Nullité de contrat : 28 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/00492

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Nullité de contrat : 28 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/00492

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/00492 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EIY7

Jugement du 26 Décembre 2017

Tribunal de Grande Instance d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 17/00092

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

APPELANTS :

Monsieur [D] [I]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [N] [W] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me José MORTREAU, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180122

INTIMEE :

SA CREDIT LOGEMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, substitué par Me Xavier BLANCHARD, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 160528

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 19 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 28 février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Selon offre réceptionnée le 29 avril 2008 et acceptée le 10 mai 2008, la Banque HSBC France a consenti à Mme [N] [W] épouse [I] et à M. [D] [I] un crédit d’un montant de 150 000 euros au taux d’intérêt annuel de 4,75%, au taux effectif global de 5,3328%, remboursable en 196 échéances d’un montant de 1 144,55 euros, afin de financer l’acquisition d’une résidence secondaire à de [Localité 8].

Par acte sous seing privé du 11 avril 2008, la société Crédit Logement a déclaré se porter caution en faveur de l’établissement prêteur, la société HSBC France, pour le remboursement du prêt de150 000 euros souscrit par M. [D] [I] et par Mme [N] [I], moyennant une participation financière par ces derniers de 1 700 euros.

Selon quittance du 15 janvier 2016, la société le Crédit logement a réglé à la banque HSBC France, en sa qualité de caution, la somme de 13 734,60 euros correspondant aux échéances impayées pour l’année 2015.

Suivant lettres recommandées du 27 mai 2016 adressées à M. [D] [I] et à Mme [N] [I] avec demandes d’avis de réception portant chacune la mention «pli avisé et non réclamé», la banque HSBC France a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure les époux [I] de lui régler la somme de 98 853,20 euros.

Selon quittance du 28 juillet 2016, la société le Crédit logement a réglé la somme de 98 853,20 euros à la banque HSBC France en sa qualité de caution de M. et Mme [I].

Par acte d’huissier du 5 janvier 2017, la société le Crédit logement a fait assigner les époux [I] devant le tribunal de grande instance d’Angers, aux fins de les voir condamner solidairement sur le fondement des articles 1134, 1251-3, 1902, 2029 et 2305 du code civil, à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la somme de 112 976,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016 qui se capitaliseront dans les conditions de l’article 1154 du code civile, outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [I] lui ont opposé la nullité de l’acte de prêt et du cautionnement accessoire et à titre subsidiaire la déchéance du droit aux intérêts.

Par jugement du 26 décembre 2017, le tribunal de grande instance d’Angers a :

– condamné solidairement M. et Mme [I] à verser au Crédit logement la somme de 112 976,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année,

– condamné M. et Mme [I] solidairement au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté les demandes de M. et Mme [I] et le surplus des demandes du Crédit logement,

– condamné M. et Mme [I] solidairement aux dépens.

Par déclaration du 13 mars 2018, Mme [N] [W] épouse [I] et M. [D] [I] ont interjeté appel de l’ensemble des dispositions du jugement, intimant la société Cédit Logement.

M. et Mme [I] et la société le Crédit logement ont conclu.

Une ordonnance du 12 septembre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 17 juin 2022 pour Mme [N] [I] et M. [D] [I],

– le 2 septembre 2022 pour la société le Crédit logement,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :

M. et Mme [I] demandent à la Cour de :

– les recevoir en leur appel, ainsi qu’en leurs demandes, fins et conclusions, déclarés fondés,

– infirmer le jugement entrepris,

– constater que le déblocage des fonds est intervenu avant l’expiration du délai d’acceptation, en violation des dispositions des articles L 312-10 et L 312-11 du code de la consommation,

– prononcer la nullité du prêt litigieux et la nullité subséquente du contrat de cautionnement qui en est l’accessoire,

– dire et juger qu’ils ne seront tenus qu’au seul remboursement du capital restant dû

Subsidiairement,

– prononcer la déchéance du droit aux intérêts et dire qu’ils ne sont tenus qu’au remboursement du seul capital après imputation de l’intégralité des sommes versées,

– enjoindre au Crédit logement de produire au débat un décompte du prêt expurgé des intérêts, frais et accessoires, l’intégralité des sommes perçues s’imputant sur le seul capital de 182 400 euros,

En toute hypothèse,

– condamner la société Crédit logement à leur payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

– leur accorder de larges délais de paiement,

– débouter la société Crédit logement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,

– condamner la société Crédit logement à leur verser la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes prétentions contraires comme non recevables, en tout cas non fondées,

– condamner la société Crédit logement aux dépens de première instance et d’appel.

