ARRET N° 84
N° RG 21/01476 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIQ3
[U]
C/
S.A.S. PROCIVIS OUEST PROMOTEUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01476 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIQ3
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 février 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP des SABLES D’OLONNE.
APPELANT :
Monsieur [C] [U]
né le 08 Octobre 1966 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Pierre-Olivier MARTIN, avocat au barreau de La Roche sur Yon
INTIMEE :
S.A.S. PROCIVIS OUEST PROMOTEUR
venant aux droits de la société Procivis Maisons individuelles
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Sophie RAITIF, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Par acte sous seing privé du 30 juin 2016 intitulé contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture de plan, M. [U] a confié à la société Procivis Maisons Individuelles (Procivis) la construction de sa maison.
Le prix forfaitaire et définitif des travaux s’élevait à 144 200 euros TTC.
Le coût total des travaux était fixé à 159 264 euros dont 15 064 euros au titre des travaux à la charge du maître de l’ouvrage.
La réception intervenait le 21 décembre 2017 sans réserves.
Cependant, le jour même, la société Procivis établissait un compte-rendu de rendez vous de chantier qui dressait une liste de 10 ‘réserves’.
M. [U] mandatait un huissier de justice aux fins de constat le 4 janvier 2018.
Le 14 mars 2018, le constructeur écrivait à M. [U], lui reprochait de n’avoir pas honoré le rendez-vous convenu aux fins de ‘ constater ensemble les travaux qu’il convenait d’effectuer dans le cadre de la garantie de parfait achèvement’.
Le 16 mars 2018, la société Procivis mettait M. [U] en demeure de lui payer le solde des travaux s’élevant à 8303,10 euros.
M. [U] a fait opposition le 3 mai 2019 à l’ordonnance qui lui enjoignait de payer la somme précitée.
Par acte du 2 septembre 2019, M. [U] a fait assigner la société Procivis aux fins de nullité du contrat et en remboursement de la somme de 157 758,90 euros.
La société Procivis a conclu au débouté.
Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire des Sables d’Olonne a statué comme suit :
‘-DEBOUTE M. [C] [U] de ses demandes en nullité du contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société PROCIVIS OUEST MAISONS INDIVIDUELLES en date du 30 juin 2016, et en restitution des sommes payées par lui au titre de ce contrat;
-CONDAMNE M. [C] [U] à payer à la société PROCIVIS OUEST MAISONS INDIVIDUELLES la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-REJETTE la demande formée par la M. [C] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-CONDAMNE M. [C] [U] aux dépens;’
Le premier juge a notamment retenu que :
Le CCMI signé comporte les conditions générales et la notice descriptive.
Elle comprend la mention manuscrite du maître de l’ouvrage avec son paraphe et sa signature sur les travaux non compris.
La notice contient un descriptif très détaillé des travaux compris.
M. [U] n’a pu qu’avoir une parfaite connaissance des travaux qu’il s’était réservés et de leur coût fixé dans le contrat à la somme de 15 064 euros.
Le prix convenu ne comprend pas le montant des taxes et impôts dont le maître de l’ouvrage est redevable.
La nullité emportant restitutions réciproques, la démolition de l’ouvrage s’imposerait si la nullité demandée était ordonnée. Il est mal fondé en ses demandes de nullité.
LA COUR
Vu l’appel en date du 7 mai 2021 interjeté par M. [U]
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 21 janvier 2022, M. [U] a présenté les demandes suivantes :
L’appel étant une voie de réformation, réformer le jugement attaqué et,
-Déclarer Monsieur [U] bien fondé en son appel,
Statuant à nouveau,
Vu les articles L 230-1, L 231-2 d), R 231-4 et R 231-5 du CCH ainsi que le contrat de CMI du 30 juin 2016,
Constater que le contrat rédigé par la société PROCIVIS OUEST MAISONS INDIVIDUELLES ne comporte aucune clause manuscrite spécifique et paraphée par le maître d’ouvrage fixant la liste des travaux réservés restant à sa charge;
Constater que la notice descriptive rédigée par la société PROCIVIS et annexée au contrat ne comporte qu’un détail non explicite ni réaliste des travaux que s’est réservé le maître d’ouvrage, et que cette mention n’a pas été approuvée par l’apposition d’un paraphe du maître de l’ouvrage;
Constater que les postes de travaux portés dans la notice descriptive ne comportent à partir de la rubrique 3.1 aucune répartition entre les travaux à la charge du constructeur ou ceux à la charge du maître d’ouvrage;
-En conséquence prononcer la nullité du contrat CMI conclu entre M. [U] et la société PROCIVIS;
-Condamner la société PROCIVIS à payer en remboursement à M. [U] les sommes qu’il lui a versées pour un total de 136.990€;
-Condamner la société PROCIVIS à payer à M. [U] à titre de dédommagement la somme de 2.520€ correspondant aux travaux de raccordement aux réseaux et 323€ pour fournitures et pose des plinthes;
Juger qu’en l’absence d’une demande de démolition présentée par le maître d’ouvrage, le constructeur ne peut prétendre qu’à la restitution des sommes déboursées dont il devra justifier;
-Débouter la société PROCIVIS de ses demandes plus amples ou contraires;
-Voir condamner la société PROCIVIS à payer à M. [U] la somme de 8.500€ au titre de l’article 700 du CPC pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel;
-Voir condamner la société PROCIVIS aux dépens de première instance et d’appel qui, pour ces derniers pourront être recouvrés par la société LEXAVOUE dans les termes de l’article 699 du CPC.
