Nullité de contrat : 31 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03436

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Nullité de contrat : 31 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/03436

2ème Chambre

ARRÊT N°174

N° RG 19/03436

N° Portalis DBVL-V-B7D-PZM5

(1)

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

M. [J] [H]

Mme [G] [F] épouse [H]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me LECLERCQ

– Me THERSIQUEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA,

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Edgar VINCENSINI, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [J] [H]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [G] [F] épouse [H]

née le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Tous représentés par Me Alice THERSIQUEL, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous représentés par Me Marc ROUXEL, plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

EXPOSÉ DU LITIGE

À la suite d’un démarchage à domicile, M. [J] [H] et Mme [G] [F] (les époux [H]) ont, selon bon de commande du 7 avril 2012, commandé à la société Solaire Environnement la fourniture et l’installation d’une éolienne et d’un ballon thermodynamique moyennant le prix de 22 900 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Banque Solfea (la société Solfea) a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [H] un prêt de 19 800 euros au taux de 5,60 % l’an, remboursable en 7 mensualités de 98 euros puis 179 autres mensualités de 172 euros (hors assurance emprunteur), après un différé d’amortissement de 11 mois.

Les fonds empruntés ont été versés au fournisseur au vu d’une attestation de fin de travaux du 30 mai 2012, et la société Solaire Environnement a été mise en liquidation judiciaire le 5 mars 2013.

Prétendant que l’installation présentait divers dysfonctionnements et que ses performances ne permettaient pas d’obtenir les économies d’énergie promises par le démarcheur, les époux [H] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes qui, par ordonnance du 16 mai 2013, a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. [I], lequel a déposé le 28 octobre 2013 un rapport concluant que le matériel installé ne correspondait pas au financement accordé et qu’il exposait à des risques d’incendie et de dégradations de l’immeuble du fait de vibrations non maîtrisées.

Puis, ils ont saisi le juge des référés du tribunal d’instance de Nantes qui, par ordonnance du 2 octobre 2014, a suspendu l’exécution du contrat de prêt à compter du 18 mai 2013 et jusqu’à la solution du litige.

Les époux [H] n’ont cependant jamais saisi le juge du fond de ce litige, si bien que, par acte du 4 avril 2017, la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), se trouvant aux droits de la société Solféa en vertu d’un acte de cession de créances du 28 février 2017, a, par acte du 4 avril 2017, fait assigner les emprunteurs en reprise de l’exécution du contrat de prêt.

Les époux [H] ont invoqué la forclusion de l’action du prêteur et ont reconventionnellement demandé l’annulation du contrat principal et du contrat de crédit lié.

Estimant que l’opération financée relevait de l’application des dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers, que le non-respect du délai de réflexion de dix jours prévu par l’article L. 312-10 de ce code, dans sa rédaction applicable à la cause, justifiait l’annulation du contrat de prêt, et que le prêteur s’était fautivement dessaisi des fonds empruntés entre les mains du fournisseur sans s’assurer de l’exécution complète de la prestation de pose, le premier juge a, par jugement du 15 octobre 2018 :

déclaré recevable l’action de la BNP PPF comme n’étant pas forclose,

prononcé la nullité du contrat de financement consenti par la BNP PPF aux époux [H],

débouté la BNP PPF de l’ensemble de ses demandes,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné la BNP PPF aux dépens,

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La BNP PPF a relevé appel de cette décision le 23 mai 2019, pour demander à la cour de :

déclarer irrecevable la demande des époux [H] en nullité du contrat conclu avec la société Solaire Environnement, la société venderesse n’étant pas dans la cause,

en conséquence, déclarer irrecevable la demande en nullité subséquente du contrat de crédit souscrit auprès de la société Solfea,

sur le fond, infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat conclu entre les époux [H] et la société Solfea,

condamner solidairement les époux [H] à reprendre le paiement des échéances du contrat de crédit auprès de la BNP PPF, venant aux droits de la société Solfea à compter du présent arrêt,

ordonner le report des échéances suspendues par le juge des référés en fin de prêt,

autoriser la BNP PPF à établir un nouveau tableau d’amortissement,

débouter les époux [H] de toute demande contraire,

subsidiairement, si le contrat de crédit était annulé, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la banque de sa demande tendant à la restitution du capital emprunté,

condamner solidairement les époux [H] à restituer à la BNP PPF la somme de 19 800 euros au titre du capital emprunté, sous déduction des échéances éventuellement perçues, avec intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds, soit le 4 juin 2012,

en tout état de cause, condamner in solidum les époux [H] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Les époux [H] ont relevé appel incident, pour demander à la cour de :

reporter l’ordonnance de clôture au jour de l’audience de plaidoiries,

ne pas se prononcer sur les demandes présentées dans le dispositif des conclusions adverses tendant à voir « dire et juger »,

à titre principal, infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a omis de prononcer la nullité du contrat de fourniture et pose conclu avec la société Solaire Environnement,

prononcer la nullité de ce contrat de fourniture et pose,

confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat de financement consenti par la société Solfea,

débouter la BNP PPF de sa demande en paiement formée à l’encontre des époux [H],

y additant, ordonner la restitution par la BNP PPF des sommes versées par les époux [H] s’établissant à 396 euros,

condamner la BNP PPF au paiement d’une indemnité de 4 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise.