La société le Crédit logement demande à la Cour de :

– dire et juger M. et Mme [I] mal fondés en leur appel et leurs demandes,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Angers le 26 décembre 2017 en ce qu’il a condamné solidairement M. et Mme [I] à lui verser la somme de 112 976,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016,

– condamner solidairement M. et Mme [I] à verser au Crédit logement la somme de 112 976,86 euros au titre du prêt de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016 et jusqu’à parfait paiement,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamner solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. et Mme [I] aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la demande des époux [I] tendant à voir prononcer la nullité du contrat de prêt conclu avec la société HSBC France et la nullité subséquente du contrat de cautionnement de la société Crédit Logement et la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts du prêt

M. et Mme [I] font valoir que l’offre de crédit d’un montant de 150 000 euros émise le 28 avril 2008 a été reçue par eux le 29 avril et acceptée le 10 mai 2008 mais que les fonds ont été débloqués par la banque HSBC France le 7 mai 2008 entre les mains du notaire, soit avant l’expiration du délai de réflexion de 10 jours entre la date de réception de l’offre de prêt et son acceptation, en violation des dispositions des articles L 312-10 et L 312-11 du code de la consommation.

Ils prétendent que le déblocage des fonds prêtés intervenu avant l’expiration du délai de rétractation et l’acceptation des emprunteurs de l’offre de crédit et donc avant la conclusion définitive du contrat de prêt, est sanctionné par la nullité du contrat de crédit.

Ils soutiennent en outre que la nullité du contrat de contrat de crédit emporte celle du cautionnement qui en est l’accessoire.

Ils concluent qu’ils ne peuvent être tenus qu’à la seule restitution du capital.

Si la nullité n’était pas prononcée, ils estiment qu’ils sont fondés à solliciter, à titre de sanction de la violation par la banque de ses obligations légales, la déchéance du droit aux intérêts.

Ils reprochent au tribunal d’avoir retenu qu’ils ne pouvaient pas opposer à la société Crédit Logement, caution, les éventuels manquements du prêteur aux dispositions du code de la consommation pour faire échec à son action personnelle contre les débiteurs principaux.

Ils font valoir que le raisonnement de la société Crédit Logement selon lequel en agissant contre eux elle a fait usage d’un droit propre ne dérivant pas du contrat de prêt auquel elle est étrangère, de sorte qu’elle ne pourrait se voir opposer par eux les exceptions qu’ils auraient pu faire valoir à l’encontre de la banque, se heurte aux dispositions de l’article L 314-19 du code de la consommation qui interdisent les garanties autonomes en matière de prêts immobiliers.

Ils relèvent en outre que la société Crédit Logement justifie des sommes acquittées en exécution de son engagement de caution par la production de deux quittances subrogatives et concluent que la caution, qui a agi en paiement contre le débiteur principal sur le fondement de quittances subrogatives, a nécessairement exercé un recours subrogatoire, de sorte qu’elle peut se voir opposer par les débiteurs principaux les fautes commises par la banque.

Ils soutiennent également que quand bien même la société Crédit Logement agirait au titre de son recours personnel et non de son recours subrogatoire, elle ne pourrait se prévaloir à leur encontre d’un engagement de caution nul et de nul effet comme n’ayant pu être valablement consenti en garantie du remboursement d’un prêt nul et de nul effet.

Ils concluent que la société Crédit Logement qui s’est acquittée des sommes réclamées, en exécution d’un contrat nul, bénéficie d’une créance de restitution à l’égard de la banque HSBC mais ne peut les poursuivre en paiement des sommes irrégulièrement versées par le prêteur.

Ils soutiennent encore que le moyen tiré de la violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation, relatives au délai de réflexion de dix jours pendant lequel le déblocage des fonds empruntés est prohibé, constitue une exception inhérente à la dette dont l’emprunteur qui y a intérêt peut se prévaloir, y compris à l’égard de la caution professionnelle qui exerce son recours, que ce soit un recours personnel ou un recours subrogatoire.

