Nullité de contrat : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10463

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Nullité de contrat : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10463

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 30 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10463 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZTB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2020 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY RG n° 2019F01405

APPELANTE

Société ERDEC FINANCE

Ayant son siège social

[Adresse 2]

L 142 LUXEMBOURG

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Emmanuel BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. LB-P

agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité;

n° SIRET : 489 640 466

Ayant son siége social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Représentée par Me Alexandra SEIZOVA de la SELARL SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1099

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame SIMON ROSSENTHAL, Présidente dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 septembre 2014, la société Erdec Finance a confié à la société LB-P une mission de conseil pour la vente de la totalité des actions de la SAS Foncierdec, détenant six actifs immobiliers commerciaux financés en crédit ou crédit bail. Etait annexée au contrat une annexe intitulée « mandat de vente n° 14-18 » mentionnant quatre prospects, à savoir Patrizia, Henderson, Vald et Catalyst auxquels la société à vendre devait être présentée, la valorisation brute des immeubles étant évaluée à 89 000 000 euros. Il était prévu que « les prospects présentés par LB-P feront l’objet d’un droit de suite durant une période de deux ans pour toute négociation liée à tout ou partie du portefeuille d’actifs. »

Une première facture de 15 000 euros a été émise à la conclusion du contrat et une seconde le 13 novembre 2012 à la suite de la marque d’intérêt du prospect Catalyst. Ces factures ont été réglées.

Le 24 novembre 2014, Erdec Finance écrivait à LB-P pour écarter l’offre qu’elle estimait insuffisante.

Le 23 février 2015, Erdec Finance adressait à LB-P une lettre de résiliation de la convention en application de l’article 14. LB-P ne contestait pas cette résiliation et adressait un rapport de fin de mission mentionnant une offre écrite de la société Patrimoine et Commerce à hauteur de 72 000 000 euros oralement portée à 80 000 000 euros.

Le 15 novembre 2016, le groupe [C] (détenteur au 31 décembre 2016 de 24,4 % des actions de la SIIC Patrimoine & Commerce) a annoncé l’achat, aux côtés de quatre Caisses d’Epargne, de la totalité des actions de la société Foncierdec pour un montant de 89 000 000 euros, au sein d’une structure ad hoc dénommée Foncière Valmi.

La société LB-P, invoquant son droit de suite a demandé à Erdec Finance le paiement d’une commission de succès à hauteur de 1,6 % de la valorisation des actifs, ce qu’a refusé Erdec Finance.

Par exploit d’huissier du 29 mai 2017, la société LB-P a assigné en paiement la société Erdec Finance devant le tribunal de commerce de Bobigny.

Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a statué comme suit :

– reçoit la société Erdec Finance en son action en nullité,

– déboute la société Erdec Finance de ses actions en nullité du mandat pour non-conformité à la loi Hoguet,

– déboute la société Erdec Finance de son action en nullité du contrat pour dol,

– déboute la société Erdec Finance de son action en nullité pour illicéité de la convention,

– condamne la société Erdec Finance à payer à la société LBP-P la somme de 1 137 000 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2017 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil dans sa réaction antérieure au premier octobre 2016, applicable au litige, à compter du 6 décembre 2019 et déboute la société LB-P du surplus de ses demandes,

-condamne la société Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute la société LB-P du surplus de sa demande à ce titre,

– ordonne l’exécution provisoire avec consignation des sommes auxquelles la société Erdrec Finance est condamnée auprès de la Caisse des dépôts et Consignations,

– condamne la société Erdec Finance aux dépens

liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 74,54 euros TTC (dont TVA : 12,42 euros).

La société Erdec Finance a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 18 janvier 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a ordonné la radiation du rôle de la cour l’appel interjeté par la société Erdec Finance, enregistré sous le numéro de RG 20/09568, devant le pôle 5, chambre 10 et condamné la société Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SCP GRV avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 25 février 2021, la société Erdec Finance a consigné les condamnations auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. L’affaire a été rétablie au rôle de la cour.

Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2022, la société Erdec Finance demande à la cour de, au visa des articles 5, 6, 7, 9 et 700 du code de procédure civile, l’article 1134 et 1315 anciens du code civil, l’article 1231-1 nouveau du code civil, l’article 1842 du code civil,d’infirmer dans sa totalité le jugement entrepris et de débouter la société LB-P de l’intégralité de ses demandes

statuant à nouveau :

– juger qu’aucune diligence déterminante de l’opération de cession des titres de la société Foncierdec SAS n’a été effectuée par la société LB-P pouvant justifier le droit à sa commission ;

– juger qu’aucune négociation, condition de l’application du droit de suite, n’a été réalisée par la société LB-P pouvant justifier l’application du droit de suite ;

– juger que l’application du droit de suite suppose l’existence de négociations, inexistantes en l’espèce, et suppose que l’acquéreur définitif des parts de la société Foncierdec SA ait été un prospect présenté par la société LB-P et à fortiori accepté par la société Erdec Finance SA, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

– juger que la cession des titres de la société Foncierdec SAS, objet du contrat de mandat conclu entre la société Erdec Finance SA et la société LB-P, est intervenue entre la société Erdec Finance SA et la société Foncière Valmi, qui n’était pas un prospect agréé par la société Erdec Finance Sa que pouvait démarcher la société LB-P ;

– juger que, la société LB-P a, de mauvaise foi, soutenu des allégations mensongères dans le but de tromper le tribunal de commerce de Bobigny et la cour d’appel de Paris ;

– juger qu’aucune fraude n’a été alléguée ni démontrée par la société LB-P à l’encontre de la société Erdec Finance SA, une telle fraude n’existant pas ;

en conséquence :

– condamner la société LB-P au paiement de la somme de 1 198 076,15 euros à la société Erdec Finance SA, par consignation de la somme séquestrée auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations de Paris et de ses intérêts produits, enregistrée sous la référence 3205036 ;

– condamner la société LB-P à payer à la société Erdec Finance SA la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du comportement abusif de la société LB-P dans le cadre de la présente instance et devant le tribunal de commerce de Bobigny, en soutenant ouvertement des affirmations fausses dans le but de tromper la religion des juridictions ;

– condamner la société LB-P à rembourser à la société Erdec Finance SA la somme de 30 000 euros payée au titre des honoraires fixes prévus au contrat, mal exécuté par la société LB-P ;

en tout état de cause :

-condamner la société LB-P a’ verser la somme de 20 000 euros a’ la société Erdec Finance SA en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société LB-P aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Benetreau.

Par dernières conclusions signifiées le 5 avril 2022, la société LB-P demande à la cour de, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté l’application de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et, sur le bien-fondé de la demande de LB-P, confirmer le jugement en ce qu’il a dit que LB-P était fondée à obtenir le paiement de sa commission de succès,

sur le quantum, infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a limité le montant de la commission de succès allouée à l’intimée à la somme de 1 137 000 euros en principal, en asseyant son montant sur celui de l’offre écrite reçue du groupe [C] par LB-P à hauteur de 72 000 000 euros,

statuant à nouveau,

– condamner la société Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme en principal de 1 409 000 euros, outre les intérêts légaux courant à compter de l’assignation, avec capitalisation des intérêts,

à titre subsidiaire, en tout état de cause,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme en principal de 1 137 000 euros, outre les intérêts légaux courant à compter de l’assignation, avec capitalisation des intérêts,

– ordonner la déconsignation des sommes séquestrées entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations au profit de la société LB-P,

– Débouter en tant que de besoin Erdec Finance de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Enfin,

– confirmer la condamnation de première instance sur les frais irrépétibles et les dépens à la charge d’Erdec Finance,

– condamner la société Erdec Finance à payer à LB-P la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

– Condamner la société Erdec Finance aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Marie-Catherine Vignes, Cabinet Avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

La société Erdec Finance ne reprend pas les demandes de nullité de la convention ni celle sollicitée, à titre subsidiaire, de modération de la clause pénale qu’elle avait formées en première instance.