L’affaire, initialement fixée à l’audience du 3 mai 2022, a dû être reportée au 7 février 2023 en raison d’un incident soulevé par la BNP PPF le 8 avril 2022 et dont elle s’est en définitive désistée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 10 juin 2022 et pour les époux [H] le 7 décembre 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 janvier 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur le report de la clôture

Les époux [H] sollicitent le ‘report’ de l’ordonnance de clôture, mais celle-ci a été prononcée le 12 janvier 2023 et ils n’invoquent aucune cause grave de révocation de celle-ci.

Sur la nullité du contrat principal

La BNP PPF soutient avec raison que l’action en nullité du contrat de fourniture et de pose de l’installation aérogénératrice est irrecevable, pour ne pas avoir été exercée au contradictoire vendeur.

Il résulte en effet de l’article 14 du code de procédure civile que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou, au moins, appelé à la cause.

Or, ni la société Solaire Environnement, ni son liquidateur, ni, dans l’hypothèse plausible où cette procédure collective serait clôturée, le liquidateur remandaté à cette fin par le tribunal de commerce ou un mandataire ad hoc désigné à cet effet pour la représenter, n’ont été appelés à la cause par les époux [H].

Cette demande est donc irrecevable.

Sur la nullité du contrat de prêt

L’annulation du contrat de fourniture et de pose ne pouvant être prononcée, la demande d’annulation du contrat de prêt, subséquemment à celle du contrat principal par application de l’article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, ne pourra qu’être rejetée.

Le premier juge a quant à lui prononcé l’annulation du contrat de crédit en retenant que l’opération financée relevait de l’application des dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers, notamment de l’article L. 312-10 devenu L. 313-34 de ce code aux termes duquel l’emprunteur ne peut accepter l’offre de prêt que dix jours après l’avoir reçue, et que le non-respect de ce délai de réflexion était sanctionné par la nullité du contrat.

La BNP PPF lui fait grief d’avoir soulevé ce moyen d’office en violation du principe de la contradiction, mais elle n’en tire pas de conséquences, et omet que l’article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation confère au juge la faculté de soulever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application et qu’en matière de procédure orale sans représentation obligatoire, les moyens soulevés d’office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire qui n’est pas rapportée, avoir été débattus contradictoirement à l’audience.

Cependant, il résulte de article L. 312-2 devenu L. 313-1 du code de la consommation que la réglementation des crédits immobiliers, notamment le délai de réflexion de dix jours précédemment évoqué, ne s’applique pas au financement des travaux immobiliers de réparation, d’amélioration et d’entretien lorsque le montant du crédit est inférieur à 75 000 euros, et des articles L. 311-1, 9° et L. 311-3, 2° devenus L. 311-1, 11° et L. 312-1 de ce code que les opérations de crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens ou de prestations de service particuliers relèvent de la réglementation des crédits à la consommation lorsque le montant du prêt est inférieur à 75 000 euros.

Or, le prêt de 19 800 euros consenti par la société Solfea aux époux [H] était exclusivement affecté au financement de la fourniture et la pose d’une éolienne et d’un ballon thermodynamique par la société Solaire Environnement, de sorte qu’il ne se trouvait pas soumis au délai de réflexion de dix jours de l’article L. 312-10 devenu L. 313-34 mais au délai de rétractation de quatorze jours de l’article L. 311-12 devenu L. 312-19, dont les emprunteurs étaient explicitement informés par les conditions générales de l’offre et la présence d’un bordereau détachable sur l’exemplaire de l’offre laissé en leur possession qu’ils produisent.

Il n’y a donc pas matière à annulation du contrat de prêt.

Dès lors, les moyens des époux [H] relatifs aux fautes que la société Solfea aurait commises lors du déblocage des fonds, exclusivement invoqués au soutien de leur demande de privation du droit du prêteur à la restitution du capital emprunté consécutivement à l’annulation du contrat de prêt, sont sans objet.

En revanche, étant observé que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action du prêteur, au demeurant non maintenue en cause d’appel, a été pertinemment rejetée par le jugement attaqué, il convient de faire droit à la demande de reprise de l’exécution du contrat de prêt formée par la BNP PPF, avec report des échéances suspendues par ordonnance du juge des référés du 2 octobre 2014 en fin de période d’amortissement.

Le jugement attaqué sera par conséquent réformé en ce sens.

Sur les frais irrépétibles

Il n’y a enfin pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Rejette la demande de report de l’ordonnance de clôture ;

Confirme le jugement rendu le 15 octobre 2018 par le tribunal d’instance de Nantes en ce qu’il a déclaré l’action de la société BNP Paribas recevable comme non forclose ;

L’infirme en ses autres dispositions ;

Déclare la demande d’annulation du contrat principal conclue le 7 avril 2012 entre les époux [H] et la société Solaire Environnement irrecevable ;

Déboute les époux [H] de leur demande d’annulation du contrat de prêt conclu le 7 avril 2012 entre les époux [H] et la société Banque Solfea ;

Condamne solidairement les époux [H] à reprendre l’exécution de leur obligation de paiement des échéances de remboursement de ce prêt dès la signification du présent arrêt, avec report en fin de période d’amortissement des échéances suspendues par l’ordonnance du juge des référés du tribunal d’instance de Nantes du 2 octobre 2014 ;

Dit que la société BNP Paribas Personal Finance établira un nouveau tableau d’amortissement tenant compte de la suspension de l’exécution du prêt et du report des échéances reportées et le communiquera par tous moyens aux époux [H] ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les époux [H] aux dépens de première instance et d’appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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