La société le Crédit logement soutient que la demande en nullité du contrat de prêt et de nullité subséquente du cautionnement est irrecevable comme étant prescrite, en faisant valoir que le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter de l’acceptation de l’offre, soit le 10 mai 2008, et que les époux [I] ne sauraient se prévaloir de ce que l’exception de nullité est perpétuelle dès lors que le contrat de prêt litigieux a reçu exécution, au moins partiellement, puisque les emprunteurs ont en remboursé les échéance pendant sept années.

Elle fait valoir par ailleurs qu’elle exerce son recours personnel et son recours subrogatoire contre les époux [I], en rappelant que la caution est libre d’agir par une même demande en justice sur le fondement du recours personnel et du recours subrogatoire et que la délivrance d’une quittance subrogative n’est pas de nature à elle seule à conférer un caractère subrogatoire au recours exercé par la caution contre le débiteur principal.

Elle soutient que dès lors qu’elle exerce le recours personnel prévu par l’article 2305 du code civil en justifiant des paiements effectués, les débiteurs principaux ne peuvent lui opposer les prétendus manquements de la banque aux dispositions du code de la consommation relatives au délai de réflexion accordé à l’emprunteur, en faisant valoir que seule la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette par application de l’article 2313 du code civil dans sa version applicable au litige antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Elle prétend ainsi que l’exercice du recours personnel de la caution, qui a payé la dette au créancier originaire, fait obstacle à ce que l’emprunteur lui oppose les exceptions qui auraient pu être opposées au prêteur, tirées du contrat de crédit et notamment les éventuels manquements commis par celui-ci.

Elle ajoute qu’à supposer que le moyen tiré d’une prétendue violation des dispositions du code de la consommation relatives au délai de réflexion puisse être accueilli, elle ne saurait être déchue de son droit de recourir contre les débiteurs dans la mesure où les époux [I] ont été régulièrement avertis que le contrat de cautionnement allait être exécuté et ne l’ont pas informée de ce qu’ils entendaient se prévaloir de la nullité de ce contrat avant qu’elle procède aux règlements.

Elle conclut que les époux [I] devront être déboutés de leurs demandes de nullité ou de déchéance du droits aux intérêts.

Sur ce :

À titre liminaire, il convient de relever que la société Crédit Logement, qui consacre dans ses conclusions des développements à la prétendue irrecevabilité de la demande de nullité du contrat de prêt formée par les époux [I] qui serait atteinte de prescription, n’a toutefois pas repris dans le dispositif de ses conclusions sa demande tendant à voir déclarer irrecevable leur demande comme étant préscrite.

La cour qui ne statue, en application de l’article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif n’est donc pas saisie d’une demande tendant à voir statuer sur la prescription de la demande d’annulation du contrat de prêt à laquelle elle n’a pas à répondre.

Il sera également observé qu’aux termes de leurs conclusions, la nullité du cautionnement consenti par la société Crédit Logement est sollicitée uniquement par les époux [I] comme conséquence qui serait attachée de plein droit à la nullité du contrat de prêt dont il serait l’accessoire.

Si dans leurs développements les époux [I] reprochent l’absence d’information lors de l’émission de l’offre préalable de crédit sur les conditions d’intervention de la société Crédit Logement en qualité de caution garantissant le remboursement du prêt, en précisant que seul le règlement général du fonds mutuel de garantie leur a été remis et le non respect des dispositions de l’article L 312-8 alinéa 4 du code de la consommation concernant l’énonciation dans l’offre de prêt des sûretés personnelles exigées, ils n’en tirent aucune conséquence juridique quant à la régularité du cautionnement à propos de laquelle ils indiquent seulement ‘qu’il est légitimement permis de s’interroger’, sans solliciter sa nullité à raison de cette prétendue irrégularité.

Il y a lieu également de rappeler que si, conformément à l’article 2289 du code civil dans sa version applicable au litige, antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, en cas d’annulation du contrat de prêt, tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de la convention annulée, l’obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeurant valable, le cautionnement en considération duquel le prêt a été consenti subsiste tant que cette obligation n’est pas éteinte.

Le cautionnement conserve ainsi ses effets pour garantir les restitutions consécutives à l’annulation du contrat de crédit et la caution demeure tenue par son engagement.

L’article L.314-19 du code de la consommation invoqué par les époux [I] dans leurs conclusions relatif à l’interdiction de la souscription d’une garantie autonome à l’occasion d’une opération de crédit immobilier, qui en réalité était codifié à la date à laquelle le prêt immobilier a été consenti aux époux [I] à l’article L 313-10-1, est étranger au présent litige, dans la mesure où la qualification de cautionnement de l’engagement du Crédit Logement, n’est pas remise en cause par les parties.

La société Crédit Logement justifie par la production de deux quittances avoir réglé le 15 janvier 2016 la somme de 13 734,60 euros à la société HSBC France et le 28 juillet 2016 la somme de 98 853,20 euros à la même, en exécution de son engagement de caution garantissant le remboursement du prêt consenti le 10 mai 2008 par la société HSBC France aux époux [I].

L’article 2305 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable au litige, dispose que la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais.

L’article 2306 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable au litige, prévoit que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.

La caution qui a exécuté son obligation en payant le créancier peut ainsi se retourner contre le débiteur principal sur le fondement des articles 2305 et 2306 du code civil sus cités qui lui ouvrent à cet effet deux types de recours : un recours personnel prévu par le premier de ces textes, un recours subrogatoire prévu par le second.

Lorsque les conditions sont réunies, la caution a le libre choix entre ces deux recours et rien ne lui interdit de les exercer successivement ou simultanément en cumulant les deux actions au soutien d’une seule et même demande en paiement.

En l’espèce, la société Crédit Logement, tant en première instance, tel que cela ressort du jugement critiqué, qu’en appel, a expressément précisé que dans le cadre de l’action dirigée à l’encontre des époux [I], elle entendait exercer son recours personnel sur le fondement de l’article 2305 du code civil concomitamment à son recours subrogatoire, tel que cela lui est permis, étant précisé que le fait qu’elle produise deux quittances subrogatives pour établir la réalité du paiement au créancier est sans incidence sur le choix exprimé par la caution et ne remet pas en question de la possibilité pour elle d’exercer son recours personnel contre les débiteurs principaux.

L’article 2308 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable au litige, dispose que «lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier.»

Il en résulte que dans le cadre de son recours personnel exercé contre le débiteur principal sur le fondement de l’article 2305 du code civil, la caution qui a payé le créancier dans les limites de son engagement ne peut se voir opposer par le débiteur principal, pour faire obstacle à ce recours, des moyens de défense dont il pouvait se prévaloir envers le prêteur que s’ils constituent des causes d’extinction de ses obligations, de sorte que la caution aurait payé une dette éteinte.

En l’espèce, les époux [I] soutiennent qu’au moment du paiement effectué par le Crédit Logement en sa qualité de caution, ils disposaient d’un moyen d’ordre public de nullité du contrat de prêt permettant d’invalider partiellement leur obligation principale de remboursement puisque conduisant à ce qu’ils ne soient tenus de ne restituer que le capital versé, déduction faite des sommes déjà payées, et en déduisent que leur obligation à l’égard de la caution se trouve nécessairement limitée dans cette proportion.

Cependant, pour que la sanction spécifique de la perte de son recours prévue par l’article 2308 alinéa 2 du code civil soit encourue par la caution qui aurait payé le prêteur alors que la dette de l’emprunteur était éteinte, encore faut-il que les deux autres conditions de cet article soient remplies, à savoir que la caution ait payé sans avoir été poursuivie par le créancier et sans avoir averti le débiteur de ce que poursuivie par le créancier, elle s’apprêtait à le payer.

Autrement dit, la caution peut exercer son recours personnel contre les débiteurs principaux après avoir payé le créancier lorsqu’elle les a avertis préalablement qu’elle s’apprêtait à payer le créancier en leur lieu et place et qu’ils n’ont pas pris la peine de l’informer qu’ils disposaient d’un moyen pour faire déclarer leur dette éteinte.

En l’espèce il convient de constater que si les époux [I] prétendent qu’ils disposaient d’un moyen pour faire invalider partiellement leur créance à l’égard de la banque HSBC, ils sont totalement taisant sur l’existence des deux autres conditions prévues à l’article 2308 du code civil ; en particulier ils ne soutiennent pas que la société Crédit Logement ne les auraient pas informés qu’elle allait devoir régler la banque HSBC en leur lieu et place, tandis que la société Crédit Logement affirme les avoir régulièrement avisés par l’envoi de plusieurs lettres qu’elle s’apprêtait à payer le créancier et n’avoir reçu pour aucun des paiements qu’elle a effectués l’information par les débiteurs qu’ils entendaient se prévaloir de la nullité du contrat de prêt pour violation de dispositions d’ordre public du code de la consommation.

Concernant le règlement de la somme de 13 734,60 euros à la société HSBC suivant quittance du 15 janvier 2016, la société Crédit Logement verse aux débats des lettres datées du 8 juillet 2015 adressées à M. [I] et à Mme [I], aux termes desquelles elle les informe avoir appris qu’ils avaient cessé de payer les échéances de leur prêt de 150 000 euros et leur demande de régulariser la situation, des lettres datées du 20 janvier 2016 aux termes desquelles elle les informe que la banque lui a demandé de payer en leurs lieu et place la somme de 13 775 euros en raison de leur défaillance dans le paiement du crédit et leur demande de lui retourner un questionnaire en vue d’analyser leur situation en vue de trouver une solution amiable pour le remboursement, ainsi que des lettres de relances datées des 26 et 28 janvier 2016, en affirmant qu’elles n’ont donné lieu à aucune réaction des emprunteurs, ce qui n’est pas contesté par les époux [I] qui ne soutiennent pas ne pas avoir reçu ces lettres et ne produisent pas de réponse.

Concernant le règlement de la somme de 98 853,20 euros à la société HSBC suivant quittance du 28 juillet 2016, le Crédit Logement verse aux débats des lettres datées du 10 mai 2016 adressées à M. [I] et à Mme [I], dont la réception par ceux-ci n’est pas contestée, aux termes desquelles elle leur indique avoir été informée de leur défaillance dans le remboursement du prêt et les informe que le prêteur se trouve en droit de prononcer l’exigibilité anticipée de leur prêt et qu’elle pourrait être amenée à payer en leurs lieu et place et à engager ensuite des poursuites à leur encontre, ainsi que des lettres datées du 30 juin 2016 adressées en recommandé avec demandes d’avis de réception, aux termes desquelles elle les informe qu’en l’absence de régularisation de leur situation elle est amenée à rembourser en leurs lieu et place l’intégralité du solde de la créance du prêteur et les met en demeure de régler la somme de 112 858,31 euros dans le délai de huit jours à défaut de quoi elle engagera des poursuites à leur encontre, qui ont été retournées le 25 juin 2016 comme n’ayant pas été réclamées par leurs destinataires.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le moyen tiré de la prétendue violation par la banque HSBC des dispositions d’ordre public du code de la consommation relatives au délai de réflexion de dix jours accordé aux emprunteurs pendant lequel aucun versement au titre de l’opération en cause ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ne peut pas être opposé par les époux [I] à la société Crédit Logement pour faire échec à son recours personnel à leur encontre.

Au final, le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de prêt souscrit par les époux [I] auprès de la société HSBC ainsi que celle du cautionnement de la société Crédit Logement et les demandes subséquentes tendant à voir dire que les époux [I] ne seront tenus qu’au remboursement du seul capital restant dû après imputation des sommes versées et à voir enjoindre à la société Crédit Logement de produire un décompte de sa créance expurgé des intérêts, frais et accessoires.

Il convient également de le confirmer en ce qu’il a débouté les époux [I] de leur demande tendant à voir appliquer à la caution la déchéance du droit aux intérêts, dès lors que, pour les mêmes motifs, les époux [I] ne peuvent opposer à la caution qui exerce son recours personnel la déchéance du droit aux intérêts du prêt à titre de sanction de la prétendue violation par la banque HSBC des dispositions d’ordre public du code de la consommation relatives au délai de réflexion de dix jours accordé aux emprunteurs.

– Sur la demande en paiement de la société Crédit Logement

Dès lors que les époux [I] ne contestent pas le montant des sommes réclamées par la société le Crédit logement, qui les justifie par la production d’un décompte détaillé établissant la créance à 112 976,86 euros au 25 octobre 2016 correspondant aux montants acquittés par la caution, augmentés des intérêts, les condamnations mises à la charge des cautions par le tribunal de grande instance d’Angers seront confirmées.

– Sur l’action en responsabilité formée par les époux [I] à l’encontre de la société Crédit Logement

M. et Mme [I] soutiennent qu’en débloquant les fonds avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article L 312-10 du code de la consommation, la banque a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle.