La société Erdec Finance fait valoir que la société LB-P n’a réalisé aucune diligence déterminante dans l’opération justifiant l’octroi de commission ; qu’elle n’a préparé aucun support de présentation comme elle en avait l’obligation, celui-ci ayant été préparé par la société ARC Expertise et payé par Erdec Finance alors que LB-P avait été rémunérée pour cette mission ; que LB-P n’a identifié aucun investisseur cible ; que sur la première liste de prospects agréés, elle n’a pu obtenir qu’une offre largement trop basse de la société Catalyst Capital et que sur la deuxième liste, elle n’a fait que contacter la société Patrimoine & Commerce qui avait déjà été identifiée par Erdec Finances avec qui elle avait déjà discuté ; qu’elle n’a joué aucun rôle de conseil, reconnaissent elle-même s’être arrêtée à la phase de prospection et n’avoir jamais entamé la phase de négociation ; qu’elle ne produit aucune preuve justifiant de son intervention déterminante à l’opération et ne produit que trois ‘ mais qu’elle a échangés avec la société Imfined devenue Groupe [C] qui n’était pas un prospect agréé par la Erdec Finance aux termes desquels il ressort qu’elle n’a joué qu’un rôle de « boîte aux lettres » en leur adressant la présentation de la société ARD Expertise ; qu’elle n’a jamais rencontré la société Patrimoine & Commerce ; qu’elle n’a jamais fait visiter les immeubles et que l’offre obtenue de la part de cette dernière était indicative et ni précise ni ferme et pour un montant largement inférieur à l’objectif de l’opération et la valorisation des titres de la société Foncierdec.

Elle fait valoir que la cession des parts de la société Foncierdec a été réalisée entre Erdec Finance et la société foncière Valmi, une personne morale distincte de la société Patrimoine & Commerce, seul prospect agréé par Erdec Finance, à l’exclusion des sociétés Foncière Valmi et Infimed devenues Groupe [C] qui n’ont jamais été agréées et alors que le droit de suite invoquée par LB-P suppose des négociations menées avec un prospect présenté et agréé par Erdec Finance et que le droit à commission est due en cas de négociation et non en cas de transaction.

Elle soutient que la société LB-P n’invoque ni ne prouve une quelconque fraude de la part d’Erdec Finance et qu’en l’espèce, la fraude est inexistante.

La société LB-P expose qu’elle avait pour mission de recueillir des propositions approchant autant que possible une valeur estimative de 89 000 000 euros, prix souhaité par Erdec Finance sans que cela ne constitue au demeurant un plancher obligatoire mais un objectif ; que le premier rapport du cabinet Savills transmis à LB-P à Erdec finance du 19 février 2014 évalue la valeur des actifs à la somme nette de 87 480 000 euros hors frais ; que ces valeurs n’étaient pas incompressibles puisque tempérées par de nombreuses réserves ; qu’il en est de même concernant les rapports des 12 février 2015 et 19 février 2016 que l’appelante verse aux débats ; qu’il ressort de ces rapports que la valeur brute des actifs a oscillé pendant trois ans entre 89 000 000 euros et 91 000 000 euros et que la valeur nette est passée de 87 400 000 euros en 2014 à 84 100 000 euros puis à 85 600 000 euros en 2016 ; que ceci est confirmé par le barème contractuel indiquant le mode de calcul de la commission de succès.

Elle soutient avoir exécuté pendant cinq mois ses prestations avec diligence, faisant valoir qu’elle a transmis à Erdec Finance un rapport intermédiaire de prospection du 21 novembre 2014 auquel était annexée la première offre émanant de la société Catalyst Capital à hauteur de 64 750 000 euros qu’Erdec a jugé inacceptable. Elle expose qu’elle a poursuivi sa mission en proposant une nouvelle liste de prospects dont faisait partie la société Patrimoine & Commerce. Elle indique qu’alors qu’elle a proposé d’entrer en contact avec les crédit-bailleurs afin d’obtenir des précisions sur les engagements, la société Erdec Finance lui a demandé, par courrier du 12 décembre 2014, de ne pas contacter les candidats acquéreurs potentiels avant janvier 2015 et de ne pas contacter les crédit-bailleurs avant d’obtenir une lettre d’intention des prospects en exigeant en même temps l’obtention des réponses des prospects avant janvier 2015, gelant ainsi pendant trois semaines des travaux et la neutralisation pour négocier à son insu.

