Nullité de contrat : 28 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03475

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Nullité de contrat : 28 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03475

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/03475 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PASS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 MAI 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018003535

APPELANTE :

Madame [K] [N] épouse [Z] exerçant à l’époque des faits sous l’enseigne ‘la Boucherie du Marché’

née le 07 Juin 1948 à [Localité 2] (34)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier CHARLES GERVAIS de la SCP TEISSEDRE, SARRAZIN, CHARLES GERVAIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. WORK 2000 DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jules Teddy FRANCISOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Jean-Christophe KANEDANIAN, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 13 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

[K] [Z] épouse [N] exploitait un établissement de boucherie à [Localité 4] sous le nom commercial de La boucherie du marché.

En 2014 et 2015, la société Work 2000, qui est une agence de travail temporaire spécialisée dans la mise à disposition de personnels aux entreprises du secteur de la distribution, a mis à disposition de Mme [N] plusieurs salariés intérimaires (bouchers, vendeurs en charcuterie, etc.).

La société Work 2000 Distribution a ensuite émis 5 factures pour le compte de Mme [N], pour un montant total de 28 902,97 euros.

Le 11 mai 2015, la société Work 2000 Distribution a accepté le paiement en huit échéances de la somme restant due par Mme [N], soit celle de 25’624,40 euros.

Mme [N] n’a réglé que deux échéances de sorte qu’elle restait redevable selon la société Work 2000 Distribution de la somme de 19’218,30 euros.

À la suite de l’assignation délivrée le 5 mars 2018 par la société Work 2000 Distribution à Mme [N], le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement en date du 5 mai 2021 :

– condamné Mme [N] à payer à la société Work 2000 Distribution la somme de 19’218,30 euros en principal outre les pénalités de retard égal à 1,5 le taux d’intérêt légal à compter de la date d’échéance de chaque facture impayée,

– débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– dit qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de ce jugement,

– condamné Mme [N] à payer une indemnité à la société Work 2000 Distribution sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, que le tribunal a fixé à 3 500 euros,

– dit que les dépens seront supportés par lesquelles comprendront les frais de greffe liquidée est accès à la somme de 81,83 euros toutes taxes comprises.

Le 31 mai 2021, Mme [N] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 24 février 2022, de’:

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Sur la demande de la société Work 2000 Distribution :

– prononcer la nullité de l’ensemble des contrats de mise à disposition entre Mme [N] et la société Work 2000 depuis le début de leurs relations commerciales,

– débouter la société Work 2000 Distribution de l’ensemble de ses demandes,

Sur la demande reconventionnelle de Mme [N] :

– dire et juger que la société Work 2000 Distribution est débitrice de la somme de 62 846.87 euros envers Mme [N],

– dire et juger que la société Work 2000 Distribution n’est créancière de Mme [N] qu’à hauteur de 14’202,71 euros, et au maximum de 53 347,02 euros,

– ordonner la compensation des créances réciproques,

– dire et juger qu’après compensation, la société Work 2000 Distribution reste devoir la somme de 48’644,16 euros à Mme [N], ou à minima, la somme de 10 499,85 euros,

– condamner la société Work 2000 Distribution à payer à Mme [N] la somme de 48’644,16 euros, ou à minima, la somme de 10 499,85 euros.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l’essentiel que :

– une entreprise de travail temporaire doit établir cumulativement deux contrats pour pouvoir mettre à disposition d’une entreprise, un travailleur intérimaire :

‘ un contrat de mise à disposition conclu entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice. Ce contrat doit être établi par écrit pour chaque salarié détaché. (art. L. 1251-43 du code du travail),

‘ un contrat de mission conclu entre l’entreprise de travail temporaire et le travailleur intérimaire pour l’exécution d’un contrat de mise à disposition satisfaisant aux conditions fixées par l’article L. 1251-11 du code du travail.

Or, en l’espèce, elle n’a signé aucun contrat de travail avec la société Work 2000 Distribution,

– il est de jurisprudence constante et classique que l’absence d’écrit du contrat liant l’entreprise utilisatrice à l’entreprise de travail temporaire entraîne la nullité absolue de ce contrat et que seuls les salaires et cotisations effectivement payés doivent être remboursés à l’entreprise de travail temporaire.

– la société Work 2000 Distribution ne justifie du paiement aux salariés qu’elle a mis à sa disposition que d’une somme de 14’202,71 euros, dont elle ne pourrait que demander la restitution’;

– par ailleurs, depuis le début de leurs relations commerciales, et antérieurement aux contrats litigieux, Mme [N] a réglé à la société Work 2000 Distribution la somme totale de 62 846,87 euros au titre de l’emploi de salariés intérimaires, également en l’absence de tout contrat, dont la nullité doit dès lors également être constatée et prononcée’;

– la société Work 2000 Distribution justifie qu’elle a réglé à ce titre à ses salariés une somme de 53’347, 02 euros, de sorte qu’elle doit lui restituer la somme de 10’499, 85 euros’;

– contrairement à ce que soutient la société Work 2000 Distribution, elle n’a jamais reconnu l’existence de sa dette de sorte qu’elle n’a jamais renoncée à la nullité des contrats’;

– il n’existe aucune obligation naturelle de paiement des sommes réclamées par la société Work 2000 Distribution contrairement à ce que cette dernière soutient.

Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 25 novembre 2021, la société Work 2000 Distribution demande à la cour de’:

Vu l’article 1134 du code civil alors applicable,

Vu l’article 1235 du code civil alors applicable,

Vu la jurisprudence versée au débat

Vu les pièces visées au bordereau annexé,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

– dire et juger la société Work 2000 Distribution recevable et bien fondée en ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, en cas de confirmation de l’annulation des contrats passés par la société Work 2000 Distribution avec Mme [N] concernant les seules factures impayées,

– condamner Mme [N] à payer à la société Work 2000 Distribution la somme de 9’073, 20 euros correspondant au solde dû sur le coût réellement assumé par la société Work 2000 Distribution au titre de ces quatre factures impayées,

En tout état de cause,

– condamner Mme [N] à payer à la société Work 2000 Distribution au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros,

– condamner Mme [N] aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance, d’appel, et ceux liés à l’exécution forcée du jugement entrepris assorti de l’exécution provisoire.

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

– elle justifie par la production des 5 factures des sommes dues par Mme [N] correspondant à l’emploi de travailleurs intérimaires’;

– Mme [N] n’a jamais contesté les factures et a reconnu les devoir, ayant même commencé à procéder à leur paiement’;

– elle reste redevable envers elle de la somme de 19’218,30 euros comme jugé à bon droit par le tribunal de commerce’;

– en reconnaissant sa dette, Mme [N] a renoncé à se prévaloir de la nullité des contrats’;

– si la cour confirmait la nullité des contrats, elle devrait toutefois condamner Mme [N] à lui payer la somme de 9 073,20 euros dans la mesure où elle a en effet payé la somme de 15’479,30 euros à ses salariés et où Mme [N] a réglé deux fois la somme de 3’203,05 euros au titre de l’échéancier amiable’;

– au titre des sommes antérieures sollicitées par Mme [N], la société Work 2000 Distribution justifie qu’elle a versé à salariés par la production aux débats des bulletins de salaire la somme de 53’347,02 euros’;

– dans tous les cas, Mme [N] n’est pas recevable à solliciter la restitution de ces sommes au titre de la répétition de l’indu s’agissant du paiement d’une obligation naturelle.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2022.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur la demande principale de la société Work 2000 Distribution à l’encontre de Mme [N] :

Selon l’article L.1251-42 du code du travail, lorsqu’une entreprise de travail temporaire met un salarié à la disposition d’une entreprise utilisatrice, ces entreprises concluent par écrit un contrat de mise à disposition, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition.

En application de ces dispositions, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la formalité d’un contrat écrit étant destinée à garantir le respect des diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d »uvre est interdite, l’omission de cette prescription d’ordre public entraîne la nullité absolue du contrat.

En conséquence, en cas de nullité du contrat de mise à disposition, l’entreprise de travail temporaire est en droit d’obtenir de l’entreprise utilisatrice la valeur de ses prestations et les avantages que cette dernière en a retirés.

En l’espèce, il convient de constater, à la suite des premiers juges, que la société Work 2000 Distribution n’ayant pas signé de contrat avec Mme [N], les contrats de travail des salariés intérimaires sont nuls, mais que la société Work 2000 Distribution est en droit d’obtenir la valeur de ses prestations et les avantages que Mme [N] en a retirés.

À l’appui de sa demande, la société Work 2000 Distribution produit aux débats les cinq factures litigieuses émises entre le 30 septembre 2014 et le 31 janvier 2015, pour un montant total de 28’902,97 euros.

Il résulte ensuite des décomptes de la société d’intérim, qu’à la suite du paiement de deux échéances les 15 mai et 15 juin 2015, Mme [N] restait redevable d’une somme de 9 073,20 euros au titre des salaires effectivement payés aux salariés intérimaires, étant par ailleurs constaté que la société Work 2000 Distribution produit aux débats tous les bulletins de salaires justifiant sa demande.

En outre, la société Work 2000 Distribution justifie à l’appui de ses factures de la validation par Mme [N] du nombre d’heures effectuées par chacun des salariés mis à sa disposition.

De surcroît, contrairement à ce que soutient la société Work 2000 Distribution, d’une part l’acceptation initiale par Mme [N] des sommes réclamées par elle ne saurait l’empêcher d’en contester judiciairement le bien-fondé et le montant, ainsi que de solliciter la nullité des contrats de travail, et d’autre part les paiements effectués par Mme [N] ne sauraient pouvoir être qualifiés d’obligation naturelle ne pouvant donner lieu à répétition.

En conséquence, Mme [N] devra être condamnée à payer à la société Work 2000 Distribution la somme de 9 073,20 euros.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [N] à l’encontre de la société Work 2000 Distribution :

La société Work 2000 Distribution avait mis auparavant à disposition de Mme [N] des salariés intérimaires (du mois de novembre 2013 au mois d’août 2014), sans que des contrats ne soient signés entre la société d’intérim et Mme [N], de sorte que la nullité des contrats des salariés intérimaires pour cette période doit également être constatée.

Or, il résulte des pièces versées au dossier et des débats, et notamment du tableau de synthèse établi et produit par la société Work 2000 Distribution, que cette dernière a versé à ses salariés intérimaires la somme de 53’347,02 euros, et que Mme [N] lui a réglé une somme de 62’747,41 euros à ce titre pour la période considérée.

La société Work 2000 Distribution devra en conséquence restituer à Mme [N] la somme de 9 400,39 euros.

Dès lors, par l’effet de la compensation entre les deux sommes, la société Work 2000 Distribution sera condamnée à payer à Mme [N] la somme de 327,19 euros.

Le jugement sera réformé.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

Aucune des parties n’obtenant entièrement gain de cause, chacune conservera à sa charge ses propres dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne commande pas de condamner quiconque sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Work 2000 Distribution à payer à [K] [Z] épouse [N] la somme de 327,19 euros,

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens de première instance et d’appel,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel.

le greffier, le président,

 


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