Ils reprochent également à la banque HSBC France d’avoir manqué à son devoir d’information en s’abstenant de les mettre en garde sur le fait que la signature de l’acte ne pouvait intervenir avant l’expiration du délai légal d’acceptation de l’offre de crédit.

Ils font valoir que les fonds prêtés ayant été débloqués par la banque le 7 mai 2008, ils n’ont eu d’autres choix que d’accepter l’offre de prêt une fois le délai légal de réflexion expiré.

Ils concluent qu’ils sont fondés à solliciter la condamnation de la société le Crédit logement subrogée dans les droits et obligations de la banque, à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.

La société Crédit Logement s’oppose à la demande en rappelant qu’elle agit dans le cadre de son recours personnel, de sorte que les époux [I] ne peuvent lui opposer, pour voir engager sa propre responsabilité à leur égard, les prétendument manquements commis à l’origine par le prêteur.

Sur ce :

Il convient de constater que les époux [I] fondent leur demande en responsabilité de la société Crédit Logement uniquement sur les fautes prétendument commises par la banque HSBC, à savoir le déblocage prématuré des fonds prêtés et le défaut de mise en garde sur le fait que la signature de l’acte de vente ne pouvait intervenir avant l’expiration du délai légal d’acceptation de l’offre de crédit .

Cependant, la caution exerçant le recours personnel prévu par l’article 2305 du code civil, les époux [I] ne peuvent lui opposer les fautes qu’ils imputent au seul prêteur.

En outre, les époux [I] ne soutiennent ni n’établissent que la société Crédit Logement aurait commis une faute personnelle en s’acquittant de la somme globale de 112 587,80 euros auprès de la société HSBC en connaissance de cause de ce que les débiteurs principaux disposaient d’un moyen d’ordre public de nullité du contrat de prêt permettant d’invalider partiellement leur obligation principale de remboursement, étant précisé qu’ils ne prétendent pas avoir informé la caution de l’existence de ce moyen avant leurs conclusions de première instance.

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les époux [I] de leur demande de dommages intérêts.

– Sur la demande de délais de paiement

Les époux [I] sollicitent l’octroi de ‘larges délais de paiement’, en soutenant se trouver dans une situation extrêmement précaire.

La société le Crédit logement conclut à l’irrecevabilité de cette demande soutenue pour la première fois en cause d’appel, par application de l’article 564 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle s’oppose à la demande en faisant observer qu’elle est intervenue à de nombreuses reprises auprès d’eux avant la délivrance de l’assignation en paiement, en vain, afin de solliciter des renseignements sur leur situation et de trouver avec eux des solutions pour un règlement amiable de leur dette et en soutenant que les époux [I] n’établissent pas au vu des seules pièces versées aux débats.

Elle précise que l’immeuble financé par le prêt HSBC a été vendu en 2013 sans qu’elle ait, même partiellement, été désintéressée de sa dette à l’égard des époux [I].

Sur ce :

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Cependant, les mesures de grâce pouvant être sollicitées en tout état de cause, la demande est recevable.

En application de l’article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, au soutien de leur demande présentée dans leurs dernières conclusions du 17 juin 2022, les époux [I], qui ne produisent que le seul avis d’imposition 2017 sur leurs revenus de l’année 2016 faisant état de l’absence de revenus, ne justifient pas de leur situation personnelle et financière actualisée.

Par ailleurs il convient de relever que depuis l’assignation en paiement du 5 janvier 2017, valant mise en demeure, ils n’ont effectué aucun règlement.

Ils ont ainsi déjà bénéficié de fait de très larges délais pour apurer leur dette.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient débouter M. et Mme [I] de leur demande de délais de paiement .

– Sur les dépens et frais irrépétibles

Il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, les époux [I] seront en outre déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel et seront condamnés aux dépens d’appel.

Partie perdante, les époux [I] seront en outre condamnés solidairement à payer à la société Crédit Logement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Angers le 26 décembre 2017,

Y ajoutant,

– DECLARE RECEVABLE la demande de délais de paiement formée par M. et Mme [I] ;

– DEBOUTE M. [D] [I] et Mme [N] [W] épouse [I] de leur demande de délais de paiement ;

– CONDAMNE in solidum Mme [N] [I] et M. [D] [I] aux dépens d’appel ;

– CONDAMNE Mme [N] [I] et M. [D] [I] solidairement à payer à la société Crédit Logement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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