Elle indique être entrée en contact avec la société Patrimoine & Commerce et qu’après échanges de courriels, Monsieur [H] [Y], membre du comité d’investissement de la société Patrimoine & Commerce a adressé le 4 février 2015 l’offre indicative de celle-ci pour un prix de 72 000 000 euros que la société LB-P a transmise à Erdec Finance qui a refusé de rencontrer les émetteurs de cette offre.

Elle expose avoir découvert par un communiqué de presse du 14 novembre 2016 que le groupe [C], holding de la société Patrimoine et Commerce et d’Imfined avait finalement réalisé l’opération avec Erdec Finance au prix de 89 000 000 euros en recourant à une autre entité, la société Foncière Valmi détenue en commun avec des Caisses d’Epargne.

Elle soutient qu’elle a négocié et obtenu une offre écrite du groupe cessionnaire qui n’a fait que changer de véhicule d’acquisition ; qu’elle a pris attache avec la société Imfined qui a transmis l’offre indicative de la société Patrimoine & Commerce du 4 février 2015, soulignant qu’un rendez-vous s’est tenu chez cet investisseur le 16 janvier 2015 et que le gérant de la société Patrimoine & Commerce était et est Monsieur [D] [C] ; que si elle n’a pas négocié jusqu’à son terme avec le groupe [C], c’est en raison de la résiliation brutale du contrat par Erdec Finance alors qu’elle venait de recevoir l’offre du groupe [C] que l’appelante convoitait depuis deux années sans être parvenue à la recueillir elle-même.

Elle fait valoir que l’adresse d’Imfined correspond à l’adresse du groupe [C] et l’adresse de Monsieur [D] [C], son dirigeant et correspondait à l’adresse du siège social de la société Patrimoine & Commerce ; que la question de savoir qui a rencontré préalablement les dirigeants de la société Patrimoine & Commerce ne revêt aucune pertinence dès lors qu’Erdec Finance a accepté d’intégrer la société Patrimoine & Commerce parmi les prospects.

Elle soutient que la fraude n’est pas une condition nécessaire, l’élément déterminant résidant dans le fait qu’Erdec Finance a vendu les actions de la société Foncierdec à un groupe qui avait préalablement déjà émis une offre présentée à LB-P à hauteur de

72 000 000 euros le 4 février 2015.

Elle soutient également que le fait qu’elle n’ait pu produire que la première offre écrite du groupe [C] à hauteur de 72 000 000 euros ne saurait la pénaliser en réduisant son droit à commission.

Ceci étant exposé, il résulte des pièces produites par les parties que la société LB-P avait pour mission de recueillir des propositions d’achat des actifs immobiliers commerciaux de la société Erdec Finance autant que possible une valeur estimative de

89 000 000 euros, prix souhaité par Erdec Finance sans qu’aucune disposition du contrat n’indique qu’il s’agissant d’un plancher obligatoire. Au contraire, le contrat prévoyait une commission de succès de 1,60 % du prix de vente HT n’excédant pas 89 millions d’euros et une majoration au-delà de ce montant de 0,10 % par tranche de 2 millions d’euros. L’atteinte de l’objectif n’était pas un impératif absolu fixé à la société LB-P conditionnant son droit à honoraires.

Ceci est également illustré par le premier rapport du cabinet Savills transmis à LB-P à Erdec Finance du 19 février 2014 qui évalue la valeur des actifs à la somme nette de    

87 480 000 euros hors frais et il ressort des rapports des 12 février 2015 et 19 février 2016 que l’appelante verse aux débats que la valeur brute des actifs a oscillé pendant trois ans entre 89 000 000 euros et 91 000 000 euros et que la valeur nette est passée de 87 400 000 euros en 2014 à 84 100 000 euros puis à 85 600 000 euros en 2016.