A l’appui de ses prétentions, M. [U] soutient en substance que :
-Il dénonce l’absence dans le contrat de clause manuscrite concernant les travaux réservés.
L’article L. 231-2 prévoit une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle le maître de l’ouvrage en accepte le coût et la charge.
Seul le montant global de 15 064 euros figure dans le contrat.
La loi est d’ordre public. Le degré de précision requis doit être respecté.
-Le montant des taxes dues par le constructeur sur le coût de la construction n’est pas indiqué.
-Les taxes locales qu’il a dû payer pour 2889 euros n’ont pas été intégrées.
-Le coût global de l’opération doit être connu.
-La nullité du contrat n’entraîne pas forcément la démolition de l’ouvrage.
-La notice descriptive doit également comporter le détail des travaux réservés.
-Le coût des travaux réservés s’est élevé à 11 411,72 euros. Il avait été chiffré à 15 064 euros.
Le montant était imprécis.
-Il a dû payer 2520 euros au titre des réseaux, somme qui s’est ajoutée au coût global de 144 200 euros. Le poste n’était pas ventilé.
-La seule sanction applicable est la nullité.
-Il demande le remboursement de 95 % du prix, soit la somme de 136 990 euros. Il est disposé à déduire le coût des matériaux payés.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 15 avril 2022, la société Procivis a présenté les demandes suivantes :
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire des SABLES D’OLONNE en date du 9 février 2021
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil,
Vu les articles L.231-2, L. 242-2, R. 231-4, R.231-5, R. 231-7 du code de la construction et de l’habitation,
Vu le contrat de maisons individuelles du 30 juin 2016,
A TITRE PRINCIPAL
-Débouter Monsieur [C] [U] de l’ensemble de ses demandes,
-Confirmer l’entier jugement rendu par le Tribunal Judiciaire des SABLES D’OLONNE en date du 9 février 2020,
A TITRE SUBSIDIAIRE
Si par extraordinaire la Cour prononçait la nullité du contrat :
-Débouter Monsieur [C] [U] de l’ensemble de ses demandes ;
-Condamner Monsieur [C] [U], en quittance et deniers, à payer à la société PROCIVIS OUEST PROMOTEUR la somme de 166 062 € au titre du paiement de l’entière prestation réalisée par elle ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
-Confirmer les condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [U] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de première instance ;
-Condamner Monsieur [U] à payer à la société PROCIVIS OUEST PROMOTEUR la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens de l’instance ;
A l’appui de ses prétentions, la société Procivis soutient en substance que :
– La société Procivis ouest Promoteur vient aux droits de la société Procivis Maisons Individuelles.
-Malgré une réception sans réserve, M. [U] n’a pas réglé le dernier appel de fonds correspondant à 5 % du prix.
-Il a été mis en demeure les 16 mars, 20 avril 2018, 12 février 2019.
-La mention relative aux travaux réservés dans la notice descriptive a été rédigée de sa main.
-Les conditions générales, la notice ont été signées en même temps.
-Le formalisme a été respecté.
-Le descriptif des travaux non réservés est détaillé sur 15 pages.Il intègre les travaux réservés qui sont chiffrés.
-Le montant de 15 064 euros correspond aux prix pratiqués par ses sous-traitants.
Ils sont conformes aux prix du marché. Les devis ont été adressés directement à M. [U].
-Il n’est pas démontré que les travaux réservés ont été surévalués d’autant que M. [U] ne transmet pas l’ intégralité des factures.
