Nullité de contrat : 28 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/00805

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Nullité de contrat : 28 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/00805

AFFAIRE : N° RG 21/00805 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWZQ

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 18 Février 2021

RG n° 19/02069

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MARS 2023

APPELANTE :

La S.A.S. LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

N° SIRET : 310 880 315

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Julia ZIVY, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

Madame [Z] [L]

née le 08 Avril 1960 à [Localité 4] (ROUMANIE)

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée et assistée de Me Nicolas TANNIER, avocat au barreau de COUTANCES

DÉBATS : A l’audience publique du 19 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ANCEL

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 28 Mars 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 août 2018, Madame [Z] [L] qui est médecin généraliste, a été démarchée à son cabinet par une personne se présentant sous l’enseigne Bayard Médical, en vue de la location d’un appareil dénommé polygraphe destiné à détecter les apnées du sommeil.

Le jour même, le représentant lui a fait signer un contrat de location avec la société Locam pour la location d’un appareil dénommé ‘polygraphe’, moyennant 60 loyers de 289,00 € TTC (Cf Pièce N°1) et lui a remis une attestation de partenariat, attestant que le polygraphe était assorti de l’option de maintenance totale avec échange standard sous 72 heures (Cf. Pièce N°2).

Il lui était également demandé de signer un autre document intitulé ‘mise en place d’un équipement de prévention du syndrome d’apnée du sommeil’ (Cf. Pièce N°3).

Elle a reçu livraison dans les jours qui ont suivi, d’un appareil de marque BMC Polywatch YH 600, dont il s’est avéré qu’elle n’avait en réalité aucune utilité et dont la valeur réelle était très nettement inférieure au coût de la location.

N’ayant pu obtenir l’annulation amiable du contrat malgré des mises en demeure des 4 janvier et 2 mai 2019 (Cf. Pièces N°5 et 6), adressées respectivement à la société Locam et à la société Bayard Médical, elle a assigné ces deux sociétés devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins de nullité des contrats de maintenance et/ou de location.

Par jugement du 18 février 2021, le tribunal judiciaire de Coutances a :

– débouté Madame [L] de ses demandes à l’encontre de la société Bayard Médical,

– prononcé la nullité du contrat de location passé entre la société Locam et Madame [L],

– dit que Madame [L] devra restituer le matériel polygraphe à la société Locam,

– condamné la société Locam à restituer en deniers et quittances, les loyers qu’elle a perçus depuis le 30 août 2018, au titre de la location du polygraphe à Madame [L],

– condamné la société Locam à payer à Madame [L] la somme de 1.800,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Locam aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

– rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 19 mars 2021, la SAS Locam a formé appel de la décision en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat de location, lui a ordonné de restituer les loyers perçus, et l’a condamnée au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Seule Madame [L] a été intimée.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 26 novembre 2021, la société Locam conclut au visa des articles 1103, 1137, 1172 et 1173 du code civil, à la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé le contrat de location financière, au rejet de l’appel incident de Madame [L] ainsi que de toutes ses demandes et à sa condamnation au paiement d’une somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses écritures en date du 1er septembre 2021, Madame [L] conclut au visa de l’article 1163 du code civil, et subsidiairement de l’article 1137 du même code, à la réformation du jugement en ce qu’il la déboutée de sa demande d’annulation du contrat de maintenance à l’égard de la société Bayard Médical et de sa demande indemnitaire.

Elle demande à la cour de :

– prononcer la nullité du contrat de maintenance par la société Bayard Médical de l’appareil polygraphe loué par elle auprès de la société Locam,

– prononcer en conséquence la caducité du contrat de location souscrit par elle auprès de la société Locam,

– condamner solidairement la société Locam et la société Bayard Médical au paiement d’une somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts,

Subsidiairement,

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et notamment en ce qu’il a prononcé la nullité pour dol du contrat de location souscrit par elle auprès de la société Locam et a condamné cette dernière, au paiement de la somme correspondant au montant des loyers réglés au jour du prononcé de l’annulation,

– condamner solidairement la société Locam et la société Bayard Médical au paiement d’une somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que la société Bayard Médical n’a pas été intimée lors de la déclaration d’appel, et n’a pas non plus été assignée devant la cour par Madame [L].

La cour n’est donc saisie d’aucune demande à l’encontre de la société Bayard Médical.

Seule sera donc examinée la validité du contrat de location passé entre la société Locam et Madame [L].

Sur la nullité du contrat de location

L’article 1137 du code civil dispose :

‘Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre pas des manoeuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.’

Le tribunal a estimé que l’absence de tout renseignement sur les caractéristiques du matériel et sa valeur, constituait une réticence dolosive justifiant que soit prononcée la nullité du contrat de location passé entre la société Locam et Madame [L].

La société Locam rappelle que Madame [L] a ratifié le contrat de location et le procès-verbal de livraison et de conformité, que vingt loyers ont été prélevés et qu’elle a de son côté, exécuté ses obligations.

Madame [L] qui n’a pas appelé à la cause en appel, la société Bayard Médical, ne peut donc se prévaloir de la nullité du contrat conclu avec celle-ci pour obtenir la nullité du contrat de location, les deux contrats étant liés.

Il lui appartient donc d’établir qu’elle a été la victime d’un dol ou au moins d’une réticence dolosive de la part de la société Locam.

En l’espèce, le contrat de location (Cf. Pièce N°1)comporte la désignation du matériel, même si ne sont pas précisées toutes ses caractéristiques qui figurent sur la facture établie entre la société Bayard Médical et la société Locam (Cf. Pièce N°3), ainsi que le nombre et le montant de chaque mensualité.

Madame [L], qui a fait l’acquisition de ce matériel à titre professionnel, avait donc une parfaite connaissance des causes et conditions de son engagement, qu’elle a signé.

Le fait que le matériel loué puisse être trouvé dans le commerce à un prix nettement inférieur, ne saurait être constitutif d’un dol imputable à la société Locam, qui n’a fait qu’accorder un crédit pour l’achat de ce matériel, présenté par le seul représentant de la société Bayard Médical comme coûtant le prix indiqué.

Madame [L] ne démontre ni l’existence de mensonges ou manoeuvres imputables à la société Locam destinés à obtenir son consentement, ni une dissimulation intentionnelle par celle-ci, d’une information dont elle savait le caractère déterminant.

C’est donc à tort que le tribunal a retenu l’existence d’un réticence dolosive imputable à la société Locam pour prononcer la nullité du contrat de location et ordonner les restitutions réciproques entre les parties.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts de Madame [L]

La nullité du contrat de location n’étant pas prononcée, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée par Madame [L].

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point par substitution de motifs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Locam à payer à Madame [L] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Celle-ci sera condamnée à payer à l’appelante une somme de 1.500,00 € sur ce fondement et sera déboutée de sa demande à ce titre.

Succombant, elle sera condamnée aux dépens tant d’appel que de première instance, le jugement étant infirmé sur ce dernier point.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Coutances du 18 février 2021 dans la limite des chefs dont elle est saisie,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur les demandes formées par Madame [Z] [L] à l’encontre de la société Bayard Médical, qui n’est pas à la cause en appel, la cour n’étant donc saisie d’aucune demande à son encontre,

DÉBOUTE Madame [Z] [L] de sa demande de nullité du contrat de location du 30 août 2018 souscrit auprès de la société Locam, et par voie de conséquence de sa demande de restitution des loyers,

DÉBOUTE Madame [Z] [L] de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE Madame [Z] [L] à payer à la société Locam, une somme de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Madame [Z] [L] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [Z] [L] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON

 


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