La société LB-P a transmis à Erdec Finance un rapport intermédiaire de prospection du 21 novembre 2014 auquel était annexée la première offre émanant de la société Catalyst Capital à hauteur de 64 750 000 euros qu’Erdec a jugé inacceptable. Elle a poursuivi sa mission en proposant une nouvelle liste de prospects dont faisait partie la société Patrimoine & Commerce. Elle a proposé d’entrer en contact avec les crédit-bailleurs afin d’obtenir des précisions sur les engagements. La société Erdec Finance lui a demandé, par courrier du 12 décembre 2014, de ne pas contacter les candidats acquéreurs potentiels avant janvier 2015 et de ne pas contacter les crédit-bailleurs avant d’obtenir une lettre d’intention des prospects en exigeant en même temps l’obtention des réponses des prospects avant janvier 2015, gelant ainsi pendant trois semaines des travaux et la neutralisation pour négocier à son insu.

La société LB-P est entrée en contact avec la société Patrimoine & Commerce que la société Erdec, avait accepté d’intégrer parmi les prospects et dont le gérant est Monsieur [D] [C] et le gérant associé [C] Gestion. Il résulte des mails échangés entre la société LB-P et la société Imfined, devenu la société Groupe [C] que la décision d’acquérir les actions de la société Foncierdec revenait à la société Imfined qui a transmis à la société LB-P l’offre d’achat de la société Patrimoine et Conseil daté du même jour à hauteur de

72 000 000 euros.

Cet échanges de mails qui a abouti à l’offre constitue bien une négociation et la justification des diligences accomplies par la société LB-P. Il importe peu que la société société Erdec Finance connaissait déjà la société Patrimoine et Conseil dès lors que les diligences accomplies par la société LB-P ont permis la rencontre des volontés ; peu importe également les griefs développés par la société Erdec Finance sur la qualité des prestations de sa cocontractante dès lors que cette dernière a accompli sa mission en recueillant des offres d’achats dont la dernière s’est concrétisée par la vente des actions de la société Foncierdec, à un prix au surplus supérieur à celui initialement proposé, l’appelante ne pouvant faire grief à la société LB-P, en raison de la résiliation du contrat à son initiative, de n’avoir pas continué les négociations.

Le 9 novembre 2016, la société Erdec Finance a conclu avec la société Foncière Valmi un contrat de cession des actions de la société Foncierdec emportant une valorisation des immeubles à 89 300 000 euros.

Or, il est établi et non contesté que le groupe [C], holding de la société Patrimoine et Commerce et d’Imfined a réalisé l’opération avec Erdec Finance au prix de 89 000 000 euros en recourant à une autre entité, la société Foncière Valmi détenue en commun avec des Caisses d’Epargne tel que l’illustre le communiqué de presse du 14 novembre 2016 émis par le groupe [C] dont est termes sont les suivants :

« 4 Caisse d’Epargne et le groupe [C], constituant la Foncière Valmi, annoncent l’acquisition d’un portefeuille d’actifs, essentiellement commerciaux, auprès d’Erdec Finance pour une montant de 89 000 000 euros.

La Foncière Valmi est un véhicule d’investissement dédié à l’acquisition de commerces réunissant le Groupe [C], la Caisse d’Epargne de Midi-Pyrénées, la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire, la Caisse d’Epargne Normandie et la Caisse d’Epargne Languedoc Roussillon.

La gestion de ce fonds est assuré par le Groupe Duvam et Midi 2i (filiale de la Caisse d’Epargne de Midi-Pyrénées)

Le portefeuille se compose de 6 actifs situés à [Localité 8] (77), [Localité 7] (76), [Localité 4] (06), [Localité 5] (44) et [Localité 6] (66) pour une surface totale de 47 000 m2. Il est constitué de 94 % de commerces et de 6 % de bureaux.

[D] [C], Président Fondateur du Groupe [C] déclare « Nous sommes fiers de la confiance accordée par un acteur aussi prestigieux que les Caisses d’Epargne. Cette actualité confirme à la fois notre stratégie d’acquisition d’actif de qualité et de notre capacité d’exécution. En effet à peine 6 mois après l’annonce de la création de ce véhicule d’investissement, 90 % de l’objectif est d’ores et déjà atteint. » 

Pierre Cabrol, Président de Midi 2i affirme « Avec ce nouvel investissement porté par la Foncière Valmi, nous réaffirmons le bien fondé d’une collaboration entre institutionnels et professionnels de l’immobilier. Cette nouvelle opération est le reflet de notre stratégie d’investissement et répond au souhait de renforcer notre implantation sur l’ensemble du territoire national. »

Le financement a été assuré par un pool bancaire arrangé et syndiqué par la Caisse d’Epargne Normandie (…) ».

Il est donc établi que le groupe [C], par l’intermédiaire tant de la société Patrimoine et Conseil que de la société Imfined, avait connaissance de la société Foncierdec et du projet de la société Erdec Finance d’en vendre les actions par la présentation qui lui en avait été faite par la société LB-P.

Si groupe [C] n’a pas donné suite aux propositions qu’il avait faites de procéder à l’acquisition des actions de la société Foncierdec par le biais de la société Patrimoine & Commerce, il y a donné suite par le truchement d’une structure ad hoc incluant des banques, permettant son financement, le communiqué de presse étant sans ambiguïté sur les rôles respectifs des Caisses d’Epargne et du Groupe [C] dans ce qu’ils qualifient de véhicule d’investissement, et cela, moins de deux ans après la résiliation par la société Erdec Finance du contrat la liant à la société LB-P, rendant celle-ci bien fondée pour exercer son droit de suite.

Ainsi, force est de constater que la société LB-P a négocié et obtenu une offre écrite du groupe cessionnaire la société Patrimoine & Conseil qui n’a fait que changer de véhicule d’acquisition , le gérant de la société Patrimoine & Commerce étant Monsieur [D] [C]. Si la société LP-B n’a pas négocié jusqu’à terme avec le groupe [C], c’est en raison de la résiliation brutale du contrat par Erdec Finance alors qu’elle venait de recevoir l’offre du groupe [C] que l’appelante convoitait depuis deux années sans être parvenue à la recueillir elle-même.

Le contrat liant les parties prévoyait « les prospects présentés par LB-P feront l’objet d’un droit de suite durant une période de deux ans pour toute négociation liée à tout ou partie du portefeuille d’actifs. »

Il prévoyait le paiement d’une commission de succès calculée à partir du prix de vente brut des actifs immobiliers hors droits et hors taxe à hauteur de 1,60 % HT pour un prix de vente n’excédant pas 89 000 000 euros, majoré, au-delà de ce montant de 0,1 % par tranche de 2 millions d’euros

La société Erdec sera dès lors condamnée à payer à la société LB-P une commission de succès calculée, non pas sur la base retenue par le tribunal de 72 0000 000 euros, montant de l’offre transmise par la société LB-P mais sur celle du prix de vente HT effectif, comme indiqué dans le contrat, soit 89 000 000 euros x 1,60 % – 15 000 euros (provision) = 1 409 000 euros, outre intérêts à compter de l’acte introductif d’instance, avec capitalisation pour ceux dus depuis une année entière. Il convient d’ajouter que le fait que la société LB-P n’ait pu produire que la première offre écrite du groupe [C] à hauteur de 72 000 000 euros ne saurait la pénaliser en réduisant son droit à commission.

Il est ajouté que, contrairement à ce que prétend la société Erdec Finance, la démonstration de man’uvres frauduleuses commises par l’appelante en vue de faire échec aux droits de son mandataire n’est pas une condition nécessaire au paiement de ladite commission, la condamnation au paiement résidant dans le fait que la société Erdec a vendu les actions de la société Foncierdec à un groupe qui avait préalablement émis le 4 février 2015 une offre présentée à la société LB-P à hauteur de 72 000 000 euros.

La société Erdec Finance succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure. Elle sera condamnée sur ce même fondement, à payer à la société LB-P la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement entrepris sur le montant de la condamnation,

Statuant à nouveau sur ce chef,

CONDAMNE la société Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme de 1 409 000 euros, outre intérêts aux taux légal à compter de l’assignation, avec capitalisation des intérêts, pour ceux dus pour une année entière ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Erdec Finance aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Marie-Catherine Vignes, Cabinet Avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Erdec Finance de sa demande d’indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société Erdec Finance à payer à la société LB-P la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS

 


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