-M. [U] ne peut demander la restitution du prix et la conservation de l’ouvrage.
-La démolition serait disproportionnée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2022.
SUR CE
-sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation, le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) doit comporter le coût du bâtiment à construire, égal à la somme de prix convenu, et , s’il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution en précisant notamment le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et faisant l’objet de la part du maître de l’ouvrage d’une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge.
L’article R.231-4 du code de la construction et de l’habitation prévoit qu’est annexée au contrat une notice descriptive conforme à un modèle type agréé, que cette notice distingue entre les travaux selon qu’ils sont ou non compris dans le prix convenu.
Elle indique le coût des éléments dont le coût n’est pas compris dans le prix.
La notice doit porter, de la main du maître de l’ouvrage, une mention signée par laquelle celui-ci précise et accepte le coût des travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu.
Les travaux nécessaires à l’habitation de l’immeuble non prévus ou non chiffrés dans la notice descriptive et n’ayant pas fait l’objet d’une mention manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage accepte d’en supporter la charge doivent être pris en charge par le constructeur.
L’article R.231-5 précise que le prix convenu s’entend du coût global, coût qui inclut notamment le montant des taxes dues par le constructeur sur le coût de la construction.
En l’espèce, le contrat conclu par M. [U] avec la société Procivis est un CCMI avec fourniture de plan.
Le contrat indique que le prix convenu ‘ ne comprend pas le montant des taxes et impôts dont le maître de l’ouvrage est redevable, tels que, par exemple, la taxe d’aménagement, les participations d’urbanisme.’
L’article 2.2 relatif aux travaux réservés stipule que les travaux visés à la notice descriptive qui ne sont pas compris dans le prix convenu peuvent être exécutés par le constructeur au coût de leur évaluation à la demande expresse du maître de l’ouvrage dans les 4 mois de la signature du contrat par LRAR. Passé ce délai de 4 mois, le constructeur pourra en refuser l’exécution.
La clause manuscrite figure en page 1 de la notice descriptive :
Elle est ainsi rédigée : Les travaux non compris dans le prix convenu qui restent à ma charge s’élèvent à la somme de 15 064 euros.
Il résulte de la notice technique que la somme de 15 064 euros correspond à l’addition des postes suivants:
évacuation des terres excédentaires 3153
chemin d’accès au chantier 1088
évier 561
peinture des plafonds 1507
peinture des murs 4220
branchements 4535
Contrairement à ce qui est soutenu par M. [U], ces postes sont donc détaillés dans la notice descriptive et sont repris dans la colonne de droite intitulée coût des ouvrages et fournitures non compris dans le prix convenu.
Ils ont tous été évalués y compris les branchements correspondants aux postes 3.1 à 3.4.2.
Chaque page de la notice est paraphée par M. [U].
La somme de 15 064 euros est rappelée en page 20 intitulée ‘récapitulatif ‘. Elle chiffre le coût total de la construction soit l’addition du prix convenu pour les ouvrages et le coût des travaux à la charge du maître de l’ouvrage.
Cette page est signée du maître de l’ouvrage.
Les travaux nécessaires à l’habitation ont donc été prévus et chiffrés dans la notice descriptive et ont fait objet d’une mention manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage accepte d’en supporter la charge.
Il résulte des écritures que cette évaluation était tout à fait correcte puisque le coût des travaux réservés s’est élevé selon M. [U] à la somme de 11 411,72 euros au lieu des 15 064 euros prévus.
Il ne saurait raisonnablement soutenir qu’il n’a pu connaître le coût global de la construction au seul motif que le coût des travaux réservés s’est trouvé légèrement inférieur à ce qui avait été prévu.
L’article R. 231-5 enfin est relatif notamment aux taxes dues par le constructeur sur le coût de la construction.
Il n’exige pas contrairement à ce qui est soutenu par M. [U] que ce poste soit repris dans le contrat ou dans la notice générale.
La société fait observer en outre à juste titre que les taxes locales à la charge du maître de l’ouvrage ne font pas partie des taxes dues par le constructeur et n’ont pas à être incluses dans le prix convenu.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de toutes ses demandes.
-sur les autres demandes
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de M. [U].
Il est équitable de le condamner à payer à l’intimée la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-dit que la société Procivis Ouest Promoteur vient aux droits de la société Procivis Maisons individuelles
-confirme le jugement entrepris
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne M. [C] [U] aux dépens d’appel
-condamne M. [C] [U] à payer à la société Procivis Ouest Promoteur la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,