plein droit et sans mise en demeure par la
société BBL dans plusieurs cas, dont les retards répétés dans le reversement du chiffre d’affaires à BBL,
– sous le point 12.2, qu’il pourra être résilié de plein droit par l’une ou l’autre des parties, un mois après une mise en demeure, en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.
Les appelantes n’analysent pas le contenu des courriels des 1er et 20 février 2018 qu’elles versent aux débats.
Or, leur lecture révéle que la société BBL a informé ses adhérents de sa stratégie commerciale consistant à commercialiser des séries plus courtes sur certains modèles, ce qui impliquait des ruptures régulières et rapides tout au long de la saison et, outre sa politique d’achat, de sa politique d’attribution par magasin, il n’en résulte aucunement la preuve de défaillance dans la logistique de la société BBL.
La société BBL se prévaut à bon droit du grave manquement de PPH à ses obligations contractuelles, en l’absence de reversement du chiffre d’affaires réalisé, de sorte qu’elle était bien fondée à opposer l’exception d’inexécution en arrêtant toute livraison en juin 2018, d’un nouveau rejet de prélèvement en cours de négociations et de l’augmentation de la dette.
Au regard de l’accroissement de cette dette, dénoncé par la société BBL dans sa lettre du 8 août 2018 et non contesté par les appelantes, les conditions prévues pour un accord avec un échéancier de remboursement et sous réserve que la dette n’excède pas la somme de 25.000 € n’ont pas été satisfaites.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les appelantes doivent être déboutées de leur demande de résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs de la société BBL.
Sur la demande de nullité de la garantie à première demande
Les appelantes présentent cette demande comme une conséquence de l’annulation ou de la résiliation du contrat, sans autre motivation; leur demande doit donc être rejetée.
Sur la demande de la société BBL au titre des marchandises non restituées
La société BBL indique avoir déclaré une créance à ce titre au passif de la société PPH pour la somme de 18.679,40 €; elle invoque les stipulations de l’article 6.6 du contrat aux termes desquelles les écarts d’inventaire constatés seront à la charge de l’affilié et feront l’objet d’une facturation à hauteur de 59 % du prix de vente TTC des marchandises non restituées. Elle se réfère à sa pièce 9 présentée comme un état des stocks réalisé les 28 février et 1er mars 2019 en présence de Mme [P] qui aurait refusé de le signer.
Les appelantes, pour s’opposer à cette demande, font valoir qu’elle n’est pas justifiée, que le stock a été récupéré et qu’aucune liste de stock n’a été établi par les équipes de Mellow Yellow qui se sont présentées à la boutique. Elle reprend les motifs du jugement par lesquels la demande de la société BBL a été réjetée.
Réponse de la Cour
La cour fait siens les justes motifs du tribunal qui a retenu :
– que la pièce 9 de la société BBL est un document non daté ni signé qui mentionne un stock théorique, un stock physique et des écarts d’inventaire en résultant,
– que la source des données y figurant, tant pour le stock physique que pour le stock théorique, n’est pas identifiée,
– que les données de stock physique et de stock théorique ne sont pas étayées.
En conséquence, la demande de la société BBL sera rejetée.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Les appelantes qui succombent en toutes leurs prétentions doivent supporter les dépens de première instance et d’appel.
Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, leur demande de ce chef sera rejetée et il sera alloué la somme supplémentaire de 5.000 € à la société BBL en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SELAS Cleoval, en la personne de Me [Z] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société PPH,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, condamne solidairement Mme [P] et la SELAS Cleoval, prise en sa la personne de Me [Z] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société PPH, à payer à la société BBL la somme de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne solidairement Mme [P] et la SELAS Cleoval, prise en la personne de Me [Z] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société PPH, aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE