Nullité de contrat : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/12358

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Nullité de contrat : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/12358

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° , 7pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/12358 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7C4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/02236

APPELANTS

Monsieur [J] [W]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [M] [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0020

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, et M. Marc BAILLY, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M.Marc BAILLY, Président de chambre

M.Vincent BRAUD,Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable de prêt émise le 30 avril 2008 et acceptée le 13 mai suivant, la société BNP Paribas a consenti à M. [J] [W] et Mme [M] [O], co-emprunteurs solidaires, un prêt immobilier d’un montant de 214 000 euros, destiné à financer l’acquisition dans l’ancien d’un bien à usage de résidence principale. Ce prêt, d’une durée d’amortissement de 332 mois, a été stipulé remboursable au taux d’intérêt conventionnel de 5,250 % l’an. Le taux effectif global mentionné dans l’offre est de 5,901% l’an.

Soutenant que diverses dispositions du code de la consommation n’auraient pas été respectées, M. [W] et Mme [O] ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris, selon assignation du 10 août 2016.

Aux termes de leurs dernières conclusions, pour l’essentiel, au principal ils demandaient au tribunal d’annuler le contrat de prêt issu de l’offre émise le 30 avril 2008, et subsidiairement sollicitaient la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, et le taux légal devant venir se substituer au taux d’intérêt conventionnel, le remboursement des intérêts en trop perçus. Ils demandaient de juger prescrite la demande reconventionnelle en paiement du prêteur.

En réponse, la société BNP Paribas, notamment, demandait au tribunal de déclarer irrecevables M. [W] et Mme [O] en leur action, subsidiairement de les dire mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter intégralement, et reconventionnellement, de les condamner en paiement de la somme de 210 959,33 euros outre intérêts conventionnels.

Par jugement rendu le 15 juin 2021 le tribunal a statué par un dispositif rédigé en ces termes :

‘Déclare irrecevables comme prescrites toutes les demandes formées par M. [J] [W] et Mme [M] [O], au titre de l’offre de prêt émise le 30 avril 2008,

Condamne M. [J] [W] et Mme [M] [O] à payer à la société anonyme BNP Paribas la somme de 210 959,33 euros, outre intérêts à compter du 15 septembre 2016 au taux contractuel à échoir jusqu’au parfait paiement sur 195 349,16 euros et au taux légal sur 13 737,64 euros,

Condamne M. [J] [W] et Mme [M] [O] aux entiers dépens,

Condamne M. [J] [W] et Mme [M] [O] à payer 1 000 euros à la société anonyme BNP Paribas au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Autorise Me [I] [Z] à recouvrer directement contre eux les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Rejette les demandes pour le surplus.’

***

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er juillet 2021, M. [W] et Mme [O] ont interjeté appel de ce jugement.

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 15 novembre 2022 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 27 septembre 2021 les appelants

présentent en ces termes leurs demandes à la cour :

‘Plût à la Cour,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuer à nouveau et :

Sur la demande reconventionnelle de l’intimée

Juger prescrite la demande reconventionnelle en paiement du prêteur ;

Sur les demandes initiales des appelants

Annuler le contrat de crédit issu de l’offre émise le 30 avril 2008 ;

Subsidiairement, déchoir le prêteur de son droit aux intérêts conventionnels et substituer l’intérêt au taux légal en fonction des variations annuelles que donne la loi à ce taux ;

Condamner la S.A BNP PARIBAS à restituer aux emprunteurs les intérêts qu’elle aurait reçus excédant ce taux ;

Condamner en tout état de cause la S.A BNP PARIBAS à payer aux appelants une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisser à la charge de la S.A BNP PARIBAS les dépens de l’instance, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Nathalie Massart sur son affirmation de droit.’

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 21 décembre 2021 l’intimé

demande à la cour de bien vouloir :

‘Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 15/06/2021 sauf en ce qu’il a considéré que le taux contractuel devait seulement s’appliquer sur le capital de 195 349,16 euros et en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts et, en conséquence :

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Déclarer à titre principal les consorts [W]-[O] irrecevables en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire les déclarer mal fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter intégralement,

Les condamner au paiement de la somme de 210 959,33 euros, montant de la créance de BNP PARIBAS au 15/09/2016, outre intérêts conventionnels à échoir à compter du 16/09/2016 jusqu’au parfait paiement,

Dire et juger, si par impossible des dommages et intérêts venaient, à quelque titre que ce soit, à être accordés aux consorts [W]-[O], qu’ils se compenseraient avec la créance de BNP PARIBAS et ce sur le fondement des articles 1347 et suivants du code civil,

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Condamner les consorts [W]-[O] à payer à BNP PARIBAS la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens,

Et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maître [I] [Z] pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrégularité de l’offre de prêt

Comme en première instance, M. [W] et Mme [O] demandent que soit prononcée la nullité du contrat de prêt, et subsidiairement la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, du fait de l’absence d’émission d’un tableau d’amortissement concomitamment à l’offre de crédit, et de l’absence de mention dans l’offre de prêt émise le 30 avril 2008, du taux de période et de la durée de la période.

Comme exactement rappelé par le tribunal, ces obligations faites à la banque relèvent de l’article L. 312-8 2° ancien du code de la consommation, et leur inobservation est, exclusivement, sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, tel qu’il est prévu par l’article L. 312-33 ancien du même code ; aucune nullité ne saurait être encourue.

En vertu de l’article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l’action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article L. 110-4 du code de commerce notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d’un crédit immobilier, le point de départ de la prescription se situant alors au moment où l’emprunteur a connu ou aurait du connaître l’erreur qu’il invoque.

Au cas présent, les irrégularités que reprochent M. [W] et Mme [O] à la banque, étaient décelables à la simple lecture de l’offre s’agissant du défaut de mention du taux de période et de sa durée, dès sa réception en ce qui concerne l’absence de tableau d’amortissement joint à l’offre.

Ainsi, le premier juge sera approuvé en ce qu’il a dit que le point de départ de la prescription se situe (au plus tard) à la date de l’acceptation de l’offre, soit le 3 mai 2008, et qu’au vu de la date de conclusion du contrat la prescription a été acquise le 19 juin 2013, par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, c’est à dire antérieurement à la délivrance de l’assignation, du 10 août 2016.

Les régles de prescription répondent à un impératif de sécurité juridique, et les emprunteurs, qui font valoir qu’aucune prescription n’a pu courir contre eux puisqu’ils ont cru que la procédure de formation du contrat était régulière et qu’ils ignoraient que la mention du taux de période était exigée par la loi, ne peuvent se prévaloir de leur méconnaissance de la règle de droit pour différer selon leur seule volonté, le point de départ de la prescription.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables comme prescrites toutes les demandes formées par M. [W] et Mme [O], au titre de l’offre de prêt émise le 30 avril 2008.

Sur l’action en paiement de la banque

La société BNP Paribas, par conclusions du 9 novembre 2018, a formé à l’encontre de M. [W] et Mme [O] une demande reconventionnelle en paiement, que les emprunteurs estiment prescrite, pour intervenir plus de deux ans après le prononcé de la déchéance du terme.

Sur l’exception de prescription :

Le tribunal a jugé que la prescription biennale applicable à l’espèce, et courant à partir de la déchéance du terme prononcée par la banque le 12 avril 2016, a été interrompue par le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 31 janvier 2018. Fondé sur le titre exécutoire – au sens de l’article L. 113-3 du code des procédures civiles d’exécution – que constitue l’acte notarié du 30 mai 2008 réitérant le contrat de prêt, ce commandement aux fins de saisie-vente, qui sans être un acte d’exécution forcée, engage l’exécution forcée, interrompt la prescription de la créance qu’il tend à recouvrer. Par suite, la demande reconventionnelle en paiement, qui résulte des conclusions de la banque du 9 novembre 2018, a été formée dans le délai de deux ans.

Les appelants soutiennent que le commandement aux fins de saisie-vente du 31 janvier 2018 n’a eu aucun effet interruptif de prescription,

– en premier lieu, parce qu’il a été remis par un clerc, et non par un huissier de justice, avec pour conséquence que l’acte vaut simple sommation de payer dépourvue d’effet interruptif de prescription,

– et en second lieu, parce qu’il ne vise aucun titre permettant au prêteur d’exercer les pousuites, en ce qu’il vise un ‘acte du 30 mai 2008 contenant vente’ et non pas le contrat de prêt causant la poursuite du créancier.

C’est pourtant à bon droit que la société BNP Paribas rappelle qu’en vertu de l’article 649 du code de procédure civile la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, que par conséquent il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 112 du même code, selon lequel la nullité de procédure est couverte si celui qui l’invoque a postérieurement à l’acte critiqué a fait valoir des défenses au fond ou opposé fin de non recevoir sans soulever la nullité. La société BNP Paribas, sans être contredite sur ce point, indique qu’en l’espèce, devant les premiers juges, dans leurs conclusions du 2 janvier 2019, M. [W] et Mme [O] ont conclu sur le fond sans remettre en cause la régularité dudit commandement aux fins de saisie-vente.

La société BNP Paribas ajoute, là aussi à raison, que si M. [W] et Mme [O] évoquent un commandement non suivi d’effet dans les deux ans comme envisagé par l’article R. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution, ils omettent de citer cet article en son entier, précisant in fine qu’en ce cas son effet interruptif demeure.

Enfin, c’est encore à bon droit que la société BNP Paribas soutient, tout d’abord qu’un commandement aux fins de saisie-vente ne constitue pas d’un acte d’exécution forcée qui relèverait comme tel de la compétence exclusive de l’huissier mais un acte qui, simplement, engage la mesure d’exécution forcée, et aussi, que l’acte de vente visé dans le commandement aux fins de saisie-vente, acte authentique passé devant notaire, constitue le titre exécutoire au sens de l’article L. 113-3 du code des procédures civiles d’exécution ‘ ce qu’a d’ailleurs jugé le tribunal, sur ces deux points. Au surplus, il n’est fait aucune démonstration d’un grief qui résulterait de l’inobservation de la prétendue irrégularité.

Par conséquent, le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action en paiement de la société BNP Paribas.

Sur le fond :

Le premier juge a à juste titre retenu que la banque justifie de sa créance par les pièces qu’elle produit.

Ensuite, le tribunal a, à bon droit, appliqué le taux conventionnel sur la somme de 195 349,16 euros qui correspond au capital restant dû, et le taux légal sur la somme de

13 737,64 euros montant de l’indemnité de résiliation, le contrat ne prévoyant pas que telle indemnité portera intérêts au taux conventionnel.

Enfin, comme jugé par le tribunal, il n’y a pas lieu à capitalisation des intérêts s’agissant d’un prêt soumis au code de la consommation.

La demande de la banque sollicitant l’infirmation partielle, sur ces deux points, ne peut qu’être rejetée.

***

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les appelants, qui échouent en toutes leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société BNP Paribas formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant

CONDAMNE M. [J] [W] et Mme [M] [O], à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

DÉBOUTE M. [J] [W] et Mme [M] [O], de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [J] [W] et Mme [M] [O], aux entiers dépens d’appel et admet Maître [I] [Z], avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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